Après le succès de la MC-303, Roland présente une nouvelle Groovebox bien plus musclée, affichant des caractéristiques impressionnantes et des fonctions sophistiquées. En prime, la MC-505 possède un contrôleur optique unique en son genre d’une souplesse remarquable. Let’s groove...
Pour répondre à l’essor de la musique techno, seuls Quasimidi et Roland avaient, ces dernières années, proposé des produits vraiment spécifiques. A part la MC-303 et le Raven, les technomaniaques pouvaient continuer à casser leur tirelire sur des machines vintages. Depuis, de nouveaux intégrés spécialisés sont apparus : Quasimidi Rave-O-Lution, Yamaha QY700, puis Ensoniq ASR-X. Conscient des limites de la MC-303 et fort des retours utilisateurs, Roland a remis sa Groovebox sur l’établi. Avec 64 voix de polyphonie, 512 sons, 714 styles et une palette impressionnante d’outils temps réel, la MC-505 entend bien imposer un nouveau standard.
MC505 ou Boeing 707 ?
Le premier contact avec la MC-505 inspire confiance. D’une construction métallique robuste, la machine affiche 5 Kg. Sur la face arrière, nous trouvons la prise secteur (alimentation interne, tant mieux), le duo MIDI in / out (out commutable en thru), la prise casque (devant, la prochaine fois, svp), un connecteur carte mémoire optionnelle Smart Media, une prise pédale programmable et 3 sorties stéréo (2 main + 4 séparées).
La face avant rappelle un poste de pilotage avec potentiomètres, switches, faders, pads et le DBEAM sur lequel nous reviendrons. Le panneau s’organise en 6 sections :
- Contrôle : potentiomètres de volume, booster de graves (avec renfort d’octave inférieure), arpégiateur, LCD 2×16 lignes (trop petit) ainsi que 2 fenêtres à 3 diodes 7 segments. A proximité, des touches de fonctions et de sélection de mode de jeu (patterns, songs, patches présélections, utilisateur ou carte) ainsi que le fameux DBEAM.
- Synthèse : sélection du filtre (PB, PH, BP, Peak), potentiomètres de fréquence de coupure, résonance, LFO, curseurs ADSR.
- Séquenceur : transport, métronome et Tap Tempo bienvenu.
- Edition : touches enter / exit, pages <>, incrément / décrément et un alphadial.
- Clavier : 16 pads hélas non sensitifs pour le déclenchement des sons, la programmation pas à pas ou la commande des RPS. A ceux-ci sont associés des switches de mode de jeu (octave, transposition, appel des patterns ou RPS).
- Mixage : 8 pistes avec touches de sélection directe du rythme (« R » composé de 8 pistes rythmiques avec leur propre switch) et des 7 parties instrumentales ainsi que 8 faders de voix, qui peuvent être affectés au volume de tranche, au panoramique, aux 3 départs effets (possédant eux aussi leurs propres potentiomètres de réglage) ou au Megamix.
Respirons…
Toutes ces commandes sont largement dimensionnées et certaines sont lumineuses ou agrémentées de LED d’activité. L’ergonomie de la machine est nettement améliorée par rapport à la MC-303, mais il faut néanmoins être très vigilant sur l’état des diodes (allumées, éteintes, clignotantes). Une touche Undo permettra de revenir sur les fausses manipulations, du moins en temps différé. Un mot sur les manuels (traduction française en cours) : le 1er « Quickstart », très didactique, permet de découvrir petit à petit la machine en terminant par l’enregistrement complet d’un pattern, après avoir fait le tour de toutes les méthodes de programmation simplifiée. Le 2nd s’attache de façon précise à la programmation détaillée de la machine. Il contient la liste de tous les paramètres avec leur plage de réglage et un précieux index permet de s’y retrouver.
Un vrai synthé
La MC-505 emprunte le moteur de synthèse du récent SC880 (tiré du SC88Pro). Nous disposons de 512 programmes en ROM, 256 en RAM sauvegardés à l’extinction et 512 sur carte. Pour les appeler, les touches incrément / décrément, pages <> permettant de sauter d’une banque à l’autre, en complément à l’alphadial. Il manque un pavé numérique, d’autant qu’une fois arrivé au dernier patch, on s’écrase contre un mur, car l’alphadial ne reboucle pas au point départ, dommage. Les patches sont constitués de 4 tones. A la base des tones, il y a 505 formes d’ondes (il fallait le trouver). Environ 40 ondes simples (carré, triangle, sinus, scie, pulse), 20 sons de basse, 50 multi-échantillons acoustiques, 92 effets spéciaux et 303 sons de percussions. Inutile de chercher le logo GM et s’il existe un multi-échantillon de piano acoustique, il est taillé pour la house ou le rock plutôt que pour une ballade de Chopin (les boucles sont assez courtes).
