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Test de la Gibson Les Paul Melody Maker 2014 - Melody Make Up

8/10

Janvier 1963, Houston, Texas. Assis sur le lit de sa chambre, un jeune apprenti guitariste repique studieusement les plans de son idole Jimmy Reed. Pour son treizième anniversaire, Freddie et Lorraine, ses parents, lui ont offert son premier instrument, une jolie Gibson à la finition Sunburst. Alors que l’adolescent, son prénom est William, se rêve déjà leader d’un groupe de blues au succès planétaire, il est loin de se douter qu’il a d’abord été la victime gâtée d’un marketing très ciblé et diablement efficace…

En effet, 4 ans plus tôt, la plus pres­ti­gieuse des firmes améri­caines, sentant le souffle du rock’n’­roll atti­ser les jeunes et nombreuses braises issues du Baby Boom, déci­dait de faire un pas de plus vers cette nouvelle clien­tèle peu fortu­née, mais ô combien moti­vée, en lui propo­sant une alter­na­tive à la Les Paul Junior, son entrée de gamme sortie quelques années aupa­ra­vant. Ça sera un instru­ment d’étude simplis­sime, très abor­dable, mais aussi son best-seller d’alors : la Melody Maker. Morte en 1971 (comme Stra­vinsky, Jim Morri­son, Louis Armstrong, Gene Vincent et… Fernan­del) puis relan­cée chaque décen­nie, la faiseuse de mélo­dies se réin­carne cette année, pour notre plus grande curio­sité et notre plus grande exci­ta­tion, sous les formes volup­tueuses d’une Les Paul 0 % de matières grasses.

Le péril jaune

Gibson Les Paul Melody Maker 2014

Autant vous le dire tout de suite, ne cher­chez pas trop de points communs avec les Melody Maker précé­dentes : pas de double cuta­way comme sur les modèles des 60’s, pas d’en­trée jack sur la table, pas de pick­guard, pas de tête amin­cie. À la limite, on recon­nai­tra les méca­niques Gibson Deluxe Vintage blanches (avec un ratio de 14:1… c’est bien ce qu’ils disaient, vintage), au look cheap mais char­mant, qui font ce qu’on leur demande, à savoir tour­ner, et le cheva­let « Light­ning Bar » en fini­tion chrome satiné, de type « Wrap Around » (à pontets compen­sés fixes qu’on ne peut par consé­quent pas régler indi­vi­duel­le­ment), et qui était censé, à l’ori­gine, simpli­fier la vie des débu­tants (ou faire des écono­mies, ça dépend du point de vue). Non, nous avons affaire ici à une Les Paul, vraie de vraie, d’ailleurs c’est écrit en doré sur la tête avec le logo de la marque (le nom de la guitare est quant à lui inscrit en blanc sur le cache plas­tique du Truss Rod). Enfin… vraie de vraie… Une Les Paul qui a quand même suivi un régime assez sévère.

La première chose que l’on remarque une fois sortie de sa housse noire et blanche, c’est la faible épais­seur de son corps, le même que la Les Paul Custom Lite, une édition limi­tée sortie l’an dernier. Était-ce pour éviter à nos ados de futures douleurs dorsales qui frappent les utili­sa­teurs chevron­nés de lourdes « Stan­dard », n’épar­gnant personne, pas même les grands noms comme Jimmy Page ? Il semble­rait. En tout cas notre guitare est assez légère. Gibson ne nous a pas commu­niqué son poids exact, mais pour donner un ordre d’idée, elle semble à peine plus large et plus lourde qu’une SG. Les contours sont en revanche bien semblables à ceux d’une Les Paul tradi­tion­nelle dont l’er­go­no­mie a depuis long­temps fait ses preuves : équi­li­brée et confor­table en posi­tion assise, encore plus avec ce gaba­rit.

