café du coin : analyse et commentaire de l'actualité poliltique
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tropdeg'
970
Posteur·euse AFfolé·e
Membre depuis 21 ans
Sujet de la discussion Posté le 16/04/2020 à 15:11:05café du coin : analyse et commentaire de l'actualité poliltique
Un endroit qui fleure bon la France et ses discussions interminables au comptoir pour parler de politique.
Je lance cette question : que pensez-vous de la suppression de l'ISF ?
Je lance cette question : que pensez-vous de la suppression de l'ISF ?
[ Dernière édition du message le 16/04/2020 à 15:13:02 ]
Dr Pouet
52037
Membre d’honneur
Membre depuis 20 ans
1061 Posté le 17/06/2020 à 10:17:24
Citation :
Quand bien meme elle devait etre interpellée... a 5 plaquée au sol, emmenée par les cheveux. En reponse graduée, pour me chopper, faudrait toute la brigade, une dizaine de personne a me maintenir au sol.. Des vedettes. Faudrait juste leurs noms pour qu'ils passent a la posterité
Ils se comportent comme des salopards en roue libre et ivres de violence, pas du tout comme des gardiens de la paix. Je suis bien d’accord.
[ Dernière édition du message le 17/06/2020 à 11:49:25 ]
Jackbrelle
10480
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 16 ans
1062 Posté le 17/06/2020 à 11:39:33
" Je suis viens! d'accord"?
Après un échange d'idées, chacun peut repartir avec la sienne.
Dr Pouet
52037
Membre d’honneur
Membre depuis 20 ans
1063 Posté le 17/06/2020 à 11:49:40
Anonyme
85
1064 Posté le 17/06/2020 à 12:03:18
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/06/14/un-an-apres-les-proches-de-steve-entre-raves-et-cauchemar_6042810_4500055.html
Celui qui poste l'article entier, je lui fait des bisoux.
Celui qui poste l'article entier, je lui fait des bisoux.
Synthpunk
3103
Squatteur·euse d’AF
Membre depuis 6 ans
1065 Posté le 17/06/2020 à 12:28:30
Ça fait des années qu'ils harcèlent les teufs et les Raves, avec a chaque fois des prétextes archis bidons
mais aussi on l'oublie vite une majorité lieux Alternatifs ou sont organisés des concerts hors business (Tous styles de ziques confondues du reste) tels que les Bars, les Squatts, et même certains petits clubs indés, à croire que tout ce qui ne rentre pas dans le rang et dans leurs "Normes" emmerdent ces messieurs dames des forces répressives
J'ai très bien connu dans les années 80, mes potes de l'assoce Paris Barrock qui sont parmi les premiers a avoir organisé des concerts dans les bars de Paname, je ne vous raconte pas les emmerdes et les harcèlements qu'ils ont eu a subir
https://next.liberation.fr/musique/2018/09/28/a-paris-le-rock-ne-tient-plus-les-bars_1681904
Les Barrocks
http://www.nyarknyark.fr/spip.php?article32
mais aussi on l'oublie vite une majorité lieux Alternatifs ou sont organisés des concerts hors business (Tous styles de ziques confondues du reste) tels que les Bars, les Squatts, et même certains petits clubs indés, à croire que tout ce qui ne rentre pas dans le rang et dans leurs "Normes" emmerdent ces messieurs dames des forces répressives
J'ai très bien connu dans les années 80, mes potes de l'assoce Paris Barrock qui sont parmi les premiers a avoir organisé des concerts dans les bars de Paname, je ne vous raconte pas les emmerdes et les harcèlements qu'ils ont eu a subir
https://next.liberation.fr/musique/2018/09/28/a-paris-le-rock-ne-tient-plus-les-bars_1681904
Les Barrocks
http://www.nyarknyark.fr/spip.php?article32
Mondialiste et Droit de l'Hommiste Fan des musiques populaires de la zone mondiale
[ Dernière édition du message le 17/06/2020 à 12:34:31 ]
Silverfish Imperatrix
6599
Je poste, donc je suis
Membre depuis 6 ans
1066 Posté le 17/06/2020 à 12:54:29
Citation de déhache :
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/06/14/un-an-apres-les-proches-de-steve-entre-raves-et-cauchemar_6042810_4500055.html
Celui qui poste l'article entier, je lui fait des bisoux.
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« L’opération de police, telle qu’elle a été menée, était de la folie » : un an après la mort de Steve, l’amertume de ses proches
Par Yan Gauchard
Publié hier à 15h46, mis à jour hier à 18h49
Lecture 15 min.
En juin 2019, à Nantes, la Fête de la musique se terminait par une intervention de la police. Ce soir-là, Steve Maia Caniço disparaissait dans la Loire. Aujourd’hui, ses amis attendent que justice lui soit rendue. Entre douleur ravivée par le meurtre de George Floyd et envie de vivre.
