Une nouvelle paire de moniteurs de conception inhabituelle, avec des haut-parleurs latéraux, et qui intègre les outils de mesure et le calibrage Sonarworks… voilà de quoi titiller notre curiosité !
Un poids plume chez les poids lourds
Fluid audio est une marque qu’on ne connaissait que de nom, et on n’avait jamais eu l’occasion de toucher ou d’écouter le moindre de leurs produits avant cette paire d’enceintes. Après quelques petites recherches, la firme californienne s’est avant tout spécialisée dans les moniteurs de studio, et propose aussi un micro, une interface audionumérique et quelques accessoires. Ce qui est plus surprenant, c’est que les produits commercialisés jusqu’ici étaient globalement bon marché, en dessous de 400 €, alors que les Image 2 que nous allons découvrir ici sont vendues près de 2000 € l’unité ! Fluid audio se lance donc dans un nouveau marché, et une tout autre catégorie. Pour situer un peu ce produit dans le paysage des enceintes de monitoring, le tarif est comparable à celui des Neumann KH310 ou encore des Focal Twin6 — qui ne sont pas des trois voies mais « deux voies et demie » — deux très belles références. Globalement, les marques fiables et identifiées qui proposent des modèles trois voies pour ce tarif-là sont assez rares.
Dans une époque où on demande de plus en plus à des outils compacts, peu volumineux, des performances supérieures à ce que leur taille laisse envisager, les constructeurs d’enceintes ne sont pas en reste. L’objectif, pour certains, relève de faire entrer trois voies dans une boîte dimensionnée comme celle d’une deux voies, ou presque. On avait vu la marque Kali intégrer le tweeter dans le haut-parleur médium ou Barefoot Sound placer le haut-parleur grave sur le côté du moniteur. C’est cette deuxième option qu’a choisi Fluid Audio, et la première impression saisissante en découvrant la paire de Image 2, c’est de constater que deux boomers sont placés de chaque côté des deux enceintes ! On notera tout de même que la marque est à la pointe sur le sujet, puisque la précédente série FX comportait un tweeter coaxial du haut-parleur médium englobé dans celui-ci (comme les Kali In8). Pour revenir à nos modèles du jour, il s’agit donc bien de moniteurs trois voies, comportant à l’avant un tweeter AMT en bas — voici une autre originalité — un haut-parleur médium 5 '' au-dessus, et enfin les deux boomers 8 '' sur les côtés. Le tweeter Air Motion Transformer est assurément un des éléments qui caractérisera le son de ces enceintes, et il est enfoncé profondément dans un large guide d’onde. Les cabinets sont fermés, il n’y a pas de bass reflex, contrairement à beaucoup de moniteurs. Ils sont également très profonds (363, pour 357 de haut et 241 de large), conséquence de la présence des haut-parleurs sur les côtés. On peut également choisir de placer les moniteurs dans le sens inverse (tweeter vers le haut), et dans ce cas le logo Fluid pourra être retourné, mais c’est bien cette disposition-là qui nous est proposée par défaut.
Sur le panneau arrière se trouvent les différents branchements et contrôles : les entrées analogiques en XLR ou Jack TRS, mais aussi numériques en AES/EBU ou S/Pdif.
Une entrée jack est par ailleurs disponible pour brancher un footswitch, et une prise USB pour connecter l’enceinte à un ordinateur en vue d’un contrôle à distance du DSP. On est donc en présence, et on y reviendra, de moniteurs modernes intégrant beaucoup d’outils numériques. Parmi les réglages disponibles, on trouve un potentiomètre de volume cranté (on aime) mais pas numéroté (on aime moins), un sélecteur pour le standby automatique (c’est bien de pouvoir choisir), un autre pour désigner le canal gauche ou droit, qui ne sert apparemment qu’en connexion numérique. Le sélecteur suivant, justement, nous permet de choisir l’entrée analogique ou numérique. Dans l’autre colonne, on trouve quelques options d’égalisation, toujours très bienvenues sur des moniteurs de studio. Tout d’abord un potentiomètre pour les graves en dessous de 70 Hz, cranté de –2 dB à +1 dB, qui se révélera très pertinent ! Ensuite deux sélecteurs pour les médiums autour de 2 kHz et les aigus au-delà de 8 kHz, à –1 dB 0 ou +1 dB. Enfin, on trouve un dernier sélecteur Ground/Lift qui nous a un peu surpris (c’est la première fois qu’on le rencontre sur les moniteurs de studio) et dont on n’a pas eu l’utilité.
