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Test de la Fender Jaguar Kurt Cobain - Smells like Cobain spirit

C'mon people now ! Smile at you brother and ev'rybody get together, love for one another right now ! Pour célébrer le vingtième anniversaire de la sortie de l'album Nervermind, Fender sort une reproduction de la guitare acquise par Kurt Cobain peu de temps avant l'enregistrement de cet album coup-de-poing. Fabriquée au Mexique suite au prêt de la guitare originale à Fender par un collectionneur, la Jaguar Kurt Cobain a beaucoup fait parler d'elle avant sa sortie, notamment au sujet de l'incompatibilité de "l'esprit grunge" et la mode considérée souvent bling-bling des modèles Signature et du "reliquage". So... Est-elle un véritable instrument au charme fou ou une honteuse utilisation commerciale du nom du deuxième plus grand défunt gaucher de l'histoire du rock ?

Un peu d’his­toi­re…

Fender Jaguar Kurt Cobain

La Fender Jaguar était à l’ori­gine desti­née aux musi­ciens « surf » et était présen­tée comme le modèle phare de la marque dans les années 60. Elle possé­dait deux circuits élec­tro­niques bien distincts : un circuit lead, contrôlé par un volume, une tona­lité, trois pous­soirs dont deux commu­taient les deux micros (simples bobi­nages), le dernier étant un low cut, permet­tant de déli­vrer un son très criard. Le circuit Rhythm, acces­sible via un pous­soir sur le côté gauche du corps, offrait un réglage supplé­men­taire pour le micro grave (et seule­ment), via deux molettes de volume et tona­lité. Boudée par le public, la Jaguar dispa­rut du cata­logue Fender dans les années 70. Bien que déjà consi­dé­rées vintage au début des années 90, les Jaguar (ainsi que les Jazz­mas­ter et autres Mustang) restaient des instru­ments assez peu onéreux. Ce n’est qu’à la suite de la défer­lante grunge, et en grande partie grâce (à cause de ?) Cobain que leur cote monta en flèche, et que Fender en reprit la produc­tion. On pensera aussi à la fameuse Jagstang, sorte d’hy­bride entre la Jaguar et la Mustang (que Cobain affec­tion­nait parti­cu­liè­re­ment), une guitare mise au point par Fender et Kurt himself. Il n’aura malheu­reu­se­ment pas le temps de profi­ter suffi­sam­ment de cet honneur, ayant résolu trop tôt de mettre un peu de plomb dans le crâne, peu après récep­tion des premiers proto­types.

Come as you are

Fender Jaguar Kurt Cobain

Penchons-nous main­te­nant sur ce qui nous inté­resse. Côté luthe­rie, nous avons un corps en aulne, un manche (diapa­son 24 pouces) en érable avec une touche palis­sandre, dotée de 22 frettes. Le modèle Jaguar Kurt Cobain reprend donc méti­cu­leu­se­ment les carac­té­ris­tiques  de la guitare origi­nale. Le cheva­let est un Adjust-O-Matic, et le vibrato de type Jaguar clas­sique avec l’op­tion de blocage, mais sans la sour­dine origi­nelle (permet­tant de muter méca­nique­ment les cordes). La fini­tion est de type Road Worn, sorte d’A.O.C. signi­fiant le reliquage des modèles Fender fabriqués au Mexique. Il y a même sur la plaque du talon, un logo Fender dessiné par Cobain (comme quoi lui-même avait ses côtés « corpo­rate » !). Les modi­fi­ca­tions appor­tées, déjà présentes lors de son acqui­si­tion de la Jag par Cobain, sont : le rempla­ce­ment des simples bobi­nages par des humbu­ckers (PAF Dimar­zio en manche, et Super Distor­tion en cheva­let), le rempla­ce­ment des boutons pous­soirs par un sélec­teur trois posi­tions type Gibson (exit le contrôle de low cut), et l’ajout d’un poten­tio­mètre de volume supplé­men­taire. Il en résulte toujours deux circuits distincts, le « lead » offrant un volume par micro, une tona­lité géné­rale et le sélec­teur trois posi­tions. Le circuit « Rhythm », fonc­tion­nant unique­ment avec le micro grave, est toujours contrôlé par deux molettes (tone et volume). On peut donc, par exemple, swit­cher instan­ta­né­ment entre deux réglages de micro grave, ou alors couper le micro grave sur le circuit Lead (pour une utili­sa­tion du sélec­teur en kills­witch) et bascu­ler à tout moment sur le circuit Rhythm sans se soucier si l’on a, oui ou non, pensé à remettre du volume du micro manche ! Pratique… Nous avons affaire à une sorte de Fender Mexi­caine haut de gamme, sans la sensa­tion habi­tuelle de jouer avec un modèle peu soigné et fait à  la va-vite.

Does it Smell Like Teen Spirit ?

Je suis moi même de la géné­ra­tion Nirvana. Donc marqué, de près ou de loin par la véri­table super­nova que fut la carrière de Cobain, même si la musique du groupe ne m’a inté­ressé que bien long­temps après la fin de l’his­toire. C’est quand même un peu reli­gieu­se­ment, avec hâte et quelques appré­hen­sions que je me prépa­rais à jouer cette guitare. Je n’ai pas été déçu. Ayant eu par le passé quelques « mauvais » modèles mexi­cains, j’ai été agréa­ble­ment surpris par la prise en main. Le poids, tout d’abord, est nette­ment supé­rieur à tout ce que produit habi­tuel­le­ment Fender Mexique. Après un bref tour d’ho­ri­zon, on se rend vite compte de la robus­tesse de la concep­tion et de la dureté des bois. Par exemple, le manche n’a pas bougé d’un poil lorsque j’ai détuné la corde de mi de plusieurs tons. Quelques coups de paume sur le corps pour tester la réson­nance à vide, quelques bends et strums exagé­rés pour véri­fier la tenue d’ac­cord, rien ne bouge. Bref, d’em­blée la guitare semble nous dire « t’inquiète ! ».