Un poing tendu, une paire de lunettes ressemblant à la monture que portait Steve Maia Caniço, l’initiale « S » pour son prénom et une date encrée à tout jamais sur la peau : « 21/06/2019 ». Le tatouage ne bougera pas. Il court sur la cuisse gauche de Jérémy Bécue. Bonnet siglé « Alternate future » (« un autre avenir ») sur la tête, le jeune homme de 25 ans, opérateur dans le secteur de l’industrie chimique, ne surjoue pas la colère. La mort l’a frôlé le samedi 22 juin 2019, peu après 4 heures du matin, quai Wilson, à Nantes (Loire-Atlantique), où se tenait une soirée techno à l’occasion de la Fête de la musique.
Neuf sound systems étaient encore alignés le long du quai dépourvu de parapet quand une vingtaine de policiers sont venus signifier aux fêtards qu’il était l’heure de couper le son. Les DJ ont commencé à remballer platines, amplis, égaliseurs, tables de mixage et murs d’enceintes. Vers 4 h 25, un sound system, encouragé par la foule, a fait résonner dans la nuit une ultime chanson, hymne antifa au titre évocateur : Porcherie, du groupe Bérurier noir. « Il y a eu des insultes qui ont fusé à l’adresse des policiers, se souvient Jérémy Bécue. Logique : on coupait notre fête. Mais, franchement, sur ce qu’il m’a été donné de voir, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Surtout, en teuf, tout le monde connaît les codes : quand on balance un morceau qui n’a rien à voir avec la techno, ça signe la fin de la soirée. »
Cette fois, la prolongation a viré au cauchemar. Outre les quolibets, les policiers affirment avoir essuyé des jets de projectiles. En retour, ils ont déversé une pluie de grenades lacrymogènes dans la nuit nantaise. La riposte a semé la confusion et la panique dans les rangs des fêtards aveuglés. « L’opération de police, telle qu’elle a été menée, était de la folie, décoche Jérémy Bécue. Qu’est-ce que cela pouvait faire que l’on continue à danser jusqu’à 7 heures du mat’? C’était vendredi soir, la Fête de la musique, et il n’y a pas d’habitations autour de la zone. Qui on embêtait ? Je ne comprends pas qu’on ait pu donner l’ordre d’intervenir alors que la Loire, dont tout le monde connaît la dangerosité, se trouvait à cinq ou dix mètres des gens venus faire la fête. »
Au moins sept personnes tombées à l’eau
« Pour se dégager, se protéger et reconquérir le terrain, les policiers ont fait usage de trente-trois grenades lacrymogènes, dix grenades de désencerclement et de douze tirs de lanceur de balle de défense », ont dénombré Jacques Schneider et Amélie Puccinelli dans le rapport qu’ils ont remis, au nom de l’inspection générale de l’administration (IGA), au ministère de l’intérieur, en septembre 2019.
Jérémy Bécue, qui était lui aussi tombé dans la Loire après l’intervention des forces de l’ordre.
Jérémy Bécue, qui était lui aussi tombé dans la Loire après l’intervention des forces de l’ordre. BENOÎT ARRIDIAUX POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Jérémy Bécue se remémore la foule courant en tous sens : « J’ai voulu m’écarter sans paniquer, explique-t-il. J’avais les yeux brûlants, il faisait nuit, je ne voyais rien, et puis mon pied gauche s’est retrouvé dans le vide : je suis parti à la flotte sans me rendre compte de ce qui arrivait. » Le jeune homme a commencé « à nager à contresens, sans parvenir à avancer », avant de se retourner pour se « laisser porter par le courant ». Le naufragé a réussi à agripper une corde accrochée au quai. Une voix dans son dos a appelé à l’aide : celle d’un homme de 25 ans, à l’épaule luxée après sa chute, et qui s’est cru « foutu » avant que Jérémy Bécue ne le ramène par le col.
« QU’ON NOUS CHARGE COMME DES BÊTES ALORS QUE L’ON ÉTAIT EN PLEIN INSTANT DE LIBERTÉ, C’EST INSOUTENABLE. » DORINE PEREZ
Au moins sept personnes sont tombées à l’eau lors de l’opération des forces de l’ordre. Dans le bateau des secours, Jérémy Bécue a entendu un rescapé crier aux sauveteurs qu’il avait vu une silhouette masculine se noyer. « D’emblée, on a reçu le signalement d’une personne ayant coulé, confirme un membre de la Société nautique Atlantique, mandatée par la ville de Nantes pour patrouiller sur la Loire jusqu’à 8 heures du matin. Des gens tentaient d’éclairer l’eau avec leurs téléphones, mais on n’y voyait rien. La confusion était à son comble. »
Une vie a été engloutie cette nuit-là : celle de Steve Maia Caniço, 24 ans, animateur périscolaire passionné de musique électronique. Le jeune homme, qui ne savait pas nager, a péri noyé. À 3 heures du matin, fatigué, il avait prévenu ses amis qu’il allait se reposer un peu à l’écart de l’agitation, sur le quai. Son corps a été retrouvé, le 29 juillet, immergé à proximité de la grue Titan jaune, l’un des symboles de la ville de Nantes.
