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Dis moi ce que tu lis.

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Sujet de la discussion Dis moi ce que tu lis.
... et je te dirais qui tu es...

En ce moment je lis "L'ombilic des Limbes" d'Antonin Artaud, décidement (dément?) ce mec était génial!!!

Et vous c'est quoi vos lectures en ce moment???
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5901
Citation de Dr :

C’est bien senscritique.com ? Tu t’en sers pour choisir tes livres ?


SensCritique, c'est surtout un forum avec des milliers d'internautes très différents. Avec un peu de temps, on repère certains critiques qui collent bien á sa propre façon de voir les choses, on peut même s'abonner á leur fil. Et vu la joli brin de plume de certains, leur culture et la qualité de leur reflexion, ça vaut le coup de jeter un œil sur le site de temps en temps.

Je m'en sers parfois avant de me lancer dans un livre ou dans un film. Je m'en sers surtout pour découvrir. Imaginons que je veux me regarder quelques bons films d'horreur cette semaine : il y aura bien des dizaines de listes et de tops avec parfois des critiques super fouillées pour me guider ! Et si la semaine prochaine, je veux plutôt trouver de bons bouquins par des auteurs maghrébins du 20eme siècle, eh bien je trouverai aussi des conseils.

Du coup, je ne peux que t'inviter á tester toi-même, par exemple en lisant des critiques sur tes œuvres favorites. Tu liras probablement de belles choses... mais aussi certaines critiques bien dispensables. ;)

[ Dernière édition du message le 08/04/2018 à 16:18:56 ]

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Le faste des morts
Kenzaburo Oé
Japon 1957 - 1963

Recueil de trois nouvelles de cet auteur dont je n'avais jamais rien lu auparavant.

Le Faste des morts
1957

Un jeune étudiant en littérature française trouve un petit boulot d'une journée dans un hôpital. Le travail consiste à transférer des cadavres flottant dans une cuve vers une autre. Il se retrouve avec une étudiante en littérature anglaise, présente pour les même raisons que lui, et le gardien de la morgue, habitué à la tâche.

Éh ben pour une entrée en matière je dois dire que j'ai trouvé cette nouvelle très réussie. Si le contexte est un peu glauque l'écriture est assez sensuelle puisque l'imaginaire des cinq sens est mis à contribution avec de belles descriptions d'ambiances, de lumières, de touchés, de sons, d'odeurs et autres visions. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à "La jeune fille suppliciée sur une étagère" ou "Un spécimen transparent", tous deux de Akira Yoshimura . Outre l'introspection menée par le contact du narrateur avec les morts il y a aussi une grille de lecture sociale avec les différentes hiérarchies qui se présentent au fil du récit.

Le ramier
1958

Dans une maison de redressement il y a les règles officielles et celles officieuses définies ceux qui y sont internés. Un jour un incident prends place dans la cour de l'établissement et donne à une bande d'adolescent l'idée d'un nouveau jeu.

Cette nouvelle est plus brutale et à l'instar de l'ambiance de la maison de redressement, les traits poétiques de l'écriture sont aussi rares que les moments agréables entre les quatre murs. Violence et pression psychique, homosexualité plus ou moins consentie, difficulté d'être soi dans un environnement très fermé et cadré soit par l'administration soit par les camarades. J'imagine bien un court-métrage car certaines scène sont quasiment données (lumière, cadrage, expression et jeu d'acteur).

Seventeen
1963

C'est le soir de ses 17 ans mais on n'a rien fait de spécial pour lui. Ni ses parents, ni son frère aîné ne le lui ont souhaité son anniversaire. Seule sa soeur un plus âgé le lui a souhaité. En même temps, mis à part se sentir coupable de passer une bonne partie de sont temps à se masturber il ne fait rien qui lui permettrait d'avoir une meilleure estime de lui-même. Sa rencontre inattendue avec un de ses camarades en-dehors du lycée va lui donner une opportunité de briller personnellement et socialement.

On a là une nouvelle en trois petites parties dont le dénouement est plutôt inattendu. Entre-temps on aura eu l'occasion d'avoir un instantané d'une famille japonaise de l'après-guerre, de l'ambiance politique et sociale de la même époque. De là le protagoniste nous livre ses introspections décrivant son mal-être avec gravité mais aussi un certain humour "à l'insu de son plein gré" pour le lecteur, car lui vit plutôt certaines choses comme des humiliations. Bref, beau portrait de l'adolescent mal dans sa peau, qui n'a pas d'estime de soi et ne peut compter sur personne autour de lui pour faire remonter ce dernier.


