L’hégémonie de marques comme Eventide ou Strymon dans le domaine des pédales numériques haut de gamme n’est plus à démontrer. Pourtant, de plus en plus de fabricants ambitieux s’attaquent à ces grands pontes. En 2016, le constructeur canadien Empress Effects s’était penché sur la réverbe avec sa pédale sobrement nommée Reverb. Ce galop d’essai remarqué laissait présager l’arrivée d’autres machines haut de gamme de qualité, et c’est sans surprise que le delay Echosystem fut annoncé début 2017. Après plusieurs mois d’attente, l’appareil est enfin disponible en France, et nous nous sommes évidemment jetés dessus.
L’Echosystem est une pédale de delay numérique stéréo embarquant plus de 36 algorithmes différents. De l’écho à bande au delay multitap, en passant par des effets reverse, lo-fi, ou des modulations, rien ne manque à l’appel. C’est alléchant, mais de nombreuses solutions proposant une foultitude de delays existent déjà. Pourtant, l’Echosystem sort clairement du lot. Pourquoi ? Car Empress a eu la bonne idée d’offrir la possibilité de cumuler deux algorithmes différents, que ce soit en parallèle, en série dans n’importe quel ordre, ou même « panés » en stéréo. Ah, et il y a aussi des simulations de baffles. Plutôt pas mal, non ?
Un air de déjà-vu
La nouvelle machine d’Empress Effects reprend le format du précédent modèle de la marque, la Reverb. Nous avons donc toujours affaire à un rectangle aux dimensions assez réduites de 14,3 × 9,2 × 4,9 cm, parsemé de nombreux boutons et de trois footswitchs. Tout semble bien solide, fabriqué avec sérieux, et la pédale se paie même le luxe d’être assez jolie avec sa finition blanc crème pailletée.
À l’arrière du boîtier, l’on trouve des entrées et sorties stéréo, un port pour carte SD afin de faire des mises à jour, un port d’alimentation 9V, et un port Control sur lequel nous reviendrons.
Arc-en-ciel digital
La navigation s’effectue principalement par l’intermédiaire d’un gros potard cranté qui permet de naviguer entre les 36 algorithmes. Les 36 sons sont classés en 12 types :
- Digital
- Tape
- Analog
- Multi (multitap)
- Mod (modulations)
- Filter
- Ambient
- Delay + reverb
- Reverse
- Stutter
- Lo-fi
- Whisky (fourre-tout délirant)
Ce sont ces 12 types qui apparaissent sur le châssis de la pédale, symbolisés par des sérigraphies et des LED. L’absence d’écran est en effet compensée par de nombreuses LED qui s’illuminent avec des couleurs différentes. Prenons un exemple qui devrait clarifier la façon dont on navigue parmi les sons ! L’Echosystem embarque quatre sons de type écho à bande. Avec le potard cranté, vous allez descendre jusqu’à ce que le la LED en face du type « Tape » s’éclaire. Au premier coup de potard, la LED s’illuminera en bleu, ce qui signifie que le son « New Tape » est actif. Un deuxième coup de potard donnera accès à l’algorithme « Old Tape », et la LED passera alors au vert. Et ainsi de suite. Empress a donc fait le pari d’une navigation basée sur le « scrolling ». Le fonctionnement est difficile à décrire, mais l’utilisation est très instinctive. Il faut, par contre, à chaque fois se référer au manuel pour savoir le nom du son enclenché.
Sept autres boutons permettent de régler le son. Le bouton « Delay Time/Ratio » gère le temps de répétition et les subdivisions, le bouton « Mix » l’équilibre entre les signaux dry et wet, le bouton « Output » le niveau de sortie de la pédale (elle peut donc faire office de boost), le bouton « Feedback » les oscillations, et le bouton « Tone » la tonalité des répétitions. Les potards Thing 1 et Thing 2, eux, agissent sur des paramètres qui diffèrent en fonction du son sélectionné. Cela peut être les modulations (le mode Deluxe Memory propose par exemple un vibrato et un chorus), la saturation des bandes, le panoramique, etc.
En plus de cela, un petit sélecteur « Engine » permet de cumuler les delays et de choisir comment ils interagissent (en série, en parallèle, ou avec un panoramique gauche/droite). On peut même écouter un seul des delays à la fois pour le paramétrer finement, et choisir leur ordre. Enfin, un dernier sélecteur nommé « Shift » et pensé pour être actionné en même temps que d’autres boutons donne accès à des fonctions secondaires (sauvegarde d’un preset, assignation d’un bouton à une pédale d’expression, etc.). Intéressons-nous maintenant aux trois footswitchs.