« Que fait la police ? »
Un an après le drame, Steve Maia Caniço est devenu un emblème. Sur la pointe de l’île de Nantes, un portrait le représente – visage paisible, bras croisés – au milieu d’une scène que l’on croirait sortie d’un film de guerre. La fresque murale, peinte sur un hangar, est surmontée d’une interrogation : « Que fait la police ? » A quelques centaines de mètres, le bunker autour duquel s’est nouée l’intervention controversée des forces de l’ordre, tout comme l’intégralité du quai Wilson – propriété du grand port maritime de Nantes – Saint-Nazaire – sont désormais cadenassés par un haut grillage blanc.
Lire aussi: Steve Maia Caniço, un jeune homme « discret » devenu emblème
Outre les mots saluant la générosité du camarade disparu (« Le meilleur ami de l’univers »), la casemate, transformée en QG des proches de Steve Maia Caniço durant les quelques semaines de recherche de son corps, est constellée de slogans : « Là où il y a de la musique, il n’y a pas de mal », est-il écrit en lettres rouges géantes. L’inscription « Une noyade pour de la musique » côtoie une apostrophe aux accents de Gavroche : « Je suis tombé par terre, la faute à Castaner, le corps dans l’tourbillon, c’est la faute à Macron. » Ne pas y voir seulement un sens aiguisé de la punchline mais bel et bien le malaise d’une jeunesse aux accents désespérés, dénonçant aussi bien la restriction d’espaces de liberté que la répression policière, dans un écho douloureux à l’actualité.
« Perdre un ami, l’histoire que ça raconte, il faut imaginer la violence que ça représente, envoie Aliyah Masy, 20 ans, amie de Steve, qui n’hésite pas à dresser un parallèle avec la mort d’Adama Traoré, en juillet 2016, sur le sol d’une caserne du Val-d’Oise après son interpellation musclée par des gendarmes. Quand on est jeune et qu’on se forge sur une histoire pareille, dans un tel contexte, c’est quand même super dur de se dire que les choses peuvent évoluer positivement. Ça fait perdre tout espoir dans l’humanité. » « Ce qui est le plus choquant, c’est que l’on était en train de danser, de vivre notre vie avec le sourire, sans embêter personne, abonde Dorine Perez, 24 ans, autre proche du défunt, livreuse à La Poste. Qu’on nous charge comme des bêtes alors que l’on était en plein instant de liberté, c’est insoutenable. »
L’esprit de solidarité des « free party »
Autour du bunker, la bande de teufeurs a fait bloc tout au long de l’été 2019. On a vu le collectif annexer un bout de quai, rapidement agrémenté d’une tonnelle, pour échapper aux rayons cuisants du soleil, ou d’un canapé usé. Des affiches, des dessins au pochoir ont colonisé l’espace urbain, déclinant des messages qui ont gagné les réseaux sociaux. Le premier cri de rage a demandé : « Où est Steve ? ». Puis, le corps de l’ami rendu par la Loire, le slogan est devenu : « Justice pour Steve ». Le groupe n’a eu de cesse de jouer les boucliers pour préserver la famille de la victime face à l’ogre médiatique. « Ça nous donnait du courage et une forme d’espoir d’être là tous ensemble plutôt que d’être chacun dans son coin à broyer du noir », énonce Aliyah Masy. Jérémy Bécue, lui, ne connaissait pas Steve avant le drame. Mais il s’est agrégé à la bande et a noué de « vraies amitiés » : « On discutait de tout, on prenait l’apéro, et on vérifiait dans la mesure du possible que les pompiers et les enquêteurs faisaient leur boulot de recherche. »
K-ro, une animatrice de 27 ans, amie de Steve.
