Dis moi ce que tu lis.
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Nantho Valentine
4124
Rédacteur·trice
Membre depuis 22 ans
Sujet de la discussion Posté le 24/01/2003 à 18:34:57Dis moi ce que tu lis.
Anonyme
5215
3951 Posté le 16/02/2014 à 21:36:39
Excellente découverte ! Merci Kumo Boy.
(dis donc, ce type, encore plus schizo que Pessoa ! )
(dis donc, ce type, encore plus schizo que Pessoa ! )
oryjen
17492
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 19 ans
3952 Posté le 17/02/2014 à 09:58:11
Etonnante biographie, qui donne envie de lire! Le passage que tu cites me semble être une pure merveille de philosophie décillée!
Sinon, je viens pour vous parler d'un auteur absolument génial, visiblement une grande figure de la littérature actuelle, qu'on m'a fait découvrir: William T. Vollmann.
Il est, outre romancier, aussi essayiste, chroniqueur, journaliste, grand reporter, photographe, peintre et graveur... Ca brasse large: c'est qu'il en a beaucoup à dire: celui-ci traverse la vie en engrangeant les expériences avec une sorte de boulimie stupéfiante, et il semble que la production de sens lui soit une manière de digérer tout ça... Un passe-temps comme un autre. D'autres obéissants collectionnent des timbres ou font de la politique, pour faire semblant, pour oublier. Cet animal-ci est rétif à l'anéantissement et je parie qu'on ne l'oubliera pas.
Voici un lien vers la page Wiki qui lui est consacrée:https://fr.wikipedia.org/wiki/William_T._Vollmann
Un autre vers une page critique intéressante qui brosse un panorama dense et complet de son oeuvre:http://www.cafardcosmique.com/William-T-Vollmann-l-esthetique
J'ai lu ce livre:
... qui fait partie d'un cycle de romans monumental intitulé "Sept Rêves", et qui a pour ambition de brosser un portrait du continent américain.
Plutôt que de citer le résumé au dos du livre, qui me semble passer à côté du sujet, voici ce qu'on pourrait peut-être en dire pour donner envie au lecteur épris d'expériences littéraires singulières, hors des sentiers battus:
Deux spires du temps sont accidentellement entrées en coïncidence, et ont mis en contact étroit deux moments de deux vies: celles de Sir John Franklin, explorateur polaire anglais du XIXe siècle, au cours de sa dernière et catastrophique expédition à la recherche du passage du Nord-Ouest, qui allait coûter la vie à tous les membres d'équipage jusqu'au dernier après trois années de glaciale agonie, et celle d'une sorte d'étrange touriste américain des années 90, le "capitaine Subzéro" au pays des Inuits. Le résultat est le récit, à deux voix inextricablement mêlées, à la fois du naufrage personnel et historique de Sir John et de toute son expédition, et de l'errance hallucinée de Subzéro dans ces contrées si dures au coeur et au corps occidental. Subzéro lutte pour rester lui-même, pour conserver le bénéfice de son parcours personnel et ne pas sombrer tout à fait dans la tragédie vécue par John Franklin, tandis que ce dernier se souvient, à mesure que les glaces et la mort peu à peu lui retirent tout espoir de retour, de Reepah, l'amante Inuit de Subzéro. En filigrane (mais drôle de filigrane, car c'est par là que le roman commence, et, tour de force d'invention littéraire -raison, entre autres, pour laquelle j'ose crier au génie- une fois la lecture terminée, la chose produit exactement l'effet de filigrane en rapport de la trame majestueuse du récit des deux vies confondues) on voit se jouer l'anéantissement familier d'une culture par la technologie occidentale, l'alccol et les vapeurs de colle, qui n'ont réussi à produire, partout, et jusque dans nos coeurs occidentaux, bien plus que l'abracadabrantesque "augmentation du niveau de vie" que les connards brandissent, qu'un sentiment hagard de vide sans signification.
Un roman largement autobiographique, comme on le comprend peu à peu, et comme les liens que j'ai placés plus haut nous le confirment. Et comme aussi, je le confesse volontiers, cette modeste chronique.
Le livre est parsemé de dessins de l'auteur, d'un style étrange censément ébloui par la blancheur des glaces, et de cartes historiques assaisonnées à la même sauce.
