Petit éditeur de tablature à ses débuts, Guitar Pro est devenu, au fil des ans, un logiciel incontournable pour les guitaristes et bassistes. Avec cette sixième version, il pourrait bien devenir le seul et unique logiciel à considérer dans sa catégorie.
L’installation se déroule sans accroc sur Mac : après avoir décompressé le DMG et cliqué-glissé l’application sur le répertoire concerné, on active le logiciel en ligne et on récupère sans tarder la dernière mise à jour et les banques de sons du logiciel : 1860 MB de sons, dont 791 pour les seules guitares électrique, 194 pour les acoustiques et 119 pour les basses. Tout cela nous laisse le temps de prendre un petit café ? Ou encore celui de parcourir la doc du soft, accessible depuis le menu Aide et qui s’avère très complète. Quelques minutes plus tard, on est prêt, la guitare sur les genoux et la souris à la main : double-clic.
Sérieux lifting pour look sérieux
La première nouveauté qui saute aux yeux, c’est la refonte graphique de l’interface : au look Windows XP/Mac OS X de base de la dernière version succède une interface autrement plus classe, alternant noirs et anthracites avec quelques petites touches de bleu pour les items sélectionnés. C’est beau et ça donne d’autant plus envie de tablater qu’un petit phrasé de guitare acoustique se fait entendre à l’ouverture du soft, à la manière de Sibelius. Gros changement cosmétique donc, mais surtout gros changement ergonomique.
Si le logiciel conserve son organisation globale d’antan, avec la partition occupant les trois quarts de l’écran et les pistes consignées sur la partie inférieure, on se débarrasse en effet de la barre d’outils surchargée de la version 5 au profit d’une colonne gauche où vous pouvez alterner entre 6 panneaux appelés bizarrement ‘Univers’ : Edition pour gérer toutes les notes/accidents et les outils vous permettant d’éditer votre partition/tablature, Accords où vous attendent tous les diagrammes prêts à être intégrés dans la fenêtre principale, Textes pour saisir les paroles qui seront synchronisées avec la musique, Instruments où vous pouvez choisir l’instrument affecté à la piste sélectionnée, son accordage et la banque de sons qu’il utilise, et enfin Effets et Master qui permettent respectivement de gérer les effets appliqués à l’instrument et ceux appliqués au mix global. Précisons également qu’à la faveur d’un système d’onglets proche de celui d’un Firefox, le logiciel peut désormais ouvrir jusqu’à 7 partitions simultanées.
Juste sous la partition, on dispose aussi d’une barre de Navigation très pratique, permettant de se déplacer dans le morceau, mais aussi de gérer l’affichage des pages, leur facteur de zoom, ou encore le tempo, la vitesse de lecture, le métronome, etc. Voilà pour l’ensemble, passons à la pratique en s’attardant d’abord sur les fonctions d’édition de la partition.
En v’là de la tab, en v’la
Au choix, vous pouvez partir de rien ou utiliser l’un des nombreux Templates proposés, allant de la guitare simple au Jazz Trio en passant par le quartet à cordes ou la contrebasse, chaque template préchargeant automatiquement les sons appropriés. On renseigne ensuite les propriétés de la partition (Titre, auteur, crédits divers et variés) et on peut, dès cet instant, s’amuser à configurer la feuille de style qui va définir la mise en page globale de la partoche.
Format des pages (marges, orientation, etc.), définition des portées, en-tête et pied de page, polices de caractères utilisées ou encore préférence dans la notation (dénomination et affichage des doigtés main droite ou main gauche, etc.) : rien ne semble manquer et les perfectionnistes de la mise en page seront ravis de pouvoir enregistrer leur feuille de style pour la rappeler à tout instant. Les autres se satisferont des réglages de base convenant très bien, pour passer au plus vite aux choses sérieuses : la saisie.