K-ro, une animatrice de 27 ans, amie de Steve. BENOÎT ARRIDIAUX POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
L’amour de la teuf fédère la plupart des membres du « clan ». « La free party, c’est toute ma vie, le seul endroit où je suis légère et où j’ai ma place dans le monde », souffle K-ro, ainsi qu’elle souhaite se faire appeler. Cette animatrice de 27 ans avait évalué Steve lors de son BAFA, avant de devenir une camarade de fête. « En free, il n’y a plus de jugement : tu peux être homo, bi, habillée en costard ou en maillot de bain, tout le monde s’en fout. Là, j’ai le droit d’exister telle que je suis. » Tatouée, piercée et parée de dreadlocks, Amélie Héligon, coiffeuse de 22 ans installée à Cholet, dit régulièrement surprendre « des regards de travers » dans son quotidien, « mais, en rave, note-t-elle, ça n’arrive jamais. Je sais que je suis à ma place, que je ne vais pas être jugée ». « J’adore la musique de ces fêtes pour avoir baigné dans l’électro chez mes parents, ajoute Dorine Perez. Les rapports sont plus sains en teuf, les gens sont plus sociables. Ce n’est pas comme dans les boîtes de nuit où les garçons essaient souvent de se frotter contre les filles. »
« LE DRAME A CHANGÉ LA FAÇON DONT J’APPRÉHENDE LA POLICE. AU POINT QU’IL M’ARRIVE DE ME DEMANDER SI J’APPELLERAI À L’AIDE S’IL M’ARRIVE UN JOUR QUELQUE CHOSE. » JOHANNA, LA SŒUR DE STEVE
Aliyah Masy renchérit : « La free, ça représente l’évasion dans tous les sens du terme, c’est être avec ses amis, sortir de la routine. J’ai longtemps vadrouillé dans des squats et chez des amis. C’est fantastique de se retrouver dans un lieu abandonné ou isolé, avec plein de lumières et de musique. Oui, il y a des gens qui prennent des substances, évidemment. Mais comme partout : ce n’est pas pire qu’en discothèque ou dans des festivals. » « C’est humain d’avoir besoin de se vider la tête, ça ne veut pas dire que l’on est des sauvages ou des drogués, relance Dorine Perez. Mais, non, quai Wilson, il a fallu nous gazer et nous chasser. C’est ça qui fait le plus mal et qui ne donne pas d’espoir pour la vie future. »
La peine des survivants
La vie exhale désormais un parfum d’absence et de chagrin. Aliyah Masy, qui courait auparavant les free parties « tous les week-ends ou presque », ressent le besoin de « se recentrer ». « Forcément, le confinement a tout stoppé », justifie-t-elle d’abord avant de se raviser : « En fait, j’y vais un peu moins depuis Steve. Sans doute qu’inconsciemment ça joue. » « Au tout début, quand je suis retournée en free, j’avais presque honte de m’amuser, glisse Katell Simon, qui a fait huit ans de théâtre avec Steve et a découvert à ses côtés la musique techno dans le garage d’une amie. Même si je ne me suis pas arrêtée de vivre, son souvenir surgit régulièrement. En fête, on se dit : “Tiens, il aurait aimé telle musique.” »
La jeune femme de 20 ans, qui boucle une formation en alternance dans le transport et la prestation logistique, tient à souligner : « On voit parfois de beaux spécimens en free party, mais Steve, ce n’était absolument pas le genre de personne à venir pour se mettre une mine, comme on dit. La vérité, c’est que c’était un amoureux de la musique et des bons moments entre amis, point. » Amélie Héligon entend bien repartir en free, après la parenthèse imposée par le confinement : « C’est ce que Steve aurait voulu », affirme-t-elle sans hésitation. « Si je perds la teuf, alors je ne vois pas pourquoi je continue à vivre, énonce K-ro. C’est mon seul moment de liberté. Même si, à présent, je cherche toujours un couillon qui fait des bonds dans la foule. J’apprends à voir Steve dans ma tête. Je sais que ça ne lui plairait pas si je ne profitais pas de ces moments qu’il aimait par-dessus tout. »
Amélie Héligon, une amie de Steve.
