Dans la famille Volt, je demande l'aînée ! La 476P est en effet la plus fournie des interfaces qu'Universal Audio commercialise sous la bannière dont le nom évoque une certaine tension, interface qui reprend le design et les commandes de ses cadettes, mais y ajoute un petit "P" comme...
Professionnel, on l’imagine facilement. La Volt 476P reprend à ce titre de nombreux aspects de la 476, mais en augmente le nombre : plus d’entrées, plus de sorties…
Disponible depuis septembre dernier, la voici donc arrivée entre nos mains pour un passage en revue. Pour mémoire, et pour donner un peu de contexte à ce test, la série Volt, annoncée en 2021, constitue la proposition « abordable » d’Universal Audio : des desktops au look élégant, qui embarque des émulations de préampli à tubes et de compression propriétaire, et sont accompagnées d’un bundle plutôt généreux. Bref, une série qui fait du pied aux débutants, ou qui peut fournir des options d’interfaces nomades d’appoints pour les plus chevronnés. Au passage, je rappelle que nous avions plutôt aimé la Volt 2 dans notre test précédent, tout en notant qu’elle proposait un profil sonore « marqué » avec ses préamplis « Vintage ». On espère de cette 476P des résultats aussi qualitatifs, et même plutôt meilleurs, avec des options de routage plus nombreuses pour une interface à la plus grande adaptabilité.
Déballage
Belle boîte, beau design. Il n’y a pas à dire, même pour ses interfaces « moyenne gamme », Universal Audio sait faire preuve de style. Bien sûr, qu’importe le flacon, etc. Ce n’est pas au look qu’on juge une interface audio. Mais puisque c’est une desktop, elle se posera sur un bureau où elle sera bien visible, alors autant qu’elle ait un design soigné. Cela étant dit, passons aux choses plus techniques.
La Volt 476P est une interface audionumérique quatre entrées, quatre sorties, avec quatre préamplis analogiques (micro, ligne et instrument), deux sorties monitoring (atténuables), 4 sorties niveau ligne (assignables depuis la STAN), et deux sorties casques. La répartition des entrées et sorties est stricte : entrées à l’avant, sorties à l’arrière (sauf les sorties casques, ce qui tombe plutôt sous le sens).
Faisons un tour de l’appareil :
Sur la face avant, on retrouve donc les quatre entrées sur combo XLR Jack TRS 6,35 mm, avec chacune son bouton rétroéclairé (vert) pour commuter le circuit « haute impédance » destiné à l’adapter aux instruments électriques à cordes, plus le bouton rétroéclairé (rouge) de l’alimentation fantôme. Un petit point négatif à notre avis : avec quatre entrées indépendantes, on sera pris de l’envie de mixer les micros à la prise et ne pas pouvoir choisir quelle entrée reçoit les 48V de l’alim fantôme va diminuer les possibilités : pas possible de marier électrostatique et ruban, par exemple. Bien entendu, cette configuration du « tout ou rien » existe sur d’autres interface, en revanche c’est plus rare sur des appareils de ce prix. Un bon point : Universal Audio a eu la bonne idée de mettre en place une alim fantôme temporisée. À l’allumage, le bouton clignote pendant environ deux secondes, avant que le courant continu ne soit établi, ce qui diminue les risques de se tromper ou de commuter le 48V par erreur.
Pour finir, tout à droite, deux sorties casques sur jack TRS 6,35 mm, avec chacun son contrôle de volume.
À l’arrière, trois paires de sorties : 1/L et 2/R, dénommées « Monitor » (les sorties atténuables depuis le hardware donc), puis Ligne 1 et 2, suivies de 3 et 4. Juste à côté, au format DIN 5 broches, l’entrée et la sortie MIDI. Viennent ensuite les nécessaires prises USB-C (raccordement à l’ordinateur ou à la tablette) et l’alimentation 5 V (le constructeur fournit une alimentation avec mais n’importe quel chargeur de portable fera l’affaire). L’interface peut fonctionner en mode auto-alimenté, mais avec des performances diminuées : à la mesure, nous avons noté une baisse significative du bruit de fond en utilisant l’alim externe. Pour finir, le commutateur ON/OFF : on aime toujours dans ces colonnes que les interfaces, mêmes les petites desktops, aient un commutateur de mise sous tension (même si oui, certes, on peut aussi tout couper à la multiprise…).
