Apparue au catalogue de la marque américaine au début des années 60, la Riviera a su séduire de nombreux guitaristes. Sa conception semi-acoustique en a fait un instrument fiable et qu’on pouvait utiliser sur scène sans problème de Larsen, à l’image de sa cousine l’ES-335 de chez Gibson. Comme nous l’avait confié Cesar Gueikian lors de notre interview, Epiphone fait petit à petit renaître quelques-uns de ses modèles emblématiques comme la Texan, la Casino, et maintenant la Riviera.
Pour cette ré-édition de la Riviera, Epiphone a souhaité se rapprocher au maximum des caractéristiques du modèle original. La guitare est entièrement construite en contreplaqué d’érable. Le manche est collé à la caisse et il est en acajou. Il est sculpté selon le profil Rounded « C » et possède une touche en laurier indien, essence de la même famille que le palissandre. Cette touche est sertie de 22 frettes et de repères trapézoïdaux en Perloid. Le diapason est de 24.724 pouces et la largeur au sillet est de 43 mm. Epiphone a fait appel à Graph Tech pour le sillet qui est en Nubone et assure un bon retour des cordes à leur position « zéro » lors de bends un peu énervés. L’accastillage est chromé et regroupe un chevalet LockTone Tune-o-Matic, un cordier Frequensator en deux parties et des mécaniques Epiphone Vintage Deluxe. Le cordier Frequensator en deux parties assoit vraiment la guitare sur un socle vintage et rappelle l’âge d’or de la marque, tout comme la tête de manche et le pickguard orné de l’autocollant « E » métallisé.
La rivière pourpre
Côté électronique, la marque a choisi des PRO Mini-Humbucker pour équiper sa Riviera. Ils développent une résistance de sortie assez faible pour des sonorités douces et pas très incisives bien que la guitare sache mordre quand il faut, j’y reviendrai. Ces micros maison sont contrôlés par un volume et une tonalité chacun, auxquels vient s’ajouter le traditionnel sélecteur à trois positions. Les potentiomètres sont signés CTS comme sur la majorité des modèles récents proposés par Epiphone et possèdent des boutons Top Hats. La version qu’on m’a confiée pour ce test est en coloris Sparkling Burdungy, une sorte de rouge Bordeaux foncé métallisé qui habille la guitare avec beaucoup d’élégance.
Un torrent d’eau vive
De Lou Reed à Otis Rush en passant par Nick Valensi de The Strokes, nombreux sont les guitaristes qui ont adopté la Riviera. Et cela prouve bien la polyvalence de l’instrument : on peut jouer du blues, du rock, de la pop et bien d’autres styles encore sur cette guitare. Les premiers accords joués m’ont un peu surpris. Si le cordier Frequensator est visuellement très réussi, il provoque des résonances indésirables difficiles à maîtriser. Néanmoins, il permet aux cordes de résonner plus librement et d’avoir une tension différente d’une guitare à cordier Stopbar, par exemple. Pour une utilisation quotidienne, surtout avec un peu de saturation, il faudra se munir d’un morceau de mousse à caler sous les cordes pour en stopper les vibrations. Malgré cette petite surprise résonante, la guitare donne beaucoup. Le manche offre une excellente prise en main, le profil Rounded « C » est très confortable et autorise un jeu au pouce sans difficulté. La Riviera est plutôt résonnante à vide mais on n’en attend pas moins d’un instrument semi-acoustique. C’est d’ailleurs ce qui fait le charme de ce type de guitares ; il est très agréable de pouvoir jouer à vide tout en entendant bien ce qu’on joue. La table, le dos et le manche vibrent bien, on sent les ondes sonores se propager dans la guitare, ce qui un point positif.
Et au milieu coule la Riviera
Une fois branchée dans un ampli au son clair, la Riviera m’a beaucoup étonné. J’ai retrouvé un grain assez typique des guitares jazz, particulièrement en micro manche, que je ne m’attendais pas du tout à entendre. Le micro manche développe une sonorité ronde et très chaleureuse tout en conservant attaque et précision, c’est chouette. La position intermédiaire rendra la guitare très à l’aise pour des rythmiques en strumming, voire aux doigts. Le son est très dynamique, plein d’harmoniques et les micros captent la moindre nuance de jeu (y compris les pains !). Le micro chevalet est un peu plus incisif et génère pas mal d’aigus. Mais la construction et le gabarit de la guitare lui permettent de conserver une certaine rondeur et un super sustain.
On attaque les sons crunch en restant sur ce micro chevalet et la Riviera commence à sortir les dents. Le son est bien brillant avec beaucoup d’attaque tout en maintenant une résistance de sortie assez modérée. On reconnaît le caractère et la personnalité de la guitare dans le sens où chaque son est enveloppé d’un voile d’harmoniques. Cela confère à la guitare ce côté riche et plein si caractéristique. La position intermédiaire est agréable bien que le micro manche prenne vite le dessus. Mais grâce aux potentiomètres CTS on peut facilement parvenir à un bon équilibre sonore. En baissant les volumes et tonalités on peut de nouveau rendre visite à quelques thèmes de Jazz, même en son crunch. Enfin, le micro manche se montre très velouté et crémeux avec un gros sustain. Les accords sonnent de manière très riche et les notes séparées sont précises et douces.
On se jette à l’eau
Pour terminer ce test en bonne et due forme, j’augmente le taux de saturation pour entrer sur le territoire des gros sons. Même si ce n’est pas le terrain de jeu favori de notre Riviera, elle n’a pas à rougir (davantage) de son comportement. Elle reste très droite, le son ne devient pas brouillon et on conserve ce côté plein et riche. Avec beaucoup de saturation, les harmoniques pourront cependant donner une impression de cafouillage sonore, attention donc à bien doser le gain. Le micro manche conserve son velouté si caractéristique et la guitare ne demande qu’à chanter. La position intermédiaire est intéressante et pas banale ; le son ne ressemble pas du tout à celui d’une position intermédiaire de Les Paul ou SG, c’est vraiment quelque chose de différent. Il est d’ailleurs agréable d’être confronté à la personnalité de l’instrument qui ne demande qu’à s’affirmer. Enfin, le micro chevalet permet d’attaquer du hard rock sans trembler. Le son est précis et bien défini, avec une légère touche incisive. Mais il ne faudra pas non plus abuser des bonnes choses, les styles les plus extrêmes ne sont définitivement pas pour elle. Mais pour des rythmiques à la Guns n’Roses, la guitare est parfaite.
Du Mojo et du rouge
Cette nouvelle version de la Riviera nous rapproche vraiment du modèle original. On retrouve une guitare avec une réelle personnalité et un son bien à elle. Malgré sa ressemblance avec l’ES-335, elle génère des sonorités radicalement différentes. Les PRO Mini-Humbuckers remplissent très bien leur rôle et confèrent une voix vraiment sympa à cette Riviera. Lutherie soignée, look plus que réussi et sonorités vintage très séduisantes, on en oublie vite le cordier et ses résonances indésirables ! Bien joué Epiphone.