Amélie Héligon, une amie de Steve. BENOÎT ARRIDIAUX POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Jérémy Bécue refuse aussi de voir sa vie « s’arrêter » mais a tout de même le sentiment de souffrir du « syndrome du survivant. Inévitablement, je repense à cette soirée. Et je me dis que ça aurait pu être moi ». Le technicien aspire à amasser « un petit pécule » afin de s’acheter, d’ici à quelques années, un camion à aménager. Ensuite, dit-il, il aimerait « tailler la route à l’étranger et travailler comme saisonnier ». Aliyah Masy, qui se verrait bien monitrice-éducatrice, rêve de changer d’air du côté de Rennes, et confie : « On est beaucoup à avoir envie de partir. La mort de Steve a mis notre vie en stand-by. » Un soupir, et puis la voix se noue pour expliquer : « Elle a touché tout le monde, cette histoire, bien au-delà du groupe. Le drame est inscrit partout dans la ville, c’est difficilement vivable. » « On m’a enlevé mon meilleur ami, lâche Amélie Héligon. Je garde l’espoir d’aller mieux un jour parce que c’est juste inconcevable de rester aussi triste toute une vie. »
Un sentiment nouveau de défiance
Unanimement décrit comme une personne détestant « les conflits et les embrouilles », Steve Maia Caniço aurait dû fêter son vingt-cinquième anniversaire le 26 mai. Ce jour-là, sa famille a réuni une partie de ses amis dans un bois. « On a mis la musique techno que Steve aimait et à 23 h 10, heure de sa naissance, on a lancé des lanternes dans le ciel », relate sa sœur Johanna. Bien qu’à mille lieues de l’univers de la free party, la jeune vendeuse de 22 ans porte au poignet le bracelet du festival de musique électronique néerlandais Defqon.1, auquel son frère devait assister le week-end suivant sa disparition. « Avant, j’étais peace and love, dans le monde des Bisounours. Le drame a changé la façon dont je vois la vie et dont j’appréhende la police, avoue-t-elle froidement de sa voix douce. Au point qu’il m’arrive de me demander si j’appellerai à l’aide s’il m’arrive un jour quelque chose. Comment compter sur des gens que je tiens pour responsables de la mort de mon frère ? »
Lire aussi: A Nantes, « une génération entière est touchée » par la mort de Steve Maia Caniço
« Avant la mort de Steve, je respectais le métier de policier, je me disais qu’ils faisaient leur travail, constate Dorine Perez. Mais je ne pensais pas que l’on pouvait traiter les gens de cette façon. On a l’impression que la police n’est pas là pour nous protéger mais pour nous mener à la baguette. Bien sûr qu’il faut une autorité, mais il faut aussi avoir un cœur. Or, il y a de moins en moins de cœur dans notre société. » Excepté la marche blanche en hommage à Steve, Katell Simon n’a « pas remis les pieds dans une manif depuis la loi travail. Par peur, assure-t-elle, et là, forcément, ça n’a fait qu’empirer. J’ai vu comment la réponse des policiers était violente, je n’ai pas envie de perdre un œil, un bras ou la vie ».
Aux abords de la Loire, à Nantes.
Aux abords de la Loire, à Nantes. BENOÎT ARRIDIAUX POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Se déclarant anarchiste communiste, Jérémy Bécue préfère lui aussi « se tenir éloigné des cortèges », expliquant, dans un clin d’œil à l’actualité : « Je suis d’accord avec la chanteuse Camélia Jordana qui a dit qu’elle ne se sentait pas sereine en face d’un flic. » La mort de George Floyd a rouvert les plaies. « Je ne dis pas que les policiers ou les gendarmes sont tous pareils, mais le souci, c’est qu’ils suivent des ordres et les ordres donnés ne sont pas toujours les bons, affirme Katell Simon. Je ne pensais pas que l’on pouvait être aspergé de gaz lacrymogène en France au motif que l’on ne respecte pas un pseudo-horaire. »
Le drame a balayé pour l’heure toute projection d’avenir heureux. « Les policiers n’auraient pas levé le petit doigt si, sur le quai Wilson, ils avaient trouvé un ballet de danse, un concert de musique classique ou un rassemblement de gens buvant du champagne, assène Aliyah Masy. Cette forme de répression s’orchestre toujours contre les musiques alternatives. On se sent tout le temps exclus, cela soulève une espèce de rage de tous les côtés. »
Justice en cours
Une information judiciaire contre X pour « homicide involontaire » a été ouverte le 30 juillet 2019. Etant donné la forte émotion suscitée localement et l’implication de la police, l’enquête est dépaysée au tribunal judiciaire de Rennes et confiée au juge David Benichou. Lequel est chargé d’instruire, depuis la fin du mois de mars, deux autres informations judiciaires contre X relatives à l’intervention policière : l’une vise des qualifications de « blessures involontaires, non-assistance à personne en danger, mise en danger de la vie d’autrui et violences volontaires sans ITT par personne dépositaire de l’autorité publique » et concerne les plaintes déposées par 89 participants à la fête, parmi lesquels figurent Jérémy Bécue et Dorine Perez ; l’autre a trait aux faits de violence dénoncés par les fonctionnaires de police.
