KRK sort sa première série signature, en édition limitée, qui brille de mille feux ! Des moniteurs étonnants et pas dans l'air du temps. Alors, le son Scott Storch, derrière cette allure bling bling, qu'est-ce que ça donne ?
Moniteurs à contre-courant
On ouvre les cartons, on déballe les enceintes et l’impression visuelle est saisissante : le panneau avant est doré et brille de mille feux ! Pour le reste, on retrouve le design typique KRK, avec une membrane jaune et noir, et le logo juste au-dessus à gauche. Très franchement, on n’est pas vraiment séduits par le look de ces moniteurs, un peu trop « m’as-tu-vu » à notre goût… mais justement, c’est une affaire de goût ! La dimension est assez saisissante aussi, 396 de haut pour 275 de large et 315 en profondeur, ce qui plutôt imposant pour une enceinte deux voies, même avec un haut-parleur 8 pouces. Alors que la plupart des constructeurs veulent faire entrer le plus de voies possible, et notamment de voies graves dans de petits volumes, KRK est un peu à contre-courant sur cette affaire, et sur d’autres aspects aussi, comme on le verra par la suite. On découvre maintenant le panneau arrière et on est saisis cette fois par sa simplicité : outre la connectique d’entrée en RCA, XLR ou TRS, et l’interrupteur, quelques contrôles pour ajuster les fréquences aigües (de –2 dB à +1 dB) et graves (de –2 dB à +2 dB) et le volume (de –30 dB à +6 dB). Ces trois rotatifs sont crantés, numérotés au moins en partie, ce qui est très bien pour s’assurer d’une stéréo cohérente. Enfin, sur la gauche du panneau arrière, l’icône de Scott Storch, dont on avait déjà remarqué la signature sur le panneau avant. Mais qui est Scott Storch ? Parmi ses faits d’armes, il a été un musicien du groupe The Roots, ce qui force le respect, puis un producteur pour des artistes au succès massif comme Dr. Dre, Beyoncé ou 50 Cent. On est donc dans un monde Hip-hop, R’n’B, et sans aller jusqu’à dire que les moniteurs sont réservés à ces genres musicaux, c’est probablement dans ce type de son qu’elles s’exprimeront le mieux. Scott, sur les photos qui accompagnent la sortie de ces KRK signature, porte des lunettes de soleil en studio, de grosses chaînes et montres qui brillent, donc on comprend un peu mieux le doré des moniteurs. Il faut préciser que ces KRK Classic 8ss ne proposent aucune connexion numérique, logiciel de contrôle à distance ou système de calibration, toutes ces nouvelles possibilités à la mode chez les marques de moniteurs de studio. De simples et grosses enceintes qui sonnent comme elles sonnent, sont ce qu’elles sont et à part trois petits réglages, on ne pourra rien y faire, c’est presque devenu une proposition originale.
Cheap bling bling
KRK, ça évoque pour beaucoup d’entre nous les premières enceintes qu’on a eues. Des Rokit, par exemple, pour lesquelles on a gardé une petite tendresse, même si on les a remplacées quand on a eu les moyens de s’offrir des moniteurs plus précis. Car la marque est associée, à juste titre, à l’idée d’un matériel très abordable, aux performances vraiment honnêtes pour le prix… un symbole de la démocratisation du home studio, en quelque sorte. On a vérifié dans le catalogue de matériel audio le plus connu du continent, l’enceinte KRK la plus chère est en dessous de 600 €, et la plupart se situent (à l’unité) entre 100 et 300 €. C’est dans cet esprit que s’inscrivent les 8ss de Scott Storch, qui sont vendues 299 € l’unité. En revanche, pour revenir au catalogue le plus connu du continent, elles n’y sont pas : en effet, ces moniteurs sont produits en quantité limitée, 500 paires dans le monde, et par conséquent ne sont pas disponibles chez tous les distributeurs ou revendeurs.
Pour entrer dans la description technique, ces enceintes sont des deux voies, avec un haut-parleur 8 pouces, un tweeter 1 pouce en dôme textile et un large et profond bass reflex en bas. La fréquence de coupure est à 2 kHz, ce qui est précisément celle du filtre aigu.
Équilibre fréquentiel
On installe les moniteurs dans la control room du studio, où on va les comparer avec notre paire de référence, des Genelec 1030A, et une paire de Adam A7X au prix plus comparable avec les KRK.
Alright – Kendrick Lamar
On décide de commencer avec un morceau de Hip-hop, pour se mettre dans un contexte cohérent au regard de la signature Scott Storch, et du public a priori visé par la marque sur ce produit. D’emblée, on est surpris : par la qualité et l’équilibre du son que dégagent ces moniteurs, et par leur profil. On s’attendait à de graves et bas médiums très présents, car c’est une tendance lourde dans la production de moniteurs de studio ces derniers temps, et parce que l’orientation Hip-hop, Pop grand public de la signature Scott Storch avait orienté notre imagination dans ce sens, sans compter que nos vieilles Rokit 5 avaient un peu ce profil (bas médium, puisque évidemment du vrai grave, elles n’en avaient pas). Mais ce n’est pas du tout ce qu’on entend ici, et honnêtement la réponse en fréquences de ces moniteurs nous semble d’instinct plus équilibrée que celle de modèles bien plus chers testés ces derniers mois. Les aigus sont bien présents, même s’ils sont moins saillants que sur nos Genelec, les transitoires notamment sont au rendez-vous. On sent que dans l’extrême aigu, il manque un peu d’air, mais franchement, c’est nettement plus clair qu’avec les KRK qu’on a connues avant, et même qu’avec les A7X. À l’autre bout du spectre, on n’a pas le sentiment que les 8ss descendent très bas, mais le niveau des fréquences graves nous semble cohérent. Un peu au-dessus, le bas médium est un peu massif, mais rien de vraiment perturbant.
