Après le support du Mid/Side et la belle refonte ergonomique de la v9, Wavelab nous revient dans une version qui, si elle est intermédiaire, n’en propose pas moins des nouveautés intéressantes.
Avant de nous jeter sur cette mise à jour, et parce que les éditeurs audio vivent dans l’ombre des stars de la MAO que sont les Stations de Travail AudioNumérique (STAN ou encore DAW en anglais), un petit rappel ne fera pas de mal à ceux qui saisissent mal à quoi ils peuvent bien servir. Une analogie simple consisterait à dire qu’un éditeur audio comme Wavelab est à une STAN comme Cubase ce qu’un logiciel de retouche comme Photoshop est à un logiciel de PAO comme InDesign. En d’autres termes, bien qu’on trouve dans les STAN quelques fonctions de base pour éditer l’audio, c’est vers un éditeur dédié qu’on se tourne lorsque l’édition tombe dans le gros oeuvre ou réclame un maximum de précision. En effet, s’il n’est pas question de composer de la musique dans ces éditeurs (on n’y trouve par exemple ni instruments virtuels ni pistes MIDI), on y trouve a priori tous les outils pour bricoler les fichiers audio et qui ne sont pas nécessairement présents dans nos STAN, ou tout du moins, pas aussi aboutis. Cela va des traitements divers et variés à la conversion ou l’encodage, en passant par les tâches de montage et d’analyse, mais aussi quantité d’opérations nécessitant des modules dédiés : la gravure d’un CD ou d’un DVD en observant la norme Red Book (et la création d’images DDP), l’application de divers traitements par lots, la restauration audio, etc.
Quel sont donc, du coup, les plus grands utilisateurs des éditeurs audio de nos jours ? Les ingés son en mastering et les spécialistes de la restauration audio comme nous venons de le dire, mais aussi ceux qui font du son à l’image, de la radio ou assimilé (les journalistes et autres podcasters) et les sound designers au nombre desquels on trouvera les concepteurs de banques de samples : vous imaginez bien que lorsqu’il s’agit de traiter les 72697 samples que comptent la banque Chamber Strings de Spitfire, ce ne sont pas Cubase ou Pro Tools qui sont utilisés…
Ce petit rappel effectué, il convient à présent de se tourner vers Wavelab, l’éditeur audio proposé par Steinberg depuis 1995, et qui nous est arrivé il y a quelques semaines dans sa version 9.5. Le logiciel est proposé en deux déclinaisons : Wavelab Elements qui se destine ‘aux producteurs en devenir et aux musiciens’ pour 100 euros environ, et Wavelab Pro qui cible quant à la lui les producteurs audio en devenu, ainsi que les professionnels du mastering, de la restauration et du montage audio pour 560 euros environ en version téléchargement et 570 euros environ en version boîte, sachant que cette dernière inclut le dongle USB eLicencer sans lequel vous ne pourrez pas utiliser le logiciel (un dongle vendu seul 23 euros).
Qui peut le plus peut le moins : c’est donc la version pro que nous testerons ici, sachant qu’un récapiltualitif des différences entre les deux versions vous attend sur le site de l’éditeur.
Un air de 9
Sitôt le logiciel lancé, on retrouve l’interface de Wavelab dans l’état où on l’avait laissée en version 9, avec notamment ce ruban à onglets qui concentre toutes les fonctions du logiciel et qui n’est pas sans rappeler l’ergonomie imaginée par Microsoft pour la version 2007 de la suite bureautique Office. Le libellé des 9 onglets est relativement clair (Fichier, Vue, Éditer, Insérer, Traiter, Correction, Spectre, Analyser, Rendre) et la façon dont les contrôles sont agencés sur chaque ruban répond la plupart du temps à une logique de production. Vu que Wavelab 9 n’avait pas fait l’objet d’un test sur Audiofanzine, rappelons que chaque fenêtre est susceptible d’être désolidarisée de l’interface (pour l’afficher sur un autre écran par exemple) ou placée ou bon vous semble dans cette dernière par simple cliquer-glisser : une modularité qui sera utile au quotidien vu que le logiciel regorge de visualiseurs et d’outils de toutes sortes dont l’utilité variera en fonction des tâches.
