La marque Headway a été fondée en 1977 par Yasuo Momose au Japon et jouit aujourd’hui de 45 ans d’expérience dans la facture d’instruments. La marque produit des guitares acoustiques et des ukulélés à Matsumoto City, Nagano. Si Headway a appris en observant les marques européennes et américaines, elle a su implanter un savoir-faire ancestral japonais dans la finition de quelques modèles : la technique de laque Urushi.
Laquée à l’ancienne
Headway a su acquérir un savoir-faire technique très impressionnant au fil des 45 dernières années. Si bien que la marque propose aujourd’hui des guitares très inspirées des grands modèles américains et européens comme les Gibson J-45 ou Martin & Co HD-28. C’est donc une Headway HD-115 qui m’a été livrée pour ce test. La guitare repose dans son bel étui recouvert d’un tolex noir et de surpiqûres rouges. L’ouverture de cet étui laisse échapper un parfum assez particulier de laque. C’est assez inhabituel et éloigné du parfum de vernis nitrocellulosique qui émane des étuis Gibson et Fender. Dès le premier coup d’œil posé sur cette HD-115 Urushi, on constate que la lumière se réfléchit assez curieusement sur sa surface. La lumière rasante permet d’analyser précisément la surface de la guitare et de constater l’extrême finesse de cette finition en laque Urushi. En effet, là où un vernis à base de polyuréthane fera environ 0,2 mm d’épaisseur, la finition en laque Urushi ne mesure que 0,05 mm. Cette finesse permet au bois de respirer davantage et de pouvoir vibrer plus librement. Pas d’inquiétude cependant, la finition Urushi adhère beaucoup mieux au bois, offrant ainsi une bonne stabilité dans le temps. Les motifs présents dans les différentes essences de bois semblent ressortir avec un très joli contraste qu’une finition polyuréthane ou nitrocellulosique ne saurait fournir, à cause de leur éclat beaucoup trop net et réfléchissant.
Comme les meubles laqués, cette HD-115 Urushi va acquérir plus d’éclat au fil des années et de l’utilisation. La laque Urushi est obtenue en récoltant la sève du Rhusvernicifera, appelé également arbre à laque ou « laquier ». Cette sève suit ensuite un filtrage, une homogénéisation et une déshydratation. Elle devient alors transparente et peut être teintée à l’aide de différents pigments, et une fois appliquée, elle fournit une texture de surface très particulière. À première vue d’ailleurs, cette HD-115 Urushi ressemble à une vieille Martin & Co. La laque va venir se déposer dans chaque pore du bois sans les combler. On peut donc observer à l’aide d’une lumière rasante, tous les pores et motifs du bois à travers la finition.
Finition signée Noboru Kobayashi
La technique du laquage Fuki-Urushi est très exigeante et ne peut être réalisée qu’à une température comprise entre 24 et 28 degrés Celsius, à un taux d’humidité compris entre 70 % et 80 %. Elle remonte à la période Jomon, 700 ans avant J.C, et développerait un son particulièrement aérien que les Japonais appellent « le son pur de l’Urushi ». Elle consiste à appliquer une couche de laque au pinceau et à la laisser sécher. Elle durcit ensuite sous l’action d’une enzyme. Sur la Headway HD-115 que j’ai eu la chance de tester, cette finition a été appliquée par le maître Noboru Kobayashi.
La guitare a été fabriquée entièrement à la main dans les ateliers de la marque, sous le contrôle très strict du Sensei Yasuo Momose. Et l’on peut dire que cette attention au détail et cette rigueur sont bien visibles sur l’instrument. Tous les bois sont massifs et soigneusement sélectionnés, à l’image de la table qui présente un très beau motif et des veines bien ouvertes. Elle est en épicéa de Sitka, le dos et les éclisses sont en palissandre indien. Le manche est confectionné en une pièce d’acajou, il est sculpté selon un profil en « C » très confortable. Il est équipé d’une touche en Richlite, un matériau synthétique qui se substitue à l’ébène. Ce matériau a également été utilisé pour la confection du chevalet de la guitare. Ce chevalet accueille un sillet en os, matériau choisi également pour le sillet de tête. Les mécaniques ouvertes sont estampillées Gotoh. Le diapason est de 645 mm, 25,4 pouces et la largeur au sillet est de 43 mm.