L’heure de vérité approche, espère la famille de Steve Maia Caniço, dont les intérêts sont défendus par l’avocate nantaise Cécile de Oliveira. Des expertises techniques sont diligentées afin « de faire parler » le téléphone portable du défunt, remis en état de marche, confie Johanna Maia Caniço. « L’objectif, c’est d’obtenir une géolocalisation précise de la position de Steve au moment du drame, précise-t-elle. S’il est établi qu’au moment des tirs de grenades lacrymogènes mon frère se trouvait tout près du fleuve, alors il sera difficile de contester l’existence d’un lien de causalité entre l’intervention policière et la mort de Steve après sa chute dans la Loire. »
« ON N’A PAS TENU COMPTE DE LA CONFIGURATION DU LIEU. IL AURAIT PU Y AVOIR D’AUTRES MORTS. » PHILIPPE BOUSSION, SECRÉTAIRE RÉGIONAL DU SYNDICAT UNITÉ SGP POLICE FO
Le rapport de l’IGA a pointé « un manque de discernement dans la conduite de l’intervention de police » menée par le commissaire Grégoire Chassaing, officiellement muté sur ordre de M. Castaner. Si M. Schneider et Mme Puccinelli, au nom de l’IGA, indiquent que les forces de l’ordre ont agi « dans le cadre de la légitime défense » et attribuent à la relance de la musique « la cause première des violences de la nuit », les inspecteurs notent que l’opportunité de l’opération « peut être mise en doute ». Et ce, d’autant que la mairie de Nantes et la préfecture de Loire-Atlantique affirment ne pas avoir fixé d’horaire limite de fête à 4 heures du matin.
« Ce soir-là, on était dans le cadre d’une mission de sécurisation de la Fête de la musique et non dans une opération de maintien de l’ordre. Il n’y avait donc aucune urgence à faire cesser le son », cingle Philippe Boussion, secrétaire régional du syndicat Unité SGP Police FO. Le responsable syndical fustige « un ordre stupide » ayant eu pour conséquence « de mettre en difficulté les collègues engagés sur le terrain » et remarque : « Est-ce qu’à l’origine on était face à une population hostile ? Non, il s’agissait de jeunes qui s’amusaient. Et on n’a pas tenu compte de la configuration du lieu. Il aurait pu y avoir d’autres morts. » La famille de Steve Maia Caniço, résume Johanna, s’accroche à l’espoir de voir « la responsabilité des donneurs d’ordre reconnue » et « cette affaire servir de leçon ». « La vérité, tonne Jérémy Bécue, c’est que, s’il n’y avait pas eu les forces de l’ordre, Steve ne serait pas mort. Sans intervention, il aurait fini sa nuit tranquillement. Il se serait réveillé et serait rentré chez lui. »
Par Yan Gauchard
Publié hier à 15h46, mis à jour hier à 18h49
Lecture 15 min.
En juin 2019, à Nantes, la Fête de la musique se terminait par une intervention de la police. Ce soir-là, Steve Maia Caniço disparaissait dans la Loire. Aujourd’hui, ses amis attendent que justice lui soit rendue. Entre douleur ravivée par le meurtre de George Floyd et envie de vivre.
Un poing tendu, une paire de lunettes ressemblant à la monture que portait Steve Maia Caniço, l’initiale « S » pour son prénom et une date encrée à tout jamais sur la peau : « 21/06/2019 ». Le tatouage ne bougera pas. Il court sur la cuisse gauche de Jérémy Bécue. Bonnet siglé « Alternate future » (« un autre avenir ») sur la tête, le jeune homme de 25 ans, opérateur dans le secteur de l’industrie chimique, ne surjoue pas la colère. La mort l’a frôlé le samedi 22 juin 2019, peu après 4 heures du matin, quai Wilson, à Nantes (Loire-Atlantique), où se tenait une soirée techno à l’occasion de la Fête de la musique.
Neuf sound systems étaient encore alignés le long du quai dépourvu de parapet quand une vingtaine de policiers sont venus signifier aux fêtards qu’il était l’heure de couper le son. Les DJ ont commencé à remballer platines, amplis, égaliseurs, tables de mixage et murs d’enceintes. Vers 4 h 25, un sound system, encouragé par la foule, a fait résonner dans la nuit une ultime chanson, hymne antifa au titre évocateur : Porcherie, du groupe Bérurier noir. « Il y a eu des insultes qui ont fusé à l’adresse des policiers, se souvient Jérémy Bécue. Logique : on coupait notre fête. Mais, franchement, sur ce qu’il m’a été donné de voir, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Surtout, en teuf, tout le monde connaît les codes : quand on balance un morceau qui n’a rien à voir avec la techno, ça signe la fin de la soirée. »
Cette fois, la prolongation a viré au cauchemar. Outre les quolibets, les policiers affirment avoir essuyé des jets de projectiles. En retour, ils ont déversé une pluie de grenades lacrymogènes dans la nuit nantaise. La riposte a semé la confusion et la panique dans les rangs des fêtards aveuglés. « L’opération de police, telle qu’elle a été menée, était de la folie, décoche Jérémy Bécue. Qu’est-ce que cela pouvait faire que l’on continue à danser jusqu’à 7 heures du mat’? C’était vendredi soir, la Fête de la musique, et il n’y a pas d’habitations autour de la zone. Qui on embêtait ? Je ne comprends pas qu’on ait pu donner l’ordre d’intervenir alors que la Loire, dont tout le monde connaît la dangerosité, se trouvait à cinq ou dix mètres des gens venus faire la fête. »
Au moins sept personnes tombées à l’eau
« Pour se dégager, se protéger et reconquérir le terrain, les policiers ont fait usage de trente-trois grenades lacrymogènes, dix grenades de désencerclement et de douze tirs de lanceur de balle de défense », ont dénombré Jacques Schneider et Amélie Puccinelli dans le rapport qu’ils ont remis, au nom de l’inspection générale de l’administration (IGA), au ministère de l’intérieur, en septembre 2019.