Au pied !
Le footswitch « Bypass » active tout simplement le delay sélectionné, et le « Tap » est un Tap Tempo classique. En fonction des réglages choisis avec le bouton « Shift », le Tap Tempo peut agir localement sur un preset ou un son, ou agir de manière générale en synchronisant tous les delays de la pédale. Vous pourrez ainsi passer d’un son à l’autre en gardant le même rythme. Enfin, le footswitch « Scroll » permet de choisir les presets. Attardons-nous d’ailleurs sur la navigation parmi les favoris.
Soyons clairs, la gestion des presets est lacunaire. Un appui sur le bouton « Scroll » sélectionne le prochain preset, alors qu’un appui sur les footswitchs « Tap » et « Scroll » sélectionne le précédent. 35 presets maximum sont disponibles, et c’est encore une fois les LED, avec un code couleur, qui indiquent le preset actif. Si le principe du « scrolling » n’est pas gênant pour découvrir les différents delays, il est moins efficace lorsqu’il s’agit de passer rapidement d’un preset à un autre. Toutefois, un mode « bank » résout une partie du problème. Ce ne sont plus des presets qui défilent, mais des banques composées de deux presets automatiquement assignés aux footswitchs « Scroll » et « Bypass ». En ajoutant un Tap Tempo externe, un troisième preset par banque est disponible.
Enfin, la pression simultanée des boutons « Tap », « Bypass », et « Shift » donne accès à un mode de réglages avancés. Il est alors possible de modifier de nombreuses caractéristiques de la pédale, telles que le type de connexion (True Bypass ou bufferisée), le niveau d’entrée, la largeur stéréo, les canaux MIDI, etc.
En résumé, l’utilisation de la pédale paraît difficile dans un premier temps. La lecture du long manuel est un passage obligé, notamment pour connaître la nature des différents delays et l’impact des boutons Thing 1 et Thing 2 en fonction des modes. Pourtant, une fois tout cela intégré, on se surprend à être à l’aise avec la manipulation de la machine. C’est finalement très logique, et assez ergonomique. La gestion des presets reste par contre problématique, et l’utilisation d’un contrôleur MIDI s’impose pour des lives complexes.
Vers l’infini et au-delà
À présent que nous connaissons le fonctionnement de l’Echosystem, il est temps d’écouter ce dont elle est capable. Il est dommage de ne pas profiter de l’effet stéréo sur ce type de pédale, et nous avons donc enregistré des extraits en stéréo dans la boucle d’effets d’un Kemper Profiler enregistré via une carte son Steinberg UR22. Nous utilisons uniquement un pur son clean de Twin Reverb, sans réverbe active ou autre effet. Tout provient donc de la pédale ! La guitare, quant à elle, est une Ibanez RG Prestige dotée de deux humbuckers et d’un micro simple. Nous naviguons régulièrement entre les micros dans les extraits.
- 1 Pristine 04:20
- 2 Old Tape 03:14
- 3 Deluxe Memory Box 02:50
- 4 Panning Delay 01:24
- 5 Preset Pattern Mode 03:18
- 6 Filter Pulse 02:06
- 7 Triggered Multi Swell 04:02
- 8 Hall 04:36
- 9 Reverse Dual Pitch 02:34
- 10 Auto Sutter 03:52
- 11 Digital Death 05:14
- 12 Knob’s Seesaw 04:28
Tout d’abord, il ressort que les répétitions prennent vraiment en compte le jeu du guitariste, et l’intensité de son attaque. Les sensations sont là, et le son est convaincant. Les répétitions s’estompent de manière douce et terriblement naturelle, et l’espace sonore est comblé de manière impressionnante. Le potard de tonalité agit comme un filtre très efficace utilisable même en poussant le potard aux extrémités, ce qui est très appréciable. Les oscillations engendrées par le bouton « Feedback » sont parfaitement maîtrisables tout en étant prononcées et folles s’il le faut. En plus de cela, de nombreux paramètres intéressants sont disponibles par l’intermédiaire des boutons « Thing 1 » et « Thing 2 ». Les possibilités sont infinies et l’Echosystem s’avère être bien plus qu’une simple pédale de delay. L’appareil pourrait presque se suffire à lui-même !
L’Echosystem excelle aussi bien avec des delays simples émulant des vieilles machines, qu’avec des sons d’ambiance. Des effets de volume (swell) très réussis sont par exemple disponibles. Les filtres, les réverbes, les effets de pitchs et autres sonnent à merveille, et se paramètrent avec finesse. Ainsi, le mode Multitap permet de créer des patterns originaux et d’enregistrer une séquence rythmique avec pas moins de 5 appuis ! Il y a aussi le mode Knob’s Seesaw avec lequel il est possible d’obtenir deux effets de pitch différents en fonction de la force avec laquelle vous attaquez les cordes.
