Du matos, on en voit passer un paquet sur Audiofanzine. Le nombre de news quotidiennes le démontre : nous sommes constamment abreuvé par une industrie qui, trop souvent, privilégie la quantité à la qualité. Pour être tout à fait honnête, peu de produits suscitent un réel enthousiasme au sein de l’équipe éditorial d’AF, en particulier dans le monde de la guitare. C’est l’habitude diront certains. Mais c’est surtout au conformisme ambiant que l’on doit imputer cet état de fait. Heureusement, il arrive que nous nous laissions séduire. Nos oreilles s’ouvrent alors, nos yeux s’écarquillent, et un sourire béat pointe le bout de son nez. Ces cas sont rares, mais précieux. C’est exactement ce que nous avons ressenti lors de notre premier contact avec l’Infinite Jets d’Hologram Electronics.
Hologram Electronics est un petit fabricant né en 2015 de l’initiative de Jason Campbell et Ryan Schaefer, deux musiciens. Installés dans le Tennessee, aux Etats-Unis, les deux compères conçoivent des pédales d’effets mêlant des technologies numériques et analogiques. Dès la sortie de son premier modèle, la Dream Sequence, Hologram suscite une excitation certaine chez les amateurs de pédales pour guitares. La machine permet de créer des « séquences » à partir du jeu de l’instrumentiste, que l’on peut modifier à l’aide d’enveloppes et d’effets de pitch. Cette approche originale permet à la Dream Sequence de connaître un succès d’estime, et la joyeuse bande d’Hologram se remet directement au travail et s’attèle à la conception d’un second modèle : l’Infinite Jets.
Depuis quelques mois, l’Infinite Jets est disponible et fait le buzz. La pédale s’appuie sur les fondations de la Dream Sequence, mais se concentre sur l’échantillonnage afin de créer des nappes et des sons d’ambiances originaux. Pour être plus précis, l’Infinite Jets détecte votre jeu et notamment la dynamique, quel que soit l’instrument, pour « sampler » des notes individuelles et des accords. L’échantillon est alors traité par la pédale qui délivre des couches sonores résonantes par dessus lesquelles l’on peut continuer de jouer. Deux canaux d’échantillonnage sont même disponibles et l’on peut donc créer différents effets de sustain se superposant ou non. Ce n’est pas très clair ? Lisez donc la suite de ce test.
Elégante complexité
L’Infinite Jets prend la forme d’une jolie pédale rectangulaire aux dimensions de 18,5 × 11,5 × 3,5 cm. Le châssis blanc cassé est parsemé de six potards, d’un sélecteur, de trois footswitchs – un pour l’activation et deux pour enclencher les canaux – et de plusieurs indicateurs à LED. Quelques rares élégantes inscriptions à l’esthétique très « eighties » renseignent le nom du produit et les fonctions des différents boutons. Enfin, l’on trouve une entrée et une sortie mono, ainsi qu’un port jack pour pédale d’expression. Ah oui, l’Infinite Jets fonctionne avec une alimentation 9 volts tout ce qu’il y a de plus classique. Voilà. Le tout est sobre et plutôt minimaliste, à tel point que l’on se demande comment il sera possible de contrôler la bête pourtant annoncée comme capable de toutes les folies.
Pour comprendre la relative faible quantité de boutons, il faut s’attarder sur les sérigraphies. L’on remarque ainsi rapidement que la plupart des potards semblent avoir deux fonctions. Un bref tour de l’imposant et joli manuel en couleur confirme finalement cela. La lecture de ce dernier est d’ailleurs obligatoire pour tirer pleinement parti de la machine d’Hologram Electronics. L’on apprend, par exemple, que l’Infinite Jets doit être calibrée au premier usage pour s’adapter au niveau de sortie de l’instrument utilisé. En effet, l’effet repose sur la dynamique de la guitare, et l’intensité mise par l’instrumentiste a une influence directe sur les sonorités produites par la pédale. A l’image de nombreuses fonctions, la pression de deux footswitchs est nécessaire pour enclencher le calibrage. Le système est intéressant, puisqu’il permet aussi de paramétrer la sensibilité de la machine en fonction de la force du jeu lors de la phase de calibrage.