A quelques exceptions près (cordes solo, sax), les sons acoustiques sont de très bonne facture, ce qui est assez inattendu dans une machine dédiée au groove. Les nappes sont d’une grande profondeur et les sons de synthèse en général bien programmés. Comme sur tout synthétiseur Roland récent, les 4 tones sont arrangés 2 à 2 en structures à choisir parmi 10 types, combinant 2 filtres en série ou parallèle, un booster, une modulation en anneau et 2 étages d’amplification. Pour moduler tout cela, 2 LFO indépendants à 8 formes d’ondes et 3 enveloppes (hauteur, fréquence de coupure et volume) de 4 segments (4 temps / 3 ou 4 niveaux, avec accès direct à l’ADSR sur la face avant). Le signal passe ensuite par un panoramique modulable par le numéro de note, le LFO, aléatoirement ou alternativement (gauche / droite). Une fois les tones regroupés en patch, le signal attaque 3 processeurs d’effets (réverbération, délai et EFX). Enfin, le patch peut être affecté à l’une des 3 sorties stéréo.
Edition spéciale
Il existe 2 niveaux d’édition : le premier permet une édition simplifiée et intuitive à partir des boutons et curseurs du panneau avant. Le second, au moyen des touches de pages et de navigation, permet de rentrer dans le vif du sujet. Pour chaque tone, une fonction FXM ajoute des harmoniques à la forme d’onde. La résonance du filtre est modulable par la vélocité d’un clavier externe (7 courbes de réponse), mais pas un mot sur la nature des filtres dans le manuel : la coupure est efficace mais un excès de résonance peut amener des sifflements. La profondeur de chaque LFO affecte indépendamment la hauteur, la coupure de filtre et l’amplitude, la vitesse est commune aux trois destinations et peut se synchroniser au tempo. Il est aussi possible de déclencher le cycle des LFO à chaque enfoncement de touche et doser le délai, le fade et l’offset (décentrage de la forme d’onde).
L’étage d’amplification contient quand à lui un réglage de suivi de clavier avec point de rupture et courbe gauche / droite (permettant un fondu enchaîné entre 2 tones). Hélas, les segments d’enveloppe ne sont pas ultra rapides et la MC-505 n’a pas le punch d’un Minimoog. Ensuite, les modes portamento (constant ou fonction de l’espacement entre les 2 notes) et solo (avec mode legato) peuvent être enclenchés. Enfin, la tessiture et la fenêtre de vélocité des 4 tones peuvent être mémorisées dans le patch. Pour moduler le son en temps réel, des contrôleurs externes tels que pitchbend, modulation ou aftertouch peuvent être reçus (mais pas émis) par la MC-505. Chacun affecte 4 destinations parmi 16 avec profondeur réglable, parmi lesquelles panoramique, fréquence de coupure, résonance, volume et action des LFO sur ces derniers.
Une batterie de percussions
La section rythmique de la MC505 est multitimbrale sur 8 pistes (bass, snare, charley, clap, cymbales, toms, hits et divers). Chaque kit est composé de 64 tones affectés aux pads (en conjonction avec la touche octave +/-) ou à un clavier externe. Pour chaque tone, l’utilisateur a le choix de la forme d’onde parmi les 505 sources sans restriction. Une centaine d’ondes couvrent les productions Roland des 20 dernières années (TR-505 à 909, 626 et 727, ainsi que CR-78 et R8). Viennent ensuite les réglages du gain (-6 à +12 dB), du mode de reproduction (coup unique ou tenu), des groupes exclusifs (des instruments d’un même groupe se mutent réciproquement, par exemple : charley ouverte et charley fermée), et de la hauteur (réglage grossier ou fin). Les tones de percussion disposent presque des mêmes réglages de hauteur, filtre, volume et pan que ceux des patches. Il manque simplement les structures, les LFO, le portamento et les modulations (molette et aftertouch externes). Pour chaque tone, le paramétrage se termine par le réglage de l’envoi dans les 3 effets et le choix de la sortie. Pour sauvegarder ses éditions, il y a 20 emplacements internes et 20 sur carte en plus des 26 kits usine.
