Dis moi ce que tu lis.
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Nantho Valentine
Dr Pouet
Est-ce que ça veut dire que son style est très sophistiqué, qu'il demande de la concentration pendant la lecture, genre Balzac voire Proust ? Ou bien est-ce que, contrairement à cette remarque de la wikipedia, le style de Faulkner se lit facilement ?
Par exemple je rangerais dans ceux dont le style est élégant et suggestif, mais d'une lecture facile : Georges Simenon, Italo Calvino, Luis Sepulveda, Ray Bradbury, Daniel Pennac, Tonino Benacquista, Alessandro Baricco, Serge Brussolo, Amélie Nothomb, Eduardo Mendoza, Bruce Chatwin, Francisco Coloane, Aron Tamasi, Edgar Poe ( )... Évidemment il y a de nombreuses traductions dans cette liste, et il s'agit de la VF, donc du mélange entre le style de l'auteur et celui du traducteur ; mais j'espère que ça fournit un point de repère (généralement il n'y a pas 36 traductions pour un même roman).
[ Dernière édition du message le 13/02/2014 à 01:47:15 ]
a.k.a
Je n'ai lu que Les palmiers sauvages, j'avais trouvé ça plutôt difficile de rentrer dedans mais une fois pris, on n'en sort plus. Pour moi, il n'a pas sa place dans ta petite liste.
oryjen
Evidemment je ne sais rien du style original de Faulkner, je n'en parlerai donc pas. j'ai pris ma claque pendant plusieurs années (l'impression durablement marquée pour moi, à la trentaine, de soudain découvrir le vrai pouvoir magique de la littérature: le pouvoir de dire le Vrai) avec ces traductions et je ne m'en plains pas, vous l'avez remarqué.
Il y a souvent des phrases longues chez faulkner, mais elles ne m'ont jamais fait l'effet assommant de Balzac ou de Proust, dont je n'ai jamais pu finir un seul roman. Leur longueur m'a semblé exprimer le tortueux chemin que nous avons à faire, dans nos vies, pour parvenir à synthétiser en sentiments la simplicité énigmatique de deux ou trois choses.
Par ailleurs, le mode de narration n'est jamais emprunté, pas même à lui-même: il semble être inventé spécialement pour chaque cycle romanesque, selon l'idée-phare qu'elle contient. Il est toujours déstabilisant d'avoir affaire à une forme nouvelle, parce que nous sommes conditionnés à ingurgiter massivement "de la culture" comme produit de consommation.
Un contact un peu déroutant, mais à mon avis salutaire. Donc délicieusement déroutant!
Quant au style, je dirais volontiers qu'il n'a rien d'étranger à Bradbury (c'est-à-dire Hemingway) ou à Sepulveda.
Ai-je été utile?
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 13/02/2014 à 10:37:53 ]
a.k.a
Absolument.
C'était bien la traduction de Coindreau pour Les palmiers sauvages.
Dr Pouet
Tu m'en recommandes un, pour rentrer dedans et découvrir, et pour avoir envie de lire les autres ? (donc pas forcément "celui qu'il faut lire si on ne doit en lire qu'un").
[ Dernière édition du message le 13/02/2014 à 11:45:13 ]
oryjen
Dans la plupart de ces romans, on a la sensation dans la première partie du livre (qui peut parfois aller plus loin que les trois quarts) de lire quelque chose que l'on ne comprend pas précisément (car il ne décrit que les actes, très rarement les gens, ou alors en leur donnant la parole sans fard et qu'on se débrouille avec ça!) tout en sachant parfaitement qu'il s'agit de quelque chose de VRAI. Ca m'a toujours profondément impressionné, parce que ça me semble correspondre parfaitement avec le sentiment global que notre agitation distille au fil des jours... Et quand la chose se résout, et quand on voit enfin à quoi s'applique ce VRAI si magnifiquement transcrit, ça produit un effet renversant.
Tu pourrais lire ensuite Lumière d'Août, Pylône, ou Les Palmiers sauvages.