Ici, un crétin péremptoire (c'est-à-dire aussi crétin et péremptoire que moi) n'y a rien vu de remarquable et le descend en flammes:http://www.juanasensio.com/archive/2007/03/19/william-t-vollmann-claro-the-rifles-les-fusils.html. Sans doute un contempteur de Proust, Balzac et compagnie.
Sinon, je viens pour vous parler d'un auteur absolument génial, visiblement une grande figure de la littérature actuelle, qu'on m'a fait découvrir: William T. Vollmann.
Il est, outre romancier, aussi essayiste, chroniqueur, journaliste, grand reporter, photographe, peintre et graveur... Ca brasse large: c'est qu'il en a beaucoup à dire: celui-ci traverse la vie en engrangeant les expériences avec une sorte de boulimie stupéfiante, et il semble que la production de sens lui soit une manière de digérer tout ça... Un passe-temps comme un autre. D'autres obéissants collectionnent des timbres ou font de la politique, pour faire semblant, pour oublier. Cet animal-ci est rétif à l'anéantissement et je parie qu'on ne l'oubliera pas.
Voici un lien vers la page Wiki qui lui est consacrée:https://fr.wikipedia.org/wiki/William_T._Vollmann
Un autre vers une page critique intéressante qui brosse un panorama dense et complet de son oeuvre:http://www.cafardcosmique.com/William-T-Vollmann-l-esthetique
J'ai lu ce livre:
... qui fait partie d'un cycle de romans monumental intitulé "Sept Rêves", et qui a pour ambition de brosser un portrait du continent américain.
Plutôt que de citer le résumé au dos du livre, qui me semble passer à côté du sujet, voici ce qu'on pourrait peut-être en dire pour donner envie au lecteur épris d'expériences littéraires singulières, hors des sentiers battus:
Deux spires du temps sont accidentellement entrées en coïncidence, et ont mis en contact étroit deux moments de deux vies: celles de Sir John Franklin, explorateur polaire anglais du XIXe siècle, au cours de sa dernière et catastrophique expédition à la recherche du passage du Nord-Ouest, qui allait coûter la vie à tous les membres d'équipage jusqu'au dernier après trois années de glaciale agonie, et celle d'une sorte d'étrange touriste américain des années 90, le "capitaine Subzéro" au pays des Inuits. Le résultat est le récit, à deux voix inextricablement mêlées, à la fois du naufrage personnel et historique de Sir John et de toute son expédition, et de l'errance hallucinée de Subzéro dans ces contrées si dures au coeur et au corps occidental. Subzéro lutte pour rester lui-même, pour conserver le bénéfice de son parcours personnel et ne pas sombrer tout à fait dans la tragédie vécue par John Franklin, tandis que ce dernier se souvient, à mesure que les glaces et la mort peu à peu lui retirent tout espoir de retour, de Reepah, l'amante Inuit de Subzéro. En filigrane (mais drôle de filigrane, car c'est par là que le roman commence, et, tour de force d'invention littéraire -raison, entre autres, pour laquelle j'ose crier au génie- une fois la lecture terminée, la chose produit exactement l'effet de filigrane en rapport de la trame majestueuse du récit des deux vies confondues) on voit se jouer l'anéantissement familier d'une culture par la technologie occidentale, l'alccol et les vapeurs de colle, qui n'ont réussi à produire, partout, et jusque dans nos coeurs occidentaux, bien plus que l'abracadabrantesque "augmentation du niveau de vie" que les connards brandissent, qu'un sentiment hagard de vide sans signification.
Un roman largement autobiographique, comme on le comprend peu à peu, et comme les liens que j'ai placés plus haut nous le confirment. Et comme aussi, je le confesse volontiers, cette modeste chronique.
Le livre est parsemé de dessins de l'auteur, d'un style étrange censément ébloui par la blancheur des glaces, et de cartes historiques assaisonnées à la même sauce.
Ici, un crétin péremptoire (c'est-à-dire aussi crétin et péremptoire que moi) n'y a rien vu de remarquable et le descend en flammes:http://www.juanasensio.com/archive/2007/03/19/william-t-vollmann-claro-the-rifles-les-fusils.html. Sans doute un contempteur de Proust, Balzac et compagnie.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 17/02/2014 à 10:44:32 ]
Anonyme
17065
3953 Posté le 18/02/2014 à 09:04:00
Deux nouvelles:
Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie
Alors qu'elle bricole chez elle, quelqu'un sonne à la porte.
En ouvrant la jeune femme découvre un homme et un petit garçon qu'elle ne connait pas.