Taillée dans le groove
La MC-505 dispose d’un séquenceur multitimbral 8 parties. La première est dédiée à la rythmique ® et se compose elle-même des 8 pistes de percussions. Les 7 suivantes contiennent des patches ou des kits. Chacune des 8 parties et 8 pistes de percussions possède une diode de statut (mute ou activité) et les 8 parties sont commandées en temps réel par les faders de la table de mixage. Le séquenceur est organisé en patterns (248 en ROM, 200 en RAM et 200 sur carte) et en songs (50 en RAM). La résolution est de 96bpqn (soit 384 à la noire, ce qui est suffisant) et la capacité interne est de 95 000 notes. Le double écran numérique 3 diodes 7 segments affiche le pattern en cours et le pattern d’enchaînement, celui-ci clignotant pendant la dernière mesure. L’enchaînement de 2 patterns est parfait, sans la moindre fluctuation.
Pour programmer les patterns, on dispose de 2 modes pas à pas et 1 mode temps réel. En pas à pas, ou bien les notes sont entrées « au fur de la mesure », ou bien on choisit une division temporelle (grille) puis on utilise les 16 pads pour entrer la note directement à l’emplacement désiré de la mesure : très visuel et convivial. En temps réel, le pattern tourne en boucle sur le nombre désiré de mesures et les notes sont entrées à la volée (overdub ou remplacement) avec quantize en entrée. Il est possible d’enregistrer les 8 parties sans arrêter le pattern.
La MC-505 est capable d’enregistrer les mouvements des faders et potentiomètres pour faire varier les sons et les effets en temps réel, ce qui rend les patterns très vivants, dans la pure tradition techno. Dans ce mode, tout est mémorisé : numéro des 8 patches, statut des pistes, départs effets… Et pour faire swinguer ou groover la boîte, rien de tel qu’un peu de shuffle (décalage des notes par rapport aux temps de la mesure) et de groove (1 type à choisir parmi 71 modèles en ROM avec accès en temps réel). Pour faciliter l’enregistrement, rien n’empêche d’appeler un motif d’arpèges ou de passer en Megamix.
L’arpégiateur, très complet, dispose de 53 motifs et accords rythmiques avec réglages d’accentuation et de shuffle. On accède entre autres à la division temporelle, la plage d’action et le feeling. Les réglages se sauvegardent dans 10 mémoires internes. Le mode Megamix consiste à remixer les 8 pistes de n’importe quel pattern, soit au moyen des touches + / – ou pages <>, soit avec les 8 faders de voies qui permettent de naviguer entre 21 patterns contigus. Une fois le réglage satisfaisant, le pattern remixé peut être sauvegardé dans un des 200 emplacements en RAM. Dès lors, le mode microscope permet d’éditer en détail : couper, coller, insérer (notes, modulations, contrôleurs), supprimer des notes à la volée (avec les pads), nommer et sauvegarder le pattern. Au stade suivant, les patterns sont assemblés en songs, avec enchaînement de patterns et statut des 8 parties (mute, mixage, réglage des effets…). Une song est limitée à 50 patterns mais il est possible de faire tourner une même song en boucle ou de boucler les 20 songs.
Pour ceux que la programmation rebute, Roland a prévu les RPS. Il s’agit de 466 mini-séquences programmées sur une piste que l’on déclenche avec les 16 pads ou un clavier externe. Le choix couvre tous des styles tels que trance, house, hip-hop, bossa, reggae, jazz, funk. L’affectation des patches aux RPS et des RPS aux pads est mémorisable dans 60 emplacements (Setups). Attention à la saturation de la machine en cas d’utilisation simultanée de 8 RPS (ce qui est le maximum) avec un pattern très chargé, car des variations audibles de tempo peuvent survenir, ce que précise clairement le manuel : respect de l’utilisateur.
A grands renforts d’effets
La section effets du MC505 possède trois processeurs. Le premier, une réverbération, propose 6 algorithmes (2 hall, 2 stage et 2 room). On accède aux réglages de la durée, la fréquence de coupure des hautes fréquences, le volume global du son réverbéré et l’envoi du résultat dans l’EFX. Le deuxième est une unité de délai basique, proposant 2 algorithmes : court (0,1 à 275ms) ou long (200ms à 1s), ce dernier pouvant se synchroniser au tempo suivant une liste de divisions allant de la double croche à la blanche, y compris notes pointées et triolets. Les paramètres disponibles sont le temps de délai, le feedback (nombre de répétitions), la fréquence de coupure des hautes fréquences, le volume global et l’envoi dans l’EFX. Le délai maximal est de 1 seconde, ce qui n’est pas luxueux, mais comporte une fonction de rattrapage de synchronisation, si le tempo ralentit trop, par division du temps par 2 ou par 4, histoire ne pas perdre le rythme : astucieux. Enfin, on dispose des réglages d’envoi du délai dans la réverbération et l’envoi direct.