Nous avons rencontré une seule limite créative durant notre test, et elle concerne d’ailleurs les effets liés à la hauteur : l’absence d’un écran pour régler exactement le pitch désiré se fait sentir, et il faudra se fier à son oreille en utilisant un simple potard rotatif.
Les deux font la paire
À ce stade, nous sommes déjà conquis par l’Echosystem d’un point de vue sonore. Pourtant, la pédale en a encore sous le pied ! Comme nous l’indiquions, il est possible de cumuler deux algorithmes de notre choix. On peut alors les placer en parallèle, en série, ou les « paner ». Dans le premier extrait, nous avons simplement mêlé deux delays en série. Dans le second, nous utilisons deux autres delays d’abord placés en parallèle, puis en série en faisant varier l’ordre dans la chaîne, et enfin nous utilisons le mode panoramique en faisant également varier l’ordre dans lequel s’enchainent les delays, ce qui permet de choisir lequel est à droite et lequel est à gauche.
- 13 Drunk Ewok + Trigerred Reverse en série 01:24
- 14 Pristine + Filter Warp divers chaînages 01:40
Cadeaux bonux
Dans la première partie de ce test, nous faisons mention du port « Control ». Il permet en fait d’utiliser du CV, du MIDI, un Tap Tempo externe ou une pédale d’expression. Il est possible d’assigner à cette dernière n’importe quel paramètre très simplement. À l’inverse, il est moins aisé d’utiliser le MIDI, puisqu’un boîtier MIDI est nécessaire (ce qui ajoute une soixantaine d’euros à la facture).
Les fonctions supplémentaires du dernier né d’Empress Effects ne s’arrêtent pas là, puisque vous pourrez insérer n’importe laquelle de vos pédales dans une sorte de boucle d’effets et ainsi agir uniquement sur les répétitions. Néanmoins, il vous faudra sacrifier la stéréo puisqu’une entrée et une sortie seront utilisées. Il est aussi possible de configurer la machine pour obtenir le signal dry sur une sortie, et le signal wet sur une autre. Enfin, Empress est allé encore plus loin en dotant sa pédale de 3 simulations de baffle dans le cas où vous souhaiteriez utiliser la pédale sans ampli. Voici ce que cela donne :
- 15 Sans simu 00:30
- 16 Bright 4×12 00:30
- 17 Dark vintage cab 00:30
- 18 Balanced modern cab 00:30
Conclusion
L’Echosystem est tellement configurable qu’elle offre des possibilités sonores infinies. On obtient facilement un résultat simple, mais il est aussi possible de passer des heures à peaufiner un son, notamment en cumulant deux delays. La machine est en plus très complète, puisque vous pourrez créer des effets de modulation basés sur le retard, comme un chorus ou un trémolo, ou bien tout simplement profiter des réverbes, des effets de pitch, des filtres et autres joyeusetés de certains modes. Étant donné qu’il est possible de cumuler deux algorithmes, vous pourrez même régler un mode pour obtenir uniquement la réverbe et utiliser le delay d’un autre algorithme. Ajoutez à cela la possibilité d’utiliser une simulation de baffle, les différentes manières de contrôler la pédale (CV, MIDI, pédale d’expression), et l’outil s’impose tout simplement comme un couteau suisse incroyable. Un looper devrait même faire son apparition d’ici quelque temps. Quelle machine !
Du côté des moins, on regrettera la gestion des presets, et le fait qu’ils soient limités à 35 (contre 100 pour la Timeline de Strymon par exemple). L’absence d’un écran LCD comme celui de la Timefactor d’Eventide ou de la Timeline est préjudiciable pour certains éléments comme la gestion du pitch, et aurait certainement facilité la laborieuse navigation parmi les presets. La nécessité d’acheter un boîtier MIDI pour piloter la pédale avec ce protocole est aussi à déplorer. Enfin, on aurait accueilli à bras ouverts un éditeur logiciel pour diriger à la baguette ce monstre sonore.
Alors, cette pédale vaut-elle ses 518 euros ? Hormis la gestion des presets — qui en rebutera certains pour le live — les défauts restent mineurs au regard des qualités de l’Echosystem. C’est bien simple : il s’agit certainement du delay le plus complet du moment. Si vous recherchez une solution de ce type et que vous en avez les moyens, jetez-vous dessus !