Qui sont-ils et que veulent-ils?
Un thé qui ne refroidit pas
Alors qu'elle assiste aux obsèques d'un élève qui partageait sa classe au collège, une jeune femme
revoit un autre de ses camardes de classe de cette époque.
Un discussion s'en suit et un rendez-vous est pris.
50/50, voilà qui pourrait résumer ce recueil de deux nouvelles d'environ 50 pages chacune.
50/50 c'est aussi l'appréciation toute personnelle que je donne au recueil car autant la première nouvelle
m'a semblé d'un ennui total et sans intérêt aucun, autant la seconde est un concentré de tout le talent dont peut faire preuve cette auteure.
Si les deux sont très cinématographiques,"Un thé qui ne refroidit pas" constitue selon moi la meilleur introduction à l'auteure.
Ça a beau être écrit, il est néanmoins difficile d'en parler...ça ne peut que se lire.
Joli tour de force.
[ Dernière édition du message le 18/02/2014 à 09:04:23 ]
Anonyme
5215
3954 Posté le 18/02/2014 à 12:52:04
Ça fait longtemps que je ne suis plus ce qui sort en littérature japonaise. Yogo Ogawa, je découvre ce nom : pourtant je vois sur le Net qu'elle sévit depuis un moment, qu'elle a pas mal de reconnaissance, qu'on la compare à de grands noms (japonais ou américains)... 50/50 : ça donne pas forcément envie ! La nouvelle qui donne le titre du livre est, de plus, celle que tu écartes (0/100 ?). En tout cas je garde en tête la référence, merci.
Anonyme
17065
3955 Posté le 18/02/2014 à 14:03:27
Bon après mon jugement et ma "notation" valent ce qu'ils valent.
J'ai lu des critiques qui disaient l'inverse: première nouvelle géniale, seconde trop longue et pas terrible.
Le mieux c'est encore d'essayer mais gare aux prix des bouquins des éditions Actes Sud.
Ce truc de 100 pages c'est entre 6 et 7 € neuf.
Vaut mieux profiter d'un exemplaire d'occasion pour ne pas trop regretter l'investissement en cas de déception.
J'ai lu des critiques qui disaient l'inverse: première nouvelle géniale, seconde trop longue et pas terrible.
Le mieux c'est encore d'essayer mais gare aux prix des bouquins des éditions Actes Sud.
Ce truc de 100 pages c'est entre 6 et 7 € neuf.
Vaut mieux profiter d'un exemplaire d'occasion pour ne pas trop regretter l'investissement en cas de déception.
[ Dernière édition du message le 18/02/2014 à 14:03:46 ]
Anonyme
17065
3956 Posté le 24/02/2014 à 09:12:07
Une parfaite chambre de malade
Une jeune femme suit le parcours médical de son jeune frère âgé de 20 ans qui vient d'entrer à l'hôpital.
Son cancer est sans rémission. Tout le monde le sait.
Elle y passe de fait presque tout son temps libre.
La désagrégation du papillon
Il est temps pour Sae de renter en maison de retraite. Sa tête lui joue des tours. Sa petite fille adoptive culpabilise, mais suit l'intégration de très près.
Deux nouvelles aux contours semblables et pourtant assez différentes.
Pas facile d'en parler mais c'est très bien fichu. Il y a à la fois les pérégrinations psychologiques et affectives mais aussi les viscères (au sens propre) exposées à nu. On obtient une étrange poésie où le beau et le jugement et le pathos sont exclus.
Il n'y a que des faits.
Et comme disait Nietzsche: "Les faits ne sont pas moraux".
C'est aussi bourré de symboles et de tas de choses à discuter avec d'autres personnes les ayant lues, mais ayant aussi lu d'autres livres de cette auteure avec lesquels il y a toujours des résonances.
Étonnant et probablement assez singulier comme approche de la maladie en littérature.
j-master
33960
Vie après AF ?
Membre depuis 19 ans
3957 Posté le 24/02/2014 à 09:21:48
Moi je lis ça en ce moment :
"Pink Floyd l'histoire selon Nick Mason" (Inside Out en VO)
super sympa à lire, j'adore les descriptions des concerts à leurs débuts
Toute une époque !
"Pink Floyd l'histoire selon Nick Mason" (Inside Out en VO)
super sympa à lire, j'adore les descriptions des concerts à leurs débuts
Toute une époque !