Plutôt une bonne découverte de l'auteur dont j'ai acheté quelques livres vraiment pas chers. Si il est difficile d'identifier un style depuis une traduction j'ai toutefois noté pas mal de traits poétiques qui viennent alléger des contextes plutôt lourds et difficiles.
Souvent les personnages perçoivent une lumière, une couleur du ciel, un élément saisonnier ou autre phénomène naturel contrastant avec la préoccupation du moment.
La sexualité ou les questions d'ordre sexuel est exprimée sans détours et d'une manière crue quelques fois.
Dans ces récits tout est à la première personne. Ni le narrateur ni les autres personnages n’ont de patronymes mais plutôt une fonction parentale/filiale (père, mère, sœur, frère) ou une fonction professionnelle/administrative (professeur, gardien, docteur, étudiant…).
L'action pourrait se dérouler presque n'importe où sur terre, mais il se trouve que tout se déroule au Japon et on ne le sens que par de petites touches "subliminales".


Je pense que c'est également bien traduit (André de Ceccatty et Ryoji Nakamura) et certaines idées sont bien rendues:

Citation :
La vie quotidienne d’une femme enceinte fourmille d’espoirs négatifs.


Citation :
Ily avait là quatre tables. L’une d’elle brillait doucement.


Citation :
C’était une nuit de printemps : sous la voûte obscure, un autre ciel se déployait, de couleur rosée, qui semblait le redoubler.


Citation :
Une allumette, dégageant une odeur secrète.


Citation :
Un regard de doux mépris.


Réflexion du gardien de la morgue:

Citation :
Le cadavre que j’ai étiqueté l’année de la naissance de mon fils, qui a lui-même déjà un fils, est toujours là, au fond de la cuve et il n’a pas beaucoup changé de couleur. Je ne peux pas me passionner. Quand on voit tous ces morts, on a du mal à se passionner pour ses enfants qui grandissent.


Bref, je pense que ce recueil est une bonne façon de découvrir cet auteur.



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Le jeu du siècle
Kenzaburô Oé
1967


Il y a quelques années, Takashi a profité de la tournée de sa troupe de théâtre aux États-Unis pour s'évanouir dans la nature. Entre-temps, son frère aîné Mitsusaburo s'est marié. Il a un bébé né avec un retard mental. Puis un jour Takashi revient au Japon. Qu'a-t-il fait tout ce temps aux États-Unis? Pourquoi est-il revenu?



C'est un roman assez copieux, et arriver à la fin des 458 pages demande quelques efforts, car il y a des tunnels de quelques pages, tout particulièrement celles sur l'histoire des ancêtres des deux frères qui m'ont semblé laborieuses car trop détaillées pour "pas grand chose". Par contre j'ai beaucoup apprécié tous les personnages, leurs personnalités, leurs particularités physiques ou psychologiques et leurs états d'esprit ainsi que les visions et réflexions dans cette histoire un peu complexe. Tout est très bien rendu car très bien écrit et certainement bien traduit là encore par René (et pas André comme je l'ai noté dans la chronique précédente) de Ceccatty et Ryoji Nakamura. Les traits poétiques côtoient les scènes dures, voire gores.
Bien qu'un peu exigeant, je me suis toutefois laissé prendre par le livre, l'histoire et je retournais à la lecture avec curiosité. À condition de couper un peu ici ou là, il y aurait même moyen d'en faire un film.

Quelques extraits pour illustrer le style ainsi que quelques belles trouvailles d'écriture:

Citation :
Le mort dont les innombrables cellules[...] se détruisaient sans cesse , avec vivacité et délicatesse.[...] Le corps continuait à pourrir avec arrogance, affichant une redoutable présence, la plus intense de sa vie de vingt-sept ans.


Citation :
Il me regarda de ses yeux noirs qui ne voulaient absolument rien signifier, avec une douceur qu'aurait une plante, si elle était pourvue d'yeux.