Fender Jaguar Kurt Cobain

J’ai retrouvé tout de suite en son clair le côté à la fois « ploc ploc » et très plein carac­té­ris­tique du son Nirvana. Les trois cordes graves sonnent légè­re­ment plus fort que les cordes aiguës, ce qui est assez joli pour le strum­ming, afin que les notes supé­rieures des accords n’en­va­hissent pas le spectre. Effi­ca­cité d’abord ! Très facile à jouer, en raison de son petit diapa­son, du réglage assez bas de l’ac­tion, du radius pas trop courbe de 9,5", tout semble bien calculé pour un jeu sauvage sans trop de consé­quences sur la justesse. À la diffé­rence des vieux manches de strat bien larges et courbes par exemple, où il faut constam­ment faire atten­tion de ne pas avoir la main gauche trop lour­de… Par le même fait, un manche comme celui de la Jaguar n’offre pas toute la plage de dyna­mique des manches de Strat… Pour résu­mer, la Jaguar Kurt Cobain est davan­tage une guitare tour­née vers le jeu en strum­ming et en arpèges que de savantes arti­cu­la­tions blues/rock. Le couple de micros est assez équi­li­bré : le PAF en manche (haha) est très rond, le Super Distor­tion, lorsqu’en­gagé, donne une bonne envo­lée de quelques dB, et sonne bien « bloc », sans être brillant. La posi­tion inter­mé­diaire est parti­cu­liè­re­ment jolie, tubu­laire, et la plus cris­tal­line des trois.

Fender Jaguar Kurt Cobain

En saturé, elle livre son poten­tiel de destruc­tion. Toujours dans le même esprit de simpli­cité et d’ef­fi­ca­cité, il sera facile de tomber pile au bon endroit, sans craindre de rater une frette ou une corde. La longueur de corde impor­tante entre le cordier et le cheva­let fait bel effet et l’on pourra produire de beaux bruits en grat­tant dans cet espace avec pas mal de gain. C’est à ce moment-là aussi que l’uti­li­sa­tion des deux élec­tro­niques distinctes prend tout son sens. Il est plai­sant de pouvoir, en un coup d’in­ter­rup­teur, passer d’un son mons­trueu­se­ment saturé à un crunch discret sur le micro grave. Et à tout moment, à l’in­verse, partir en larsen, utili­ser le sélec­teur en kills­witch et créer tout un tas de petits événe­ments musi­caux brui­tistes dont Cobain raffo­lait. Le micro manche n’a pas vrai­ment d’in­té­rêt à très haut gain et sonnera un poil sourd, tandis que la posi­tion inter­mé­diaire se révé­lera assez char­mante, son côté doux et chaud passe bien dans le spectre de la distor­sion.  Pas de surprise pour le micro cheva­let, dont la répu­ta­tion n’est plus à faire, il est taillé pour le high gain.

N’ayant pas eu cette guitare à ma dispo­si­tion, j’ai dû l’en­re­gis­trer à l’oc­ca­sion de sa jour­née de présen­ta­tion publique avec les moyens du bord : un Zoom H4 à un petit mètre de l’am­pli, un Fender Super­so­nic Twin. Et même si Cobain ne jouait pas sur ce type d’am­pli, que j’ai trouvé un poil sombre pour la musique de Nirvana (il utili­sait surtout des Mesa Boogie à l’époque de Never­mind), je peux affir­mer que si elle n’a pas été taillée dans le même arbre que l’ori­gi­nale, elle est certai­ne­ment du même bois. J’en­cou­rage les plus inté­res­sés à compa­rer les samples suivants avec l’en­re­gis­tre­ment de Nirvana « Live at Reading » 1992. L’es­prit est bien là.

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Démo des trois posi­tions, puis jeu pêle-mêle en clean, crunch, saturé, larsen, etc.

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Sans avoir la magie d’une vraie Jaguar de 1962 (avec les modi­fi­ca­tions humbu­ckers/élec­tro­niques, il en coute­rait un peu plus de 3000€…), la signa­ture Kurt Cobain est une très bonne guitare. Fiable, racée, belle et d’es­prit brui­tiste, à appri­voi­ser. Elle est, mine de rien, assez poly­va­lente, si l’on met de côté le style s’ap­pa­ren­tant aux « guitar heroes », tant jazz, que blues, que métal. Elle n’est pas faite pour un jeu flam­boyant, mais sera la compagne idéale de tout cher­cheur en pop plus ou moins musclée, rock alter­na­tif, post rock, etc. Bien évidem­ment, elle existe en gaucher !

  • L'esprit Nirvana, si tant est qu'on adhère
  • Le côté robuste, indestructible du manche
  • Le bon poids
  • Les deux circuits de réglage des micros
  • Un peu cher pour une Mexicaine
  • Pas facile de s'habituer à l'électronique
  • Accès aux potentiomètres difficile

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