"L'Homme est la nature prenant conscience d'elle même." - Elisée Reclus
Anonyme
17065
3958 Posté le 03/03/2014 à 20:47:52
le rêve de mes pères,
le plus beau, fut toujours de vivre sans rien faire.
Nous sommes nés pour errer au hasard des collines,
sans femmes, et garder nos mains derrière le dos.
J'ai découvert Pavese au début des années 2000. Ce bout de poème m'avait plu.
On m'avait offert son journal, "Le métier de vivre" à cette époque.
Une pause dans Ogawa ma donné l'occasion de le lire enfin.
Bon il y a du Cioran là-dedans mais en plus lite tout de même, le cynisme n'envahissant pas tout.
Il reste de la place pour la poésie, des analyses littéraires d'auteurs italiens et américains principalement, des compte-rendus sur des essais d'anthropologie qui s'intéressent aux mythes et à certaines formes de primitivisme.
Il y a aussi beaucoup de passages sur le romantisme torturé de l'auteur, sa vie amoureuse assez difficile. De fait il saupoudre son livre de quelques saillies mysogines moins marrantes que celles d'un Guitry.
Le type a fini par se suicider en 1950, alors qu'il n'étai âgé que de 42 ans.
Je me suis ennuyé quelques fois, mais il y a tout de même de belles choses.
J'ai mis quelques citations en spoiler desfois que vous voudriez voir d'un peu plus près.
Spoiler - Cliquer ici pour lire la suite
- Pourquoi est-il déconseillé de perdre la tête ? Parce qu’alors on est sincère.
- Pourquoi celui qui est vraiment amoureux demande-t-il la continuité, la durée (lifelongness) des rapports ? Parce que la vie est douleur et l’amour partagé un anesthésique, et qui est-ce qui voudrait se réveiller au milieu d’une opération ?
- Si baiser n’était pas la chose la plus importante de la vie, la Genèse ne commencerait pas par là.
- Au fond le plaisir de baiser ne dépasse pas celui de manger. Si manger était interdit comme l’autre, toute une idéologie serait née, une passion du manger, avec des normes chevaleresques. Cette extase dont on parle –le fait de voir, le fait de rêver quand on baise- n’est rien de plus que le plaisir de mordre dans une nèfle ou dans une grappe de raisin. On peut s’en passer.
- Celui qui dénonce l’immoralité de l’amour vénal devrait laisser tranquilles toutes les femmes, car, une fois exclus les rares instants où l’on nous offre son corps par amour, même la femme qui nous a aimés se laisse faire et agit seulement par politesse ou par intérêt, à peu près résignée comme une prostituée.
On peut dire la même chose de l’homme, bien que ce soit peut-être moins fréquent.
Pour sortir de ce drame, il n’y a qu’à condamner aussi l’amour sincère, par le fait que son but est le plaisir. Mais il reste toujours que baiser –qui réclame des caresses, qui réclame des sourires, qui réclame des complaisances- devient tôt ou tard pour l’un des deux un ennui dans la mesure où l’on n’a plus naturellement envie de caresser, de sourire, de plaire à ladite personne ; et alors cela devient un mensonge comme l’amour vénal.
- Les malheurs ne suffisent pas pour faire d’un con une personne intelligente.
- Les célibataires prennent le mariage plus au sérieux que les gens mariés
- La raison pour laquelle les femmes ont toujours été « amères comme la mort », des sentines de vices, perfides, des Dalilas, etc…n’est au fond que la suivante :
L’homme- s’il n’est pas un eunuque- éjacule toujours et avec n’importe quelle femme, tandis qu’elles atteignent rarement le plaisir libérateur, et cela pas avec tous, et souvent pas avec l’être adoré – justement parce qu’adoré – et si elles y parviennent une fois, elles rêvent plus de rien d’autre.
A cause du désir – légitime – de ce plaisir, elles sont prêtes à commettre n’importe quelle iniquité. Elles sont contraintes de la commettre. C’est le tragique fondamental de la vie, et il vaudrait mieux qu’il ne fût jamais né l’homme qui éjacule trop rapidement. C’est là un défaut qui justifie le suicide.
- L'erreur des sentimentaux est non pas de croire qu'il existe de "tendres affections", mais de faire valoir un droit à ces affections au nom de leur tendre nature. Alors que seules les natures dures et résolues savent et peuvent se créer un cercle de tendres affections. Et il va de soi - tragédie - que ce sont celles qui en jouissent le moins. Qui a des dents, etc.
