Les nouveaux moniteurs novateurs d'une marque doyenne
Par Studios Megaphone le 07/03/2023
9/10
On commence à avoir l'habitude de tester de beaux moniteurs de studio, mais là c'est Neumann, la mythique marque berlinoise, qui s'y colle... alors forcément ça nous intrigue ! Notre fabricant préféré de micros sera-t-il encore à la hauteur de sa réputation ?
Neumann… un nom qui évoque de belles sonorités, pour les passionnés de son vintage que nous sommes. La marque allemande, évidemment connue et reconnue pour ses nombreux micros légendaires (comme le U47, le U67, et j’en passe…), propose des enceintes de monitoring studio depuis 2010. Au final, un micro et une enceinte sont un même transducteur utilisé en sens inverse, alors pour une firme qui fabrique les meilleurs micros du monde depuis presque un siècle, c’est presque étonnant que la proposition de haut-parleurs ou moniteurs soit si récente.
Neu Monitor
Les enceintes qu’on va découvrir ici, les KH 150, sont issues de la série KH qui propose différentes tailles de moniteurs deux ou trois voies, de 80 à 420, mais aussi des caissons de basses. Dans cette série, le modèle KH 120, en apparence assez proche existait précédemment, ainsi que la référence trois voies KH 310. Ce nouveau modèle est le chaînon manquant et vient prendre une place qui semblait vacante dans la famille KH, avec plus de basses fréquences que les 120, mais restant modeste en taille et en budget au regard des 310. Le fabricant nous vante la « linéarité optimale, distorsion minimale » de ce modèle, et insiste sur sa réponse en basses fréquences, grâce au nouveau haut-parleur 6,5 pouces combiné à un bass reflex particulièrement efficace. Comme d’autres nouveaux modèles récemment sortis par les marques concurrentes, ces moniteurs sont équipés d’un DSP, et donc d’un procédé numérique du signal sonore qui améliore une partie de ses performances, et va également nous permettre de contrôler certains paramètres depuis notre ordinateur, et d’optimiser l’intégration de la paire stéréo dans un espace acoustique. Tout un programme !
Premier contact avec les enceintes : elles sont grises aux angles légèrement arrondis, plutôt sobres, d’une dimension assez standard pour ce type de modèle. Un guide d’onde profond et large entoure le haut-parleur aigu d’un pouce, une grille protège le haut-parleur inférieur, et un joli logo Neumann trône entre les deux, qui s’illuminera avec élégance en rouge à l’allumage puis en blanc une fois les enceintes en fonctionnement. À l’arrière des enceintes se trouvent les différents branchements, en analogique et en numérique : entrées XLR, S/PDIF, même un branchement réseau audionumérique en AES67 (pas présent sur tous les modèles), et enfin un port RJ45 pour relier les moniteurs au même réseau que votre ordinateur (explications à suivre). Au-dessus de ces branchements, quelques réglages nous sont proposés : trois bandes de corrections graves (0 à –6 dB) médiums (0 à –6 dB) et aigus (1 à –2 dB), un sélecteur pour choisir le niveau de sortie (94, 100, 108 ou 114 dB SPL) et un potentiomètre pour affiner le niveau d’entrée (0 dB ou en négatif), le choix entre les différentes entrées analogiques ou numériques, un ground lift, et enfin un dernier sélecteur qui ouvrira une nouvelle porte… Ce dernier sélecteur, appelé Control, nous offre le choix entre « local » et « network ». Dans un cas, seuls les réglages effectués sur l’enceinte en « local » sont pris en compte, alors que dans l’autre un ordinateur relié en réseau pourra, via le logiciel MA 1 développé par Neumann, prendre la main sur un certain nombre de paramètres. On touche là à une des dimensions les plus intéressantes de ces moniteurs : le MA 1 peut envoyer au DSP des KH 150 des corrections, et même des informations sur la pièce et le point d’écoute, qui vont permettre d’adapter le réglage de manière à optimiser le rendement de la paire d’enceintes dans son environnement. Pour la petite anecdote, on a eu un premier contact pas évident avec les modèles qui nous ont été prêtés, car elles étaient en position « network » et une correction un peu radicale et surprenante avait été appliquée avant qu’on les reçoive… Il a donc fallu comprendre, et remettre les réglages à plat en « local » pour appréhender plus en douceur leur sonorité.
Il faut à ce stade préciser qu’on parle ici d’un produit haut de gamme qui a donc un certain prix : le paquet qu’on a la chance de tester, deux enceintes et le logiciel avec un micro de mesure, est vendu 3200 € environ.
