Dévoilées en fanfare au mois de septembre, les quatre guitares qui constituent la série Generation intègrent le renouveau de Gibson en matière de lutherie acoustique. Ces instruments proposent une construction moins onéreuse que celle des instruments traditionnels de la marque avec des essences moins nobles. Cependant, Gibson a fait fort en reprenant un concept introduit dans les années 60 et en le remettant au goût du jour, le Player Port.
En avant les G !
La série Generation est donc constituée de quatre guitares qui reprennent les formes des quatre modèles folk emblématiques de la marque : la L-00, la J-45, la Songwriter et la J-200. Elles sont ici rebaptisées G-00, G-45, G-Writer et G-200. Sur les quatre modèles qui me sont présentés lors de mon arrivée au Showroom Gibson de Paris, deux sont équipés d’un pan coupé et d’un système de pré-amplification, les G-Writer et G-200 qui portent donc en plus le suffixe « EC » (electro-cutaway). À part le format, les guitares Generation possèdent toutes les mêmes caractéristiques techniques. Les dos et éclisses de ces nouvelles guitares folk sont en noyer massif, essence que Gibson a commencé à employer il y a quelques temps sur les modèles J-45 Studio (dont vous pouvez retrouver le test ici) et plus récemment sur la G-45 Studio. D’ailleurs, les nouveaux modèles Generation s’inscrivent directement dans la lignée de cette G-45 Studio. Les quatre guitares disposent d’une table massive en épicéa de Sitka, essence très résonnante et assez souple pour encaisser et restituer les vibrations des cordes. Le manche est en Sipo, une essence appartenant à la famille des acajous et dont le motif est assez joli. Gibson a trouvé un profil de manche assez confortable et ergonomique et l’a donc installé sur toutes les guitares. Il est baptisé Advanced Response. Même chose pour la touche en ébène tigré que l’on retrouve sur les quatre guitares. Elle possède un rayon de 16 pouces et elle est sertie de 20 frettes. Les modèles G-00 et G-45 disposent d’un diapason de 24.75 pouces alors que les G-Writer et G-200 ont un diapason de 25.5 pouces, légèrement plus long donc. L’accastillage est également le même sur les quatre instruments avec des mécaniques Grover Mini Rotomatic chromées, des sillets en TUSQ et un chevalet en ébène tigré. Sur les G-00 et G-45, il est de forme rectangulaire alors que sur les deux autres guitares, il est sculpté selon un gabarit « Belly Down ». Gibson a opté pour un barrage traditionnel en « X » pour chacune des quatre guitares. Enfin, ces nouveaux modèles sont fabriqués à Bozeman dans le Montana, sont fournis en housse Deluxe et sont recouverts d’une finition nitrocellulosique satinée.
Un trou en plus ?
Une des grandes nouveautés (qui n’en n’est pas vraiment une) de ces guitares est le fameux Player Port. Il s’agit en fait d’une ouverture effectuée dans l’éclisse supérieure qui permet au guitariste de mieux entendre son instrument. Cette invention date en réalité chez Gibson du début des années 60. La marque ne l’avait encore jamais exploitée et a donc profité de cette nouvelle série pour le redessiner entièrement. Le rendu visuel est assez élégant bien qu’un peu étrange au premier abord. On n’a pas vraiment l’habitude d’apercevoir des guitares folk avec ce genre d’ouverture. Cependant, Gibson a effectué un vrai travail de design qui permet à ce Player Port de trouver sa place sur chacun des quatre modèles. Le rendu sonore est assez surprenant, j’y reviendrai. Pour rester du côté visuel des choses, on constate que la marque a eu l’intelligence d’entourer ce Player Port d’un filet noir qui facilite selon moi son intégration. Il ne s’agit pas d’un simple perçage fait un peu au hasard, mais bien d’une amélioration technique qui s’intègre parfaitement aux différents designs.