Jérémy Bécue, qui était lui aussi tombé dans la Loire après l’intervention des forces de l’ordre.
Jérémy Bécue, qui était lui aussi tombé dans la Loire après l’intervention des forces de l’ordre. BENOÎT ARRIDIAUX POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Jérémy Bécue se remémore la foule courant en tous sens : « J’ai voulu m’écarter sans paniquer, explique-t-il. J’avais les yeux brûlants, il faisait nuit, je ne voyais rien, et puis mon pied gauche s’est retrouvé dans le vide : je suis parti à la flotte sans me rendre compte de ce qui arrivait. » Le jeune homme a commencé « à nager à contresens, sans parvenir à avancer », avant de se retourner pour se « laisser porter par le courant ». Le naufragé a réussi à agripper une corde accrochée au quai. Une voix dans son dos a appelé à l’aide : celle d’un homme de 25 ans, à l’épaule luxée après sa chute, et qui s’est cru « foutu » avant que Jérémy Bécue ne le ramène par le col.
« QU’ON NOUS CHARGE COMME DES BÊTES ALORS QUE L’ON ÉTAIT EN PLEIN INSTANT DE LIBERTÉ, C’EST INSOUTENABLE. » DORINE PEREZ
Au moins sept personnes sont tombées à l’eau lors de l’opération des forces de l’ordre. Dans le bateau des secours, Jérémy Bécue a entendu un rescapé crier aux sauveteurs qu’il avait vu une silhouette masculine se noyer. « D’emblée, on a reçu le signalement d’une personne ayant coulé, confirme un membre de la Société nautique Atlantique, mandatée par la ville de Nantes pour patrouiller sur la Loire jusqu’à 8 heures du matin. Des gens tentaient d’éclairer l’eau avec leurs téléphones, mais on n’y voyait rien. La confusion était à son comble. »
Une vie a été engloutie cette nuit-là : celle de Steve Maia Caniço, 24 ans, animateur périscolaire passionné de musique électronique. Le jeune homme, qui ne savait pas nager, a péri noyé. À 3 heures du matin, fatigué, il avait prévenu ses amis qu’il allait se reposer un peu à l’écart de l’agitation, sur le quai. Son corps a été retrouvé, le 29 juillet, immergé à proximité de la grue Titan jaune, l’un des symboles de la ville de Nantes.
« Que fait la police ? »
Un an après le drame, Steve Maia Caniço est devenu un emblème. Sur la pointe de l’île de Nantes, un portrait le représente – visage paisible, bras croisés – au milieu d’une scène que l’on croirait sortie d’un film de guerre. La fresque murale, peinte sur un hangar, est surmontée d’une interrogation : « Que fait la police ? » A quelques centaines de mètres, le bunker autour duquel s’est nouée l’intervention controversée des forces de l’ordre, tout comme l’intégralité du quai Wilson – propriété du grand port maritime de Nantes – Saint-Nazaire – sont désormais cadenassés par un haut grillage blanc.
Lire aussi: Steve Maia Caniço, un jeune homme « discret » devenu emblème
Outre les mots saluant la générosité du camarade disparu (« Le meilleur ami de l’univers »), la casemate, transformée en QG des proches de Steve Maia Caniço durant les quelques semaines de recherche de son corps, est constellée de slogans : « Là où il y a de la musique, il n’y a pas de mal », est-il écrit en lettres rouges géantes. L’inscription « Une noyade pour de la musique » côtoie une apostrophe aux accents de Gavroche : « Je suis tombé par terre, la faute à Castaner, le corps dans l’tourbillon, c’est la faute à Macron. » Ne pas y voir seulement un sens aiguisé de la punchline mais bel et bien le malaise d’une jeunesse aux accents désespérés, dénonçant aussi bien la restriction d’espaces de liberté que la répression policière, dans un écho douloureux à l’actualité.
