Montée par d'anciens membres de la célèbre société Creamware, la jeune société Use Audio a développé un hôte matériel pour plug-ins. Le Plugiator est un synthétiseur hardware table top qui peut contenir jusqu'à huit instruments différents. Enfin une possibilité économique d'utiliser des plug-ins sans ordinateur ? C’est ce que nous allons voir...
Montée par d’anciens membres de la célèbre société Creamware, la jeune société Use Audio a développé un hôte matériel pour plug-ins. Le Plugiator est un synthétiseur hardware table top qui peut contenir jusqu’à huit instruments différents. Enfin une possibilité économique d’utiliser des plug-ins sans ordinateur ? C’est ce que nous allons voir…
Plug-in or not plug-in ?
Le Plugiator repose sur une architecture similaire à d’autres synthétiseurs numériques : ce n’est pas un micro-ordinateur personnel repackagé et adapté, mais un ensemble de circuits électroniques avec un DSP (Digital Signal Processor : processeur dédié traitement du signal) qui accueille un logiciel (firmware) permettant de produire des sons, de les éditer, les stocker, etc. Là où le Plugiator se différencie d’un synthé classique, c’est qu’il peut faire tourner différents logiciels. À la livraison, il est ainsi équipé de 3 synthés divers (un vocodeur étant fourni gratuitement à l’enregistrement du produit auprès du constructeur) et pourra accueillir jusqu’à 8 plug-ins maximum en tout, en sachant que Use Audio propose un bundle de 4 instruments supplémentaires pour le tarif très raisonnable de 60 €. Notez qu’il ne s’agit pas de plug-ins VST, DX ou AU mais bien de logiciel propriétaires. Plus qu’un hôte pour plug-ins, le Plugiator doit donc plutôt être considéré comme un ensemble de synthés différents dans un seul et même appareil. Le concept est très intéressant, donc. Passons au déballage.
Tour rapide de la bête
Le Plugiator est un boîtier d’assez petite taille de type « table top ». La face est munie de 11 potards rotatifs sans fin dont 3 disposent d’une fonction « push », de 10 boutons et d’un afficheur à LEDs. La façade est en débord par rapport au reste du boîtier, ce qui permettra éventuellement d’incruster le Plugiator dans une surface plane.
En face arrière, on trouve la prise d’alimentation (par transformateur externe), le bouton d’allumage (ça devient rare), une entrée et une sortie MIDI, une prise USB, des sorties ligne gauche et droite au format jack 6,35 mm, une sortie casque et une entrée micro (jack). La prise USB permet de connecter le Plugiator à un ordinateur, ce que nous verrons plus loin.
Bonne surprise compte tenu de son prix et de sa fabrication chinoise, le Plugiator respire plutôt la qualité : carcasse en métal, assemblages propres, potards crantés (même si on aurait préféré que ce ne soit pas le cas pour régler un synthé) et boutons dont le plastique un peu d’entrée de gamme ne les empêche pas d’être corrects au toucher et faciles à la prise en main. Notons qu’un système de push sur trois des boutons permet d’accéder à une autre fonction. En dépit d’un look un peu tristounet, l’aspect matériel du Plugiator est donc une bonne surprise pour un produit proposé à ce prix.
Utilisation avec un ordinateur
Utilisée pour faire transiter des données MIDI, et des données MIDI seulement (dommage pour l’audio) la prise USB permet la connexion à un ordinateur, Mac ou PC. Sous XP, le Plugiator est reconnu comme « périphérique audio USB », ce qui s’avère pénible car si vous avez plusieurs appareils qui fonctionnent avec le driver générique de Windows, vous allez vous amuser : identification difficile des noms de périphériques, réaffectation à chaque boot… À moins d’allumer les appareils l’un après l’autre dans le même ordre à chaque fois, mais on sait à quel point il est pratique d’avoir tout son matériel commandé par un même interrupteur. Sous Vista, le driver du Plugiator affiche son nom. D’après le construteur, c’est aussi le cas sur Mac (non testé). Par contre, le logiciel ne fonctionne pas sous Vista 64 : les interfaces des instruments n’apparaîssent pas. Un bug corrigeable ?
Ce logiciel, un programmé nommé « Plug-in Manager » permet de gérer le Plugiator, d’y installer les instruments supplémentaires et les mises à jour et gérer ses banques de presets avec une innovation bien trouvée : l’accès direct à des banques en ligne. Une excellente idée d’avoir permis aussi facilement aux utilisateurs de partager leurs créations. Espérons que cette idée sera reprise par d’autres éditeurs. Certes, le système comporte quelques imperfections et quelques petits bugs, mais il est encore jeune et on peut espérer de grandes améliorations. On dispose également dans la même interface d’un petit clavier virtuel, d’un indicateur d’activité et d’un moniteur MIDI. Surtout, on a l’interface utilisateur des instruments contenus dans le Plugiator. On touche là un des points critiques du produit.