Gibson Les Paul Melody Maker 2014

L’autre chose qui saute (malheu­reu­se­ment) aux yeux, c’est la fini­tion, plus préci­sé­ment la pein­ture et le choix de la couleur. Ce « TV Yellow Satin », c’est un peu le colo­nel moutarde qui aurait tué le bon goût avec la truelle et qui l’au­rait traîné un peu partout dans la maison. Où, comme le dit Baudoin, un de mes jeunes élèves, « ça fait un peu meuble indus­triel ». Moi je l’ap­pel­le­rais « No Gold Top », le Gold Top du pauvre. D’ailleurs pour la petite histoire, il est diffé­rent du TV Yellow origi­nal (plus natu­rel, avec bois appa­rent, un peu dans le style « Butters­cotch Blonde » de chez Fender) qui, comme son nom l’in­dique, avait été proposé parce qu’il passait mieux à la télé, diffu­sée à l’époque en noir et blanc. C’est bien sûr une ques­tion de goût, mais l’ex­pres­sion « maquillée comme une voiture volée » s’ap­plique aussi aux guitares. Pour adou­cir l’aci­dité du propos et rassu­rer le public, je lui dirai qu’elle existe aussi en « Manhat­tan Midnight Satin », « Wine Red Satin » et « Char­coal Satin » et que tout compte fait, on peut se deman­der si cette fini­tion sati­née (nitro­cel­lu­lose pour le vernis), qui ne restera sans doute pas imma­cu­lée très long­temps, ne donnera pas à notre Melody Maker dans une dizaine d’an­nées, après quelques coups et autres frot­te­ments, un aspect « Relic » du plus bel effet.

Concer­nant les bois, il est assez diffi­cile, sous cette couche de pein­ture, de donner un avis sur la qualité de l’érable du manche et de la table. L’acajou est léger et le palis­sandre de la touche, assez épais, est tout à fait honnête, ce qui est surpre­nant par les temps qui courent (suivez mon regard…). Outre 22 cases et ses points repères, nous y trou­ve­rons incrusté à la douzième case un logo « 120th anni­ver­sary », auto-célé­bra­tion bien méri­tée de la longé­vité de la marque, une éter­nité dans un pays aussi jeune que les États-Unis.

Jusqu’ici, à part le corps et l’in­crus­ta­tion, rien de très « 2014 » alors quid des nouveau­tés ?

Les Nouveaux P

Gibson Les Paul Melody Maker 2014

La première inno­va­tion est toute bête et pour­tant c’est une bonne nouvelle. Suite au pire concert de ma vie lors duquel j’ai fait tomber trois fois des Les Paul Custom de grande valeur (petits dégâts, mais grosse honte publique), je me suis résolu à ache­ter des strap-locks. Quand il a fallu instal­ler les boutons attache-cour­roie, les vis, trop petites, flot­taient dans le corps. N’étant pas doué de mes mains, j’ai dû faire appel, comme pour cet article, à l’ex­per­tise de mon ami Ludo­vic Barrier* pour qu’il me fixe ça. Je n’ai appa­rem­ment pas été le seul à vivre une telle mésa­ven­ture et Gibson, à l’écoute de ses clients, a décidé d’aug­men­ter la taille des boutons afin de nous éviter ces compli­ca­tions. Ils sont plus larges et, si vous aurez peut-être quelques diffi­cul­tés à la fixer, une fois la sangle instal­lée, vous saurez votre guitare bien accro­chée et en sécu­rité (enfin, tant que vous n’en­le­vez pas la sangle régu­liè­re­ment).

La deuxième origi­na­lité provient des potards. Ils ont désor­mais des encoches censées faci­li­ter leur prise aux doigts. Pour avoir comparé avec les anciens, je ne sens pas de chan­ge­ment notable, mais j’ima­gine qu’en concert par grande chaleur ou pour les guita­ristes aux mains moites, c’est une amélio­ra­tion bien­ve­nue. 

Gibson Les Paul Melody Maker 2014

En fait, la véri­table nouveauté de la Melody Maker réside dans ses micros, un P-90SR en posi­tion manche et un P-90ST pour la posi­tion cheva­let. Ce sont des déri­vés du P-90 clas­sique mais avec un aimant Alnico V. Pour être honnête, n’étant pas élec­tro­ni­cien et n’y connais­sant pas grand-chose, je vous laisse consul­ter cette page pleine d’ex­pli­ca­tions en anglais. Ce que je retien­drai de cette litté­ra­ture, c’est que ce sont, d’après le fabri­cant, les mêmes que ceux qui équi­paient les ES-125 à la fin des années 40, que leur niveau de sortie est équi­li­bré de sorte qu’il n’y a pas de diffé­rence de volume quand on passe d’un micro à l’autre et que la combi­nai­son des deux, la posi­tion du milieu, marche comme un humbu­cker en paral­lèle et supprime donc les souffles inhé­rents aux micros simples (car les P-90, aussi larges d’ap­pa­rence soient-ils, sont bien des simples). Nous véri­fie­rons tout cela ainsi que leurs quali­tés sonores au moment du test à propre­ment parler.