Écoute Fluide
On va déjà découvrir les enceintes en toute transparence, sans aucun réglage, à travers une écoute comparative avec nos différents moniteurs de référence, à savoir les Genelec 1030A et les Adam A7X. Comme ces deux paires ne sont pas des trois voies, on écoutera aussi de temps à autre sur les grosses Genelec 1037C pour le grave.
Alright – Kendrick Lamar
Un de nos morceaux préférés pour tester de nouveaux moniteurs… D’emblée, le grave impressionne : les Image 2 descendent très bas, on trouve ça légèrement excessif, mais c’est tout de même agréable et homogène. Le haut du spectre est très doux, les hi-hat et la caisse claire sont nettement moins agressifs que sur nos écoutes habituelles, et le médium est très présent. La voix prend beaucoup de place, il y a une densité impressionnante dans le bas médium. Si on doit comparer, on est beaucoup plus proche des Adam A7X — en clairement mieux — que des Genelec dont la balance fréquentielle est radicalement différente.
A New Error – Moderat
Suite à ces quelques constats, on va tenter de limiter légèrement les bandes de fréquence qu’on avait trouvées excessives, et on commence par le bas. Ce morceau est notre test habituel pour les graves, et un petit réglage à –1 dB est plutôt bienvenu. À nouveau, on est assez impressionnés par la profondeur des graves, et moins gênés par leur niveau. On avait également testé à –2 dB, mais cela nous avait semblé moins cohérent au regard de ce qui se passe dans les fréquences au-dessus. Le medium étant très dense, on va par ailleurs tester de le limiter un peu et activer le –1 dB pour cette bande de fréquence aussi. La différence est assez nette et on retrouve un peu plus d’air, d’espace pour que les aigus puissent s’exprimer. On a toujours nettement moins d’aigus que sur nos écoutes de référence, mais on retrouve plus de mordant sur les éléments percussifs. Pour nous qui n’aimons pas mixer sur des moniteurs dont le bas serait très généreux, ce réglage paraît équilibré, et assurément adapté pour travailler sur de la musique électronique comme celle qu’on écoute maintenant.
Eternal Summer – The Strokes
Toujours avec ce réglage, on se lance dans une troisième écoute. La densité du bas médium est assez agréable et donne beaucoup de substance à la voix et aux guitares, ainsi qu’à la caisse claire et sa réverbe. Des éléments de la rythmique comme le shaker souffrent un peu de la douceur des aigus, mais cela reste tout de même précis et agréable. L’image stéréo est belle et large, l’arrangement est très clair.
Mesures imagées
Pour donner un peu de consistance à nos impressions, on va effectuer quelques mesures et observer les fréquences générées par ces moniteurs, les comparer aux moniteurs précédemment mesurés dans la pièce. On commence par faire sonner un bruit blanc, et visualiser à l’aide d’un analyseur de fréquences ce qui est capté par le micro de mesure. Précisons qu’on a remis les compteurs à zéro, et enlevé les deux réglages qu’on avait choisis pour revenir aux enceintes à plat.
Nos impressions sont clairement confirmées par le graphique, on constate une bosse importante entre environ 30 Hz et 75 Hz, qui correspond à ces graves légèrement excessifs repérés à l’écoute. De même, un petit plateau entre 150 Hz et 300 Hz vient corroborer ce que nos oreilles avaient identifié comme une densité importante dans le bas médium.
Il est temps de parler maintenant du partenariat avec la marque Sonarworks. Avant de rentrer davantage dans les détails, précisons que tout cela commence par une mesure effectuée à l’aide du logiciel SoundID Reference Measure et de son micro de mesure dédié. Après une petite demi-heure de sons captés à différents endroits de la pièce, on a accès à cette représentation de la courbe de fréquence, qui vient à nouveau confirmer nos impressions de manière éloquente.
