« Il serait idéal qu’UA propose une Apollo avec 2 préamplis seulement et moins chère si possible » disions-nous lors du test de la première Apollo il y a presque deux ans, ou encore « Vu le choix de mettre des préamplis transparents, on ne sera pas étonné de voir apparaître des plug-ins émulant de fameux préamplis vintage, l’avenir nous donnera peut-être raison. » C’est maintenant une certitude, voici l’Apollo Twin.
Cette Apollo Twin, nous l’avions vu venir de loin, et c’est donc sans surprise, mais avec grand plaisir, que nous avons découvert cette version compacte de la désormais fameuse Apollo lors du NAMM dernier.
Le home-studiste solitaire n’a généralement pas besoin de dix mille entrées/sorties, et le format rack n’est pas toujours des plus pratiques dans une configuration compacte. Universal Audio l’a bien compris et propose donc, après deux ans d’attente, une Apollo au format desktop, prête à trôner sur votre bureau, intégrant deux préamplis et unou deux DSP permettant de faire tourner leurs fameux plug-ins. Cette Twin garde-t-elle les qualités et les défauts de sa grande sœur ? C’est ce que nous allons voir…
De la NASA au NAMM
La première Apollo, même si elle était limitée par le format rack 1U, affichait un look réussi, et cette version Twin, au format desktop, reprend un design similaire. On retrouve une finition de type aluminium brossé, les mêmes petits boutons et un gros potard cliquable (merci le format desktop!). Le tout a l’air vraiment très solide et inspire confiance. L’interface reste quand même plus imposante qu’une Duet d’Apogee ou une Babyface de RME (ses dimensions sont de 16 × 6,60 × 15,75 cm) et son poids dépasse légèrement le kilogramme (deux fois plus qu’une Babyface, donc). Un dernier détail l’exclut une bonne fois pour toutes de la catégorie des interfaces nomades : la Twin doit être obligatoirement branchée sur le secteur pour fonctionner, et le choix exclusif du Thunderbolt la rend de toute façon incompatible avec les smartphones ou les tablettes. Dommage.
Car la première grosse différence avec sa grande sœur, c’est l’abandon du FireWire. Il vous faudra donc obligatoirement un Mac relativement récent doté d’un port Thunderbolt (pour Windows, UA ne promet rien pour le moment). Ce choix, même s’il laissera sur le côté de la route certains utilisateurs, reste compréhensible, Apple ayant cessé d’intégrer directement sur ses machines des ports FireWire (néanmoins, des adaptateurs FireWire-Thunderbolt existent), on peut considérer le bus comme en fin de vie. La Twin utilise donc des drivers PCIe pour la partie audio et les plug-ins, ces derniers seront d’ailleurs bientôt disponibles pour les deux grandes sœurs. En théorie la bande passante est plus grande, même si le gain en pratique reste à prouver, surtout avec une interface ayant peu d’E/S comme la Twin.
Sans aucun Buzz (Aldrin)
L’interface est plutôt bien pensée en termes d’ergonomie, avec la sortie casque et l’entrée instrument placées sur la tranche avant et le reste à l’arrière : les deux entrées micros/ligne avec connecteurs de type combo XLR/Jack TRS/TS 6,35 mm, les deux paires de sorties Line Out (pour envoyer du signal dans un autre équipement) et Monitor (pour les enceintes, analogiques contrôlées numériquement, ce qui est top) en Jack TRS/TS, l’entrée optique TOSLINK (ADAT ou SPDIF), la prise Thunderbolt et la prise pour brancher le bloc secteur alliée au switch de mise sous tension. On regrettera quand même l’absence d’une deuxième prise Thunderbolt afin de pouvoir chaîner un disque dur ou autre. Vu la bande passante offerte par la connexion, c’est dommage de ne pas pouvoir en profiter. Surtout que certains Mac ne disposent que d’un seul port…
La partie nous faisant face présente, on ne peut pas le rater, un gros potard rotatif cliquable qui pourra contrôler au choix (en cliquant sur les boutons « Preamp » ou « Monitor ») le gain des préamplis (1 ou 2) ou le volume de la sortie Monitor (et la muter en cliquant dessus). Le tout est entouré d’une série de LEDs qui, suivant la fonction choisie du potard, indiquera le niveau de gain des préamplis ou le niveau de la sortie Monitor. À gauche, on retrouve les indicateurs de niveaux (5 LEDs) pour les deux entrées, et à droite les indicateurs pour la sortie monitor ou le casque. Juste en dessous de tout cela, on a une rangée de switchs permettant d’activer/désactiver certaines fonctions des préamplis : passer du niveau ligne au niveau micro, activer le coupe-bas (75 Hz), l’alimentation fantôme 48 V, le pad d’atténuation (20 dB), l’opposition de phase et la liaison entre les deux canaux.