Nos micros, comme pour beau­coup de modèles récents, sont bran­chés sur un circuit imprimé et j’avoue ne pas beau­coup aimer ça. Ayant eu quelques soucis avec l’élec­tro­nique d’une de mes Gibson récentes, j’ai fait rempla­cer* le PCB par un montage à l’an­cienne parce qu’en tour­née, s’il y a un problème, c’est répa­rable, ce qui n’est pas le cas d’un circuit imprimé. Mais il n’y a pas de raison pour que ce bran­che­ment soit défi­cient sur la Melody Maker et c’est là aussi une ques­tion de goût person­nel.

Gibson Les Paul Melody Maker 2014

Autre para­mètre très dépen­dant de la physio­lo­gie et des goûts de chacun, le confort du manche. Son profil est de type 50’s arrondi, en U, assez large et qui tient bien dans la paume de la main (avec un radius de touche de 12’’). Comme j’en ai une moyenne/petite (je parle de la main hein), elle a vite fati­gué après avoir passé plusieurs fois le pouce par dessus pour les accords. Bizar­re­ment, habi­tué au manche 59, à peu près aussi épais, je n’avais pas remarqué éprou­ver les mêmes diffi­cul­tés. Peut-être cela est-il aussi dû au fait que les frettes sont assez hautes et dures et que leur présence se fait sentir quand on parcourt le manche. Les deux addi­tion­nés ont proba­ble­ment et incons­ciem­ment joué sur mes impres­sions géné­rales. Ceux de mes amis qui l’ont essayée se sont en revanche sentis très à l’aise. Choi­sir une guitare sans poser les mains dessus c’est un peu comme choi­sir sa femme sur cata­logue, alors n’hé­si­tez pas à la tester en maga­sin parce que mes sensa­tions de jeu seront sans doute diffé­rentes des vôtres.

Derniers éléments capi­taux, mais pas des moindres, surtout pour les débu­tants, l’in­to­na­tion et la tenue de l’ac­cord. La première était rela­ti­ve­ment juste et la seconde assez satis­fai­sante, je n’ai pas eu à la réac­cor­der souvent malgré des bends de deux tons faci­li­tés par un tirant de cordes (trop) faible (montée appa­rem­ment en 9–42, pour ne pas rebu­ter les novices ?). La Melody Maker mérite certai­ne­ment un tirant plus élevé, d’au­tant plus que les dernières cordes frisaient légè­re­ment, surtout vers le sillet, un petit réglage n’au­rait pas été de trop. Pas très impres­sion­nante jouée à vide, qu’en est-il une fois bran­chée ?

Gibser Vs. Fend­son 

Voici la chaîne audio pour le test : Gibson Les Paul Melody Maker 2014 > Tête Marshall JVM415H (+ une pincée de reverb)> Simu­la­teur de HP Two Notes Torpedo Live > Carte Son Apogee Duet.

Avant toute chose, je tiens à signa­ler que vous senti­rez parfois comme un effet « vibrato » ou vous aurez l’im­pres­sion que les notes ne sont pas toujours justes. Habi­tué à un tirant aussi fort que du 13–56, il m’a été diffi­cile de me remettre au 9–42. Tout ceci n’est donc pas lié à l’in­to­na­tion ou à l’ac­cor­dage de la guitare.

Gibson Les Paul Melody Maker 2014

Du strum­ming en son clair pour commen­cer : pour les trois premiers exemples, j’al­terne les trois posi­tions de micro (Rhythm/manche, Middle/inter­mé­diaire, Treble/cheva­let) sur une ryth­mique avec des accords ouverts en bas du manche (sur le premier extrait, je vous laisse à la fin appré­cier le sustain). Pour les trois exemples suivants, toujours sur les trois posi­tions, une autre ryth­mique, mais avec des barrés plus haut sur la touche.

1 clean rhythm strum­ming open­chords sustain
00:0000:39
  • 1 clean rhythm strum­ming open­chords sustain 00:39
  • 2 clean middle strum­ming open­chords 00:18
  • 3 clean treble strum­ming open­chords 00:19
  • 4 clean rhythm strum­ming 00:18
  • 5 clean middle strum­ming 00:17
  • 6 clean treble strum­ming 00:17

Nous consta­te­rons que le rendu est plutôt inha­bi­tuel pour du Gibson. Les micros n’ont pas un niveau de sortie très élevé, ce sont de vrais simples à n’en pas douter, et couplés à la brillance natu­relle de la guitare, l’en­semble sonne presque comme l’autre marque améri­caine la plus célèbre, à notre grand éton­ne­ment.