C’est d’ailleurs la grande force de Wavelab et son plus grand atout sur nombre de ses concurrents : il propose une gamme réellement complète d’outils de mesure et de visualisation. Niveaumètre (vu-mètre), sonomètre, phasescope, bitmètre, oscilloscope, ondoscope, spectroscope, spectromètre et spectrogramme. Bref pleins de trucmètres et de machinscopes qui ne vous diront pas forcément quelque chose à l’écoute de leur nom, mais qui s’avèrent indispensables pour examiner un signal sous toutes ses coutures, d’autant que chaque outil propose différents paramètres pour définir son apparence comme son calibrage. Et c’est d’ailleurs sur l’un de ces outils en particulier qu’il s’agit de s’attarder puisque la nouveauté majeure de cette version 9.5 tient dans la refonte complète du spectrogramme et des outils qui lui sont liés.
« Entre le spectre. » (Hamlet, Acte I, sc 4–5)
Si depuis les débuts de la MAO, la plupart des logiciels ont privilégié l’affichage de la forme d’onde du signal qui nous renseigne sur son amplitude (le volume du son donc), le spectrogramme nous propose quant à lui d’afficher son contenu spectral. En vue spectrographique, on peut en effet afficher les différentes fréquences composant les sons et qui forment autant de traînées plus ou moins contrastées suivant leur volume, sachant qu’en bas se trouvent les graves et en haut les aigus. De la sorte, on peut voir très nettement des choses qui nous échapperaient complètement sur une traditionnelle forme d’onde : la sonnerie d’un téléphone portable lors d’une allocution, le bruit de fond d’un ventilateur ou d’une boucle de masse. L’outil est si pratique pour ces cas particuliers qu’il est au cœur de la plupart des logiciels de restauration audio, à commencer par le populaire Izotope RX, mais aussi d’éditeurs audio concurrents comme Audition d’Adobe et plus récemment l’Acoustica d’Acon Audio, ou de logiciels spécialisés dans le démixage (Audionamix ADX-Trax).
Ce qu’il y a en outre d’intéressant avec l’édition spectrographique, c’est qu’on y intervient comme on interviendrait sur une image dans un logiciel de retouche photo : un bruit parasite à retirer apparaît ainsi comme une forme bien nette qu’il suffit de sélectionner au lasso et de supprimer pour régler le problème. Un vrai jeu d’enfant ? Relativisons tout de même : il ne s’agit pas de charcuter impunément le spectre d’un signal sans que ne se produise des artefacts audibles et c’est précisément pour cette raison que Wavelab nous propose la nouvelle fonction Inpainting.
S’inspirant des logiciels de retouche photo qui permettent d’effacer des personnages ou des objets des photos en reconstituant l’arrière-plan via l’analyse de l’environnement, Inpainting analyse le contexte de la portion que vous supprimez et comble le trou spectral par un signal cohérent. L’idée est bonne et permet dans bien des cas de faire des traitements relativement transparents. Voyez ce que ça donne sur cette voix parasitée par la sonnerie d’un téléphone, d’abord traitée avec un atténuation de 140dB sur la zone problématique, ensuite traité avec les réglages de base d’InPaiting (ce qui donne une sorte de violoning sur la sonnerie), puis enfin avec des réglages plus appropriés :
- nerval original 00:04
- Nerval 140db 00:04
- nerval inpaint 00:04
- Nerval inpaint2 00:04
Il y a sans doute encore mieux à faire en travaillant sur le résidu, mais l’atténuation proposée par InPainting est intéressante dans la mesure où elle se différencie de la simple attenuation en termes de résultats : il faudra donc voir, au cas par cas, la solution à privilégier lors des traitements. Soulignons que le violoning involontaire obtenu avec des mauvais réglages laisse entrevoir des choses intéressantes en termes de Sound Design.
