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Sujet Dis moi ce que tu lis.

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1 Dis moi ce que tu lis.
... et je te dirais qui tu es...

En ce moment je lis "L'ombilic des Limbes" d'Antonin Artaud, décidement (dément?) ce mec était génial!!!

Et vous c'est quoi vos lectures en ce moment???
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5041
Le film tiré de son livre "Le mur invisible" est absolument envoûtant (vu en VOST et j'ai d'ailleurs acheté le DVD après l'avoir vu). J'ignore s'il est fidèle au livre mais le réalisateur a mis vraiment très longtemps pour adapter ce roman à l'écran pour ne pas le trahir.

Incrédule sur tout, sceptique sur le reste

5042
Citation :
comme une matière noble embellie par une patine dont je n'arrive pas à saisir la nature

Wow, quelle plume KB!
Sans rire, et sans flagornerie, pourquoi te contentes-tu de lire?
Pas de petits secrets dans tes tiroirs?
Des tentatives?
Des projets?

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

[ Dernière édition du message le 11/02/2016 à 17:05:39 ]

5043
Citation :
Wow, quelle plume KB!


Même réflexion, sans flagornerie non plus.
5044
dana> je n'ai pas vu le film mais si tu as l'occasion de le lire n'hésite pas.
C'est assez captivant et "l'intériorité de la lecture" amène une dimension intime
probablement différente de celle du film.

Ory et Gargamail> merci pour vos commentaires :bravo:

Ory> Non je n'écris rien, même si j'ai des idées. Honnêtement, quand je lis ce que je lis, je me dis qu'il serait présomptueux ne serait-ce que de prétendre proposer quelque chose et plus audacieux encore, quelque chose d'intéressant. Passer derrière tout ces gens n'est pas possible pour moi.
Après avoir lu "Le Voyage au Bout de la Nuit" je m'étais dis que je n'aimerais pas être un jeune écrivain en devenir, car derrière faut avoir matière à dire et la restituer avec talent.
Et puis on ne peut pas tout faire.

[ Dernière édition du message le 11/02/2016 à 20:42:50 ]

5045
Je pense que je m'y atteler, ou alors, au recueil dont tu parles.

Incrédule sur tout, sceptique sur le reste

5046
Lu, il n'y a pas si longtemps, Si c'est un homme, de Primo Levi.

Ce qui m'a parlé, entre autres, c'est le facteur chance sur lequel Levi revient. Sans être fataliste.
5047
Gargamail, voilà que ton message me propose un intéressant levier, de Levi à Lévi-Strauss sous le regard et la musicale plume de Jean-Jacques Nattiez: Lévi-Strauss Musicien:" essai sur la tentation homologique".

1909706.jpg

L'auteur de Tristes Tropiques, célèbre pour son approche structurale de l'anthropologie s'est illustré dans l'ouverture de sa "tétralogie" des mythologiques:Le cru et le cuit écrit en 1964 en critiquant sévèrement la musique sérielle et concrète.
Ce livre entreprend de comprendre comment est-ce que celui qui est à l'origine d'une anthropologie nouvelle et ouverte, (là où l'ancienne aurait été jugeante et biaisée), peut-il fistigier de la sorte ces courants musicaux, les excluant de ce que serait "la musique".

La chose est d'autant plus étonnante, nous apprend le livre, que la musique et en particulier le "conducteur d'orchestre" semble être le modèle de ce que devrait être la démarche d'analyse structurale des mythes. En effet la partition demande une double lecture: Synchronique et diachronique, afin d'avoir en même temps tout les instruments et leurs dévellopement temporel, cette double lecture Lévi-Strauss l'applique à l'ensemble des récits qu'il a receuilli (plusieurs centaines) le synchronique ( lecture verticale) devient le paradigmatique, le diachronique (lecture horizontale), le syntagmatique. Cette intuition lui permet de découvrir des éléments d'unité du mythe, qu'il nommes des mythèmes.
Le mythème serait la version anthropologique, du phonème linguistique.

Et c'est justement parceque pour lui la musique devrait être un langage qu'il refuse cette primauté à la musique sérielle et concrète. Le langage [culture], selon la linguistique structurale, se dévellope autour de deux articulations:
1.(externe) un nombre d'éléments restreint (notes/phonèmes/etc...) pour un nombre tendant vers l'infini de combinaison ,
2.(interne)[nature].Un temps physiologique, qui serait celui du récit .

Pour Lévi-Strauss la musique sérielle est dans la pure forme, elle ne serait alors que culture/externe, la concrète elle, serait dans la pure matière, elle ne serait alors que naturelle/interne. Seraient non-langage, puisque n'ont pas les deux articulations nécessaires.
Ne pourrait y avoir communication que si un passage s'opère de l'externe/culture vers l'interne/nature et réciproquement. Ces deux formes de musique échouant donc à la communication, ne peuvent donc pas en être. Lévi-Strauss nuance tout de même ce qu'il reproche au sérialisme ce n'est pas vraiment de ne pas être un langage, il reconnait qu'il en est un, mais qu'il y ai réinvention de celui-ci à chaque composition et pour chaque compositeur. Ainsi aucune adaptation n'est possible pour le public ( ce qui était bien ce que cherchait à faire les élèves de Vienne et Darmstadt), et c'est là le point de rupture.
On sait le débat que ça à donné, le livre présente aussi les différentes réponses, contre arguments présenté par les musiciens de l'époque, dont Boulez, Bério etc..