Not plug-in
En effet, les interfaces de contrôle des instruments chargés dans le hardware sont des éléments du Plug-in Manager, lequel est une application indépendante. Ici, pas de plug-in VST, DX ou AU qui permette d’utiliser directement le Plugiator dans son séquenceur favori, et en l’absence d’un driver multiport, il faudra passer par un logiciel tiers pour créer des ports MIDI virtuel et permettre à Plug-in Manager et votre séquenceur de communiquer. C’est très peu pratique et pose même parfois des problèmes. Impossible de faire fonctionner le Plug-in Manager avec MIDI Yoke (un des plus célèbres câbles MIDI virtuel freeware pour PC). Quant à l’autre driver freeware indiqué par Use Audio dans la documentation, il cause des dysfonctionnements : dès qu’on enchaîne un peu vite les notes ou un accord, il semble oublier une instruction NOTE OFF en route ce qui fait qu’on se retrouve avec une note continue. La solution la plus stable semble donc de réaliser une boucle clavier >MIDI> Plugiator > USB > ordinateur > interface MIDI > clavier maître. À condition d’avoir un clavier muni d’une entrée MIDI et de filtrer les échos de notes (mais pas les CC) en sortie de séquenceur. Pas simple ! Heureusement que le Plugiator dispose d’un « Panic » immédiatement accessible. Bref, il est vraiment dommage que Use Audio n’ait pas développé son logiciel pour une meilleure intégration avec un séquenceur, ce qui aurait ravi plus d’un home studiste à ce prix.
Utilisation du hardware
Passons sur l’usage dans le contexte d’un ordinateur pour nous intéresser maintenant à l’utilisation de la bête en live. On l’a vu, l’appareil comporte 11 boutons rotatifs, trois d’entre eux (ceux avec fonction push) étant dévolus aux réglages généraux : sélection du preset / enregistrement du preset, sélection de l’instrument / Panic et enfin volume (mal placé) / sélection du canal MIDI. Trois autres potards ont également une tâche fixe : temps de délai, dry/wet du délai et chorus. De fait, il ne reste que 5 boutons pour bidouiller les dizaines de paramètres de synthèse, en sachant que l’affectation de ces boutons est fixe pour chaque instrument. Ainsi, pour le Minimax (émulation de Minimoog), le premier contrôle l’ouverture du filtre, le second sa résonance, le troisième l’attaque, le quatrième le decay et le cinquième le release. Il n’y a pas d’autre choix possible, sur ce dernier comme sur les autres instruments. En l’absence d’un système à la RM1-X où l’on choisit pour chaque preset les paramètres contrôlés par les potards, l’utilisation live du Plugiator passera donc par l’usage d’une surface de contrôle permettant l’accès à d’autres paramètres, en sachant que le Plug-in Manager ne dispose pas de mode MIDI Learn, ce qui compliquera la tâche des débutants en MIDI.
Mic ou Line ?
On dispose d’une entrée « micro » à propos de laquelle la documentation nous dit qu’elle peut recevoir un micro dynamique. Or, je ne suis pas parvenu à l’utiliser ni avec un SM57 ni un SM58. Après avoir vérifié mon câble comme mes micros, j’ai pensé que ma machine de test avait un problème et on m’en a fourni une autre. Même résultat. Pratiquement pas de signal, même en poussant le gain depuis le logiciel (il n’y a pas de contrôle de gain sur le hardware, ce qui s’avère contraignant pour une utilisation sur scène). Je n’ai finalement pu exploiter cette entrée qu’en y branchant la sortie ligne d’un préampli micro. Et là, ça fonctionne très bien même si, du coup, pour utiliser le vocodeur, il faudra embarquer un préampli en plus du Plugiator.
Toujours au rayon audio, précisons que l’entrée micro permet aussi de mélanger le signal qu’on lui soumet avec le son de certains instruments du Plugiator. La chose est particulièrement intéressante en utilisant un synthé comme clavier maître pour piloter le Plugiator, ce qui permet des cumuls sonores intéressants. Sachez toutefois que le son entrant est juste mixé avec celui des instruments et ne fait l’objet d’aucun réel traitement. Seul le délai semble lui être appliqué et vous ne pourrez pas, par exemple, utiliser les filtres du Moog. Bien dommage alors que les émulations logicielles de ce synthé de légende comportent généralement cette fonction.