Sur ce point, le panneau Edition est un vrai progrès, car il est autrement plus clair et organisé que l’ancienne barre d’outils. Tout en haut sont regroupées les commandes liées à l’armure, la clé, la signature rythmique ou encore les répétitions. On dispose ensuite des notes, altérations et indications dynamiques de jeu, avant d’attaquer les mentions propres au jeu guitaristique : slides, arpèges, sens du coup de médiator, doigté main droite ou main gauche, barre de vibrato mais aussi Wah ouverte ou fermée : bref, tout cela est très complet. Deux groupes sont encore disponibles : l’un pour maîtriser les problématiques de mise en forme automatique (sens et ligature des hampes) ou gérer l’insertion d’infos périphériques à la portée (diagrammes d’accords, temps, barré, etc.), l’autre pour éventuellement ajouter des automations de volume, tempo ou panoramique.
Chaque icône est associée à un raccourci clavier et une fois qu’on a pris ses repères, on avance vite et bien. La partition obtenue est surtout d’excellente qualité et n’a pas à rougir face aux ténors du marché (Finale, Sibelius) pour peu que l’on reste dans le domaine de compétence de Guitar Pro : les partitions médiévales ou contemporaines ne sont évidemment pas à l’ordre du jour, mais ça n’a rien de très embêtant pour 99,99 % des utilisateurs… Parmi les nouvelles fonctionnalités, on apprécie d’ailleurs le mode Design qui permet de redimensionner les mesures à la volée : extrêmement pratique pour rendre les passages chargés plus lisibles. Si l’on ajoute à cela un Undo/Redo illimité, on a pas grand-chose à redire sur cet aspect du logiciel.
Or, on a encore rien vu, et surtout rien entendu, car le plus attractif dans Guitar Pro 6 se passe assurément au niveau de la seconde version du Realistic Sound Engine qui assure le rendu audio des partitions.
Playback Machine
Si Guitar Pro est un excellent éditeur de tablatures, beaucoup d’utilisateurs ne l’utilisent que pour afficher une partition et travailler, à leur vitesse ou dans une tonalité donnée (pour s’adapter au registre d’un chanteur), telle ou telle partie de guitare ou de basse en bénéficiant d’un playback. Sur ce point, la version 5 offrait un rendu cheap mais suffisant pour bosser, quand cette version 6 passe carrément dans une autre catégorie : entre les 1,8 Go de sons dont je parlais plus haut et les sections d’effets en Insert et en Master, le rendu des partitions n’a plus grand-chose à voir avec celui de l’édition précédente. Parmi la centaine d’instruments samplés et constituant une sorte de petit kit General MIDI, les guitares se taillent évidemment la part du lion, avec notamment différentes combinaisons de micro pour les Fender Strat, Gibson Les Paul et ES : pas de Telecaster, pas d’autres guitares acoustiques qu’une Martin et une classique Spinosa. Il y a certes encore de quoi faire, mais il se pourrait bien que les auteurs de Guitar Pro aient quelques projets de ce côté qui puissent remédier à ces petits manques (ce sera sans doute l’occasion aussi de proposer une Jazz Bass en plus de la Precision et de l’acoustique déjà présentes.). Pour vous situer le niveau global de la banque, disons qu’on navigue plus ou moins dans les eaux d’un Native Instrument BandStand avec une section guitare hypertrophiée : et c’est tant mieux.
