Cette semaine, nous nous penchons sur le nouveau casque venu de Slovénie, le S5X d'Ollo Audio, marque dont les produits nous avaient plutôt intéressés. Ce nouveau modèle représentera-t-il un bon en qualité ? Qu'est-ce qui reste ? Qu'est-ce qui change ? Il va falloir le tester pour en savoir plus...
Il y a deux ans, nous testions les deux premiers casques de la marque Ollo Audio, les modèles S4R et S4X. À l’époque nous avions mis en avant certains points particuliers que nous espérons retrouver dans ce casque : construction solide avec des matériaux de qualité, approche artisanale du produit, pièces détachées disponibles, et dans l’ensemble une qualité sonore assez remarquable aussi bien à la mesure (de THD) qu’à l’écoute. Nous concluions l’article en recommandant de suivre de près cette marque. Dont acte : voici maintenant, dans notre banc d’essai, le petit nouveau de la marque slovène, le S5X. Autant dire que nous espérons retrouver ces différents éléments sur ce casque mais que, pour un prix supérieur, nous espérons aussi noter quelques amélioration ou point particulier qui nous séduirait encore un peu plus.
Le S5X s’affiche comme spécialement conçu pour le mixage immersif. Cela ne veut pas dire que le casque contient des éléments actifs qui contribueraient à l’écoute binaurale. Il faut seulement comprendre par là que le casque, entièrement passif, a été conçu pour offrir le meilleur rendu pour un mixage immersif (Dolby Atmos, 360 Reality Audio…) : pour cela, l’équipe de développement Ollo Audio s’est rendue au Synchron Stage à Vienne afin de capturer la réponse en fréquence de leur « Control Room B » qui est certifiée Dolby Atmos — capture effectuée grâce au G.R.A.S. Kemar — et adapter ainsi la réponse en fréquence du casque.
Pour autant, il reste parfaitement acceptable d’utiliser ce casque dans des conditions classiques d’écoute et, d’ailleurs, la courbe de réponse individuelle qui est fournie avec chaque casque a été réalisée sans compensation spécifiquement dédiée au mixage immersif (N.B. : à l’inverse des mesures générales publiées sur le site d’Ollo Audio qui, elles, sont compensées par une courbe spéciale créée par Ollo Audio).
Le test que vous allez lire a donc été réalisé selon notre protocole habituel, et ne concernera en aucun cas l’utilisation du casque en écoute immersive (nous n’avons de toute façon pas accès aux moyens nécessaires pour tester cet aspect du produit…).
Après ces quelques précisions, c’est parti pour le déballage !
Déballage
Nous l’avions noté dans notre article précédent, la marque Ollo Audio est très douée en marketing, design de produit, branding, etc. Attention, cela ne constitue pas une critique (il est bien nécessaire pour une marque de se différencier) et Ollo Audio réalise des casques assez spécifiques dès le premier abord pour ne pas avoir à chercher d’argument farfelu pour sortir du lot.
On s’attendait donc à une présentation qualitative du produit, et l’on n’est pas trop déçu (bien qu’un peu amusé par l’insistance sur les slogans vertueux, voir la boîte ci-contre) : dans une boîte en carton brut, dotée d’une poignée plastique sur un côté qui permet de l’utiliser comme case de transport (ce qui n’empêche pas Ollo Audio d’avoir aussi ajouté une pochette de protection), le casque conserve l’habituel style « bois et métal » qui fait la signature de la marque.
Comme d’habitude, le constructeur met en avant l’aspect « fait-main » de ses casques : pas besoin de revenir longuement là-dessus, chaque casque est entièrement assemblé à la main, et passe ensuite par un banc de mesure qui sert de contrôle qualité. Un rapport de mesure (de réponse en fréquence) est fourni dans une enveloppe noire avec chaque casque, daté et signé, et portant mention du standard IEC utilisé. Depuis le site internet du constructeur, vous pouvez également entrer le numéro de série de votre casque pour recevoir une copie numérique de ce rapport de mesure.
Quelques différences apparaissent entre le S5X et les casques de la série S4 :
- Bien sûr la grille arrière n’est pas similaire à celle du S4X (autre casque dynamique, ouvert et circumaural).
