Orange Tree Samples nous présente la nouvelle version d'un de ses produits phares, l'Evolution Electric Guitar Strawberry. Quoi de neuf ?
La reproduction du jeu de guitare au clavier reste toujours un défi, tant au niveau du jeu solo, qui a bénéficié ces dernières années des avancées des différents échantillonneurs et de l’informatique (puissance, gestion de la Ram, etc.), que du point de vue des rythmiques, qui restent la plupart du temps l’écueil des différentes solutions proposées. Du moins quand elles ne font pas appel à des techniques utilisant des parties jouées par un guitariste, comme les différentes versions de Virtual Guitarist signées Bornemark, Steinberg et Wizoo ou le Liquid Instrument de Ueberschall, qui inclut un moteur audio signé Celemony, reprenant les algorithmes de Melodyne. Ces principes ont pourtant de nombreuses limites, la plus évidente étant le choix d’accords, de variations, etc.
D’autres éditeurs se sont tournés vers les moyens des claviers-arrangeurs, la reconnaissance d’accord, l’utilisation de patterns, notamment grâce à leur inclusion au sein du sampler logiciel de Native, Kontakt, via les fonctions de script. Ainsi Scarbee/Native avec Funky Guitarist et ses plus de 3400 accords, ou Acoustic Guitar et Nylon Guitar/The Strum, signées Ilya Efimov. Sans oublier des francs-tireurs développant leurs propres outils, comme Music Lab et sa technologie Rhythm’n’Chords embarquée dans Real Guitar et ses dérivés (Real Strat, Real LPC), Motu et son MachFive 3 ou encore AAS avec Strum Acoustic ou Electric et Rob Papen avec RG, dont l’approche via modélisation n’est hélas pas très convaincante.
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Orange Tree Samples s’est fait connaître par ses banques de guitares pour Kontakt, Strawberry Electric Guitar en 2009, puis sa première modification en Evolution Electric Guitar Strawberry en 2010. Au fur et à mesure de son développement, la banque a gagné des possibilités de jeu et de création de rythmes via la Strawberry Rhythm Guitar, quelques Go de contenu supplémentaires, pour finalement regrouper le tout via différentes interfaces, dont la dernière en date, contenue dans sa dernière « évolution » toujours gratifiée du même (interminable…) nom, l’Orange Tree Samples Evolution Electric Guitar Strawberry (EEGS à partir de maintenant).
Introducing Orange Tree Samples Evolution Electric Guitar Strawberry
On achètera la bibliothèque sur le site de l’éditeur (179 dollars ou 128 euros au moment de la rédaction de ce test), elle n’est disponible que pour la version complète de Kontakt (4 minimum), donc exit le Kontakt Player. La banque pèse 1,6 Go (seulement…) après compression via le format non destructif de Native (3,4 Go avant compression, soit plus de deux fois la banque originale) et est constituée d’échantillons 24 bits enregistrés secs, sans aucun effet ni couleur donnée par une amplification ou une autre. L’instrument mélange échantillons et modélisation (amplis, baffles, etc.). Après achat, on télécharge les quatre fichiers .rar, on installe le tout (pas d’autorisation, numéro de série, etc.). Le dossier d’installation contient la doc, les échantillons, les présets de patterns, des présets supplémentaires (on y revient tout de suite), un sous-dossier Demo avec des Midifiles et des présets pour l’une des démos du site et un seul préset d’instrument, EEG Strawberry.nki. Ça change des bibliothèques à 200 000 programmes (oui, c’est très exagéré, je sais). La question étant, est-ce que cela suffit ?
Fonctions à gogo
Le fait de tout réunir au sein d’un même instrument implique un grand nombre d’onglets, de sous-fenêtres, de menus. C’est bien le cas ici. L’interface affiche maintenant une représentation d’une belle guitare double-humbucking (l’éditeur donne tous les détails de l’originale dans le manuel), partie qui restera toujours à l’écran, seule la partie inférieure variant suivant les sélections effectuées. Un premier menu offre trois catégories, Performance, Mapping et Effects. Chacune présente plusieurs sous-catégories dans un second menu.