Une fois cette étape franchie, il convient de choisir son mode par l’intermédiaire d’un potard cranté rotatif nommé Voice. L’Infinite Jets propose quatre modes déclinés sous la forme de 10 presets. Le mode Blur « freeze » les fréquences et élimine l’attaque et le decay du signal original pour créer des nappes. Quatre presets sont disponibles avec des octaves différentes : 0, +1, –1 et +1/-1. Le mode Synth, lui, transforme le sample échantillonné en un son de synthétiseur grâce à des algorithmes développés par Hologram. L’on trouve cette fois deux presets : le premier offre des sonorités de synthés puissants et incisifs (Synth A) alors que le second s’inspire des synthés 80’s plus planants avec un effet chorus (Synth B). En mode Glitch, la pédale récupère le signal pour le fragmenter en diverses petites boucles qu’elle rassemble ensuite. Le preset Glitch A divise le signal en quatre boucles constantes, alors que le Glitch B agit sur six fragments audio apparaissant de manière aléatoire ou contrôlée. Enfin, le mode Swell propose des changements de volume drastiques cumulés à un delay. Le preset Swell A utilise la dynamique de votre jeu pour actionner une enveloppe de volume alors que le preset Swell B ajoute une forme d’onde qui permet de créer des effets de « violoning » fuzzy et autres joyeusetés. Pour terminer sur les modes, ajoutons que deux presets « User » sont disponibles. Il est donc possibles d’enregistrer deux réglages uniques et personnalisés de l’Infinite Jets et de les rappeler.
Une fois la guitare calibrée et le mode choisi, l’on peut d’ores et déjà s’amuser avec l’Infinite Jets. Comme nous l’avons dit, le principe de la pédale repose sur ses deux canaux : on peut créer deux échantillons indépendants qui seront ensuite traiter par la machine pour créer des sonorités originales. Chaque canal à son propre footswitch et il est possible de les contrôler indépendamment. Prenons un exemple !
Si vous égrenez un accord de Mi mineur et que vous appuyez sur le footswitch du canal A, une nappe se basant sur un échantillon de votre Mi va être créée et résonner pendant un certain temps (il est possible de configurer la durée, mais nous y reviendrons). Vous pouvez alors librement jouer par dessus la couche sonore créée. Vous pouvez aussi jouer un autre accord, comme un Mi à l’octave ou un Sol pour superposer une seconde nappe via le canal B. Il suffit de « sampler » à la volée votre second accord en appuyant sur le footswitch B après avoir gratté les notes. On se retrouve alors avec deux « nappes » en plus du signal dry de la guitare. Vous avez compris le principe ? Si ce n’est pas le cas, peut-être que l’extrait qui suit vous aidera.
Comme vous pouvez l’entendre, nous avons actionné l’échantillonnage des canaux A et B à différents moments, ce qui nous a permis de créer des couches sonores à la volée, en plus de la guitare. Les sonorités générées par la pédale changent évidemment en fonction des modes que nous avons déjà évoqués.
A présent que vous avez compris le principe de l’Infinite Jets, nous pouvons rentrer un peu plus en profondeur dans les réglages de cette étonnante pédale.
L’effet Kiss cool
Outre le réglage Voice, le sélecteur Trigger Mode est essentiel pour appréhender l’Infinite Jets. Il permet en effet de déterminer la manière dont les deux canaux s’enclenchent et interagissent. Il existe trois possibilités ! Le mode Manual permet de déclencher individuellement et selon la volonté de l’instrumentiste les canaux : il faut actionner les footswitchs.
Le mode Mono est plus automatisé, puisque le « sampling » s’effectue dès que le guitariste plaque un accord ou joue une note. Finis donc les footswitchs A et B ! A chaque nouvelle attaque, un canal prend la suite de l’autre, mais les deux ne sont jamais actifs en même temps. Il faut en effet passer en mode Poly pour que les deux canaux se superposent brièvement à chaque nouvelle attaque, et donc à chaque nouvel échantillonnage.
Un réglage Drive permet de faire saturer à la fois le son dry de la guitare et le son produit par la pédale. La section est pilotée numériquement mais est entièrement analogique. En restant appuyé sur le footswitch A tout en bougeant le potard Drive, l’on active un réglage de tonalité, lui aussi entièrement analogique. Juste à côté de ce bouton, on trouve un réglage Dry. Il s’agit en fait d’un « blend » puisqu’il permet de doser le ratio entre les signaux dry et wet. A 12h, le son de la guitare et celui des nappes ont un volume un équivalent. En allant vers la gauche, le signal dry baisse petit à petit alors que le signal wet augmente, jusqu’à obtenir uniquement le signal wet. C’est exactement l’inverse vers la droite, et la guitare est donc particulièrement mise en avant. Le potard Dry dispose aussi d’une fonction secondaire, puisqu’il peut faire office de Master Volume également analogique.