Sur la face supérieure, on trouve les quatre contrôles de gain, avec leur commutateurs rétroéclairés (orange) de circuit « vintage » et « 76 compressor » (nous reviendrons sur ces options plus loin). Toute la partie droite est dévolue au contrôle du monitoring : un potentiomètre à gros bouton pour régler l’atténuation des sorties « Monitors », plus une série de quatre boutons (orange) permettant d’assigner l’écoute des entrées 1 et 2, 3 et 4, et des sorties numériques 1 et 2, 3 et 4 (chaque paire de canaux peuvent être assignés indépendamment des autres) à ces sorties.
Ici, quelques notes s’avèrent importantes : lorsque l’on monitore directement les entrées, les couples 1/2 et 3/4 ont leur panoramique réglé d’office (1 à gauche, 2 à droite…). Ce n’est pas le cas, bien évidemment des canaux numériques, dont le panoramique se règle dans la STAN, au bon vouloir de l’utilisateur. Il est toutefois possible de passer le signal des entrées analogiques au centre du mix en utilisant le bouton « mono » (bleu) sur la façade supérieure (qui n’affecte que les entrées analo). Lorsque l’on sélectionne à la fois des entrées analogiques et les canaux numériques, les pistes numériques deviennent automatiquement (légèrement) atténuées, pour donner une place plus proéminente à l’entrée analogique dans le mix de monitoring. Cette atténuation n’est pas réglable au sein d’un environnement logiciel (comme c’est souvent le cas des fonctions DIM par exemple), et cela nous a paru un peu dommage (même si l’idée de base est bonne, dans une optique « approche simple pour les débutants »).
Un regret : il n’y a qu’un seul mix assignable à la fois aux sorties « monitor » et aux deux sorties casques. Celles-ci ont certes des volumes indépendants, mais pour un produit qui fait de l’œil à la fois aux groupes de musiques (4 entrées : ça ouvre des possibilités) et aux créateurs de contenus, cela nous a semblé être un vrai manque : ne pas pouvoir, par exemple, envoyer en même temps un mix différent au casque d’une personne qui chante et à celui d’un instrumentiste, c’est vraiment dommage.
Dans un genre similaire : pas de mute, pas de dim et, surtout, pas de talkback, ce qui est un élément crucial lorsque l’on veut travailler avec d’autres musiciens.
Pour finir la parenthèse « grognon » : pas de loopback intégré ! Alors bien sûr, rien n’interdit de la faire soit même en assignant une source numérique à une des sorties ligne, et de faire courir un câble jusqu’à une des entrées de préampli. Mais là aussi, on se demande ce qui a retenu Universal Audio, pour sa Volt la plus « haut de gamme », d’ajouter cette fonction pourtant évidente aujourd’hui.
Quelques points positifs pour finir :
- les potentiomètres (et leur boutons) sont super précis : juste ce qu’il faut de résistance, des boutons pas trop petits. On arrive à régler le gain au dixième de dB près.
- Les 4 canaux d’entrée et les 4 canaux de sortie ont chacun droit à leur VUmètre à LED. C’est vraiment bien, digne d’une interface un peu « pro » justement : contrôle visuel sur le hardware, à tout moment, de tous les canaux, et cela en un clin d’œil.
- Dans l’ensemble, la construction à l’air tout à fait robuste. Petit plus pour les jacks de sortie fixés sur le châssis. Il y a aussi des vis partout, on peut tout démonter facilement…
- Le rétroéclairage des LEDs est totalement efficace même en pleine lumière
- Pas de DSP, mais plutôt des effets intégrés directement dans les circuits, qui émulent pour l’un le préampli UA 610, pour l’autre le limiteur 1176. Tous les deux répondent au gain (bien évidement) mais le compresseur propose en plus trois présélections (Voc., Guit. et Fast), chacune jouant sur le temps d’attaque et de relâche, avec un ratio fixe (6:1). Universal Audio ajoute dans le manuel que, même si les présélections portent la mention d’instruments (voix, guitare), les utilisateurs sont invités à ne pas considérer ses noms trop sérieusement, et à se montrer inventif dans leurs usages. On aime bien cette approche, assez pédagogique, d’aller de la préselection (bonne pour les débutants) vers l’exploration. Pour ce qui est du rendu sonore, je me permets de vous renvoyer au test de la Volt 2, où nous avions fait quelques démos A/B.