Citation :
C'était une rêverie en un éclair évaporée, comme une bulle dans un liquide. Une fois passé, ce genre de rêverie n'a sur l'homme qu'elle a surpris plus aucun effet, d'autant moins qu'elle a été conçue en silence. Nous n'avons qu'à attendre sa fin avant que les plis de notre cerveau n'en soient blessés. Si on y parvient, on peut échapper à son fiel, en attendant qu'elle revienne à l'attaque avec une évidence telle qu'on ne peut que l'accepter comme une expérience impérieuse.


Citation :
Elle traversa l'air tiède et sombre de la pièce.


Citation :
Quoiqu'elle affleurât aux rebords du gouffre, la nuit restait immobile, suspendue.


Citation :
Son visage triangulaire, crispé, était raviné de larmes qui scintillaient dans le tremblement des rayons du tube cathodique.


Citation :
L'adolescent partit d'un rire léger mais d'une gaieté infantile, ce qui acheva de me le rendre antipathique.


Mitsusaburo à propos de son oeil mort:
Citation :
C'était un accident dégoûtant, absurde. [...]une bande d'écoliers excités m'a lancé des pierres[...] Frappé à l'oeil, je suis tombé sur le pavé, sans rien comprendre à ce qui m'arrivait. Mon oeil droit était crevé dans le sens de la longueur, cornée et iris, et avait perdu la vue.[...]J'ai attribué un autre rôle à cet oeil sans lumière. J'ai comparé cet oeil privé de fonction à un oeil qui s'ouvrfe sur les ténèbres intérieures au cerveau. Il voit toujours ces ténébres emplies de sang, plus chaude que ma température ordinaire. J'ai aussi engagé un garde forestier dans ma nuit intérieure pour m'imposer l'exercice de m'observer moi-même.


Citation :
Dans mon sommeil, j'entendis à travers le domaine des ténébres qui m'entouraient le corps un bambou craquer, brisé par le gel. Ce son, comme mué en ongle d'acier, me lacérait et laissait une cicatrice sur ma tête chaude assoupie.


Citation :
C'est que mes oreilles sentaient que la neige étaient devenue authentique [...]Menacé par une mort aussi cruelle et antisociale, le corps étendu dans les ténèbres insonores sous des couches successives de neige, à quoi pourrait-il bien penser? Se confinait-il dans le silence ou continuait-il son monologue?


Citation :
De même que les sons étaient étouffés par la neige, la neige incessante semblait absorber la linéarité du temps[...] dela même manière, la neige raréfiait la présence noire et sauvage de la forêt environnante.


Citation :
Je pensais alors à une vérité absolue qui, une fois dite, ne laisserait à celui qui l'aurait prononcée d'autre issue que d'être tué, de se tuer, de sombrer dans la folie ou de devenir un monstre inhumain.


Citation :
Or, le fait même qu'un écrivain doive recourir au cadre d'une fiction, pour pouvoir dire des choses incroyablement horribles, périlleuses, honteuses, tout en préservant sa sécurité, voilà qui sape, en son fondement même, son travail. Du mois pour l'écrivain lui-même, quand il a exprimé une vérité vitale, il a conscience d'être capable de dire n'importe quoi pourvu que ce soit en terme de fiction, ce qui lui assure l'immunité contre le venin qu'il sécrète.


Citation :
Mais elle plissa davantage encore ses yeux tournés vers la neige, comme un nombril au milieu d'une chaire gonflée, en mangeant ses lèvres minces et en pointant ses oreilles qu'on aurait dites couvertes de sales écailles, bref en ayant tout l'air d'une pleine lune pourvue de deux poignées.


Citation :
En attendant qu'au fond de l'obscurité qui s'installait se décomposât sur ma rétine l'image résiduelle de Takashi couché sur le dos.

[ Dernière édition du message le 16/04/2018 à 10:36:45 ]

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Une affaire personnelle
Kenzaburô Oé
Japon 1965


Bird a 27 ans. Il a un petit boulot de répétiteur dans un lycée. Son rêve: partir en Afrique de l'Est. Il est d'ailleurs en train d'acheter des cartes routières de la région. Mais au fond de lui il sait que cet achat dérisoire reflète une illusion, un mensonge qu'il essaye encore de croire car en réalité, à quelques kilomètres de là, sa femme est en train d'accoucher. Toutes ses économies serviront à élever cet enfant à venir. Mais un évènement soudain va le mettre devant un dilemme.