A New Error – Moderat
Quand on se penche sur le bas du spectre, c’est notre morceau de référence. Cette écoute confirme nos impressions, les 8ss ne descendent pas très grave, on est un peu déçus sur ce plan-là. Mais en revanche, elles ont la grande qualité de ne pas avoir de basses fréquences envahissantes, et la balance tonale est assez cohérente. On va s’intéresser aux quelques possibilités de réglage, voir ce qui se passe si on augmente les graves, car on anticipe déjà que certains vont penser qu’il en manque. Étonnamment, on ne peut augmenter que de 2 dB : le +1 dB n’existe pas alors que dans le négatif, on a les deux options. Avec ce petit ajout de grave, on obtient un réglage plus pertinent pour ce genre de musique électronique où le contrôle des basses est un enjeu essentiel. Mais pour autant, on sent bien que l’extrême bas du spectre manque toujours un peu, et ce +2 dB a presque plus affecté le kick et son énergie que les basses. En réalité, ce filtre agit sur tout ce qui se situe en dessous de 200 Hz, ce qui est un peu trop haut à notre goût et vient augmenter un peu de bas médiums dont on ne manquait pas.
Dreams – Fleetwood Mac
On continue notre exploration avec de la musique un peu plus vintage. Ici, on ne manquera pas de basses, et la bande de fréquences augmentée précédemment vient souligner le groove de la chanson. Sur le plan de l’image stéréo, et sur la dissociation des éléments, on n’est pas sur l’image la plus précise et subtile qu’on a entendue, mais il faut se rappeler qu’on écoute une paire à 600 €, et la comparer avec des moniteurs trois fois plus chers serait injuste. On va s’intéresser au filtre aigu, et écouter ce que le petit ajustement à +1 dB peut apporter en clarté. Là, on est plutôt déçus, car la zone du spectre augmentée descend trop bas, vers 2 kHz, et on gagne plus en hauts médiums qu’en aigus. L’air qui nous manquait légèrement n’est pas plus là qu’avant, et on se dit que ce filtre servira peut-être plus en négatif à ceux qui veulent moins de hauts médiums, au risque de sacrifier les aigus… on n’est pas très convaincus. On précise aussi que les filtres ne sont pas d’une efficacité énorme en termes de niveau, et les dB nous semblent petits. Les ajustements seront donc subtils.
15 Step – Radiohead
On termine par un de nos morceaux fétiches pour tester des moniteurs, une production complexe, riche de Sir Nigel Godrich. On manque là encore un peu de profondeur dans la ligne de basse, mais en revanche au-dessus, la guitare est belle et très consistante. Les transitoires sont vraiment saillantes, la production rythmique subtile de cette chanson est très bien restituée.
Bruit blanc, micro d’argent… enceintes en or
Pour corroborer nos propos, nos impressions après ces quelques écoutes, on effectue des mesures à l’aide d’un micro Sonarworks. Il faut préciser que nous sommes revenus complètement à plat pour mesurer les fréquences, sans ajout ni atténuation d’aigus ou de graves. On commence avec un bruit blanc mesuré pendant quelques secondes, dont on va visualiser la restitution par cette paire de moniteurs.
On a la confirmation que le bas du spectre est assez peu représenté, on plonge en deçà de 100 Hz, et plus encore sous 50 Hz. La documentation fournie par la marque nous précise en effet que la réponse en fréquences à plus ou moins 3 dB ne descend pas plus bas que 42,5 Hz. Entre 100 Hz et 350 Hz, comme on l’avait entendu, c’est particulièrement présent. Ce qu’on n’avait pas identifié, en revanche, c’est un manque de niveau entre 450 Hz et 1 kHz. De même, on est plutôt surpris de voir la courbe remonter au-delà de 5 kHz, et ce, jusqu’à 15 kHz environ. On n’aurait pas parié sur des aigus aussi présents en effectuant la mesure, mais en y repensant, la zone un peu au-dessus de 5 kHz est effectivement un peu forte. Les caisses claires et autres éléments un peu agressifs, les attaques et les consonnes étaient bien présentes dans les morceaux qu’on a écoutés. On repense au filtre aigu, qui pourrait donc être utilisé pour adoucir cette zone.
À l’aide du logiciel SoundID Reference de Sonarworks, on mesure une deuxième fois la réponse en fréquences de ces enceintes dans notre pièce. La procédure proposée par cet outil est assez élaborée et vraiment digne de confiance, pour l’expérience qu’on en a. Le résultat vient confirmer la mesure précédente, on retrouve les mêmes caractéristiques dans les grandes lignes.
Conclusion
En toute franchise, nos yeux ne trouvent pas ces KRK Scott Storch très gracieuses, mais en revanche, elles trouvent plutôt grâce à nos oreilles ! En tout cas au vu du prix, puisqu’il faut bien se placer dans l’idée que malgré leur allure bling-bling, c’est une paire de moniteurs très abordables. On regrettera un peu qu’elles ne descendent pas plus bas, en dépit de leur taille et du bass reflex, mais leur équilibre et la cohérence globale des fréquences nous ont vraiment plu. Les deux filtres proposés pour l’aigu et le grave concernent à notre avis une bande de fréquences un peu trop large, mais ils ne sont pas nécessaires. Une bonne paire pour les petits budgets qui aiment ce qui brille !