Dis moi ce que tu lis.
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Nantho Valentine
Jackbrelle
Citation de : oryjen
Citation :L'art subjectif (FIGURATIF) n'est plus utile au temps de la photographie.
Diable, tu as bien fait de rectifier: C'est encore pire!
Quelle immense erreur!
Bien au contraire, tous les (artistes) peintres (pas ceux des volets, et pas ceux non plus qui continuent à faire au kilomètre carré de "l’impressionnisme" ou du "classicisme" mal compris) remercient chaleureusement la photographie, qui pointe du doigt et éclaircit enfin une ambigüité millénaire: l'habile artisan qui "sait dessiner" et par ce biais TECHNIQUE produit l'étonnante illusion (figée) du "réel" n'est rien de plus que l'égal d'une machine, d'un procédé technologique... une sorte de mécanique insensée.
Science sans conscience...
En effet.
Nous laissons donc volontiers à l'appareil photographique ce rôle stupide et peu enviable, socialement policé, productif et, renouant enfin avec les primitifs, ou même les ultra-primitifs (de Lascaux, de Chauvet, etc... le moteur essentiel de l'art moderne n'est nulle part ailleurs que là, comme tous l'ont revendiqué haut et fort), nous recentrons le propos sur l'essentiel qui n'est autre que la recherche d'une vérité intérieure, réputée être le reflet plus ou moins biaisé d'une vérité globale.
Ainsi la question n'est nullement de discriminer ceux dont la peinture contient des signes renvoyant à l'expérience visuelle que nous avons du monde, et ceux dont la peinture contient des signes soi-disant séparés (mais comment cela serait-il possible, quand tout tableau strictement monochrome en réfère automatiquement, de par notre structure psychologique profonde, au vertige des cieux ou de la brume épaisse) de l'expérience sensible, de la mémoire visuelle.
La question est, et a toujours été, de faire la différence entre ceux qui produisent "sur commande" extérieure, quelle que soit la nature de cette commande, à l'exclusion de toute commande intérieure (le passé est rempli de cette différence entre les stricts tâcherons et ceux qui ont "bien voulu", tout en en profitant pour chanter leur petite chanson secrète), et qui ne sont guère autre chose que des mécaniques plus ou moins perfectionnées à faire des images (de propagande: cultuelle ou culturelle, c'est du pareil au même);
et les autres, qui bien évidemment sont beaucoup moins nombreux, mais rayonnent beaucoup plus.
Ainsi, placer la césure entre ceux qui "figurent" et ceux qui ne "figurent pas" dénonce une lecture purement intellectuelle, pour tout dire universitaire, et une manière de ne considérer que la forme extérieure.
Cela signale évidemment de la part du bavard une incapacité totale à entrer dans le profond de l'oeuvre, dans son contenu réel.
Comme toujours, sa seule possibilité pour ne pas perdre la face est évidemment, grâce à la technique puissante qu'il maîtrise (le bavardage), de tâcher de convaincre tout le monde qu'à l'intérieur il n'y a rien, qu'il n'y a même aucun intérieur, et tout ce verbiage bien connu des terroristes intellectuels qui se sont évertués pendant une bonne cinquantaine d'années, avec le soutien manifeste des politiques (autres bavards) n'en pouvant mais d'une telle aubaine ( mais en vain heureusement, cet effort-là ayant fini par se périmer de lui-même, n'ayant tout simplement pas survécu à l'extinction politique du bloc communiste d'une part, et à l'impérieux besoin d'expression des vrais artistes d'autre part) à associer l'importance de ce qui se joue à la surface du tableau à une soi-disant péremption nécessaire et historique de l'image.
Comme si, je le répète, de nombreux artistes d'un passé même déjà lointain, n'avaient pas dit depuis longtemps cette importance, ainsi que leur effort, précisément, d'abstraction!
En outre, c'est bien dommage pour de nombreux abstraits modernes, pris en otage et ipso facto inféodés plus ou moins malgré eux à la terrible autorité de la critique: Ils ont dû taire, pour exister, voire travestir honteusement, le fond vif et ingénu de leur effort. C'est bien dommage pour Vasarely, par exemple, dont les premiers travaux n'étaient pas dénués d'intérêt, et qui a cru devoir, pour se tailler la place de décorateur urbain qu'il occupe aujourd'hui, se mettre à faire le singe, tout en vidant son oeuvre du moindre intérêt artistique.
Et toute une horde de faiseurs de s'engouffrer, sous les vivats de la foule aisément subjuguée de verbiage, dans cette magnifique et nouvelle "licence de fabriquer" des trucs vides de sens, plaisants (ou déplaisants, c'est du pareil au même) à l'oeil, tout en jouissant d'une reconnaissance élitaire.
Un rare bonheur!
