Sébastien Gavet, ingénieur reconverti par passion dans la lutherie, a eu la bonne idée de concevoir des modèles étonnants d’ingéniosité (c’est le cas de le dire !) de guitares « de voyage », transportables facilement, mais avec des qualités de son et de confort bien au-dessus de la plupart de ce qui existe en la matière.
Son credo est simple : concevoir une guitare capable de répondre à une exigence de qualité pour une utilisation sur scène ou en studio. Le pari est amplement réussi grâce à un procédé de déploiement simple comme bonjour de deux pièces en bois qui permettent une sensation de jeu très proche d’une guitare « normale » et qui permettent de réduire la taille du corps au minimum… Et conséquemment de conserver un diapason normal pour le manche !
Easy riders
J’ai eu la chance d’avoir dans les mains trois modèles différents : deux guitares en configuration deux humbuckers, l’une intégralement faite d’acajou, l’autre équipée d’un vibrato Floyd Rose Schaller et construite en acajou pour le corps et en érable pour le manche et certaines pièces mobiles. Le troisième modèle, d’inspiration Telecaster avec deux micros simples bobinages, est doté d’un corps en aulne et d’un manche en érable.
Très franchement, transporter seul dans le métro trois guitares, je n’avais jamais fait cela, eh bien grâce aux guitares Tour Bus c’est désormais non seulement possible, mais de surcroît franchement facile ! Affichant un poids d’environ 2,5 Kg et une longueur de 78 cm sur une largeur de 16,6 cm, ces grattes sont les amies des voyageurs (et des kinésithérapeutes et autres ostéopathes). L’encombrement est vraiment minime et les petites housses conçues pour accueillir les guitares sont très pratiques.
Dès qu’on les sort desdites housses, l’aspect « guitare de luthier » saute aux yeux, on est en présence d’un objet d’artisanat de haute volée, sans aucun doute. Le look général est très réussi, ça n’a pas du tout l’air de jouets… Mais venons-en à la principale singularité de ces instruments : les pièces mobiles se déployant en un clin d’œil. Le principe est simple : on dévisse la molette de serrage de la pièce centrale au dos du corps, on appuie légèrement pour débloquer, on tire jusqu’à la longueur désirée et on resserre la molette. Cette partie permet de caler l’instrument sur la cuisse.
Deuxième étape, on déplie la pièce en demi-cercle jusqu’à ce que la pièce métallique coulissante se cale contre le bouton d’attache de la bandoulière. La procédure prend moins de cinq secondes, c’est vraiment bluffant de simplicité, tout au plus un petit coup à prendre. Une fois l’instrument « déplié » pris en main, le confort de jeu est étonnant. Forcément, les sensations sont différentes par rapport un instrument « normal », la Tour Bus utilisant (en toute logique) beaucoup moins de bois ; ceci dit le sustain de l’instrument et les vibrations qu’il dégage sont tout bonnement bluffants, en particulier grâce au manche traversant.
L’accastillage est de très bonne tenue, chaque élément a été choisi avec soin ; l’agencement des mécaniques Schaller est particulièrement malin en termes de gain de place, sans gêner l’accordage outre mesure. Les micros des trois modèles sont bobinés à la main par Sébastien, c’est vous dire si le garçon sait tout faire ! On retrouve soit deux humbuckers « maison », soit une configuration de type Telecaster (deux simples bobinages), mais toutes les options sont possibles sur demande. Il est à noter que sur le modèle à deux doubles bobinages avec bridge de type Tune-o-Matic fixe, chacun des deux micros est splittable.
Petites bécanes… Mais grosses cylindrées
Il est vraiment étonnant de jouer sur ces instruments qui, si l’on ferme les yeux, procurent des sensations de jeu très proches de celles que l’on a avec une guitare normale. Les seules différences notables sont d’une part la résonance générale de l’instrument qui, tout en étant excellente toutes proportions gardées, est forcément moins importante que celle d’une guitare de format standard (rien ne se perd, rien ne se crée, peu de bois entraîne moins de son à vide !), d’autre part la stabilité lorsqu’on joue assis, ce qui est logique considérant la légèreté de ces guitares.
L’équilibre général est par contre excellent, la petitesse de la tête permet d’empêcher que la guitare penche trop de ce côté, ce qui est toujours énervant. Le manche (en C) est vraiment agréable et autorise toutes les prouesses sans problème ! Il est réglable grâce à une barre de trussrod double action accessible depuis le micro manche. Certes, cela n’est pas hyper pratique, mais le format réduit impose forcément quelques compromis… Ce qui n’empêche pas que le manche soit hyper agréable et rapide, d’une finition impeccable. Le radius moyen (12") conviendra à toutes les morphologies de mains ; par ailleurs en ce qui concerne les frettes, toutes les tailles sont disponibles sur demande, les modèles testés étant montés en frettes jumbo très agréables à jouer.