Évidemment, en vis-à-vis de cette fonction originale, tous les outils classiques d’un éditeur spectrographique sont de la partie, à commencer par la configuration du visualiseur (couleurs, contraste, résolution, etc.) ou les traditionnels outils de sélection, du lasso à la baguette magique en passant par un système permettant de sélectionner les différentes harmoniques correspondant à une fondamentale. Il ne manque réellement qu’un mode de visualisation animée en 3D pour que l’outil soit complet. Steinberg se rattrape toutefois en nous proposant une vision en Ondelettes, des fonctions inventées par le géophysicien Jean Morlet alors qu’il travaillait sur les problèmes de prospection de pétrole pour Elf (c’est donc la deuxième invention que l’audio doit à l’industrie pétrolière pour laquelle Andy Hildebrand avait développé l’algorithme à la base d’Auto-tune). De quoi s’agit-il ? D’un spectrogramme mettant mieux en valeur les notes via un jeu de contraintes chromatiques : c’est bien vu et permet de se concentrer sur ces dernières en cas d’édition d’enregistrement musical, pour revenir à la vue classique lorsqu’il s’agit de travailler sur du bruit. Bref, Wavelab fait un beau pas avec cet éditeur qui, si ils ne disposent pas déjà d’un outil aussi évolué, justifie sans doute à lui seul la mise à jour pour les aficionados du soft… Or, ce n’est pas le seul apport de cette nouvelle mouture.
Resto sur le pouce
Toujours au rayon restauration audio, Wavelab nous propose désormais un plug-in nommé RestoreRig qui réunit trois outils au sein d’une même interface. Un de-clicker (pour enlever les clics et autres craquements), un denoiser (pour retirer les souffles continus) et un de-buzzer (pour retirer les boucles de masse et autres ronflettes). Même si ce sont là trois outils classiques qui ne vous permettront pas de gérer tous les cas de figure se présentant dans le cadre d’une restauration audio, soulignons que ces outils jouissent d’un très bon rapport simplicité/efficacité : en deux ou trois boutons, on vient ainsi à bout des problèmes ciblés et, comme il s’agit d’un plug-in VST3 et non d’une fonction, on peut affiner ses réglages en temps réel, à l’oreille. Voyez ce que donne le denoiser doté d’un système de profilage du bruit à éliminer :
- Prof original 00:14
- prof denoise 00:14
Dans le sillage de ce plug-in, saluons aussi l’arrivée d’une nouvelle barre d’outils accessible via l’onglet Correction au sein du ruban, et qui vous permet d’automatiser en partie la détection de problèmes et leur résolution. L’organisation du ruban est bien pensée puisque le flux de production (workflow) s’y déroule de gauche à droite : on paramètre la sélection à inspecter, la sensibilité de la détection et, une fois cette dernière effectuée, on peut choisir entre différentes méthodes pour corriger les problèmes un à un (sachant que ces derniers ont tous été associés à un marqueur) ou bien tout régler d’un seul coup.
Même si l’outil est intéressant, on notera deux limitations. La première, c’est que les problèmes détectés ne concernent visiblement que le cliping : j’ai introduit un glitch bien cracra dans un fichier et il est passé inaperçu parce qu’il ne contenait aucune saturation, et il m’étonnerait grandement que Wavelab remonte quelque problème de phase que ce soit. Bref, Correction concerne le clipping et c’est déjà pas mal. La deuxième limitation est à mon sens plus ennuyante : pour chaque erreur, le logiciel vous suggère 8 méthodes de correction (interpolation, remplacement de forme d’onde, Inpainting, etc.) sachant qu’aucune pré-écoute n’est possible. Pour juger de la pertinence des solutions proposées, il faudrait donc pour chaque problème appliquer une solution, écouter, annuler le traitement, puis appliquer la seconde. Bref, en l’absence d’un préaperçu, on restera dubitatif sur le gain de productivité que permet cet outil qui aurait pu être excellent. Nous aurons à reparler d’ailleurs un peu plus bas de cette absence de pré-écoute.