On a testé, écouté et mesuré un certain nombre de paires de moniteurs dans cette même pièce, des Genelec, Adam audio, Focal, Neumann, Eve audio, IK Multimedia, Kali, Krk… Ces Image 2 n’ont pas la réponse en fréquence la plus linéaire qu’on a observée, mais elles se défendent plutôt bien ! Certains modèles concurrents ont des bosses dans le grave plus marquées, et plus gênantes. Et ici le filtre grave est très bien placé pour corriger cette tendance. En revanche on regrette une petite lacune autour de 5 kHz.
SoundID Reference
Attention, le SoundID Reference n’a pas pour objectif de mesurer les enceintes, mais la façon dont la pièce réagit par rapport à celles-ci, et surtout, il a pour vocation de proposer des corrections en fonction des mesures effectuées. Le partenariat entre Fluid Audio et Sonarworks est du même ordre que celui entre Adam Audio et cette même marque, dont on vous avait déjà parlé dans ces colonnes : une fois les mesures effectuées, elles vont pouvoir être communiquées au logiciel de contrôle distant du DSP des enceintes, pour implémenter directement dans les Image 2 des corrections appropriées. Redoutable ! Il y a un an environ, on avait été éblouis en découvrant cette procédure avec les Adam A7V, mais depuis une bonne partie des constructeurs d’enceintes ont développé des systèmes de calibration du même genre, dont certains inspirent moins confiance que d’autres. Le fait que Sonarworks soit de la partie donne beaucoup de crédit à la démarche, car c’est une compagnie dont l’expertise est reconnue dans le domaine de la calibration des moniteurs et casques de studio. Plutôt que d’utiliser SoundID en plugin (possible avec n’importe quels moniteurs), qui n’appliquerait la correction qu’aux sources sortant du DAW, mais qui l’appliquerait à tout système d’écoute s’il y en a plusieurs, le fait d’affecter les corrections directement dans le DSP des moniteurs nous permet de les entendre sur toutes les sources entrantes, et uniquement sur la paire d’enceintes avec laquelle les mesures ont été faites. C’est une utilisation bien plus pertinente !
Les corrections proposées marchent bien, rien à dire, mais on aurait aimé que le logiciel de contrôle distant — DCT — nous offre plus d’options et notamment les mêmes égaliseurs que sur le panneau arrière, ou bien la possibilité de contourner ces filtres pour vérifier nos choix en étant au point d’écoute. Globalement, ce DCT ne nous a pas fait forte impression, à part pour faire le lien entre SoundID Reference et le DSP des moniteurs (ce qui est déjà pas mal !), on a vu des logiciels de contrôle distant mieux conçus.
Mixcube Mode
On était passé rapidement sur le footswitch, que la marque fournit avec la paire de moniteurs, et qui peut être connecté à l’arrière des deux. Celui-ci permet de basculer sur une utilisation type Mixcube des Image 2, dans l’esprit de ces petites enceintes à haut-parleur unique, comme les Avantone que l’on voit régulièrement en écoute alternative dans les studios de mixage. Focal, avec son « mode Focus », nous avait proposé la même chose sur le modèle Solo6. Souvent utilisées pour contrôler le niveau de voix, entre autres, ces petites écoutes annexes sont très utiles, et on aime bien la proposition. Ce Mixcube mode marche très bien, et en plus la LED sur les moniteurs nous indique par sa brillance s’il est enclenché ou non, au cas où nos oreilles fatiguées de fin de journée auraient besoin d’aide pour s’y retrouver.
Conclusion
Les moniteurs Image 2 sont de très bons outils de mix, leur conception avec ces deux haut-parleurs graves sur les côtés permet de descendre très bas dans le grave, mais la réponse en fréquence de base n’est pas très équilibrée, et elles sont peut-être un peu chères. Le partenariat avec Sonarworks pour une calibration du DSP des enceintes en fonction de la pièce est un atout non négligeable, et la fonction Mixcube est un joli bonus.