« Le son pur de l’Urushi » ?
Les premiers accords et premières notes jouées sur la HD-115 Urushi m’ont laissé une impression d’équilibre sonore très prononcé. Ayant joué très longtemps sur une Martin & Co D-28 et d’autres Dreadnoughts, j’ai toujours eu le sentiment que ce format développait une quantité très (trop ?) importante de basses fréquences. Le gabarit de la guitare et la taille de sa caisse de résonance jouent dans ce sens. Cette HD-115 au contraire fournit un son très équilibré où aucune zone de fréquences ne semble se battre avec sa voisine. Les accords à six notes sonnent pleins, riches, et chaque note se fait entendre au même volume que sa cousine, c’est très chouette. En jouant des notes seules pour tester le sustain de l’instrument, qui est tout simplement énorme, j’ai constaté une harmonique à la quinte très présente et qui semble parfois envelopper le son d’un voile très musical. Les guitares à dos et éclisses en palissandre développent souvent une grosse quantité d’harmoniques, mais c’est la première fois que j’entends la quinte ressortir à ce point. Il s’agit probablement du « son pur de l’Urushi »…
L’ensemble de la guitare vibre très bien, on voit presque la table bouger à chaque accord qui résonne. Le dos transmet les ondes sonores et vibre aussi beaucoup, tout comme le manche dans lequel elles se diffusent jusqu’à la tête. J’ai eu le sentiment de jouer sur une HD-28 parfaite. La petite volute de forme triangulaire est présente au dos de la tête et les sensations de jeu sont très proches de ce que proposent les Dreadnoughts Martin & Co. L’instrument réagit à merveille et saura murmurer ou hurler, selon vos envies. Elle répond très bien à toutes les sollicitations, qu’on attaque tout doucement ou très fort. Cette HD-115 Urushi s’est montrée très à l’aise en gros strumming au médiator et en Flat Picking. Je l’ai trouvée moins intéressante en Finger Picking, le grand format n’aidant pas vraiment à jouer aux doigts. Enfin, en matière de confort de jeu, la laque Urushi est une surface que j’ai trouvée hyper confortable. Elle procure un toucher très doux sans coller ni accrocher. Ce toucher n’est en rien comparable à celui d’un vernis nitrocellulosique dont l’aspect est parfois presque vitrifié. Le look, le toucher et le son sont au rendez-vous pour cette belle HD-115 nipponne.
- HD115 – Strumming01:03
- HD115 – Fingerpicking00:54
- HD115 – Strumming Oasis01:30
- HD115 – Fingerpicking Blues01:19
- HD115 – Flat Picking01:38
- HD115 – Gipsy00:46
En bref
Proposée au tarif de 2 890 € (étui inclus), la Headway HD-115 possède un bon rapport qualité/prix. Son tarif largement inférieur à celui d’une Martin & Co HD-28 la place très bien sur le marché. La lutherie est impeccable, l’action est basse, la guitare est agréable à jouer et sonne divinement bien. Le seul petit bémol concerne l’emploi du Richlite ; l’ébène aurait eu, à mon sens, davantage sa place sur un instrument de cette catégorie. Le chevalet paraît lisse et dénote un peu aux côtés de la table naturelle aux beaux motifs. Si vous cherchez une guitare folk de format Dreadnought mais que vous souhaitez sortir un peu des sempiternelles Martin & Co, intéressez-vous de très près à cette HD-115 Urushi. Si la finition Urushi vous intéresse, la marque va la proposer sur tous ses modèles Solid Body d’ici juillet 2023. Les commandes sont ouvertes.