- On remarque également sur les photos un évent situé au-dessus du haut-parleur, près du départ de l’arceau
- le haut-parleur n’est clairement pas situé exactement au milieu de l’écouteur, et il est placé selon en angle par rapport à l’oreille. Cela a pour conséquence que, contrairement aux casques S4, ici le positionnement sur la tête des écouteurs droite-gauche n’est pas interchangeable (en effet les casques S4 utilisent eux aussi un câble en Y qui permet de poser le casque sur les oreilles dans n’importe quel sens, à partir du moment où on vient bien insérer les branches gauche et droite du câble sur la bonne oreille).
- L’écouteur est également légèrement plus grand (ouverture interne de 5 mm de diamètre en plus par rapport au S4X) et le transducteur utilisé a une impédance supérieure (50 ohms) pour un diamètre similaire (50 mm)
- Le casque pèse plus lourd : 414 g qui se font un peu ressentir lors de l’écoute. Mais de toute façon les casques Ollo Audio ne sont pas des poids plumes.
D’autres différences, qui ont plus à voir avec la prise en main et l’aspect mécanique du casque :
- L’axe permettant une rotation de chaque écouteur à 360 degrés permet maintenant son réglage vertical (sur les S4, le réglage s’effectue grâce à un bandeau adaptatif).
- Les mousses ont également changé de forme, et elles présentent désormais des perforations — dont le constructeur promet qu’elles ont un impact acoustique et sont censées permettre une meilleure aération de l’oreille (pour lutter contre les excès de transpiration).
- Pour finir, la connexion du câble en Y, au niveau des écouteurs, se fait par un système de blocage à boule, qui nous a semblé (selon nos souvenirs) être en effet un peu plus solide que le système utilisé précédemment, tout en permettant l’arrachage du câble en cas de choc.
Le câble en Y (terminé par un jack 3,5 mm + son adaptateur vissable 6,35 mm) a lui aussi été révisé, et amélioré d’après nous, avec des branches droite et gauche portant le code couleur habituel (rouge et noir) pour permettre un branchement plus intuitif. Si l’on en croit les photos sur le site du constructeur, ce câble est désormais aussi vendu avec les casques S4. Lors du test précédent, nous avions trouvé que le câble portait des marquages droite-gauche trop discrets, et nous avait donc paru un peu laborieux à utiliser (nous sommes nombreux à être habitués à la norme écouteur câblé = écouteurs gauche) : sur ce point, nous sommes donc satisfaits.
En revanche, et pour terminer cette description, nous remarquons avec déception que le point sur lequel nous avions été les plus critiques précédemment est toujours présent : l’arceau métallique du S5X, une fois mis en tension sur la tête de l’utilisateur, résonne comme une cloche au moindre contact et le son se propage immédiatement dans les écouteurs. Là aussi, il faut rester raisonnable : l’utilisation en studio ne cause pas généralement des chocs sur le casque, mais comme nous l’avions déjà noté, la conception d’un produit en audio comprend généralement la recherche et l’élimination de tous les parasites sonores. Nous ne doutons pas que peu d’utilisateurs seront, au quotidien, gênés par ce problème. Il nous semble toutefois assez notable pour que nous le soulignions.
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion harmonique totale (THD), réalisées dans notre atelier.
Deux remarques immédiatement évidentes : c’est bien plus linéaire que ce à quoi la marque nous avait habitués… et un sacré creux à 7 kHz ! Fréquence à laquelle, par ailleurs, on retrouve ci-dessous un pic de THD, et qui correspond probablement à un pic d’impédance du transducteur (mais attention, d’autres éléments, acoustiques par exemple, peuvent également être en cause). Pour ce qui est de la linéarité, même le profil plus heurté au-dessus de 7 kHz reste relativement droit, et à peine plus élevé que la moyenne obtenue entre 20 Hz et 3 kHz. On est donc sur un profil de casque nettement différent de ce que les S4 nous avaient proposé pour l’instant. À noter : les résultats sont très similaires à ceux fournis par le constructeur pour ce casque, mis à part le creux à 7 kHz, qui est plus accusé dans notre mesure.
N.B. Nous rappelons qu’une courbe de réponse linéaire ne veut rien dire en soi : pour certains usages, ou selon les préférences de chacun, une courbe accentuée peut être « meilleure ». Aucun transducteur n’est parfaitement transparent de toute façon.