Commençons par Performance. Première sous-catégorie, Fretting, qui permet de sélectionner la réponse de l’instrument au jeu, via Play Mode, avec la possibilité de jouer plusieurs notes simultanées sur une seule corde (Poly Strings) ou une seule, comme dans la réalité (Mono Strings). Ensuite, Fret Position permet de décaler sur le manche l’endroit où les notes seront jouées ; il ne s’agit pas d’une fonction de capo à proprement parler, puisque l’instrument peut aller chercher certaines notes en-dessous de la position choisie (cela aura aussi une incidence sur les notes legato). Ensuite Legato Range détermine l’étendue de la façon dont EEGS restitue des sons legato en fonction du jeu (et ce jusqu’à l’octave). L’algorithme de sélection de notes prend bien soin de jouer les notes legato sur la même corde, cela fonctionne très bien. Le paramètre Midi Guitar (bien vu) laisse le choix entre désactivé, réponse à un seul canal ou au multicanal. Enfin Fret Noise dose le taux de bruits de… frette, oui.
Deuxième sous-catégorie, Picking, où l’on règlera la position du médiator, le style d’attaque (différentes variations du mode Up/Downstroke) et le bruit propre dudit médiator. Voici des exemples de différentes positions ainsi que de legato (rappel, à ce stade, le son est brut et non traité). On entend aussi parfaitement les échantillons Round Robin et les allers-retours du médiator.
Tuning permet de placer un capo ou de désaccorder la guitare, manuellement ou via préset. Dommage que les notes jouées au clavier ne suivent pas les modifications apportées à l’instrument virtuel : par exemple il aurait très intéressant qu’un accord censément joué à vide (donc les notes EADGBE) fasse entendre les notes à vide correspondant à l’accordage sélectionné (par exemple CGCFAD en Drop C) tout en continuant à jouer les mêmes notes, ce qui n’est pas le cas. Et puis il faudra décaler quelques KeySwitches qui se superposent aux notes. On paramètrera avec Strumming la vitesse à laquelle le médiator égrène les cordes, avec commande par la vélocité (sur la vitesse mais aussi le nombre de cordes jouées) et atténuation de la vélocité sur les dernières notes. On dispose de deux touches de Strum, Up et Down, librement assignables aux notes du clavier.
Quelques exemples de Strum en fonction de la vélocité sur un seul accord. On entend d’abord l’accord arpégé puis les cordes se rajoutant en fonction de la vélocité. On apprécie aussi le sustain.
Chords est tout aussi important, puisqu’on y règlera le mode de détection des accords joués au clavier (dont un AutoDetect plutôt performant), leur position sur le manche (on peut passer par tous les renversements), le fait de forcer les cordes à vide (Open Strings on ou off), et les limites inférieures et supérieures des accords. Un exemple de renversement :
Intéressantes aussi, les sept touches jaunes du haut du clavier virtuel, qui permettent de jouer corde à corde les notes (sept parce que la première est doublée), ce qui fait que l’on peut créer ses propres arpèges, finger picking, etc. Bien entendu, le paramètre Chord Position est pris en compte.
Enfin, Resonance permet d’ajuster le niveau de la résonance sympathique des cordes et leur extinction suivant le temps de release.
Mapping est plus belle que Tapping
Grâce à Mapping, on pourra d’abord paramétrer et assigner à volonté toutes les articulations disponibles (sous-menu Assignations, Sustain, Palm Mute, Mute, Squeal, Blues Strum, Strum Sustain, Strum Muted, Tapping et Natural Harmonics), que ce soit via la vélocité (avec définition de limites supérieure et inférieure), un KeySwitch ou un contrôleur Midi. L’opération est simple et rapide, il faudra penser à sauvegarder les réglages ainsi effectués. On aurait cependant aimé disposer d’un programme dans lequel toutes les articulations soient déjà assignées par KeySwitch, ainsi que tous les effets disponibles (Extended Effects, plus de 35). Un bon point cependant, un bouton doté d’une icône de haut-parleur permet d’écouter l’effet sélectionné, avant de le charger. À savoir aussi, lors du chargement d’un préset (on y reviendra), toutes les assignations sautent… De nombreux paramètres d’ajustement de réponse à la vélocité sont fournis (voir le manuel pour tous les détails). Un petit exemple avec Palm Mute et Natural Harmonics.
