La jeune firme Elysia nous propose son périphérique phare - l’alpha compressor - en version logicielle, avec la ferme intention de reproduire fidèlement le son de la version matérielle. À l’heure où la guerre des plug-ins fait rage, nous avons voulu en savoir plus sur ce nouvel outil concocté par le constructeur allemand...
Ich bin ein Elysianer
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Arrivée en 2006 sur le marché de l’audio professionnel, la société Elysia n’est pourtant pas vraiment novice en matière d’innovation. En effet, l’un des deux fondateurs de la marque a longtemps officié au sein de la société SPL – un autre célèbre fabricant allemand – et est à l’origine du développement de périphériques comme le MixDream, le Gainstation et surtout le Transient Designer.
Dans sa gamme de produits évoluant d’année en année, c’est tout d’abord l’Alpha Compressor qui verra le jour, un compresseur stéréo haut de gamme aux fonctions pointues. Regroupant une quantité impressionnante de paramètres de réglage rarement réunis en une seule machine (mode M/S, compression parallèle interne, filtre sur le signal traité et filtre indépendant sur la section sidechain…), l’Alpha Compressor s’impose rapidement comme un redoutable outil de mixage et de mastering.
Malheureusement, si la jeune marque est réputée pour la qualité indiscutable de ses produits, elle l’est beaucoup moins en termes d’accessibilité… Au moment où les performances sonores se concentrent autour des microprocesseurs et autres ressources DSP, Elysia a donc décidé de décliner ses périphériques en plug-ins et c’est principalement l’Alpha Compressor qui a retenu toute notre attention.
Mix ou MASTER?
On connaît la réputation d’Elysia : que ce soit pour réaliser des périphériques matériels ou développer des plug-ins, le fabricant allemand fait les choses à fond. L’Alpha Compressor plug-in n’échappe donc pas à cette règle : livré aux formats TDM, RTAS, VST et AU, le plug-in se destine à tout type de DAW.
Pour pouvoir l’utiliser, il faut néanmoins disposer d’un compte iLok (ce qui, quand on travaille avec des plug-ins, devient un peu incontournable aujourd’hui…). Une fois la licence stockée sur votre clef, l’Installer s’occupe de tout en deux temps, trois mouvements et on peut très vite passer à l’action. Enfin, quand je dis « très vite », il est tout de même indispensable de prendre le temps de consulter le manuel d’utilisation (téléchargeable sur le site directement) qui, pour ma part m’a vraiment séduit, tant par sa précision que par sa facilité de lecture. De l’installation à l’utilisation, la notice ultra complète explique tout ce qu’il faut savoir sur l’Alpha Compressor !
Malheureusement, au moment de la rédaction du test, la version TDM – bien qu’apparaissant dans l’Installer – n’était toujours pas disponible. D’après nos sources, Elysia serait en train de mettre les dernières touches à cette version donc nous livrerons plus d’informations sous peu. C’est donc dans la version RTAS au sein d’une plateforme ProTools HD que les extraits sonores seront traités.
D’un point de vue strictement esthétique, on reconnaît tout de suite une déclinaison logicielle du fameux compresseur. En effet, l’Alpha Compressor plug-in reprend trait pour trait le design et les paramètres proposés par la version hardware, avec cependant une légère subtilité : le compresseur stéréo aux nombreuses fonctionnalités – sobrement baptisé Elysia Master – existe également dans une version « allégée » appelée Alpha Mix. En clair, Elysia nous livre deux plug-ins pour le prix d’un !
Outre le nombre de fonctionnalités qui reste bien inférieur sur ce dernier, la grande différence entre ces deux versions réside également dans le fait que le plug-in Alpha Mix peut être indifféremment utilisé sur une piste mono ou stéréo, ce qui n’est pas le cas de l’Alpha Master, qui n’est destiné qu’à un usage stéréo uniquement.
