Si les Stratocaster made in USA ont toujours fait rêver, ce n’est vraiment qu’avec la série American Special, renommée American Performer, que ce rêve s’est démocratisé. La preuve avec cette Strat HSS.
Pendant longtemps, Fender n’a pas eu grand chose à proposer pour combler le vide entre les gammes de guitares fabriquées au Mexique et celles venant de Corona en Californie… jusqu’à ce qu’arrive toutefois le chaînon manquant American Special. L’idée ? Proposer des instruments fabriqués en Amérique avec un cahier des charges serré au maximum pour placer le tarif de façon pertinente sans faire de réelles concessions sur la qualité. C’est de cette série qu’il s’agit ici, désormais rebaptisée American Performer, avec quelques changements à la clé.
Polie uréthane
Nous sommes face à une Stratocaster au look à la fois sobre et bienvenu qui ne manque pas de nous rappeler monsieur David Gilmour. En effet, les micros présentent une finition au plastique blanc vieilli ainsi qu’une plaque de protection 3 plis noire comme un hommage à la fameuse Black Strat du maître, sans oublier la plaque fermant la baie des ressorts de rappel du vibrato, assortie en noir elle aussi. Le corps en aulne peint dans la même couleur est enduit d’une couche de vernis polyuréthane moins épaisse que par le passé, laissant supposément vibrer le bois de meilleure façon. Même traitement pour le manche en un seul morceau d’érable avec en revanche une finition satinée. L’utilisation du vernis polyuréthane permet à la fois d’éviter la destruction de la couche d’ozone avec le traditionnel vernis nitrocellulose tout en étant beaucoup plus résistant et apte à faire face aux pires traitements. Certaines âmes chafouines déplorent un vieillissement moins naturel et beau en poly qu’en nitro, opinions subjectives n’entrant pas en ligne de compte pour ce test. Les 22 frettes sont très bien finies et ne sont pas noyées dans le vernis comme ce fut le cas par le passé, certains modèles avaient même des frettes qui pelaient lors des bends.
Le sillet en os synthétique, classique de la marque, offre une bonne densité pour de belles notes à vide et une bonne finition des gorges évitant ainsi le pincement des cordes, source de désaccordage et de frictions. Les mécaniques de type Kluson répondent au doux nom de ClassicGear. Le chargement se fait sur le dessus, via le cabestan. Un tel choix, associé à une tête et un logo Fender 70's, met un pied dans la période post-CBS de la marque. En outre, ces mécaniques tiennent très bien l’accord pourvu que suffisamment de tours de cordes soient observés lors de l’enroulage.
Les éléments qui composent l’électronique ont été mis à jour depuis la série American Special. Plus de Texas Special pour les micros mais une nouvelle référence spécifique aux American Performer pour le moment : les micros à simple bobinage Yosemite situés en positions manche et milieu sont associés à un double bobinage Doubletap installé au chevalet. Des micros maison donc, que l’on va décortiquer une fois la présentation terminée.
Les contrôles semblent classiques au premier abord avec un volume et deux tonalités, mais une petite coquinerie se cache sous la tonalité du micro aigu en la présence d’un split, chargé de basculer le micro double au chevalet en position single coil. Le traditionnel sélecteur à cinq positions et l’embase jack sur la table de la guitare terminent la dotation électronique.
L’instrument affiche un poids raisonnable, l’aulne du corps est d’une densité parfaite. Le manche dispose d’un dos en forme de C moderne, apte à n’effrayer personne. Les bluesmen ou les shredders pourront trouver un confort intermédiaire, bon compromis entre une prise en main rugueuse et des envies de vitesse folle. Le radius de touche de 9.5" semble lorgner du même côté : mettre tout le monde d’accord. La finition uréthane satinée du manche est parfaitement confortable, pas de crainte de transpiration lors du jeu.
Polie valente
Pour mettre en voix la dame en noir, nous allons utiliser un combo Rivera 55/12 équipé d’un seul HP de 12 pouces Celestion custom. Le choix d’un tel ampli n’est pas anodin car il peut délivrer la plus large palette de sons que votre serviteur ait pu entendre avec un ampli de deux canaux, ce qui semble être en accord avec la polyvalence d’un kit de micros HSS. Vu que le bougre est repris par un Shure SM57 et un Sennheiser MD 421 dans une carte Scarlett Focusrite 18i8, c’est avec confiance que l’on branche la guitare à travers trois pédales : une compression Fender Micro Comp, une overdrive Ibanez TS808 pour booster le canal saturé ainsi qu’une TC Electronic Hall of Fame dans la boucle d’effets.