Qu'il soit clair, une fois pour toutes, qu'être amoureux est un fait personnel qui ne regarde pas l'objet aimé - même pas si celui-ci vous aime en retour. Dans ce cas aussi, on échange des gestes et des paroles symboliques où chacun lit ce qu'il a en lui et que, par analogie, il suppose exister chez l'autre. Mais il n'y a pas de raison, il n'y a pas de nécessité, que les deux contenus coïncident. Il faut un art tout particulier pour savoir accepter et interpréter favorablement ces symboles et y placer sa vie de façon satisfaisante. L'un ne peut rien faire pour l'autre que lui offrir de ces symboles, en s'imaginant que la correspondace est réelle.
Mais il faut une réserve, at the back of one's head, de ruse pratique: il faut avoir décidé de se servir de cette offrande (faite par besoin individuel de l'objet aimé) pour satisfaire ses propres besoins. Celui qui aura su adroitement établir cette correspondance ne souffrira pas de mécomptes, il fera arriver tout à son avantage, il créera un monde de cristal où il jouira de son objet. Mais il n'oubliera jamais que cette sphère de cristal est un vide où l'air ne pénètre pas, et il se gardera de la briser en tentant ingénument de l'aérer. Abandons, transports, enfants, dévouements, confidences: ce sont des symboles individuels d'où l'air - la mystique pénétration de l'autre - est toujours exclu. Il y a en somme entre ces symboles et la réalité le même rapport qu'entre les mots et les choses. Il faut être assez adroit pour leur prêter une signification sans les prendre pour la vraie substance. Laquelle est la solitude de chacun, froide et immobile.
- Pourquoi est-il déconseillé de perdre la tête ? Parce qu’alors on est sincère.
- Pourquoi celui qui est vraiment amoureux demande-t-il la continuité, la durée (lifelongness) des rapports ? Parce que la vie est douleur et l’amour partagé un anesthésique, et qui est-ce qui voudrait se réveiller au milieu d’une opération ?
- Si baiser n’était pas la chose la plus importante de la vie, la Genèse ne commencerait pas par là.
- Au fond le plaisir de baiser ne dépasse pas celui de manger. Si manger était interdit comme l’autre, toute une idéologie serait née, une passion du manger, avec des normes chevaleresques. Cette extase dont on parle –le fait de voir, le fait de rêver quand on baise- n’est rien de plus que le plaisir de mordre dans une nèfle ou dans une grappe de raisin. On peut s’en passer.
- Celui qui dénonce l’immoralité de l’amour vénal devrait laisser tranquilles toutes les femmes, car, une fois exclus les rares instants où l’on nous offre son corps par amour, même la femme qui nous a aimés se laisse faire et agit seulement par politesse ou par intérêt, à peu près résignée comme une prostituée.
On peut dire la même chose de l’homme, bien que ce soit peut-être moins fréquent.
Pour sortir de ce drame, il n’y a qu’à condamner aussi l’amour sincère, par le fait que son but est le plaisir. Mais il reste toujours que baiser –qui réclame des caresses, qui réclame des sourires, qui réclame des complaisances- devient tôt ou tard pour l’un des deux un ennui dans la mesure où l’on n’a plus naturellement envie de caresser, de sourire, de plaire à ladite personne ; et alors cela devient un mensonge comme l’amour vénal.
- Les malheurs ne suffisent pas pour faire d’un con une personne intelligente.
- Les célibataires prennent le mariage plus au sérieux que les gens mariés
- La raison pour laquelle les femmes ont toujours été « amères comme la mort », des sentines de vices, perfides, des Dalilas, etc…n’est au fond que la suivante :
L’homme- s’il n’est pas un eunuque- éjacule toujours et avec n’importe quelle femme, tandis qu’elles atteignent rarement le plaisir libérateur, et cela pas avec tous, et souvent pas avec l’être adoré – justement parce qu’adoré – et si elles y parviennent une fois, elles rêvent plus de rien d’autre.
A cause du désir – légitime – de ce plaisir, elles sont prêtes à commettre n’importe quelle iniquité. Elles sont contraintes de la commettre. C’est le tragique fondamental de la vie, et il vaudrait mieux qu’il ne fût jamais né l’homme qui éjacule trop rapidement. C’est là un défaut qui justifie le suicide.