Mais plus qu'un moyen de comprendre cette querelle, le livre revient sur l'oeuvre de Lévi-Strauss. Et c'est plein d'admiration que Nattiez reprend certaines de ces célèbres analyses structurales et met en évidence les entorses qu'il fait aux règles qu'il s'est lui même posé. La raison de ces erreurs ? "La tentation homologique" c'est à dire l'envie de ne faire de tout les système, qu'un seul. Car rappellons le, Lévi-Strauss n'avait pas de plus grand désir que celui de trouver un invariant à l'esprit humain.
Nattiez, se montre sévère, mais sonde de manière profonde le personnage, et met au jour sa januserie (homme objectif aux fortes tendances subjectives etc...), ce caractère bifide que Lévi-Strauss lui même avoue à mi-mot dans L'Apothéose d'Auguste à la fin de Tristes Tropiques.
Sans jamais rien ôter à la valeur du travail de Lévi-Strauss, Nattiez le décortique, et finalement le propulse plus haut, que ce dernier ne pensait pouvoir voler. Rendant unité à son entreprise qu'une méthodologie semble-t-il aléatoire paraissait faire voler en éclat.
C'est la peinture d'un chaman, d'un sorcier schizophrène que j'ai tant de difficulté à rendre ici, que merveilleusement Nattiez nous propose.

(Je précise que la musique n'est pas un évenement dans la démonstration de Nattiez, mais que c'est bien le fil directeur, la force vive de tout le livre. Un livre donc pour les musiciens, assurément.)

[ Dernière édition du message le 13/02/2016 à 08:07:33 ]

5048
Citation :
Ce livre entreprend de comprendre comment est-ce que celui qui est à l'origine d'une anthropologie nouvelle et ouverte, (là où l'ancienne aurait été jugeante et biaisée), peut-il fistigier de la sorte ces courants musicaux, les excluant de ce que serait "la musique".


Je n'ai pas lu le livre de Nattiez, mais la réponse à cette question m'a toujours paru simple, ne faisant pas problème: Lévi-Strauss n'a pas fait ce qu'il a fait pour révolutionner le petit cercle de l'anthropologie, mais par un simple et sincère besoin de comprendre ce qu'il étudiait.
Il lui est apparu que des formes d'étude trop anciennes, trop longtemps auto-alimentées, et donc pour ainsi dire "empaillées", n'étaient plus aptes à étudier les choses avec pertinence. Il s'agit là probablement d'une forme naturelle du mouvement vers le vrai, quand on l'observe à grande échelle, à l'image parfaite des mouvements cosmiques: déploiement (ingénu de la curiosité)- puis concentration (jusqu'à l'assèchement) en vue d'élaborer des processus de généralisation (et donc paraît-il de "compréhension". Mon grain de sel ici: la com-préhension n'est rien d'autre que le goût juste et parfait que nous sentons au moment même où notre curiosité ingénue se déploie et touche son objet. La suite est plus ou moins nocive, et humainement inutile. Par contre, évidemment, culturellement, industriellement et économiquement... etc...)
Je pense que par ailleurs, le fait qu'il ait pu reconnaître dans la plupart des formes "classiques" de la musique (retenues au fil du temps par l'assentiment collectif, est-il utile de préciser), une valeur d'universalité, ne fait pas automatiquement de lui un "passéiste sclérosé" en matière de musique. Il est probable qu'étant donnée l'énorme quantité d'énergie qu'il engloutissait dans son travail, il ne demandait à la musique rien d'autre que la jouissance, et qu'il n'a pu fournir dans ce domaine autant d'efforts que dans celui de son activité professionnelle.
Mais il aurait pu (dû?) voir que de même qu'en sciences il est difficile, au moment où un mouvement vers une manière nouvelle de connaître se produit, de distinguer ce qui est appelé à "faire école", et donc à se scléroser à plus ou moins brève échéance, et ce qui constitue une percée sincère et étonnée en direction du vrai, en arts aussi, au moment même de l'apparition d'une forme nouvelle, quelques-uns y sont conduits sans aucun souci formel, dans l'élan d'un pur besoin de Voir, tandis que la masse des cloportes à l'affût changeant une fois encore de chemise, ne fait que se ruer sur la dernière manière de briller d'une façon originale, et "adhère" (la posture creuse et maudite qui finira par tous nous enterrer).
Il est bien évident qu'à l'époque, l'apparition de nouvelles formes musicales, en premier lieu proposées par quelques artistes sincères et réellement aventureux (Schönberg, Chostakovitch et quelques autres...), n'était pour d'autres que l'un des nombreux prétextes à "avancer" sur le terrain de l'idéologie politique (sous couvert de culture, les imbéciles et les filous ayant tendance à confondre ou à encourager la confusion des deux), lorsque ce n'était pas doublé, comme chez Boulez par exemple, d'une ostentatoire et insupportable inflation de l'égo (on a bien vu d'ailleurs par la suite, comme souvent, que le tenant rageur de l'avant-garde et de la nouveauté, n'avait d'autre ambition réelle que de devenir Calife à la place du Calife, ce qui ne manqua pas d'arriver car comme on le sait, quelques années plus tard, ce sale type s'était arrangé pour verrouiller à son profit toute la scène contemporaine française. Idem pour Buren dans le domaine de la peinture, etc... etc... etc...)
Rien à voir avec l'art, au fond, et l'on comprend que la chose eût pu avoir de quoi horripiler cet amoureux de la recherche et de la vérité.
On lui pardonne volontiers: Rien que pour nous avoir donné Tristes Tropiques, ce joyau lumineux, il a bien gagné le droit d'avoir dit deux ou trois sottises dans d'autres domaines.
C'est sûr qu'il aurait mieux fait de se taire, et de réserver la musique à l'usage exclusif de son délassement et de sa rêverie, cette nourriture de la conscience.
Il y a malheureusement toujours cette tentation, et toute la hiérarchie sociale (de merde) y pousse, pour certains hommes ayant obtenu une audience publique fondée sur le mérite de leur travail dans le domaine de leur spécialité, de s'en croire autorisé à pérorer avec une portée égale dans des domaines différents, dont ils ne sont finalement guère plus que des "consommateurs" ordinaires...
Il est sans doute vrai aussi que contrairement aux murmures avinés de Bébert au comptoir du Café du Commerce, qui sont aussitôt oubliés, le moindre chuchotement d'un personnage public est aussitôt brandi et monté en épingle par le réseau bien organisé des cloportes.
"Vous vous rendez compte! Machin, le Grand Machin, a dit ceci sur la musique, le temps qu'il fait, ou la couleur des chiottes! On doit pouvoir en faire quelque chose..."