Comme pour les S4, la THD est basse, voire très basse : en dessous de 0,5 % sur la plupart du spectre pour la 2de harmonique, et même égale à 0,2 % entre 300 Hz et 5 kHz. La 3e harmonique est en dessous de 0,2 % sur une large partie du spectre. À part dans le grave, ces résultats sont similaires à ceux obtenus sur les casques S4 (attention toutefois, ces résultats avaient été obtenus avec une autre méthode de test).
Écoute
Richard Hawley — Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. La première chose frappante : la contrebasse est présentée avec un grand réalisme, elle est claire et détachée du reste du mix. C’est un point « difficile » de ce morceau, et le S5X s’en sort très bien. Une voix bien timbrée, une guitare aux attaques précises sans être trop claquantes : l’ensemble nous paraît très équilibré, et ce sera le mot-clef de ces écoutes.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Le casque descend bien grave, même si les notes les plus « sub » sont un peu dégraissées (mais pas complètement atténuées, comme c’est parfois le cas). La voix et la batterie sont rendues avec un grand réalisme, même si une légère égalisation pour rattraper le creux à 7 kHz permet de récupérer un peu de précision sur les articulations de la voix. L’image stéréo est excellente, chose à laquelle Ollo nous avait habitués.
Massive Attack — Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Là aussi, l’extrême grave n’est pas entièrement masqué, même si un peu en retrait. Cependant, le profil plutôt linéaire du casque permet à la basse, jamais surgonflée, de ne pas noyer les détails et les nuances, nombreuses, qui ponctuent tout le morceau. Pas de problème sur les « S » du deuxième couplet, un problème qui apparaît souvent avec des casques aux aigus suraccentués : on ne ressent aucune fatigue auditive. En revanche, le casque commence à être un peu lourd.
Charlie Mingus — Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. L’écoute est remarquable : ici aussi, l’équilibre des timbres ne crée pas d’effet brouillon, et retranscrit bien l’effet « de corps », « d’ensemble » des vents a tutti. Le saxophone basse, le trombone basse, pas toujours très clairs, sortent correctement du lot, là aussi par absence de suraccentuation du grave, qui permet une meilleure discrimination auditive entre ces instruments.
Edgar Varèse — Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. L’image stéréo : vraiment excellente — on retrouve sans problème la place des instruments dans la salle, la résonance acoustique étant parfois poussée légèrement plus à droite ou à gauche selon le placement des différentes percussions. Les instruments médiums (gong, cloches) ou à large spectre (tam-tam) sont très bien retranscrits.
Reste, cependant, un certain inconfort physique qui nous déçoit un peu (le casque est quand même un peu lourd). Sur l’écoute en revanche, peu de reproches.
Conclusion
Il y a un biais évident derrière ce genre de test : il est plus excitant de recevoir le nouveau casque d’un jeune constructeur qui essaie de se démarquer que celui de vieux briscards qui tentent de nous proposer la énième variation sur un modèle déjà ultra-connu. Et même si l’on reconnaît que ce sont généralement les vieux briscards en question qui ont fourni au monde de l’audio les casques qui aujourd’hui font référence, il y a quelque chose de séduisant à suivre les premiers pas d’une entreprise un peu moins connue.
Cela étant dit, vous l’aurez compris, on a beaucoup aimé ce S5X. Et notre enthousiasme est, a minima, objectivement valable si l’on compare le S5X au S4X, un autre casque qui nous avait plu : il nous a paru évident que, sur certains points, le S5X avait l’intérêt, au minimum, de se démarquer (courbe de réponse en fréquence bien spécifique, design légèrement différent…), au mieux de s’améliorer (câble en Y mieux pensé, écoute qui nous a paru plus équilibrée, tout en conservant l’excellente image stéréo des casques précédents). Alors, il reste un aspect qui passera ou pas, selon les attentes de chacun : le prix. Le S5X, proposé à 489 euros (prix constructeur), est un casque qui rentre dans la catégorie « chère ». Peut-il prétendre à des performances immensément supérieures à un casque avoisinant les 200 euros ? Probablement pas, d’autant plus que les attentes de chacun par rapport à un casque sont souvent très subjectives, ou circonstancielles. Cependant, le prix est aussi le reflet d’une approche indépendante, semi-artisanale, et d’un contrôle qualité élevé. Notons également qu’Ollo Audio propose une période d’essai de 30 jours sur tous ses produits : une politique qui permettra au moins de savoir si l’investissement vaut le coup (et le coût).