Et puis aussi…
Précisons-le, cette version 9.5 propose plusieurs autres nouveautés de plus ou moins grande importance : on citera ainsi le passage du moteur audio en 64 bits à virgule flottante, ce qui n’a rien d’un détail pour ce qui concerne les traitements, mais aussi l’amélioration de plusieurs plug-ins, qu’ils s’agisse du MasterRig ou encore des outils de dynamique qui, selon les cas, bénéficient d’une refonte d’interface ou de nouvelles fonctionnalités (réglages Dry/Wet sur les compresseurs, ajout d’un maximiseur dans MasterRig).
Côté traitement par lots, on notera l’arrivée de 2 nouveaux modules : l’un permettant de différer n’importe quel traitement pour un temps défini et l’autre permettant d’automatiser le mixage d’un fichier avec un autre fichier, ce qui sera très pratique pour insérer un copyright dans un fichier de démo. D’ailleurs, Steinberg a bien fait les choses de ce côté puisque, depuis la vue spectrographique, on peut même ajouter une image dans l’aperçu d’un fichier.
Les possesseurs des derniers MacBook Pro seront aussi ravis d’apprendre que Wavelab gère désormais la Touch Bar de leur portable, offrant des commandes contextuelles qui vous feront gagner en efficacité. Last but not least, l’éditeur audio de Steinberg est désormais livré avec l’application DDP player qui, comme son nom l’indique, permet d’ouvrir une image DDP pour en vérifier tous les détails. Et comme ce logiciel est gratuit, les ingénieurs du son en mastering pourront tout à fait l’utiliser comme outil pour faire valider leur travail auprès de leurs clients : une excellente idée.
Bref, cette 9.5 propose pas mal de bonnes choses, grandes ou petites, qui devraient inciter les fidèles utilisateurs du soft à s’offrir la mise à jour (de 60 à 250 € selon que vous mettez à jour depuis Wavelab Pro 9 ou 7, et à 480 euros depuis Wavelab Elements).
Reste que pour juger de la pertinence du logiciel pour tout un chacun, il convient maintenant d’évoquer ses faiblesses.
Loin d’être parfait
Il y a donc de très bonnes choses dans ce Wavelab Pro 9.5 même si, il faut l’avouer, le logiciel est encore très loin d’être parfait, que ce soit sur le plan des fonctionnalités proposées ou plus simplement de l’ergonomie. Commençons par énumérer tout ce qui manque, en attaquant la liste par les effets et traitements fournis.
La plupart des plug-ins proposés avec le logiciel sont les mêmes que l’on retrouve dans Cubase… sachant qu’un certain nombre d’entre eux ont été oubliés et on se demande bien pourquoi : pas de REVerence, pas de Quadrafuzz et pas de Multiband Envelope Shaper, entre autres absents. Et c’est bien dommage, car un processeur à convolution aurait parfaitement sa place dans un outil pour sound designer, tout comme nombres d’effets multibandes. Il faut d’ailleurs le souligner : si Wavelab gère le M/S depuis sa version 9, il ne propose toujours pas de splitter fréquentiel qui permettrait de faire n’importe quel traitement en multibande (et pas seulement de la compression ou de la spatialisation). Loin de ce qui se trouve dans quantité de STAN qui ont une approche modulaire de la chaîne d’effet (Tracktion, Reaper, Reason, Studio One), avec la possibilité de faire des splits stéréo du signal (en stéréo classique ou en mid-side) ou encore de le diviser en plusieurs bandes de fréquences, Wavelab nous propose une bonne vieille tranche avec ses inserts et ses envois. Or, si ce côté classique ne gênera probablement pas un ingé son en mastering, il pourra s’avérer un tantinet frustrant pour le sound designer à la recherche d’un bac à sable pour faire ses expérimentations. Certes, toutes ces lacunes peuvent être comblées en recourant à des plug-ins de tierce partie, mais au prix réclamé par Wavelab, c’est un brin agaçant… Et ça l’est d’autant plus qu’en dehors du dosage des effets, on ne dispose d’aucun moyen d’automatiser des paramètres des plug-ins : augmenter le gain d’un distorsion sur toute la longueur d’un fichier ou jouer avec le temps de retard d’un delay est ainsi impossible.