Cette face avant est donc vraiment bien faite, très lisible, et permet de contrôler toutes les principales fonctions (gains des préamplis, volumes de la sortie enceintes et du casque, le 48 V, le PAD…). Universal Audio tire bien parti du format Desktop en proposant une interface jolie et pratique : il n’y a vraiment rien à redire.
À l’Unison
Une fois l’interface installée, on voit apparaitre la console virtuelle que les possesseurs d’Apollo connaissent bien, et dont nous avions déjà parlé dans le test de l’Apollo. La console a reçu depuis quelques mises à jour (mode Mix-Merge, mode Pro Tools, retour logiciel et le Flex Routing — ce dernier n’étant pas disponible pour la Twin) et garde toutes les qualités qu’on lui connait : simplicité et efficacité. Certains reproches, comme le fait de n’avoir que deux circuits auxiliaires, deviennent même acceptables avec l’Apollo Twin : vous n’aurez a priori pas besoin de plus. Les sorties casques et 3–4 pourront disposer elles aussi de mixages indépendants, un bon point.
On note la présence du bundle « Realtime Analog Classics » contenant les plug-ins 1176SE/LN Classic Limiting Amplifiers (Legacy), Pultec Pro Equalizers (Legacy), Teletronix LA-2A Classic Leveling Amplifier (Legacy), CS-1 Precision Channel et RealVerb Pro.
Mais la nouveauté sur laquelle nous allons nous attarder est l’Unison, qui promet ni plus ni moins de simuler un bon vieux préampli analogique avec son Apollo Twin. Un slot permettant de charger un « plug-in » est disponible dans la section Preamp de la console, sur les deux entrées micro. La particularité de cette technologie par rapport à un plug-in classique se situe au niveau de l’interaction entre la partie logicielle (le plug-in) et la partie matérielle (le préampli) de l’Apollo.
Les plug-ins Unison ont la capacité de reconfigurer l’impédance d’entrée physique des préamplis, la réponse de l’étage de gain et d’autres paramètres des préamplis intégrés de l’Apollo afin de les faire correspondre au mieux au préampli simulé. Ainsi, si vous augmentez le gain directement sur la Twin, vous verrez le gain augmenter aussi dans l’interface graphique du plug-in. Vous pourrez aussi sélectionner l’étage de gain à régler (la couleur des LEDs autour du potard changera), le plug-in Unison en proposant plusieurs (jusque trois : le Gain, le Level, et la sortie). La seule petite déception vient du fait qu’Universal Audio ne propose qu’un plug-in Unison pour le moment : une reproduction des fameux préamplis à lampes 610-A et B de la même marque. On aurait aimé en avoir un deuxième, on imagine qu’il ne va pas tarder, mais qu’il sera sans doute payant ! Il est à noter que si vous chargez un plug-in Unison avec une Apollo 16 (qui ne dispose pas de préamplis) ou une carte UAD-2, vous passerez à côté de cette interaction hardware/software. Le plug ajoutera néanmoins une certaine « couleur » comme cela existe déjà avec d’autres plugs du marché.
Pour tester tout cela, nous avons enregistré une guitare (avec un gain de 30 et 40 dB) et une voix avec un Neumann U87, nous avons splitté le signal avec un boitier E325 de chez EMO Systems afin de l’envoyer dans les deux préamplis de la Twin, l’un sans Unison et l’autre avec. Voici les fichiers FLAC :
Chacun se fera son idée à l’écoute, le résultat reste assez subtil, mais conviendra à ceux voulant donner une légère couleur à leur prise, en attendant les prochaines émulations !