Si vous optez pour la G-Writer ou la G-200, vous aurez la chance de pouvoir profiter du système LR Baggs Element Bronze qui se constitue d’un capteur installé sous le sillet et d’un pré-ampli avec un unique contrôle de volume dissimulé dans la rosace. Ce système LR Baggs est assez simple mais fonctionne bien malgré sa sonorité un peu standard. Pour ce test de la série complète, j’ai joué les guitares par ordre croissant de prix. La première à s’installer sur mes genoux était donc le G-00. Le format de la guitare est celui de la L-00, petite guitare Parlor très célèbre notamment grâce à l’utilisation qu’en a fait un certain Robert Johnson juste après avoir vendu son âme au Diable. La guitare a un gabarit super compact qui la rend facile à jouer, surtout aux doigts. Le son qu’elle développe est plutôt centré autour des médiums et hauts-médiums. En strumming au médiator, il n’y a pas de quoi grimper aux rideaux, la guitare n’a pas beaucoup de dynamique et le son ne jouit pas d’une ampleur extraordinaire. Je me suis amusé à boucher momentanément le Player Port afin d’avoir une idée plus précise de son efficacité.
- L-00 Strumming NT102:25
- L-00 Fingers NT101:36
Et là, grosse surprise. En bouchant le trou, on a l’étrange impression qu’un fort pourcentage du son a simplement disparu. On entend d’ailleurs clairement le son s’échapper par la rosace mais on l’entend de manière un peu floue et pas très définie. En laissant de nouveau l’air circuler librement dans le Player Port, on récupère un son agréable et ample, même si cette petite G-00 est loin d’être ma préférée de la série. Le confort de jeu et l’ergonomie sont au rendez-vous et j’ai été très enthousiasmé par le profil du manche qui est effectivement très agréable à prendre en main. Comme sa grande sœur la G-45, la G-00 ne possède pas de filet, ni sur la table ni sur le dos. La G-45 est d’ailleurs la guitare suivante à passer au banc d’essai. Ayant eu la chance d’essayer la J-45 Studio puis la G-45 Studio, je ne peux m’empêcher d’effectuer un rapprochement entre ces trois modèles. L’ancienne mouture de la G-45, la Studio, disposait d’une lutherie similaire avec dos et éclisses en noyer massif et table massive en épicéa Sitka. Cependant, elle bénéficiait d’un triple filet faisant le tour de la table, d’un chevalet un peu plus sophistiqué et surtout d’un étui rigide. Le Player Port en était bien sûr absent. Sur la G-45, pour un tarif identique, l’étui a disparu au profil d’une housse Deluxe, le filet de table a lui aussi disparu et le chevalet est un modèle rectangulaire plus standard. Malgré des spécificités qui semblent en-deçà, la G-45 nouvelle mouture fournit un meilleur son que sa cousine. Encore une fois, le Player Port ajoute une dimension supplémentaire au son, dimension dont on prend bien conscience quand on l’obstrue. Du point du vue du guitariste, la différence est flagrante. Cette petite G-45 a été celle que j’ai préférée de la série.
- G-45 Struming NT101:57
- G-45 Fingers NT101:44
Le format Dreadnought avec épaules rondes est très confortable, suffisamment imposant pour développer des basses généreuses mais suffisamment compact pour ne pas gêner la prise en main, c’est top. Le son est plus équilibré que sur la G-00, avec une présence indéniable dans les basses et une meilleure dynamique. Que ce soit en strumming ou aux doigts, la G-45 s’est montrée habile dans tous les domaines et surtout très polyvalente. Le profil Advanced Response du manche est toujours aussi confortable.
Les grandes derrière !