- L'erreur des sentimentaux est non pas de croire qu'il existe de "tendres affections", mais de faire valoir un droit à ces affections au nom de leur tendre nature. Alors que seules les natures dures et résolues savent et peuvent se créer un cercle de tendres affections. Et il va de soi - tragédie - que ce sont celles qui en jouissent le moins. Qui a des dents, etc.
Qu'il soit clair, une fois pour toutes, qu'être amoureux est un fait personnel qui ne regarde pas l'objet aimé - même pas si celui-ci vous aime en retour. Dans ce cas aussi, on échange des gestes et des paroles symboliques où chacun lit ce qu'il a en lui et que, par analogie, il suppose exister chez l'autre. Mais il n'y a pas de raison, il n'y a pas de nécessité, que les deux contenus coïncident. Il faut un art tout particulier pour savoir accepter et interpréter favorablement ces symboles et y placer sa vie de façon satisfaisante. L'un ne peut rien faire pour l'autre que lui offrir de ces symboles, en s'imaginant que la correspondace est réelle.
Mais il faut une réserve, at the back of one's head, de ruse pratique: il faut avoir décidé de se servir de cette offrande (faite par besoin individuel de l'objet aimé) pour satisfaire ses propres besoins. Celui qui aura su adroitement établir cette correspondance ne souffrira pas de mécomptes, il fera arriver tout à son avantage, il créera un monde de cristal où il jouira de son objet. Mais il n'oubliera jamais que cette sphère de cristal est un vide où l'air ne pénètre pas, et il se gardera de la briser en tentant ingénument de l'aérer. Abandons, transports, enfants, dévouements, confidences: ce sont des symboles individuels d'où l'air - la mystique pénétration de l'autre - est toujours exclu. Il y a en somme entre ces symboles et la réalité le même rapport qu'entre les mots et les choses. Il faut être assez adroit pour leur prêter une signification sans les prendre pour la vraie substance. Laquelle est la solitude de chacun, froide et immobile.
[ Dernière édition du message le 03/03/2014 à 20:51:47 ]
Anonyme
2727
3959 Posté le 11/03/2014 à 11:17:07
L'enculé, Marc Edouard Nabe.
L'affaire DSK vu par Nabe. Pété de rire tout le long, je vous offre un petit extrait, DSK vient de passer sa première nuit en prison, et on lui annonce qu'il a une visite:
De la visite ? Déjà ? Je sais que j’ai droit à une par jour, mais je m’en serais passé aujourd’hui, je suis trop mal. On ne peut pas me foutre la paix, merde ? Je maugrée en arrivant au parloir. Derrière l’espèce de guichet vitré, j’aperçois une petite vieille grassouillette, les traits tirés, une sorte d’Édith Piaf sous cortisone… Mais c’est… ma femme !
— Mon pauvre chéri… pleurniche-t-elle. Ce que tu as dû souffrir…
Elle est tout en noir, elle se croit déjà en deuil ou quoi ? Je m’assois en face d’elle sur une chaise en bois. Le garde reste à ma droite, debout… Il se cure le nez.
Je ne dis rien. J’observe, fasciné, mon épouse Anne considérablement métamorphosée… C’est moi en principe qui aurais dû prendre dix ans dans les dents avec ce que j’ai vécu et c’est elle, comme d’habitude finalement, qui morfle
L'affaire DSK vu par Nabe. Pété de rire tout le long, je vous offre un petit extrait, DSK vient de passer sa première nuit en prison, et on lui annonce qu'il a une visite:
De la visite ? Déjà ? Je sais que j’ai droit à une par jour, mais je m’en serais passé aujourd’hui, je suis trop mal. On ne peut pas me foutre la paix, merde ? Je maugrée en arrivant au parloir. Derrière l’espèce de guichet vitré, j’aperçois une petite vieille grassouillette, les traits tirés, une sorte d’Édith Piaf sous cortisone… Mais c’est… ma femme !
— Mon pauvre chéri… pleurniche-t-elle. Ce que tu as dû souffrir…
Elle est tout en noir, elle se croit déjà en deuil ou quoi ? Je m’assois en face d’elle sur une chaise en bois. Le garde reste à ma droite, debout… Il se cure le nez.
Je ne dis rien. J’observe, fasciné, mon épouse Anne considérablement métamorphosée… C’est moi en principe qui aurais dû prendre dix ans dans les dents avec ce que j’ai vécu et c’est elle, comme d’habitude finalement, qui morfle
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