Trois dernier potards permettent de façonner le son des nappes générées par l’Infinite Jets. Il y a tout d’abord Envelope Shape qui modifie la forme d’onde. La nappe évoluera de manière différentes en fonction des 5 formes disponibles, une 6e options permettant même d’alterner de manière aléatoire entre les formes d’ondes précédentes. Le potard Envelope Time, lui, gère la longueur de la nappe. Plus l’on pousse le potard, plus le sustain sera long. En bout de course, l’on trouve un réglage « infini » pour que le son ne cesse jamais, et un réglage similaire où cette fois c’est la forme d’onde qui se répète à l’infini. Enfin, le bouton Dimension modifie des paramètres propres à chaque mode :
- Blur – Modifie le temps de delay, un filtre et le feedback
- Synth – Modifie la fréquence du filtre passe-bas
- Glitch A – Modifie la longueur du sample répété
- Glitch B – Permet de naviguer entre les 6 petits samples échantillonnés
- Swell – Modifie le temps de delay, un filtre et le feedback
Nos trois boutons ont également tous une seconde fonction. L’Infinite Jets embarque un LFO qui permet de moduler les paramètres du boutons Dimension. Le potard Env Shape devient alors LFO Shape, Env Time devient LFO Freq, et Dimension devient LFO Depth. On peut donc régler finement le LFO. Un mode caché permet même de remplacer le LFO par un générateur d’enveloppe qui, lui, n’agit pas en continue mais uniquement lorsqu’une note est jouée.
Vous pensez que notre découverte des capacités de l’Infinite Jets est terminée ? Détrompez-vous, la pédale en a encore sous le capot…
De l’expressivité
Vous l’aurez compris, la pédale d’Hologram Electronics est une machine complexe aux multiples possibilités. Si nous avons vu l’essentiel des fonctions disponibles, il reste quelques éléments destinés à offrir une plus grande expressivité dont nous n’avons pas encore parlés.
Tout d’abord, l’Infinite Jets possède une entrée pour pédale d’expression. Il est possible de contrôler les réglages Envelope Time, Envelope Shape et Dimension, ainsi que le Drive et le Dry. Plus fort encore, vous pouvez enregistrer des sortes d’automations à la volée. Il vous suffit de tourner les potards Dimension ou Drive tout en restant appuyé sur le footswitch central pour enregistrer et boucler le mouvement effectué. Attention, seuls ces deux paramètres disposent de cette fonction. Enfin, la saturation possède nativement un système de compensation du volume. Vous aurez beau augmenter le gain, le volume ne changera pas. Il est aussi possible de débrayer cette compensation pour avoir, en parallèle de l’augmentation de la saturation, une augmentation du volume.
Unique
A présent, vous devriez maîtriser l’infinite Jets sur le bout des doigts ! Il ne nous reste plus qu’à l’écouter. Vous trouverez ci-dessous une flopée d’extraits démontrant les capacités sonores de la machine. Mais tout d’abord, nous avons remarqué une coloration assez importante du son de la guitare lorsque la pédale est active. Ecoutez :
Hologram indique que le signal dry est entièrement traité de manière analogique. Certes, mais nous ne pouvons que constater que la pédale colore clairement le son de la guitare. Le spectre de fréquences est un peu moins large, les haut-médiums creusés et les aigus un peu plus mis en avant. Ce n’est pas forcément un défaut, puisque la pédale n’est pas forcément utile pour des styles musicaux misant sur le son pur de votre guitare, mais certains regretteront cette « détérioration ». Jetons à présent une oreille aux différents modes.
- 3 Blur 0 Mono 03:38
- 4 Blur +1 Mono 02:48
- 5 Blur 1 Mono 02:44
- 6 Blur+1 1 Poly 02:54
- 7 Synth A Mono 02:36
- 8 Synth B Manual + delay 02:22
- 9 Glitch A1 Poly 01:34
- 10 Glitch A2 Mono 03:28
- 11 Glitch B Poly 02:16
- 12 Swell A Poly 04:40
- 14 Swell B Manual + Delay 03:06
Dans l’ensemble, tout sonne ! Le tracking est excellent et la pédale réagit vraiment à la dynamique. La promesse est donc tenue. Les modes Blur sont peut-être un peu moins réussis que les effets Synth et Glitch, mais c’est avant tout une question de goût. En effet, les presets offrant une octave supérieure pour un effet « shimmer » nous ont parus un peu en retrait. Mais il faut bien avouer que nous ne sommes pas particulièrement sensibles à ce type de sonorités en général. A l’inverse, les presets Glitch A et Swell A nous ont régalés. Le premier permet de créer des ambiances planantes avec des notes qui émergent de nulle part, et l’on peut accentuer l’aspect « glitch » en créant des automations avec l’enveloppe ou le potard Dimension. Le second est aussi génial, avec des effets de volume qui apportent une intensité dramatique. Le son prend de l’ampleur lorsqu’on le laisse trainer, c’est puissant.