Local Network
Après avoir pris le temps de bien observer le design de nos enceintes, on les met donc sous tension. Elles passent d’abord par un mode stand-by, où le logo Neumann se teinte de rouge avant de passer au blanc pour nous signaler qu’elles sont prêtes à l’emploi. On décide d’abord de les tester en mode Local, et de les écouter non corrigées (flat, comme diraient nos cousins anglo-saxons). En tout état de cause, les corrections manuelles qui sont proposées sont assez sommaires, et les niveaux de sorties sont équivalents à nos références, nous restons donc à 0 dB de gain d’entrée et un niveau de sortie à 94 dB SPL.
Sans Filtre
La première chose qui nous interpelle, c’est le rapport entre un bas médium très présent et un peu envahissant et le haut médium un peu creusé qui pourrait laisser transparaître un léger manque de présence et de définition. On passe en revue certains de nos morceaux de références, et nos impressions se vérifient assez logiquement. Sur « A new error » de Moderat, on profite d’une très belle image stéréo, très précise et large, mais beaucoup plus de densité dans le haut du grave et le bas médium, ce qui nous donne une sensation un peu fouillis, un peu chargée. A contrario, on a l’impression d’un léger manque de présence et clarté, pourtant le haut du spectre est précis et défini. Sur le « Under the Pressure » de War On Drugs, on vérifie encore nos impressions. Les réverbes des guitares nous paraissent un peu gluantes et envahissantes dans le bas médium, les caisses claires très grasses, et les voix nous semblent un peu voilées. C’est surtout dans les sources centrales qu’on ressent ce manque de présence et ce déséquilibre, les côtés ont l’air plus épurés et moins bouchés, les cœurs latéralisés sur d’autres morceaux ne souffrent pas du tout ce masque constaté sur certaines sources centrales. On passe alors sur un mix plus moderne et qui n’a pas du tout la même configuration fréquentielle. Avec "Alright” de Kendrick Lamar, les fréquences médium viennent se placer plus naturellement. L’équilibre fréquentiel est plus doux et homogène, la composante tonale de la voix est plus structurée et les aiguës et les transitoires restent précises sans être agressives.
Kalibration
On continue notre petit test en entamant la correction de nos enceintes. On installe donc le logiciel de calibration MA 1 que Neumann a développé récemment pour ses nouvelles séries d’enceintes. Le micro de mesure est fourni dans le paquet de produit, et sa courbe de calibrage unique est implémentée dans le logiciel par son numéro de série et son code de calibration avant de lancer les analyses. On avait dernièrement fait le test des enceintes A7V de Adam Audio, qui ont de leur côté développé le logiciel A Control pour piloter le DSP de leurs enceintes, à la différence près que les mesures étaient effectuées grâce au SoundID reference, que Sonarworks propose. S’en vient ensuite une succession de mesures effectuées avec des émissions de « swipe » dans chacune des deux enceintes, à sept positions différentes du micro autour du point d’écoute nominal. La courbe de réponse en fréquence qui en ressort est sans appel et confirme bien toutes nos premières impressions. On y retrouve effectivement une trop forte présence des fréquences bas médium, notamment entre 130 et 400 Hz, alors que le médium entre 600 et 1200 Hz est clairement déficient. On aurait pensé que l’analyse révèlerait un manque dans des fréquences un peu plus hautes, aux alentours de 2 kHz, qui correspond souvent à ce qu’on peut appeler la présence. On applique maintenant l’alignement automatique dans le MA 1. La méthode est la même qu’avec le A Control, et le fichier de calibration et d’alignement est automatiquement envoyé dans le DSP. Sauf que cette fois, le logiciel de Neumann effectue l’analyse, génère le fichier de calibration, et permet de communiquer avec les enceintes. On n’est plus esclave d’un logiciel extérieur pour générer le fichier de calibration, tout est interne à Neumann, dans une belle linéarité. Tout nous paraît beaucoup plus cohérent, la bosse dans les bas médiums est corrigée, le creux dans les médiums aussi. C’est un départ prometteur, et on affine un peu en utilisant l’égalisation graphique que l’on peut affecter à la courbe cible qui représente la courbe linéaire sur laquelle est intégré le fichier de calibration, en ajoutant deux dB de sub harmoniques, pour voir ce qu’elles ont dans le ventre, enfin dans le bas du ventre.