Ensuite, je vous propose un exemple pour chaque posi­tion, toujours en son clair, mais dans des contextes musi­caux qui leur corres­pondent. Puisque ces nouveaux P-90 sont théo­rique­ment les mêmes que ceux des ES-125 d’époque, le premier extrait sera jazzy. Je plaque un accord, baisse la tona­lité à la moitié et s’en­suit une petite impro en accords et phrases lead. Le deuxième est un exemple funk dans la posi­tion inter­mé­diaire et le troi­sième est une grille pop avec alter­nance entre accords, phrases et arpèges sur la posi­tion cheva­let.

7 clean rhythm jazz tone
00:0000:36
  • 7 clean rhythm jazz tone 00:36
  • 8 clean middle funky 00:18
  • 9 clean treble yellow rain 00:40

Le rendu est encore un peu trop brillant à mon goût pour le jazz même si c’est tout à fait hono­rable (encore une fois, le tirant de cordes n’a pas aidé), très très effi­cace en funk et pas trop criard en cheva­let, ce qu’on aurait pu craindre. 

Conti­nuons l’ex­plo­ra­tion sonore avec du son crunch. Les trois posi­tions toujours, dans le même ordre, avec un riff bien connu et quelques petites phrases lead bluesy.

10 crunch rhythm
00:0000:21
  • 10 crunch rhythm 00:21
  • 11 crunch middle 00:22
  • 12 crunch treble 00:21
Gibson Les Paul Melody Maker 2014

Nous avons là toujours une sorte d’hy­bride Gibson-Fender. Les attaques sont franches, mais le carac­tère claquant et médium/haut des sono­ri­tés de la firme concur­rente est ici tempéré.

Passons au son saturé, toujours dans le même ordre, avec d’abord un riff lourd en Drop D. Le joli crunch du début est obtenu en bais­sant le volume d’un peu moins de la moitié, pareil pour l’exemple sur le micro cheva­let, mais avec une ryth­mique plus texas blues/rock. J’ai pu consta­ter, en lais­sant les mains loin des cordes, le souffle typique des simples. L’exemple 14 confirme que la posi­tion inter­mé­diaire marche comme un humbu­cker, anni­hi­lant le gros des buzz.

13 satu rhythm
00:0000:31
  • 13 satu rhythm 00:31
  • 14 satu middle 00:25
  • 15 satu treble 00:33

Pour finir, chan­geons un peu de couleur à la satu­ra­tion en remplaçant le Marshall par un Mesa Boogie Triaxis et son ampli de puis­sance 2:90 et en ajou­tant une pincée de delay obte­nue grâce à un multi-effet TC Elec­tro­nic G-Force. Voici un petite impro lead avec les trois posi­tions enchaî­nées. À la fin, le fondu est réalisé à l’aide du potard de volume.

00:0000:00

Pour être honnête, si la qualité des Gibson peut varier d’un modèle à l’autre, celle de leurs micros reste toujours constante. Ces nouveaux P-90 ne font pas excep­tion et embarqués sur cette Les Paul, ils nous offrent des sono­ri­tés tout à fait conve­nables. 

Verdict géné­ral ?

Career Maker

Dès le commen­ce­ment et plusieurs fois au cours de ce test, j’ai fait réfé­rence aux débu­tants. Cette Les Paul Melody Maker cuvée 2014, fidèle à la légende, leur est en effet desti­née en prio­rité de par sa simpli­cité, son confort et sa rela­tive poly­va­lence, bien aidée par la qualité indé­niable des nouveaux P-90. D’au­tant qu’au prix annoncé de 649 € (parfois moins en maga­sin, d’où un rapport qualité/prix raison­nable), elle les intro­duira de manière sympa­thique à l’uni­vers Gibson (les plus jeunes d’entre eux pour­ront ainsi se targuer de possé­der une vraie Les Paul « made in USA »).

Mais cette petite gratte sans préten­tion ne leur est pas exclu­si­ve­ment dédiée. Elle fera un aussi instru­ment de rechange à moindre coût pour le profes­sion­nel ou un retour aux sources plein de nostal­gie pour les plus âgés dont le dos ne supporte plus le poids d’un vrai corps en acajou. Et ce n’est pas le petit (il a bien gran­di…) William « Billy » Frede­rick Gibbons, avec ses 51 ans de carrière commen­cée par un cadeau d’an­ni­ver­saire bon marché, qui dira le contraire ? 

* Merci à Ludo­vic Barrier pour son aide précieuse lors de la rédac­tion de cet article.

Si l’his­toire de la Gibson Les Paul vous inté­resse, n’hé­si­tez pas à lire cet article !

 

 

Notre avis : 8/10

  • Les micros
  • Le poids
  • Les nouveaux accessoires
  • La finition Ripolin

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