Les instruments du Plugiator
De base, le Plugiator est livré avec quatre instruments. Plus exactement, trois sont installés et le quatrième est à charger gratuitement après enregistrement. Ces quatre instruments sont pour l’essentiel des versions adaptées, souvent allégées, d’instruments virtuels antérieurs de Creamware. L’esthétique des interfaces va du correct au très moche. La chose étant une affaire de goût, je vous laisse juger des screenchots.
Personnellement, je ne pense pas que ce point est essentiel et je trouve plus importantes la lisibilité et la consommation de ressources. Cette dernière est très faible puisque la synthèse se fait dans le Plugiator et non dans l’ordinateur (signalons au passage que les interfaces des instruments sur l’ordinateur sont développées en Flash). Point très intéressant pour qui a un vieil ordinateur anémique. Côté clarté et lisibilité, il n’y rien à redire non plus et il est plutôt facile de s’y retrouver.
Je ne vais pas faire le tour des instruments puisqu’il suffit d’aller sur le site de l’importateur (Steinberg France) pour avoir quelques explications en français et écouter des exemples audio. Le son justement, est probablement, compte tenu de son prix, le point fort principal du Plugiator. Bien sur, les « émulations » de synthés analogiques restent clairement des avatars numériques. Toutefois, si on ne s’attend pas à avoir une copie mais une évocation, il n’y a pas de raison d’être déçu. Le tout sonne donc plutôt bien et permet d’avoir une très large palette de sons, d’autant que chaque instrument a vraiment sa propre personnalité.
Les quatre instruments fournis sont donc tout à fait corrects, voire bons. Des quatre proposés en option, trois sont du même tonneau. Ils valent largement le coût, d’autant que le bundle des quatre instruments supplémentaires est proposé à seulement 60 € si on l’achète en même temps que le Plugiator. Par contre, le huitième instrument nommé Drum’n’Bass m’a paru très au dessous du lot et ne pas présenter, à mes yeux, grand intérêt.
Voici quelques extraits sonores : B4000, Drum and bass, Lightwave lead, Lightwave modif son, Lightwave pad fx1, Lightwave pas fx2, Minimax 2 basses, Minimax Arpège, Minimax modif son, Minimax pads fx, Minimax pads, Vocodizer 1, Vocodizer 2, Vocodizer 3, Vocodizer 4, Vocodizer 5, Vocodizer 6, Vocodizer 7, Artefacts.
Conclusion
Le Plugiator repose au départ sur un excellent concept : allier les avantages du hardware (autonomie, stabilité) et du logiciel. Hélas, des faiblesses et incohérences le mettent assez loin du graal. Par contre, si l’on considère qu’avec son bundle supplémentaire, il permet d’acquérir 8 instruments sonnant relativement bien pour 460 €, il offre tout de même un bon rapport prestation/prix tant qu’on connaît ses défauts et qu’on sait ce qu’il est ou n’est pas avant de l’acheter : contrairement à ce que laisse supposer son nom, ce n’est pas un système DSP qui permet d’utiliser directement des plug-ins depuis son séquenceur. C’est plutôt un synthé hardware basé sur des technologies informatiques recyclées, dont l’édition se fait sur ordinateur. Pour demeurer à un prix agressif, il fait l’économie de certaines fonctionnalités (on aurait voulu pouvoir contrôler beaucoup plus de paramètres sur la machine, ou un réglage de l’entrée micro qui se fasse autrement que sur l’ordinateur…). Il faudra donc lui adjoindre un clavier muni de contrôles pour en tirer pleinement partie. De ce point de vue, les possesseurs d’un clavier maître CME série UF ou VX seront ravi d’apprendre l’existence de la version Plugiator ASX, une carte à installer dans son clavier et qui coûte autour de 250 €. Elle comporte les mêmes fonctions que la version table top, les contrôles étant assurés par ceux du clavier. Une bonne affaire pour transformer son clavier maître en synthé portable. Un tel clavier plus l’ASX coûte à peine plus cher qu’un Plugiator, mais il faudra de préférence y ajouter une surface de contrôle MIDI supplémentaire. Ainsi, pour quelqu’un qui veut, à budget contenu, s’initier à diverses synthèses, découvrir des simulations de synthés de légende et accéder à des sons intéressants, le Plugiator peut être un bon choix. Il peut aussi trouver sa place pour compléter un set de live déjà fourni.