Mais on regrettera aussi que nombre de traitements doivent se faire à l’aveugle (ou plutôt à la sourde), le logiciel ne disposant pas de pré-écoute audio dans la fenêtre de paramétrage : nous en avons parlé pour ce qui est de la partie Correcteur, mais c’est aussi le cas pour tout ce qui concerne les enveloppes de volume, de pitch, de fondu ou vous devrez régler votre courbe et appliquer le traitement pour voir s’il vous convient, sachant que si ce n’est pas le cas, il vous faudra revenir en arrière pour annuler votre traitement, refaire le réglage de la courbe, etc. L’astuce pour contourner cette limitation consiste à lire la portion du fichier à traiter en boucle et à appliquer le traitement puis l’annuler jusqu’à parvenir au réglage désiré : avouons tout de même que c’est assez bizarre du point de vue ergonomique.
Poursuivons avec les outils dédiés au son à l’image qui brillent par leur absence : pas de moniteur vidéo donc tandis que le logiciel ne gère que 8 canaux maximum. Ce sera donc du 7.1 au mieux, ce qui est difficilement compréhensible lorsqu’on sait que Nuendo gère jusqu’au 10.2…
Enfin, malgré sa refonte graphique plutôt réussie qui rend le logiciel beaucoup agréable à utiliser depuis sa version 9, Wavelab souffre toujours d’une ergonomie très perfectible, au point que son cahier des charges semble parfois se résumer à « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? ». Tronçonner une boucle de batterie en slices avec des marqueurs en vue d’isoler des samples passe par exemple par un assistant de 6 pages sans aucune possibilité de régler la sensibilité du découpage à même la fenêtre et en temps réel, comme cela se fait très naturellement dans ReCycle depuis plus de 20 ans, dans Sound Forge depuis presque aussi longtemps et dans… Cubase depuis près de 12 ans ! Certes, on peut zapper certaines étapes et l’on peut enregistrer des préréglages de cet assistant, mais il est assez incroyable de voir qu’un outil aussi simple partout ailleurs se transforme en usine à gaz.
On fera la même remarque à propos du système qui permet d’organiser les plug-ins de tierce partie et qui, s’il a le mérite d’exister, est très loin d’être convaincant en regard de ce qu’on connait sur des logiciels comme Studio One ou Reaper. Non seulement, il est laborieux à utiliser, mais il est frappé de limites vraiment agaçantes : impossible de faire une arborescence de sous-catégories pour classer ses plugs, d’autant que le classement proposé par défaut est vraiment bordélique : entre les catégories doublons (Spatial, Spatial+Panner, Stereo, Surround), les attributions hasardeuses (la réverbe à ressort Springbox de PSP se retrouve dans Delay, le bx-subsynth de Brainworx et les exciters de l’Izotope Neutron se retrouvent dans… Distortion !) et la plupart des plug-ins qui sont rangés dans le gros fourre-tout ‘Autre catégorie’, on comprend que Wavelab nous incite à classer nos effets par marque, même si cela est un non-sens en termes d’utilisation. Bref, c’est assez mal conçu et, en fonction du nombre de plug-ins dont vous disposez (songez que le bundle Mercury de Waves en propose plus de 400…), ça aura vite fait de tourner au capharnaüm à moins de passer de longues heures à ranger tout cela.