Benchmark
L’Apollo possède les mêmes préamplis et convertisseurs que sa grande sœur, la qualité sonore devrait donc être identique. Mais comme nous n’avions pas pu faire à l’époque de la première Apollo de véritable benchmark (nous n’avions pas encore le matériel nécessaire), nous en avons profité pour sortir notre rack Audio Precision et faire une série de mesures afin de comparer la Twin à notre ULN-8 de Metric Halo.
Voici les résultats pour les réponses en fréquence et le ratio THD :
Réponse en Fréquences ULN-8
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Ratio THD Apollo Twin
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Ratio THD ULN-8
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On peut s’apercevoir que la Twin s’en sort très très bien face à l’ULN-8 (voire mieux), qui est déjà une interface très haut de gamme. Ceci confirme la qualité des préamplis et convertisseurs des Apollo.
Pour ceux qui en veulent plus, voici les fichiers PDF des rapports de mesures, en utilisant les entrées ligne et les entrées micro :
Benchmark Apollo Twin Mic 30dB
Pour ceux qui ne font confiance qu’à leurs oreilles, nous avons aussi fait des prises de son guitare et voix avec notre, que nous avons splitté avec le même boîtier EMO afin d’envoyer le signal vers l’Apollo Twin et l’ULN-8. Voici les fichiers FLAC :
Solo ou Duo ?
Reste à savoir à qui se destine cette Twin, qui existe en version Solo et Duo ? Déjà, pas de version Quad ici, et vue la gourmandise des derniers plug-ins UAD, ne comptez pas empiler de manière astronomique les plugs derniers cris avec votre Twin, même en version Duo. C’est d’autant plus dommage que, pour le moment, l’interface ne peut travailler de concert avec une autre UAD/Apollo… Il faudra donc voir la Twin comme une interface permettant de mettre quelques plug-ins à la prise (notamment les plug-ins ENGL ou Softube pour les guitaristes) sans aucune latence perceptible (1,1 ms à 96 kHz) et vous ouvrant les portes des plugs UAD qui restent des références en matière d’émulation de matériel vintage, même s’il faudra user de la fonction « freeze » de votre séquenceur si vous voulez en mettre partout.
Les prix des deux versions (environ 700 € pour la Solo, 900 € pour la Duo) nous semblent tout à fait honnêtes par rapport à la concurrence. Une Apogee Duet 2 se vend environ 600 €, et mise à part la compatibilité iOS, offre beaucoup moins de choses que la Twin : pas de traitements, pas d’entrée numérique… La Babyface dispose d’E/S numériques et de traitements, mais n’a pas le catalogue de plugs UAD à disposition. Évidemment, ce catalogue demeure la grande force de la série Apollo, reste à savoir si le futur acquéreur d’une Twin à 700 € sera prêt à investir dans des plug-ins pouvant coûter parfois jusqu’à 300 $.
Conclusion
Nous attendions cette « petite » Apollo depuis la sortie de la version originale et nous ne pouvons pas être déçus du résultat : le look et la construction sont irréprochables, l’ergonomie tant matérielle que logicielle est parfaite, la qualité des préamplis et convertisseurs est toujours aussi bonne et le prix nous semble assez honnête au vu des prestations offertes. La technologie Unison est bien pensée et ouvre des portes intéressantes, même si pour le moment, un seul plug-in est disponible.
Le choix du Thunderbolt uniquement laissera quelques potentiels acheteurs sur le bas-côté de la route, de même que l’incompatibilité Windows, et certains pourront regretter aussi l’impossibilité de l’utiliser avec une tablette et/ou un smartphone. On espère qu’Universal Audio autorisera le chaînage avec d’autres UAD assez rapidement, ce qui comblera en partie l’absence de version Quad. Pour le reste, si vous recherchez une interface de qualité au format desktop, proposant deux préamplis et compatible avec le catalogue de plugs UAD, la Twin est faite pour vous.
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