Bon ça c’est le hardware, qu’en est-il des softwares ?
Logiciel
Eh bien, sans fainéantise aucune, je peux commencer en copiant-collant ce que nous avions publié à l’époque pour la Volt 2 :
"Outre une version d’Ableton Live Lite flanquée d’un Melodyne Essentiel de Celemony, on dispose de Virtual Drummer DEEP et Virtual Bassist DANDY de UJAM et de plug-ins d’effets réalisés par Softube via le Marshall Plexi Classic Amp Bundle (lequel comprend la même émulation de Plexi qu’on trouve sur Universal Audio ainsi que les excellents Tube Delay, Saturation, Drawmer S73 et TSAR 1-R) et via l’Ampeg SVT-VR Classic Bass Bundle (lequel comprend l’ampli basse Ampeg SVT-VR Classic, l’accordeur bx_tuner et la tranche de mastering bx_masterdesk Classic), complétés enfin par la réverb LX480 Essentials de Relab Development, une émulation de Lexicon. Sachant que certains des produits proposés par Softube ou Brainworx sont exactement les mêmes que ceux qu’on trouve sur plateforme Universal Audio, le bundle est donc de très bonne qualité.
Histoire de chipoter, on lui adressera tout de même quelques critiques : plutôt que de disposer de deux réverbes qui font double-emploi, il aurait été plus opportun de fournir un égaliseur logiciel voire une tranche de console assurément plus utiles au quotidien. Par ailleurs, on ne comprend pas qu’une version de Luna, la STAN d’Universal Audio, ne fasse pas partie du package, d’abord parce que ce serait un très bon moyen de rendre ce dernier plus populaire, ensuite parce que l’ADN electro d’Ableton Live n’est pas ce qui soit de plus cohérent avec le look de l’interface comme avec le reste du bundle, plus branché Vintage et instruments pop/rock qu’électro et musique urbaine… On notera l’inutilité de proposer des instruments Labs de Spitfire, non que ceux-ci ne soient pas excellents, mais qu’ils sont d’ores-et-déjà gratuits sur le site de l’éditeur, qu’on soit possesseur d’une interface Universal Audio ou non… Enfin, on précisera qu’aucun panneau de contrôle n’est fourni pour l’interface, ce qui n’est pas forcément un défaut en soi mais mérite d’être souligné vu qu’on trouve ce genre de panneau dans les drivers des concurrents…"
Eh oui, parce qu’entre la Volt 2 (trouvable à 166 euros actuellement) et la Volt 476P (469 euros prix constructeur), Universal Audio n’offre rien de différent au point de vue du bundle. Nos appréciations positives et nos chipotages restent donc inchangés : toujours pas de LUNA, toujours Ableton Live Lite à la place (nous n’avons rien contre, mais un peu surprenant au vu du marché que semble viser cette série Volt), toujours pas de panneau de contrôle (encore une fois, pas nécessairement grave, mais c’est tellement courant aujourd’hui), et les mêmes plugins, vraiment très bons (encore une fois, pas de critique sur ce point) pour toute la gamme. Alors certes, en cette fin décembre, vous recevrez en plus les plugins de compression Teletronix LA-2A et la réverbe Pure Plate, mais là aussi, c’est une offre (temporaire) pour toute la gamme Volt.
Bon, sans rancune, passons au benchmark.
Benchmark
Précisons-le d’abord, la Volt 476P travaille dans une résolution max de 24 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
En mettant le buffer sur 256 samples en 44 kHz, le logiciel remonte une latence de 16.236 ms.
En mettant le buffer sur 256 samples en 96 kHz, le logiciel remonte une latence de 8.750 ms.
En mettant le buffer sur 256 samples en 192 kHz, le logiciel remonte une latence de 4.932 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 44 kHz, le logiciel remonte une latence de 9.433 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 96 kHz, le logiciel remonte une latence de 5.427 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 192 kHz, le logiciel remonte une latence de 4.266 ms.
En mettant le buffer sur 64 samples en 44 kHz, le logiciel remonte une latence de 6.871 ms.
En mettant le buffer sur 64 samples en 96 kHz, le logiciel remonte une latence de 4.750 ms.