Le troisième processeur d’effets (EFX) est beaucoup plus complet et dispose de 24 algorithmes très variés. En plus des classiques chorus, gate, compresseur, distorsion, on trouve des effets plus exotiques comme un processeur lo-fi (avec réglage de la réduction de bits), un générateur de craquements de disques (avec accès à la vitesse du phono : 33, 45 et 78 tours !), un générateur de bruits (28 combinaisons de différents bruits dont bruit secteur, rose, blanc, frottement de disque). Jusqu’à 12 paramètres sont disponibles par effet, dont 4 directement accessibles via le potentiomètre du panneau avant en conjonction avec un switch dédié. La grosse limitation, c’est qu’aucun paramètre d’effet ne peut être modulé par contrôleur MIDI, et seul les départs effets des 8 tranches et les 4 paramètres affectés aux potentiomètres sont accessibles en temps réel. De plus, chaque effet peut être muté globalement à tout instant en performance live (non mémorisé). Enfin, une page spéciale est consacrée au routage de chaque partie sur les 3 sorties stéréo, les 2 dernières étant inévitablement dry.
Mister BEAM
En son temps, le Theremin permettait de moduler une forme d’onde simple en fonction de la position des mains par rapport à une antenne. La MC-505 réincarne cette faculté grâce au DBEAM, capteur infra rouge dont le rôle est de traduire en temps réel les mouvements de la main par rapport à la machine. Le DBEAM contient 28 algorithmes, dont la Turntable, qui permet de ralentir progressivement la vitesse d’un pattern (tempo et hauteur de tonalité), façon DJ « écrasant une galette » sur sa platine, ou encore Cut+Reso qui module la fréquence et la résonance du filtre. La destination dépend du réglage des paramètres dans chaque patch, 3 algorithmes parmi les 28 sont directement commutables depuis le panneau. De plus, la plage d’action et la polarité est réglable en mode global. Fort heureusement, le DBEAM est capable d’envoyer un contrôle MIDI externe. Cette technologie, licence Interactive Light, a déjà fait ses preuves sur scène dans des spectacles où les comédiens déclenchaient à distance des événements MIDI. Ceci porte à penser que le DBEAM se comportera aussi bien en studio qu’au beau milieu d’une rave (non testée !).
MIDI : les pendules à l’heure ?
Les utilisateurs de MC303 se plaignaient d’une implémentation MIDI un peu limitée. Sur la MC-505, tous les mouvements des boutons, potentiomètres et faders sont transmis sous forme de contrôleurs ou de Sysex MIDI, si bien qu’il est possible de les enregistrer sur un séquenceur externe et de les modifier si on est courageux, l’édition des messages de contrôleurs étant bien plus aisée. Notons que les modification de panoramique, fréquence et résonance du filtre, ADSR, sont envoyés sous forme de contrôleurs, et c’est tant mieux ! Du côté négatif, les canaux pistes des 8 parties sont figés (1 à 7 pour les instruments et 10 pour la rythmique). Cependant, lors de l’utilisation d’un clavier externe, il est possible de forcer le canal MIDI lors de la sélection de l’une des 8 parties sans changer de canal sur le clavier maître. Enfin, lors de dumps MIDI, la MC-505 peut envoyer ou recevoir des patterns un par un (réglage du Setup, des 8 patches et des notes du pattern). Après réception d’un dump, il conviendra de sauvegarder chacun des éléments (donc les 8 patches 1 par 1) si on veut les conserver : c’est un peu lourd… Les fonctionnalités MIDI sont donc améliorées bien que des progrès soient encore possibles.
Une machine de rave
La MC505 une machine complète qui permet à elle seule d’arriver rapidement à des résultats professionnels sans prise de tête. Comme toute bête de course, sa prise en main nécessitera au départ quelques allers et retours dans le manuel. Pour être vraiment difficiles, nous aurions apprécié des enveloppes plus rapides, un écran un peu plus grand et une fonction arrangeur temps réel (tant qu’on y est, une petite unité d’échantillonnage…). Mais l’addition n’aurait pas été la même. En fait, la MC-505 a deux qualités essentielles : un excellent rapport performances / prix et une disponibilité immédiate en studio comme sur scène. Et à ce jour, elle n’a pas vraiment de concurrence. Une très belle réussite promise à une longue carrière.
Glossaire
RPS : Phrases rythmiques enregistrées en ROM sur une piste dans des styles variés (techno, hip-hop, latino, jazz, funk) et affectés aux pads. Jusqu’à 8 RPS sont déclenchables en temps réels pour ajouter par exemple des lignes de rythme ou des fill-in.
DBEAM : Capteur optique traduisant les mouvements de la main par rapport à la machine en contrôleur, permettant une action en temps réel sur le déroulement des séquences ou sur les paramètres sonores. Cette modulation est envoyée en MIDI.