On poursuit ce tour d’horizon de la série Generation avec la G-Writer qui reprend, comme son nom l’indique, le format de la Songwriter. Il s’agit d’une guitare folk Dreadnought à épaules carrées avec pan coupé et système de pré-amplification LR Baggs Element Bronze. Sur les deux versions disposant du suffixe « EC », Gibson a choisi d’installer un filet noir qui court le long de la table et un second qui fait le tour du dos des instruments. De plus, les repères de touche sont différents. Ce sont ici des traits en nacre qui se prolongent sur le côté de la touche et forment aussi les repères de côté. C’est malin, assez joli et bien réalisé. Le Player Port paraît encore mieux intégré entre ces deux filets. À mon grand étonnement, la G-Writer développe une quantité d’harmoniques largement supérieure à celle développée par ses petites sœurs. Sur les G-00 et G-45, on entend une harmonique fondamentale bien présente qui donne au son un côté direct et précis. Cela m’a d’ailleurs rappelé les propriétés acoustiques de l’acajou. La G-Writer bénéficie d’un sustain accru qui permet d’entendre ces harmoniques se développer et résonner dans le corps de la guitare. C’est assez chouette et témoigne de l’excellente qualité de fabrication de l’instrument et du savoir-faire des ouvriers de l’usine de Bozeman. J’ai une fois de plus fait l’expérience de boucher le Player Port afin d’en tester l’efficacité, et ai été une fois de plus agréablement surpris. J’émets une seule réserve sur cette G-Writer, elle concerne le pré-ampli. Même si c’est bien pratique de pouvoir amplifier sa guitare sur scène, c’est dommage d’en sortir un son aussi synthétique alors que le son naturel de l’instrument est très agréable. Les capteurs piezo ont la fâcheuse tendance à avoir tous le même son et ce n’est pas l’unique contrôle de volume du pré-ampli qui pourra rattraper quoi que ce soit. Malgré un gabarit assez imposant, la G-Writer est plutôt confortable et se joue assez facilement. Le diapason de 25.5 pouces demandera quelques heures pour qu’il semble familier.
- G-Writer EC – Strumming NT1, DI, Both02:42
- G-Writer EC – Fingers NT1, DI, Both02:00
- G-200 EC – Strumming, NT1, DI, Both02:31
- G-200 EC – Fingers NT1, DI, Both02:07
On termine donc ce test avec la G-200 qui possède le gabarit de la célèbre J-200, la guitare folk Jumbo de chez Gibson. Sans grande surprise, la guitare développe beaucoup de basses et un volume impressionnant. Il est d’autant plus impressionnant que la guitare est très dynamique et s’exprime aussi bien dans un registre feutré qu’un registre beaucoup plus costaud en terme de volume sonore. Elle répond très bien et renvoie parfaitement ce qu’on lui donne. Il est préférable d’essayer ce genre de guitare avant achat, le format Jumbo peut en déranger plus d’un. On ne retrouve pas vraiment la sonorité de la J-200 mais on retrouve son ampleur et sa forte présence dans le bas du spectre. Cette présence s’évanouit un peu dès lors qu’on branche la guitare, le système LR Baggs retranscrivant surtout les attaques et la vibration des cordes. Comme celui de la G-Writer, le pan coupé de la G-200 a été légèrement aminci afin de garantir un bon confort de jeu et un meilleur accès aux aigus qu’avec un pan coupé traditionnel. Je ne mentionne pas le Player Port qui encore une fois m’a beaucoup surpris. Les mécaniques Grover Mini Rotomatic se sont montrées très efficaces sur tous les modèles.
Le mot de la fin
La série Generation de chez Gibson est une très chouette porte d’entrée dans l’univers de la marque. On a accès à tout le savoir-faire des ouvriers de Bozeman à un tarif moindre (selon les modèles) ce qui est assez sympa. Le concept de rhabiller quatre modèles iconiques du catalogue Gibson avec des caractéristique plus modernes n’est pas dénué de sens. J’ai particulièrement apprécié la G-45 qui livre un son pur et délicat, très équilibré en fréquences et avec une belle personnalité. Les autres modèles de la collection sont également très bien construits, très bien finis, mais ont un peu moins de charme à mon goût. Les tarifs de ces instruments sont les suivants : G-00 : 999 €, G-45 : 1 199 €, G-Writer : 1 599 € et G-200 : 1 999 €. Si les G-00 et G-45 présentent un rapport qualité/prix proche de l’excellence, les G-Writer et G-200 sont, selon moi, un peu onéreuses. Ces quatre nouvelles guitares sont fournies en housse souple bien rembourrée ce qui est bienvenu. En tout cas, Gibson a bien fait de fouiller dans ses archives et de retrouver le dessin original du Player Port. C’est un aspect très intéressant de ces guitares et la raison principale pour laquelle vous devez les essayer. Bien joué Gibson !