En mettant le buffer sur 64 samples en 192 kHz, le logiciel remonte une latence de 3.923 ms.
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision.
Gain max : 59.9 dB (le constructeur annonce 55 dB) – on peut donc tout juste utiliser un SM7, mais un peu plus de gain serait bienvenu.
Plage dynamique (pondération A) : 108 dB (le constructeur annonce 111 dB)
Impédance de sortie : 94,2 ohms (le constructeur annonce 100 ohms)
Commençons par les entrées ligne :
Déviation : ±0,114 dB
THD : 0,0005 % jusqu’à 2 kHz puis une légère montée à 0,001 % et plus, en ne dépassant jamais 0,003 %
THD + N : 0,005 % tout le long
Rapport signal/bruit : 101,764 dB.
Passons aux entrées micro :
Déviation : ±0,111 dB.
THD : tout comme pour l’entrée ligne : 0,0005 % jusqu’à 2 kHz puis une légère montée à 0,001 % et plus, en ne dépassant jamais 0,003 %
THD + N : pareil – 0,005 % sur tout le spectre.
Rapport signal/bruit : 101,160 dB, encore une fois, c’est très bien !
Si l’on commute l’option « Vintage », on obtient une courbe beaucoup moins linéaire, sans grande surprise bien sûr, puisque c’est toute l’idée de cette présélection :
Déviation : 0,482 dB
Qu’en est-il de la sortie casque ?
En restant sur l’entrée micro, qui a donné de meilleurs résultats…
Déviation : ±0,362 dB
THD : 0,05 % et…
THD+N : 0,08 %, indiquant qu’une grande partie de la distorsion constaté est de la distorsion harmonique, plus que du bruit de fond. Résultat inattendu, et un peu décevant pour cette sortie casque.
Rapport signal/bruit : 90,077 dB
Résumé : à part la sortie casque, dont les résultats nous ont surpris, on ne peut vraiment que souligner la grande qualité des préamplis Universal Audio. THD très basse, THD+N tout à fait correcte et linéarité exemplaire.
Conclusion
Encore une fois, tout ce qui nous avait séduit sur la petite Volt, nous le retrouvons sur la grande : les préamplis sont bons, les options d’effets directement intégrées à l’interface sont intéressantes, le look est toujours aussi chouette… et en plus, les entrées et les sorties sont bien plus nombreuses. Toutefois, nous ne pouvons pas éviter de penser que, pour le haut de sa gamme Volt, Universal Audio propose surtout un objet plus quantitatif, mais pas nécessairement plus qualitatif. Expliquons-nous : certes il y a plus d’E/S, mais cette 476P nous a paru manquer, malgré tout, d’une « différence », d’une véritable proposition qui en ferait le Graal de la gamme Volt, qui donnerait envie aux musiciens de dépenser plus en ce disant qu’ils auraient alors accès à quelque chose de plus exceptionnel ou de nettement plus adaptables à toutes les configurations d’enregistrement. Créer des mixs casques différents (sans avoir besoin d’ajouter un ampli casque sur une sortie ligne), pouvoir parler au travers d’un talkback avec les musiciens que l’on enregistre… Tout cela manque fortement pour une interface qui prétend s’inscrire dans une approche semi « pro », et n’est pas absent chez certains concurrents : dans une gamme monétaire similaire, l’iD44 d’Audient (encore trouvable, mais la mkII n’est pas beaucoup plus chère) offre tout cela, avec autant d’entrées, des préamplis de qualité, et une E/S digitale (ADAT ou S/PDIF). Pour finir, le bundle similaire pour toutes les Volt est une idée assez « démocratique » (les acquéreurs des petites interfaces sont traités comme ceux des grandes), mais pour une interface qui s’inscrit en dehors des deux grandes gammes Volt (gamme 1, 2, 4 et gamme x76) on pourrait espérer un geste plus conséquent de la part du constructeur.
Bref, ces quelques critiques n’enlèvent rien aux point positifs que nous avons listés, et nous nous permettrons seulement d’espérer que, dans le futur, Universal Audio nous proposera un appareil qui conservera toutes les indéniables qualités de la Volt 476P, en y ajoutant juste ce qu’il faut pour vraiment s’inscrire comme un « haut » dans sa gamme, voire un gam(m)e changer.