Si le forme est plus légère que dans le livre précédent, le fond est assez lourd avec de multiples questions morales et sociales. Il y a plusieurs traits qui font écho au livre précédent sans que les deux soient reliés. Juste des petits détails identiques: âge, handicap physique, enfant à naître ou nouveau-né, alcool, sexe. Les personnages sont bien définis et leurs comportements ou attitudes décrit avec précision. Ce qui les rend très palpables et "visibles". Bird est l'exemple parfait du anti-héros.
Il y a des détails touchants et bien amenés. Certains dialogues manquent de relief, mais ils sont assez peu nombreux pour ne pas nuire à l'histoire. Peut-être pas un livre exceptionnel d'un point de vue littéraire, mais une histoire captivante qui vous tiendra en haleine jusqu'à la fin.

[ Dernière édition du message le 19/04/2018 à 19:56:23 ]

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Tu as une bonne cadence quand même. :bave:

Est-ce que tu mets aussi tes critiques sur sens-critique ?
5907
Non je poste juste des trucs ici.
Sinon j'ai effectivement une certaine cadence de lecture, mais c'est parce que je prends le temps de lire tous les jours. Et puis il y a des livres qui se lisent plus ou moins vite. C'est un peu comme le footing pour certain: je ne peux pas passer une journée sans, excepté certaines petites périodes durant lesquelles je ne lis plus rien.

[ Dernière édition du message le 20/04/2018 à 08:48:58 ]

5908
Citation :
[dans l’avion]
Ma voisine de fauteuil est une jeune Canadienne avec une tête d'Anglaise. Elle ose à peine me dire qu'elle est employée chez Microsoft :
— je travaille pour Satan, me glisse-t-elle avec un clin d'oeil et un accent à reconduire Céline Dion à la frontière.

Elle a passé deux semaines en Espagne, où elle n'a rien trouvé de mieux à faire que « du shopping ». Elle dit qu'elle est contente mais aussi qu'elle est contente de rentrer parce que «deux semaines toute seule, c'est long ».

Comme elle me saoulait, je me suis reconcentré sur mon écran. Un Jean Claude Van Damme plus aware que jamais devait éclater pas mal de tronches pour venger un ami lâchement assassiné par un cartel mafieux. J'engageai la conversation avec mon autre voisin, qui s'avéra êre un Argentin plein d'attentions.
— C'est très dangereux notre ville d'arrivée, beaucoup de violence. Il ne faut jamais se promener seul, me prévint-il.
— Les gens disent ça dans toutes les villes du monde, non ?
— Peut-être, mais là-bas c'est pire.

Jean-Claude Van Damme était dans une sale passe. Blessé, il était entouré par une dizaine de types patibulaires armés de gourdins et de couteaux qui souhaitaient clairement le finir. Cela dit, je ne m'inquiétais pas beaucoup pour lui. J'observai avec quelle maestria Jean-Claude s'en sortait en essayant de noter quelques feintes de corps et autres coups tordus utiles pour se débarrasser de quelqu'un qui en veut à votre vie.

J'ai fermé les yeux et Lara Croft est venue me supplier de la sodomiser, vigoureusement de pré-férence. Je me suis vu dans l'obligation de décliner l'offre de la cyber-gourgandine. J'ai une mission à accomplir, je ne peux pas me permettre de me disperser. Je caressai donc la joue de la bougresse dévastée par mon refus et me réveillai avec une solide érection. Mes voisins m'ont regardé d'un oeil inquiet, il se peut que j'aie hurlé des insanités pendant mon sommeil.

:mdr: :bave:

Dans les premières pages de « Gringoland » de Julien Blanc-Gras :

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[ Dernière édition du message le 22/04/2018 à 17:16:59 ]

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Ici l'on voit des hommes de bonne volonté s'imbiber de subtil, de délicat, d'insaisissable et d'éphémère.
C'est beau.
Ca donne espoir en l'avenir, malgré TOUT.

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

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Avant ça il raconte comment il se ratatine chez lui devant la télé ; avec sa chienne qui en vient à se suicider en avalant un tube de somnifères.

Je pense que ça te ferait marrer aussi !

C’est juste l’intro, après il sera vraiment en voyage.


Citation :
la cyber-gourgandine

J’adore. :-D

[ Dernière édition du message le 22/04/2018 à 18:24:24 ]