Car couplées à la section d’effets, ces dernières produisent parfois des résultats étonnants : on est bien entendu très loin d’inquiéter un EastWest ou un Spectrasonics mais tout de même, il n’y a vraiment pas photo avec l’ancienne version de Guitar Pro. Puisqu’on en parle, la partie effets propose 5 inserts de pistes dans lesquels vous pourrez chainer, selon l’ordre qu’il vous plait, 11 amplis guitare, 3 amplis basse, 14 pédales de saturation, 12 pédales d’effets à modulation, 2 compresseurs, 2 pitchers, 11 filtres / EQ / Wah ou 3 delays/réverbs pédales, lesquels s’inspirent évidemment de modèles célèbres : Cry Baby ici, Tube Screamer là…
En master, vous aurez droit à 3 inserts et un backline se composant de 2 compresseurs, 2 EQ graphiques et 5 réverbs. Inutile de dire que les combinaisons sont légions et qu’elles démultiplient les sonorités qu’il est possible d’obtenir avec la banque de son : la Leslie appliqué à la guitare Lead en début de Black Hole Sun peut enfin sonner comme telle, ce qui n’était pas possible auparavant. Et que dire des grosses guitares saturées. Rien, si ce n’est vous proposer l’écoute de quelques extraits :
Etonnant, non, pour un soft de tablature ? Certes, on n’est pas au niveau des meilleurs ROMplers disponibles en terme d’articulations, mais sur certains morceaux, les playbacks ont vraiment de la tenue pour un soft à 60 €. Evidemment, dès qu’on est sur du son clair, c’est tout de suite moins bluffant, avec surtout un problème dans l’interprétation MIDI de la partition : sur un vrai strumming, la note la plus grave de l’accord est toujours attaquée plus fort que les autres, cependant qu’un infime décalage sépare les notes : point de ce réalisme ici ou Guitar Pro joue les 6 notes à la même vélocité et exactement en même temps. Le Here Comes the Sun des Beatles sonne ainsi ultra mécanique et on ne se passera pas du disque original sur ce point, même si, une fois encore, le rendu obtenu est largement suffisant pour travailler.
Par ailleurs, même si le fait d’avoir intégré une section d’effets permet une grande polyvalence au niveau des sons et un rendu bien plus réaliste que par le passé, force est de constater que ces derniers ne sont pas toujours exempts de tout reproche : les réverbs ne sont pas ce qu’on a entendu de mieux, et l’usage fait du compresseur ou de l’EQ tourne souvent à la caricature : égalisation en V, surcompression qui pompe à mort… Bref, on n’hésitera pas à aller trifouiller les réglages pour éviter l’impression de travailler son instrument sur Skyrock ou NRJ…
Evidemment, vous pouvez exporter tout cela au format WAV, cependant que votre partoche pourra se transformer, d’un simple clic, en fichier MIDI ou encore en document PDF, ASCII, MusicXML ou encore en image au format PNG.
Conclusion
Cette version 6 est à n’en pas douter une mise à jour majeure de Guitar Pro. Petit logiciel à ses débuts, le soft est tout bonnement devenu la référence absolue en la matière, grâce à une interface intuitive, des fonctions bien pensées et un prix dérisoire. Faut-il mettre à jour votre ancienne version de Guitar Pro pour 29 € ? Oui, mille fois oui, pour bénéficier d’une ergonomie et d’un moteur de rendu audio autrement plus efficaces que ceux des versions précédentes. Faut-il vous payer la version complète à 59 € si vous ne possédez pas d’éditeur de tablature ? Oui, mille fois oui si vous êtes guitariste et voulez travailler votre instrument en accédant à l’une des plus grosses bases de partitions disponibles sur le net. Car c’est vraiment là que Guitar Pro fait mal à la concurrence : dans les dizaines de milliers de chansons qu’on peut récupérer ça et là, sur des sites gratuits ou payants…
Alors certes, tout n’est pas parfait, et il y a encore une belle marge d’évolution pour le logiciel (outre les progrès à faire du côté des playbacks MIDI, à quand l’introduction d’une piste audio pour simplifier les relevés ou s’enregistrer par exemple ?), mais vu que les auteurs du soft ont le bon goût de ne pas être gourmands (vu la mise à jour, je n’aurais pas été étonné que le prix grimpe jusqu’à 99 €) et que le soft est dans l’ensemble très pertinent, je ne vois pas de raison de ne pas vous le recommander, très, très chaudement…