150 % DSP
Le résultat est vraiment très convaincant. Le grave est contenu mais profond, son impact est précis et agressif et les infrabasses nous procurent un joli tapis bien contrôlé et centré. Le bas médium nous semble maintenant maîtrisé et naturel, beaucoup plus homogène qu’avant le calibrage, notamment sur les éléments de production comme certaines guitares, des synthétiseurs ou encore des réverbes qui avaient tendance à boucher la balance tonale. On a aussi totalement récupéré la clarté dont on manquait, et les voix ou autres éléments mélodiques ont retrouvé toute la présence qu’elles nécessitaient. Les hauts médiums restent souples et pour le moins impactants, les transitoires sont jaillissantes et agréables, particulièrement musicales sur les percussions ou certaines attaques de guitares ou de synthés. Et enfin, on ne vous a pas encore parlé des aigus et des très aigus, mais c’est tout simplement parce qu’il n’y avait rien à dire là-dessus depuis le début. La brillance des réverbes, la précision du haut du spectre dans les voix, et l’air de certains instruments électriques sont remarquables par leur délicatesse et vraiment musicaux. Il n’y a rien de flatteur dans tout ça, on a l’impression d’avoir obtenu une écoute d’une grande neutralité, et pourtant très confortable à l’écoute. Même à très faible niveau on garde de la pression dans le grave, et l’homogénéité dans les différents niveaux d’écoute est réellement très impressionnante. On passe en revue différents styles de musique, différentes périodes de production qui impliquent des masters très hétérogènes, et on retrouve ces caractéristiques avec fidélités, sans qu’à aucun moment on ne se sente dérangé par les spécificités de ceux-ci.
Kalität !
En conclusion, on peut affirmer que ces moniteurs sont de très grande qualité, et pourront être utilisés en toute confiance pour mixer de la musique ou autre en studio. Les possibilités d’adaptation à l’environnement acoustique et de réglage détaillé qu’offre la connexion en réseau avec le MA 1 sont pour beaucoup dans la qualité de ce produit, et il serait dommage de s’en priver. La démarche pour utiliser le logiciel a été plutôt simple et rapide, et la correction qui nous a été proposée vraiment pertinente. Une légère réserve sur la réponse en fréquence par défaut qui présente un léger excès de bas médium, mais franchement au vu de toutes les qualités des KH 150 c’est un moindre mal.
Auteur de l'articleStudios MegaphoneLes Studios Megaphone
Les Studios Mégaphone, c'est un ensemble de studios de création, enregistrement et production musicale... situé à Aubervilliers juste au nord de Paris. Dimitri et Manuel sont les deux techniciens son et musiciens qui font tourner le studio principal.
Réactions à cet article(50)
arkitek
Posteur·euse AFfiné·e
Posté le 07/03/2023 à 15:48:52
Merci pour ce bon test !
Ce qui m’embête toujours un peu avec les DSP dans les enceintes, c’est que la dernière conversion DA est confiée au DAC des enceintes, donc pour un studio de mastering par exemple, exit la possibilité d’avoir des convertisseurs haut de gamme
(dans mon cas, je ne pourrais plus confier la dernière conversion à mon Dangreous Dbox+ que j’ai justement pris pour ne pas la laisser à l’Apollo, car, ce n’est pas du marketing, on entend réellement une belle différence, notamment dans la stéréo.)
Bref du coup, malgré le prix haut de gamme, je ne trouve pas que cela s’adresse à des studios pros.
(et si on sort en analo de notre carte son, on double la conversion du au DSP, car il aura une conversion AD en entrée et une DA en sortie, donc 3 conversions entre notre STAN et nos oreilles plutôt qu’une…)
Certes, je chipote un peu… mais a 3 000 euros la paire, on commence a entrer dans ce genre de considérations « subtiles »
Sarakyel
Squatteur·euse d’AF
Posté le 07/03/2023 à 16:18:09
Pour ceux qui voudraient des mesures plus complètes (notamment pour ce qui est de la directivité et de la distortion), elles ont été testées par Amir chez ASR.
A ce niveau de performance, les KH 310 perdent sérieusement en intérêt, et il faudra viser les KH 420 (donc monter bien plus haut en gamme) pour avoir vraiment mieux... Et là on passe sur du mid/far field. Bref, pour du monitoring de proximité, ces KH 150 sont actuellement ce qui se fait de mieux, dans un mouchoir de poche avec les modèles concentriques de Genelec.
Gut gespielt Neumann!!!
DownSideUp
AFicionado·a
Posté le 07/03/2023 à 16:37:45
Belles performance! Moi qui suis plutôt rarement emballé par les corrections et le DSP, Neumann fait les choses comme il faut.
Par contre le petit de drapeau pour le pays de fabrication ce serait plutôt celui-ci :
ahaa
Posteur·euse AFfiné·e
Posté le 07/03/2023 à 17:43:19
L'avantage du DSP est d'avoir la correction dans l'enceinte, donc indépendante du système d'écoute.
Si la correction est réalisée depuis un PC / Mac, le DSP ne présente aucun intérêt.
Le DSP ajoute une latence d'environ 3 ms.
Quand on fait soit même la correction depuis un PC / Mac, on peut se fabriquer des profils à très faible latence (et s’accommoder du déphasage) ou avec latence.
Les modèles concentriques de Genelec apportent une meilleur directivité verticale.
Auteur de l'articleStudios MegaphoneLes Studios Megaphone
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