En clean avec une légère réverbe et autant de compression, c’est la Strat traditionnelle telle qu’on l’espère. Les différentes positions s’entendent parfaitement bien, flattées par un ampli à lampes de haute qualité. Toutes les positions du sélecteur sont testées à tour de rôle, toutes légitimes. Sans atteindre l’équivalent d’une vraie Strat en SSS, le split du micro aigu reste efficace et fait le job sans sourciller. Les nuances de jeu sont bienvenues et la réactivité à l’attaque bien présente. Restons en son clair pour tester le micro manche en finger picking. Un régal, les micros Yosemite semblent fournir de belles performances, de bon augure pour la suite du test ! La dynamique peut tout à fait se gérer aux doigts et on prend plaisir à jouer quelques accords sans autre envie que d’écouter le rendu. Subtil, le jeu en picking est magnifié par une lutherie résonante et cohérente, l’érable du manche n’étant pas étranger à une belle définition des fréquences aiguës.
Il est temps de se la jouer funky, position manche et milieu recommandée pour un exemple audio dans la veine de Chic et son légendaire guitariste Nile Rodgers. L’illusion est parfaite avec juste ce qu’il faut de piqué dans le son et la réponse des micros. À nouveau, la touche en érable s’entend bien et le claquant est au rendez-vous.
- cleantestpositions02:54
- fingerpicking00:30
- nileishere00:43
Testons maintenant l’influence des potards de tonalité. N’étant pas un immense fan de l’utilisation de ces potards habituellement, c’est à reculons que je baisse tout d’abord celui qui correspond au micro manche tout en jouant des accords en picking entre le jazz et la bossa nova. Le rendu n’est pas étouffé comme on a l’habitude d’entendre sur des références de guitares pourtant bien plus chères. La bonne surprise se poursuit au fil des changements de positions du sélecteur, toutes les tonalités sont exploitables, promptes à calmer un ampli un peu brillant trop chargé en aigus.
Profitons du son clair pour augmenter la réverbe et enclencher le split du micro double pour tester cette Strat en contexte surf. Le résultat est fantastique et ne manquera pas de convaincre les amoureux des Beach Boys ou Link Wray.
L’utilisation du vibrato pour de légers tremoli ne semble pas perturber la tenue d’accord outre mesure, vérifions cette supposition en manipulant la tige de façon exagérée. La tenue d’accord est plus que correcte une fois les cordes bien stabilisées et un peu d’huile de vaseline extra fine déposée dans les gorges du sillet et au niveau des œillets de rétention. Sans toutefois égaler les prestations d’un vibrato à blocage, ce qui est naturel, la tenue d’accord est majoritairement respectée. De quoi moduler la tension des cordes en toute confiance. Justement, mettons à l’épreuve le réglage d’usine nous permettant de tirer les notes dans les aigus. Une fois de plus, c’est musical et ça tient l’accord. Cette Strat est vraiment pleines de belles petites surprises sacrebleu !
- surfhumbuckersplit01:19
- testtenueaccordvibrato01:01
- jeuavecvibrato01:13
Polie mais pas trop
Enclenchons le canal saturé du Rivera avec un réglage typique du crunch. Réactivité, expressivité et dynamique sont présents, comme nous le laissait penser le jeu en son clair. Un vrai bon son de bonne Strat, quel plaisir. À la limite d’en oublier qu’il s’agit d’un test, votre obligé est tout simplement en train de réaliser que cette guitare est une petite tuerie. Rien ne lui fait peur, les micros sont parfaits, il ne s’agit ici que de musique sans soucis matériels, tout tient parfaitement bien, le coup de cœur n’est vraiment pas loin…
Avec une saturation plus généreuse avec le canal saturé boosté avec la TS808, les promesses sont tenues. Sans prétendre ratisser sur les terres des guitares de sept cordes aux micros bifluorés taillés pour la distorsion la plus extrême, le micro Doubletap ne rougit pas et se paie même le luxe d’offrir un grain particulier assez spécifique, à la fois typé et polyvalent. En gros métal, point de honte non plus. Quel dommage que les palm mute soient un peu gâchés par des vis de pontets saillantes qui blessent la main droite sinon il s’agissait d’un sans faute. Les micros à simple bobinage réagissent parfaitement bien à la grosse saturation avec un niveau de bruit de fond extrêmement raisonnable.
- crunchtestpositions02:26
- distotestpositions02:44
- metal01:36
Une petite improvisation dans le style de David Gilmour (encore lui) nous permet d’entendre la beauté des notes qui sortent presque toutes seules… Une guitare très inspirante.
Polie pocket
Gros, très gros coup de cœur pour cette American Performer. Proposée au prix public constaté de 1 149 euros, il s’agit de la guitare que l’on peut emmener partout avec soi pour faire face à n’importe quelle situation musicale. Funk, blues, rock, hard, jazz, métal, picking, absolument rien ne lui fait peur tant les éléments ont été réunis pour atteindre ce niveau de polyvalence. Dotée d’excellents micros, très bonne finition générale, look accrocheur, tarif très étudié, cette Performer porte bien son nom pour ne se concentrer que sur le jeu en live ou en studio. Livrée en housse avec un certificat d’authenticité, elle ne donne pas enfin l’impression d’acheter une Strat US au rabais mais bien un instrument à part entière, pensé et réfléchi de bout en bout. Une sacrée claque, pour une sacrée guitare.
Merci au magasin Hendrick Music de Blois pour le prêt de la guitare. Page Facebook