Ainsi donc, non, comme on le voit longtemps après la déclaration péremptoire de ces savants messieurs, la photographie n'a pas pu périmer la nécessité ontologique chez l'homme de produire des images.
On la remercie même chaleureusement d'avoir montré combien sont proches les préoccupations essentielles de certains "abstraits" et de certains "figuratifs" (dont un grand nombre se sont d'ailleurs allègrement baladés d'un "genre" à l'autre au cours de leur vie, au grand dam des idéologues).
Images intérieures ou images "extérieures"... attendez voir: nos images du monde extérieur, y compris celles saisies directement "sur le motif" seraient-elles soudain devenues autre chose que la transcription intérieure de stimuli perceptifs? Depuis quand et par quelle magie je vous prie?
Elle nous a aussi, du coup, permis de fourrer dans un sac tous ces "fabricateurs de vide", qu'ils soient d'une époque ou de l'autre, tous ces obéissants, tous ces conformes et tous ces nuls (de Bouguereau à Jeff Koons en passant par Buren), de le poser bien fermé dans un coin, et de disposer enfin de murs libres et blancs, pour rester seuls avec Rothko, Leroy, Giotto, Malevitch, Van Gogh, Sam Francis, Monet, Motherwell, De Staël, Cézanne, Ryman, Courbet, Klein, Klee, Van Velde, etc... etc... etc... et la subtilité de leur "message" (vision ou témoignage), qui a besoin d'espace, de calme et de silence pour s'épanouir correctement.
Ils sont nombreux, pourtant, ils suffiraient bien si l'on retirait des musées toutes ces scories des temps et des époques, car eux seuls ont le pouvoir magique de continuer, pour l'éternité, à rayonner dans le coeur et l'esprit des hommes, en l'absence de tout COMMENTAIRE et de toute JUSTIFICATION.
Une fois n'est pas coutume, je suis pas d'accord qu'on balaye la photographie comme ça.
Mais je réponds en plus court.
Et d'une la photo peut être abstraite elle aussi.
Et de deux elle peut être le reflet de paysages intérieurs.
Et de trois, conséquence du un et du deux, elles est victime des mêmes dérives risibles que la peinture ( dont tu causais à raison ).
Après un échange d'idées, chacun peut repartir avec la sienne.
Anonyme
Citation :Et de deux elle peut être le reflet de paysages intérieurs.
Ça me fait penser à cette réplique dans un sketch:
C'est bien beau la beauté intérieure mais j'ys suis pas souvent moi à l'intérieur.
Jackbrelle
Hors sujet :
Du coup je repense à un dessin de Vuillemin: Une femme très moche à poil + un couteau et écrit: " Elle est belle à l'intérieur, voici un couteau, tu peux vérifier ".
Après un échange d'idées, chacun peut repartir avec la sienne.
Anonyme
En tout cas, y en a des très belles qui s'enlaidissent...
[ Dernière édition du message le 21/03/2016 à 13:52:13 ]
Will Zégal
Moralité, je me suis maté le film dans la foulée. Bon, il y a quand même un peu plus de trucs dans le bouquin.
Par contre, j'avais oublié à quel point le film est Chriscolombussien. C'est pas pourri, mais cette manie qu'a ce type d'en faire des tonnes dans l'émotion, putain...
Anonyme
oryjen
WZ devait vouloir écrire "la sensiblerie à la con".
Par contre j'avais bien aimé (en film) Le Prisonnier d'Azkaban, qui distillait un certain trouble, assez bon promoteur d'émotions...
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 21/03/2016 à 18:45:20 ]
oryjen
Et d'une la photo peut être abstraite elle aussi.
Certainement pas.
Elle peut être floue (volontairement ou non), c'est-à-dire de mauvaise qualité techniquement parlant, les appareils photo étant conçus et attentivement fabriqués dans le but de produire des images nettes et détaillées.
Ou elle peut être focalisée sur le détail, évacuant volontairement le contexte, les repères permettant l'identification du contexte.
Mais elle ne propose rien d'autre que ce que proposent les photons frappant la matière du monde et rebondissant jusque sur nos rétines.
Après, qu'il y ait une intention artistique derrière l'usage et/ou le mode de présentation de l'image, bien sûr que oui, potentiellement (mais non pas obligatoirement).
Ainsi ce n'est pas la photo elle-même qui peut être ou pas artistique, mais la démarche de la personne qui l'utilise (ou éventuellement aussi de celle qui la reçoit, mais c'est un peu plus compliqué, là...)
Ou alors elle peut être "abstraite au sens large", mais c'est sa survenue elle-même qui a permis de préciser cette notion:
C'est d'ailleurs exactement pareil pour les images fabriquées à la main à l'aide de techniques picturales ou sculpturales, et je retombe ici sur mes pattes exactement: ce peuvent être des techniques utilisée très connement pour faire des images-témoignages-documents, ou ce peut être (séparément ou en même temps) autre chose.