Alpha Mix, la compression pas faite pour les bêtas
Comme tout compresseur « traditionnel », on retrouve tout d’abord les classiques réglages de threshold, attack, release, gain et ratio relatifs à la compression (que l’on peut régler grâce à la roue de la souris !). À ce sujet, la plage de ratios proposée est tout de même relativement mince, puisque le ratio minimum est de 1.1:1 pour un maximum de 2.4:1. Cependant, la course du potentiomètre virtuel couvre pratiquement tous les ratios entre ces deux valeurs, ce qui permet des réglages fins d’une grande précision. On n’est donc pas vraiment surpris d’apprendre que l’Alpha Compressor « hardware », dont les potentiomètres sont quant à lui crantés, a déjà séduit bon nombre de studios de mastering…
Exemples Drums Dry puis Drums Compressed :
Néanmoins, un petit bouton intitulé feed forward siège à côté du réglage de threshold qui, une fois enclenché, nous révèle un nouveau mode de compression, dépassant largement la valeur de ratio de 2.4:1 pour nous offrir une compression beaucoup plus significative, proche du comportement d’un limiteur (et plus encore !).
Drums compressed feedforward :
D’après Elysia, cette fonction utilise l’entrée dans l’étage de compresseur comme « pilote » pour la section de sidechain interne, à l’inverse du mode feedback (quand le feedforward n’est pas enclenché) qui utilise, elle, la sortie de l’étage de compression. Le résultat s’entend immédiatement et, avec des réglages « extrêmes » on quitte instantanément la compression « gentillette » pour une compression bien plus explicite.
Drums compressed feedforward Xtreme :
Au sein des réglages basiques, on retrouve également deux fonctions auto fast relatives à l’attaque et au relâchement. Ces deux potentiomètres sont effectifs sur de grandes plages d’action (de 0,01 à 150 ms pour l’attack et 60 ms à 1,8 s pour le release) et permettent notamment de gérer les transitoires les plus rapides. Pour une compression dont l’attaque est réglée au minimum, les transitoires sont effectivement maintenus dans la plage de dynamique voulue, cependant il peut résulter une distorsion non désirée sur le reste du signal. C’est là qu’intervient la fonction auto fast : elle permet à l’utilisateur de compresser les pics de signal les plus élevés et les plus rapides tout en conservant les réglages voulus d’attack et release pour le reste du signal.
Dans la ligne de réglages inférieurs, on découvre une autre fonction un peu spéciale : le filtre de sidechain. Si ce paramètre très utile permet d’éviter qu’une bande de fréquences ne pilote la compression du signal, la valeur de fréquence de coupure du filtre est généralement fixée à une, deux voire trois valeurs, pour les quelques compresseurs « hardware » présentant cette fonction.
Dans le cas présent, un premier potentiomètre permet de définir la nature du filtre (passe-haut ou passe-bas) possédant une pente de 6 dB par octave avec, entre ces deux extrêmes, la possibilité de filtrer encore moins voire pas du tout. Pour résumer, on peut vraiment doser la nature fréquentielle du signal qui va piloter la compression et c’est une fonction vraiment rare.
Drums compressed feedforward xtreme filter :
Au rayon « fonctions utiles et créatives », un potentiomètre Mix permet de réaliser une compression parallèle interne au compresseur, permettant ainsi de mixer le signal compressé avec le signal non traité. Encore une fois, on peut effectuer une compression agressive et mélanger le signal ainsi obtenu avec le signal non traité, bénéficiant ainsi du « meilleur des deux mondes ».
Drums compressed xtreme parallel :
Enfin, dans le cas de l’Alpha Compressor hardware, un petit bouton Warm permet de sélectionner l’un ou l’autre des transformateurs de sortie, offrant une alternative sonore au signal compressé. Dans le cas du plug-in, cette fonction a été recréée grâce à l’insertion d’un slew-rate limiter, ralentissant ainsi la vitesse des transitoires et altérant la réponse fréquentielle et harmonique de manière subtile.
La voie de son maître
L’Alpha Master double donc les fonctions présentes dans l’alpha mix avec néanmoins quelques possibilités supplémentaires. Tout d’abord, le mode M/S qui permet d’opter pour une compression stéréo moins « classique ». Suivant la position du bouton Channel Link, on peut régler la compression de manière indépendante sur le signal Mono et sur le signal Side. Malheureusement, si l’on peut muter chacun des deux canaux alternativement, il n’est pas possible de les écouter directement en solo. C’est fort dommage, car il n’est pas rare, dans ce genre de situation, de vouloir contrôler le taux de compression appliqué sur chaque canal. D’un autre côté, un bouton de plus aurait considérablement alourdi l’interface graphique… déjà bien chargée !