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D’autres sous-menus, Strum Keys, Pitch Wheel, Vibrato permettent respectivement de définir les touches Up et Down, l’assignation et l’amplitude du pitch (Bend ou Slide) et la vitesse du vibrato (la taux étant géré par la molette CC1). Enfin, le sous-menu Strum Patterns donne accès au chargement des patterns d’usine, ainsi qu’à celles que l’on pourra enregistrer via une toute nouvelle approche (exeunt les séquenceurs pas-à-pas et autres outils de programmation, voir encadré). Un menu Load Pattern permet de charger une rythmique (deux octaves disponibles), la touche correspondante sur le clavier virtuel de Kontakt se colorant immédiatement. Il ne reste plus qu’à plaquer l’accord, ou le modifier au fur et à mesure et à appuyer sur la touche de déclenchement (KeySwitch, KS) pour entendre la rythmique choisie (avec réglages d’ajustement à l’octave, de synchro et de vitesse). La vélocité avec laquelle on joue le KS changera bien entendu le son de la guitare, en fonction des paramètres d’articulations. Un exemple avec un son traité (tout en interne dans Kontakt), et une rythmique (mais pas le son…) façon Bo Diddley Beat.
Ça, c’effet
Dernier menu, Effects, dans lequel on règlera d’abord le Guitar Tone avec choix des micros, un équivalent de l’ADT jusqu’à quatre guitares, un décalage entre les guitares (attention à la phase avec ces deux derniers réglages), et le niveau de sortie. Sur un même accord, les trois positions de micro, et quelques exemples de tracking (les accords sont arrêtés avant la fin naturelle de leur sustain).
Puis on choisira entre trois pédales dans trois « slots » différents (chacun ne permet qu’une sélection exclusive, c’est-à-dire qu’on ne pourra charger une pédale du slot 2 dans le slot 1), le slot 1 offrant EQ trois bandes, Wah et volume, le slot 2 Compressor ou Distortion et le slot 3 Flanger ou Chorus. L’interface propose pour chaque pédale les réglages idoines et un Bypass. On choisit ensuite via Amp/Cab le type d’ampli et de baffle suivant quatre positions de micro et sept micros différents, avec Gain et réverbe à ressort séparés. On dispose ensuite d’une réverbe et d’un Delay séparé. On peut grâce aux boutons Load et Save charger des présets, mais attention, on pourrait croire qu’il s’agit de présets d’effets alors qu’il s’agit de présets globaux, puisque sont gardés en mémoire tous les paramètres de l’instrument (Legato, Strum, effets, etc.), et qu’ils écrasent donc ceux en cours.
Présets et effets sont plutôt convaincants, même si un Guitar Rig, un AmpliTube ou TH2 seront parfois plus probants, plus réalistes. Mais, déjà, ce qui est inclus permet de trafiquer, traiter le son de façon à travailler confortablement. Dommage seulement que le nom du preset en cours n’apparaisse nulle part sur l’interface, on ne se souvient pas toujours d’une session à l’autre lequel a été utilisé. Voici quelques petits exemples de son (on consultera avec avantage les différentes démos sur le site de l’éditeur, audio et vidéo).
Téléchargez les fichiers sonores : flac article
Bilan
Conception, son et ergonomie sont au rendez-vous, même si sur ce dernier point il serait parfois plus simple d’avoir un onglet en bas d’interface, comme d’autres bibliothèques en disposent, pour passer d’un ensemble de fonctions à un autre, et avec une petite réserve concernant sa partie rythmique, qui ne peut lutter avec celle des produits Efimov, par exemple.
Reste à notre avis le problème principal, qui est celui de l’interface. Le jeu au clavier reste, pour le jeu solo comme pour le jeu rythmique typique de la guitare, un moyen qui demande malgré tout des ajustements du Midi enregistré si l’on souhaite vraiment produire des figures réalistes, malgré les KeySwitches et la vélocité, bien pratiques pour passer d’une articulation à l’autre. Hors les reproductions de solos façon métal à base d’arpèges rapides ou de simili tapping sursaturés (amusant, puisque la plupart du temps c’est dans le but de reproduire des claviers que les guitaristes le font…), il est toujours assez difficile de jouer quelques notes blues, un solo son clair, etc. qui ne trahissent pas à un moment ou à un autre leur origine pianistique (en même temps, les guitaristes Midi ne sont pas convaincants non plus avec un son de piano…). En revanche, les rythmiques simples, les arpèges, les accords égrenés sont bien mieux rendus. L’EEG Strawberry n’est pas en cause, elle-même étant plutôt réussie.