La trilogie Le Domaine-Le Hameau-La Ville représente quelque chose de monumental, non pas en terme de nombre de pages, mais pour la tentative qu'il y fait de résumer une fois pour toutes en "le si peu de choses" qu'elle est peut-être, proche du rien, toute trajectoire humaine. Pour cette raison, il recourt souvent à de longues ellipses qui paraîtraient sûrement assommantes à un lecteur insuffisamment familiarisé au style et surtout au propos de l'auteur. Je pense qu'à la trentaine, si j'avais essayé de commencer par celui-ci, je n'aurais pas poursuivi tout l'oeuvre du bonhomme.
Enfin, l'incontournable Requiem pour une Nonne, sous forme à moitié théâtrale, est un condensé difficile, d'une densité extrême, de tout le reste. L'égal d'Homère à mon avis.
Place où tu veux Le Bruit et la Fureur, l'un des plus déroutants, mais pas au début!
Notons enfin l'un des attraits les plus mystérieux de ces textes: A part les oeuvres de jeunesse, ils sont tous plus ou moins connectés par des passerelles, des allusions plus ou moins appuyées, et peuvent être compris comme une seule et même histoire se déroulant à l'échelle d'un Comté US au travers des époques... Certains personnages vont et viennent d'une histoire à l'autre, comme des ombres. Certaines sont obscurcissantes.
On peut lire par curiosité des romans plus précoces, comme Monnaie de Singe ou Parabole, de forme beaucoup moins aboutie, où les thèmes de toute une vie ne sont encore qu'en gestation.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 15/02/2014 à 10:48:54 ]
Anonyme
Dr Pouet
Mon plan est de vérifier si j’accroche bien, avec Tandis que j'agonise ; puis si c'est le cas je prendrai sûrement la version pléiade : j'aime le format poche, et aussi la quantité de pages et exhaustivité que ça offre.
Anonyme
Port d'Anvers peu après la première guerre mondiale. Le narrateur, marin américain, profite de l'arrêt dans le port pour passer la soirée en ville. Après une nuit arrosée et en bonne compagnie il court regagner son navire au petit matin. Malheureusement pour lui il est parti sans l'attendre. Il n'a ni papier, ni argent. Comment désormais regagner sa chère Nouvelle-Orléans?
A l'opposé des ambiances flottantes de Yoko Ogawa voilà une histoire très incarnées, avec une réflexion sur l'exploitation de l'homme par l'homme.
Plongée au coeur d'exploités qui souffrent de faim, de fatigue, de blessure etc etc...mais sans misérabilisme niais car l'humour n'est pas absent, loin de là. Chaque page a son bon mot ou plus, avec un sens de la formule imparable qui fait la part belle au cynisme.
J'aurais aimé qu'un film en fût tiré, un film du Hollywood en noir et blanc avec Mitchum ou Bogart dans le rôle principal.
La traduction de l'allemand par Philippe Jaccottet est probablement réussie car le ton est captivant. D'après mes références j'ai souvent pensé à Céline par certains aspects (le langage parlé et une forme de cynisme pas dénuée d'humour) et à Cavanna pour le style direct de la narration.
Bref, de bons moments de lecture pour ce livre acheté d'occasion en me fiant uniquement à l'instinct stimulé par la seule couverture du livre, fort belle.
Le livre se résume en un paragraphe de la page 12
"Adieu la romantique vie en mer.
Romantique, d'ailleurs, notre vie ne l'a jamais été, selon moi, sinon dans l'imagination des littérateurs; et leurs histoires à dormir debout n'ont réussi qu'à jeter de braves gars, qui eurent le seul tort de croire naïvement ces auteurs véridiques, dans un milieu et dans une existence pour lesquels ils n'étaient pas faits.
Possible qu'il y ait eu, jadis, quelque romantisme dans la vie de capitaine ou de pilote; mais dans celle du matelot, jamais.
Son romantisme, à lui, c'est de travailler comme un nègre* et d'être traité comme un chien. Les ballades, les romans, les opéras chantent les pilotes et les capitaines; si l'épopée du travailleur n'a jamais été écrite, c'est quelle eût déchiré les oreilles de ces messieurs. Yes, sir. "
* le roman date de 1926, ce qui explique l'usage de ce nom.
L'auteur est un étrange gugusse. Jugez-en par vous même:
https://fr.wikipedia.org/wiki/B._Traven
[ Dernière édition du message le 16/02/2014 à 20:56:39 ]
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