Ainsi pour moi, l'Apothéose d'Auguste n'a jamais représenté la faiblesse d'un aveu à demi-mot, presque honteux, mais au contraire la clé ultime de son oeuvre, et de toute oeuvre humaine: On bataille à construire une image "objective" du monde et de la vie, mais au terme de ces travaux d'Hercule, on découvre qu'il n'existe pour l'homme aucune objectivité autre que fantasmée, que toute intellection est finalement subjective car elle ne s'applique pas au monde, mais à la représentation étroite que nous nous en faisons, et que si vérité il y a, on peut n'en flairer que les traces discrètes et fugaces du parfum qui accompagne notre effort illusoire vers une objectivité rêvée.

Fasciné par cette oeuvre dès la fin de mon adolescence (vous trouverez ça incroyable, mais j'avais acheté Tristes Tropiques au bureau de tabac du village, dans la collection Terre Humaine qui était distribuée partout à l'époque, poétiquement attiré par l'impact combiné du titre et du portrait en couverture d'un homme "sauvage" des forêts d'Amérique du Sud; j'étais venu acheter des timbres, envoyé par Maman...) je l'ai relu de nombreuses fois ensuite, et j'ai toujours ce pauvre vieux bouquin broché, aujourd'hui tout dépenaillé.
Au fil des relectures, il m'a semblé de plus en plus nettement que pour accéder au nectar de sa vérité profonde, il fallait le lire comme de la poésie.
Ce livre-clé est l'un des évènements culturels de ma vie qui m'ont permis de comprendre que toute connaissance humaine est illusoire, qu'elle se voue elle-même en premier lieu à sa propre péremption, et que si vérité il y a pour nous autres, elle ne saurait revêtir que la forme infiniment subtile d'un parfum évanescent, d'un frisson passager, du souvenir impalpable et fuyant d'un rêve au moment du réveil...

Evidemment il ne s'agit là que d'une vérité personnelle, d'un témoignage modeste et sans portée aucune, et elle ne devrait à ce titre déclencher aucune colère vengeresse.
Je l'espère.

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

5049
merci.:bravo:
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 Ce livre-clé est l'un des évènements culturels de ma vie qui m'ont permis de comprendre que toute connaissance humaine est illusoire

 ah bon ! ça explique alors en partie ta posture. mais dans ce cas, pourquoi t'intéresser à la science par exemple ? d'autant que les avancées scientifiques peuvent rendre obsolètes (avec a posteriori le sentiment d'avoir cru en une illusion, donc...) un discours tenu précédemment. ceci dit, je ne suis pas certain de comprendre ce que tu entends par connaissance humaine.

 

[ Dernière édition du message le 13/02/2016 à 14:30:43 ]