D’autre part, le confort de jeu est étonnamment bon pour la main droite, c’est la grande force de ces guitares Tour Bus car c’est souvent là qu’on peine un peu à jouer « normalement ». Le fait de pouvoir très naturellement reposer son avant-bras sur la partie supérieure est un élément déterminant dans la manière de jouer, ici on est tout de suite à l’aise.
Son
Commençons par voir ce que les deux modèles dotés de deux humbuckers ont dans le ventre en les branchant dans une bonne vieille JCM800 ! Je commence naturellement par explorer les possibilités de sons clairs qui ne réservent pas de surprise particulière, si ce n’est que les humbuckers « faits maison » de Sébastien fonctionnent à merveille et procurent un son très équilibré et chaleureux. Toutes les nuances de jeu sont là et on se régale dans tous les styles, la finition des frettes est au top et l’accès aux aigus plus qu’honorable malgré la forme originale du corps. Voici un petit panel des sonorités pour chaque configuration de micros en son clair afin de vous donner une idée (la guitare est branchée dans une tête Marshall JCM 800 reliée à un baffle Orange 2×12) :
- SG6V3 clean 3positions 00:28
- SG6V3 clean bridge 00:13
- SG6V3 clean center 00:12
- SG6V3 clean neck 00:12
Les micros splittés donnent une couleur plus « twangy » très intéressante, enrichissant un peu plus la palette sonore, sans surprise. Cette option autorise des incursions dans sur des terrains différents, comme l’indie-rock, la funk…
- SG6V6 clean bridge split 00:17
- SG6V6 clean neck split 00:14
Le modèle d’inspiration Telecaster nous propulse instantanément dans les sonorités typiques de l’illustre modèle, avec un peu moins d’agressivité qu’une Tele standard US (et ce n’est pas forcément un mal, le surplus d’aigus faisant en l’occurrence parfois un peu trop saigner les gencives !). Les sons oscillent entre claquant et velouté (miam) selon la position du sélecteur de micros, on n’est pas perdu pour un sou car cette guitare réagit vraiment comme son illustre modèle.
- SG6V5 clean bridge 00:09
- SG6V5 clean center 00:12
- SG6V5 clean neck 00:15
Voyons à présent comment réagissent les Tour Bus avec un peu plus de graoûh (comme dirait Judge Fredd). En son Crunch, la SG6V5 (copie de Telecaster) permet autant des rythmiques post-rock incisives que des solos bluesy dégoulinants, en passant par les sons country-rock typiques de ce genre d’instrument, l’illusion est parfaite. Les micros « maison » ont une couleur riche et équilibrée avec une belle dynamique, rien à redire, c’est du grand art.
- SG6V5 crunch bridge 00:10
- SG6V5 crunch center 00:14
- SG6V5 crunch neck 00:18
De leur côté, les deux modèles en configuration deux doubles bobinages s’en sortent à merveille. C’est grumeleux, chaleureux et le grain met immédiatement en valeur le jeu. On en oublie de plus en plus le format inhabituel de ces instruments qui peuvent réellement donner des résultats étonnants.
- SG6V3 crunch bridge 00:10
- SG6V3 crunch center 00:11
Enfin, cerise sur le gâteau, force est de constater que les contrées hostiles et dévastées des royaumes distordus n’effrayent pas outre mesure nos trois naines intrépides. Point de faiblesse ou fréquence faiblarde dans la matière sonore, le manche traversant, la qualité des essences de bois et la patate des micros bobinés à la main y étant pour beaucoup, compensant la petite quantité de bois utilisée dans la construction.
- SG6V3 OD bridge 00:18
- SG6V3 OD bridge2 00:09
- SG6V3 OD center 00:14
- SG6V3 OD neck 00:09
On the road again ?
Une chose est certaine, après quelques heures passées à jouer sur les guitares Tour Bus de Sébastien, le monsieur maîtrise parfaitement son sujet et le résultat est plus que convaincant. Le système de « pattes » rétractables se fait vite oublier, c’est à se demander comment on n’y a pas pensé plus tôt. Là où le challenge est particulièrement réussi, c’est que ces guitares de voyage sont plus de véritables instruments que des gadgets à emmener pour frimer à La Baule en été : très honnêtement, les regards interloqués en studio s’effaceront rapidement quand les Tour Bus auront montré ce qu’elles savent faire (ceci dépendant bien sûr des mains entre lesquelles elles auront été confiées, il va sans dire). C’est un vrai tour de force d’avoir conçu des instruments aussi « crédibles » en termes de confort et de son pour un encombrement et un poids aussi réduits. Bien entendu, le prix (entre 1100 et 1500€ suivant le modèle et les options) correspond au travail d’un artisan indépendant, mais la qualité se paye, ainsi que l’originalité, c’est aussi simple que cela. Le bon côté, c’est que Sébastien se fera un plaisir de suivre vos désirs en termes de lutherie, d’électronique et de hardware afin de vous livrer un modèle totalement personnel ! Bravo, quand talent et inventivité vont de pair, ça fait des étincelles…