Wavelab Pro a donc des défauts comme des lacunes. Le problème, c’est que l’accumulation et la nature de ces derniers fait un peu tache en regard d’un prix relativement élevé, et qu’on voit mal quel profil d’utilisateur pourrait s’en satisfaire pleinement : pas équipé pour le son à l’image, pas pratique pour le sound design, le logiciel n’est pas non plus ce qu’on peut trouver de mieux pour faire de la restauration audio (il ne rivalise pas sur ce terrain avec la version Standard de RX moins chère). Et même dans le cas des ingénieurs du son en mastering, il n’est pas certain que les manques côté automation ou pré-écoute des traitements parviennent à équilibrer les grandes qualités du logiciel sur le plan de l’analyse, de la visualisation et du traitement par lot. Si cette mise à jour est donc une bonne mise à jour en regard du seul référent Wavelab, le prix du logiciel semble un tantinet élevé en regard des défauts et lacunes qu’on explique mal chez un leader de marché. On sera forcément moins exigent avec Wavelab Elements dont le rapport performances/prix s’avère cohérent, mais pour ce qui est de Wavelab Pro, on attend mieux.
Conclusion
Wavelab Pro 9.5 est assurément l’un des meilleurs éditeurs audio du marché si ce n’est le meilleur, grâce à ses indéniables qualités comme au fait que la concurrence manque singulièrement d’agressivité, sur Mac comme sur PC. Comprenez par là que le logiciel de Steinberg propose quantité de choses enthousiasmantes, mais qu’il est loin d’être sans défaut : on a ainsi d’un côté d’excellents outils d’analyse et de visualisation, un mode batch aux petits oignons, d’excellents traitements et effets ainsi qu’un spectrogramme nouvelle formule offrant une fonction Inpainting intéressante. Mais de l’autre côté, force est de constater que quasiment tous les défauts relevés lors du test de la version 8 il y a 5 ans sont toujours de mise et que Wavelab est du coup loin d’être le premier de la classe dont on rêverait.
Ceux qui travaillent le son à l’image pesteront sur la gestion limitée du multicanal ou l’absence de support de la vidéo tandis que les autres râleront sur l’absence de fonctions de base et la persistance de défauts ergonomiques qui ne datent pas d’hier : comment se peut-il qu’un tel logiciel soit dépourvu de pré-écoute audio sur la plupart des traitements ? Comment se fait-il qu’il ne propose pas de processeur à convolution alors qu’on en trouve un dans Cubase et Nuendo ? Qu’il soit dépourvu de tout système d’automation pour les paramètres des plug-ins ? Que des choses si aisées à réaliser sous le vieux Cubase 4, comme le placement automatique de marqueurs aux transitoires, soient aussi compliquées, douze ans plus tard, dans un éditeur où cela devrait être a priori plus simple ? On peine réellement à comprendre la façon dont Wavelab évolue (ou n’évolue pas) sur quantité de points et l’on se dit qu’à force de lambiner, il pourrait bien de nouveau subir la réelle concurrence d’un Sound Forge dont l’imminente version 12 pourrait bien lui permettre de refaire son retard (notamment sur les outils de visualisation), ou se faire surprendre par des challengers plus récents, tels le petit Acoustica d’Acon Digital, toujours plus complet pour moins de la moitié du tarif pratiqué par Steinberg, ou encore Sound It.
Bref, si les utilisateurs quotidiens du logiciel ont tout intérêt à passer à cette version 9.5, car nous sommes probablement en présence du meilleur Wavelab jamais sorti, on espère que Steinberg enclenchera le turbo pour la dixième mouture de son éditeur, histoire que son leadership soit réellement incontestable et que le prix de 560 euros paraisse pleinement justifié.