L'irruption de la photographie vers 1830 dans le monde des fabricants d'images a eu instantanément le mérite de clarifier l'importance primordiale de la démarche et de l'intention: grosso modo, les grosses légumes n'ont pas tardé à trouver que la photo était cammèmeu vachement plus ressemblante, rapide, économique et efficace pour immortaliser leur têtes de cons, leurs monuments impérissables et toutes les foutaises auxquelles ils attachent de l'importance.
Ainsi s'est accentuée une tendance qui commençait à poindre avec beaucoup d'imprécision depuis la renaissance: l'affirmation de la figure de l'artiste "plasticien" comme auteur, penseur, explorateur de la vérité intérieure, au même titre que le poète, l'essayiste, le philosophe ou le musicien (mais avec des moyens évidemment spécifiques, qui éventuellement s'ajoutent à un aspect documentaire, allégorique, symbolique (c'est-à-dire discursif ou bavard), ou pas du tout).
C'est en ce sens-là que je remerciais la photo.
Cependant je sais bien que dans ce domaine aussi, les intentions ne sont parfois pas aussi simplement tranchées:
Je suis un grand admirateur du photographe Edward S. Curtis qui, mandaté vers la fin du 19e siècle par le gouvernement des Etats-Unis pour collecter de façon exhaustive des images ethnographiques parmi les tribus indiennes, a produit des portraits d'une présence, d'une beauté, d'une justesse humaine absolument renversantes!
Curtis (comme le firent depuis des siècles tant de peintres talentueux) a rempli la mission qu'on lui avait confié: il a effectivement rassemblé une montagne de documents "ethnographiques".
Mais ces images sont ethnographiques pour qui veut, historiques pour qui préfère, techniques (véritables prouesses vu le matériel de l'époque, et prouesse tout court quand on voit la piètre qualité moyenne de la "photo d'art" aujourd'hui: beaucoup de clampins devraient commencer par s'appliquer à devenir de meilleurs artisans, au lieu (comme en arts plastiques d'ailleurs) de se contenter de surfer complaisamment sur une sorte d'expressionnisme vague et bien commodément estampillé "gore","trash" ou "cacaboudin") à vot'bon coeur, ou simplement "artistiques" de par la perspicacité psychologique qui s'y révèle, la qualité de présence qui en émane, et l'intemporalité dont elles témoignent (malgré les costumes et sur certaines images des repères historiques indubitables, on dirait (j'ignore concrètement pourquoi et comment) qu'elles ont été faites la semaine dernière!
... et tout ce qui s'ensuit:
https://www.google.com/search?hl=FR&site=imghp&tbm=isch&source=hp&biw=1366&bih=608&q=edward+s+curtis+the+north+american+indian&oq=edward+S.+Curtis&gs_l=img.1.2.0j0i30l9.2306.17992.0.22505.16.15.0.1.1.0.144.1506.11j4.15.0....0...1ac.1.64.img..0.16.1506.Hev47fRfkE4#imgrc=EJlQ_w5_Vh8ZBM%3A
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 22/03/2016 à 09:23:22 ]
Will Zégal
+1.
WZ devait vouloir écrire "la sensiblerie à la con".
Par contre j'avais bien aimé (en film) Le Prisonnier d'Azkaban, qui distillait un certain trouble, assez bon promoteur d'émotions...
+1
Par contre, -1 pour tes propos sur la photo, mais c'est pas le sujet ici.
Et puis, comme tu dis à peu près tout et son contraire dans un même post, ça ne rend pas la discussion pertinente.
[ Dernière édition du message le 22/03/2016 à 14:50:01 ]
oryjen
Et pardon pour ce trop long HS.
J'espère que tu ne m'as pas soupçonné de dénigrer la photo.
Je réagissais aux propos du collègue, qui était d'avis que depuis l'apparition de la photo, il était subitement devenu inutile aux artistes de faire de l'art figuratif.
Je ne dénigre pas la photo.
Je dénigre les prétentions de ceux qui s'obstinent à enfoncer des clous avec une pioche.
On peut, avec beaucoup d'habileté, réussir à enfoncer des clous avec une pioche.
Mais généralement c'est plus rapide, efficace et beaucoup moins dangereux d'utiliser un marteau.
Bon, faut apprendre un petit peu, aussi. Quand on sait pas, on peut aussi se faire très mal avec un marteau.
Par contre on peut faire des trucs bp plus cool, avec une pioche, qu'enfoncer des clous.
Par exemple, cultiver un jardin.
(j'allais dire "cultiver Djardin" mais il manque un s... Puis là, on part dans des trucs.... )
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 23/03/2016 à 09:28:55 ]
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