Minimix Dry puis Minimix comp MS :
Ensuite, la seconde fonction originale propre à l’Alpha Compressor est le Niveau Filter (qui existe également en plug-in séparé). Il s’agit d’un « double filtre » shelf qui, suivant la position du potentiomètre de Gain, augmente le niveau de la plage de fréquences située après la fréquence de coupure choisie (réglable grâce au potentiomètre Frequency) et baisse le niveau de la bande située avant, ou inversement. Toutefois, la baisse de niveau est supérieure à l’augmentation : par exemple, pour un boost de 3 dB au-dessus d’une certaine fréquence, on observe une baisse de 5 dB en dessous de ladite fréquence…
Minimix comp niveau filter :
Il est donc possible de « re-colorer » l’aspect fréquentiel du signal de manière dépendante ou non. En clair, si on pousse le raisonnement, on peut traiter les signaux M et S de manière totalement indépendante, aussi bien d’un point de vue dynamique que fréquentiel…
La dernière fonction, appelée sobrement Soft Clip, est un limiteur dont le threshold se règle de +25 à +3 dB. Quand le signal dépasse le seuil fixé, un petit témoin lumineux jaune s’allume à la « racine » des vumètres, indiquant l’action du limiteur. Cette fonction est d’ailleurs très efficace et permet de contrôler encore mieux les maxima que l’on veut « autoriser » sur le signal.
Soft = Hard ?
Avec tous ces réglages et ces possibilités à notre disposition, on est vraiment face à un redoutable plug-in qui fait, comme son grand frère « hardware », bien plus que de la compression. En revanche, qu’en est-il réellement de la ressemblance sonore entre la version matérielle et la version logicielle? Voici deux extraits traités de la même façon, d’abord avec l’Alpha Compressor (hardware) puis avec l’Alpha Master (software) :
Tout d’abord, je tiens à préciser que pour obtenir des réactions similaires en termes de compression, il m’a fallu ajuster le seuil différemment sur l’Alpha Compressor. En effet, j’ai inséré les deux unités directement sur une piste de ProTools; en revanche, l’Alpha Compressor passe évidemment par l’étage de conversion D/A puis A/D de la 192 I/O (calibrées à –18 dBfs). Là encore, j’ai délibérément choisi cette interface puisqu’il s’agit d’une interface « standard » que l’on retrouve dans 80% des systèmes Protools HD.
Qui plus est, les potentiomètres de l’Alpha Compressor sont crantés, ce qui peut « fausser » l’optimisation du test si l’on souhaite reproduire les réglages du plug-in. Au final, on a affaire à deux traitements assez proches, mais qui ne sont pas identiques dans les détails. La réponse en fréquence de l’Alpha Compressor est beaucoup plus définie et précise dans le registre grave et bien moins « scintillante » que pour le plug-in. Le comportement dynamique, pour une réduction de gain similaire, laisse moins entendre la compression. En somme, la version « hardware » semble bien plus « musicale » que son confrère logiciel. Fort heureusement, il faut bien que l’écart de prix se justifie par des différences notables, surtout lorsqu’on connaît son montant : environ 8000 euros entre les deux versions ! Pour ma part, c’est tout à fait justifié, étant donné la finesse des réglages que l’on peut obtenir avec l’Alpha Compressor, ses possibilités sonores et sa qualité de fabrication extrêmement soignée.
Alors qu’en est-il réellement du plug-in ? Même si celui-ci ne reproduit pas à 200% le son de son aîné (ce qui me paraît normal !), il reste excessivement proche, dans la lignée des produits que conçoit Elysia. Pour être très honnête, j’étais assez sceptique à l’idée de tester un plug-in de compression, tant l’offre est large aujourd’hui. Cependant, je dois reconnaître avoir été bluffé par les capacités du plug-in qui, même s’il est assez gourmand en ressources – principalement à cause de la technique d’oversampling utilisée – offre des fonctions et des possibilités sonores que très peu de plug-ins arrivent à regrouper en une seule unité de traitement. Et à ce niveau, on peut dire qu’Elysia a réussi son pari de reproduire ce que l’Alpha Compressor nous proposait jusqu’alors.
Conclusion
Elysia enfonce encore une fois le clou de la qualité avec ce plug-in multifacette qui répondra aux besoins des utilisateurs les plus exigeants. À la fois polyvalent et précis, ce plug-in brille par ses possibilités de réglages et le résultat sonore. Si son utilisation ne vous paraît pas intuitive, le manuel hyper complet permet de se familiariser instantanément avec ce compresseur qui, pour un tarif de 240 € TTC, pourrait vite devenir un outil indispensable dans vos solutions de mixage.