Les fonctionnements Poly, Mono est Manual modifient complètement l’approche que l’on doit avoir de l’infinite Jets, et, par la même occasion, les sonorités. Le côté très personnalisable du mode Manuel permet de faire la part belle aux ambiances subtiles et aux résonances brèves et fulgurantes, là ou les modes Poly et Mono offrent des sons plus automatisés, voire aléatoires. Le mode Poly est d’ailleurs plus difficile à maîtriser, surtout avec des temps d’enveloppe longs ou infinis, car les couches se superposent. Il faut doser le rythme et l’intensité du jeu pour créer des harmonies fines, sous peine d’être submergé par la pédale. Notons d’ailleurs que bon nombre de modes offrent des graves puissants et très présents qu’il ne faudra pas hésiter à calmer en passant par le réglage de tonalité, ou le dosage des signaux (potard Dry).
Nous avons aussi essayé la pédale avec un son saturé sur notre Kemper. Le résultat n’était pas toujours probant, mais les amateurs de noise et autres styles bruitistes se régaleront. Il est tout de même préférable d’utiliser la saturation intégrée à l’Infinite Jets par l’intermédiaire du bouton Drive. Ecoutons ce que cela donne, d’abord avec la guitare seule, puis avec les nappes dans différents modes.
- 15 Drive seul 01:38
- 16 Drive avec différents modes 04:38
La section Drive est assez décevante, notamment car le gain n’est pas très progressif au début. Il n’est quasiment pas audible jusqu’au premier quart de la course, après quoi il apparaît subitement avec une bonne hausse de volume et une grosse coloration du son de la guitare (le bas disparait au profit des aigus). La compensation du volume est par contre très efficace ensuite, puisque le niveau de sortie reste constant même lorsqu’on pousse le gain au maximum. Il y a également pas mal de souffle, et une forte compression lorsque le gain franchit 12h. Fondamentalement, nous avons trouvé cette section assez mauvaise, mais, étonnement, elle convient à l’Infinite Jets : une fois noyée dans les nappes, elle apporte un côté plus « sale » au son. Hologram aurait toutefois pu faire bien mieux.
Pour terminer, écoutons trois extraits dans lesquels nous utilisons respectivement une « automation » sur le bouton Dimension, puis les différents réglages du LFO, et enfin le générateur d’enveloppe en lieu et place du LFO.
- 17 Synth B Automation Dimension 00:54
- 18 Blur 1 LFO 01:14
- 19 Synth B Envelope Generator 01:44
Vous pouvez constater que l’enregistrement de mouvements de potard fonctionne à merveille et qu’il apporte un surplus de créativité. C’est indubitablement un gros point fort de l’Infinite Jets. La gestion du LFO est dans la même veine, avec des capacités sonores démultipliées par l’intermédiaire de très jolies modulations. Enfin, passer du LFO au générateur d’enveloppe change radicalement la donne. Les sonorités sont moins planantes, plus vocales et dynamiques. C’est une tout autre utilisation de l’Infinite Jets particulièrement appréciable. Décidément, malgré ses nombreux défauts, la pédale d’Hologram Electronics est terriblement séduisante.
Conclusion
L’Infinite Jets a plein de défauts, c’est certain. Mais c’est une pédale unique de part ses sonorités et ses fonctions, ce qui la rend terriblement attachante. Surtout, la machine nous pousse à jouer, à expérimenter, et c’est toujours au service de la musique. Un instrumentiste, même solitaire, peut créer des progressions complexes et apporter de la vie à ses compositions. D’un point de vue strictement sonore, seule la section Drive nous aura vraiment déçu, et c’est un tour de force !
Toutefois, on ne peut passer sous silence quelques choix préjudiciables à la qualité finale de la machine : le son de l’instrument est fortement coloré, il n’y a que deux presets, pas de MIDI, et l’ergonomie à base de double fonctions est une tannée. Il s’avère par exemple difficile de retrouver le réglage initial de la longueur de l’enveloppe lorsqu’on modifie la fréquence du LFO, puisque les deux paramètres partagent un même bouton. On aurait aussi aimé pouvoir choisir des modes différents pour chacun des canaux. De même, des entrées et sorties stéréo auraient pu apporter un plus : « paner » les deux canaux ferait certainement son petit effet. Si l’envie de faire la fine bouche nous prenait, l’on pourrait même regretter l’absence d’une fonction Trail pour permettre à l’effet de s’estomper avec classe lorsqu’on le désactive. Enfin, le tarif extrêmement élevé de la machine la met hors de portée de la plupart des bourses (495 €).
Malgré tous ces reproches, nous avons adoré l’Infinite Jets. Elle fait partie des rares produits qui marquent le parcours d’un testeur. La pédale a trop de défaut pour repartir avec un 5/5 ou même un 4,5/5, mais elle mérite amplement un 4/5 et notre award « Innovation ». Hologram Electronics est un jeune fabricant, alors félicitons les équipes de la marque et encourageons-les à rapidement nous proposer un nouveau produit encore plus abouti.
Merci au magasin The Effect Factory pour le prêt de la pédale.