« Perdre un ami, l’histoire que ça raconte, il faut imaginer la violence que ça représente, envoie Aliyah Masy, 20 ans, amie de Steve, qui n’hésite pas à dresser un parallèle avec la mort d’Adama Traoré, en juillet 2016, sur le sol d’une caserne du Val-d’Oise après son interpellation musclée par des gendarmes. Quand on est jeune et qu’on se forge sur une histoire pareille, dans un tel contexte, c’est quand même super dur de se dire que les choses peuvent évoluer positivement. Ça fait perdre tout espoir dans l’humanité. » « Ce qui est le plus choquant, c’est que l’on était en train de danser, de vivre notre vie avec le sourire, sans embêter personne, abonde Dorine Perez, 24 ans, autre proche du défunt, livreuse à La Poste. Qu’on nous charge comme des bêtes alors que l’on était en plein instant de liberté, c’est insoutenable. »
L’esprit de solidarité des « free party »
Autour du bunker, la bande de teufeurs a fait bloc tout au long de l’été 2019. On a vu le collectif annexer un bout de quai, rapidement agrémenté d’une tonnelle, pour échapper aux rayons cuisants du soleil, ou d’un canapé usé. Des affiches, des dessins au pochoir ont colonisé l’espace urbain, déclinant des messages qui ont gagné les réseaux sociaux. Le premier cri de rage a demandé : « Où est Steve ? ». Puis, le corps de l’ami rendu par la Loire, le slogan est devenu : « Justice pour Steve ». Le groupe n’a eu de cesse de jouer les boucliers pour préserver la famille de la victime face à l’ogre médiatique. « Ça nous donnait du courage et une forme d’espoir d’être là tous ensemble plutôt que d’être chacun dans son coin à broyer du noir », énonce Aliyah Masy. Jérémy Bécue, lui, ne connaissait pas Steve avant le drame. Mais il s’est agrégé à la bande et a noué de « vraies amitiés » : « On discutait de tout, on prenait l’apéro, et on vérifiait dans la mesure du possible que les pompiers et les enquêteurs faisaient leur boulot de recherche. »
K-ro, une animatrice de 27 ans, amie de Steve.
K-ro, une animatrice de 27 ans, amie de Steve. BENOÎT ARRIDIAUX POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
L’amour de la teuf fédère la plupart des membres du « clan ». « La free party, c’est toute ma vie, le seul endroit où je suis légère et où j’ai ma place dans le monde », souffle K-ro, ainsi qu’elle souhaite se faire appeler. Cette animatrice de 27 ans avait évalué Steve lors de son BAFA, avant de devenir une camarade de fête. « En free, il n’y a plus de jugement : tu peux être homo, bi, habillée en costard ou en maillot de bain, tout le monde s’en fout. Là, j’ai le droit d’exister telle que je suis. » Tatouée, piercée et parée de dreadlocks, Amélie Héligon, coiffeuse de 22 ans installée à Cholet, dit régulièrement surprendre « des regards de travers » dans son quotidien, « mais, en rave, note-t-elle, ça n’arrive jamais. Je sais que je suis à ma place, que je ne vais pas être jugée ». « J’adore la musique de ces fêtes pour avoir baigné dans l’électro chez mes parents, ajoute Dorine Perez. Les rapports sont plus sains en teuf, les gens sont plus sociables. Ce n’est pas comme dans les boîtes de nuit où les garçons essaient souvent de se frotter contre les filles. »
« LE DRAME A CHANGÉ LA FAÇON DONT J’APPRÉHENDE LA POLICE. AU POINT QU’IL M’ARRIVE DE ME DEMANDER SI J’APPELLERAI À L’AIDE S’IL M’ARRIVE UN JOUR QUELQUE CHOSE. » JOHANNA, LA SŒUR DE STEVE
Aliyah Masy renchérit : « La free, ça représente l’évasion dans tous les sens du terme, c’est être avec ses amis, sortir de la routine. J’ai longtemps vadrouillé dans des squats et chez des amis. C’est fantastique de se retrouver dans un lieu abandonné ou isolé, avec plein de lumières et de musique. Oui, il y a des gens qui prennent des substances, évidemment. Mais comme partout : ce n’est pas pire qu’en discothèque ou dans des festivals. » « C’est humain d’avoir besoin de se vider la tête, ça ne veut pas dire que l’on est des sauvages ou des drogués, relance Dorine Perez. Mais, non, quai Wilson, il a fallu nous gazer et nous chasser. C’est ça qui fait le plus mal et qui ne donne pas d’espoir pour la vie future. »
La peine des survivants
La vie exhale désormais un parfum d’absence et de chagrin. Aliyah Masy, qui courait auparavant les free parties « tous les week-ends ou presque », ressent le besoin de « se recentrer ». « Forcément, le confinement a tout stoppé », justifie-t-elle d’abord avant de se raviser : « En fait, j’y vais un peu moins depuis Steve. Sans doute qu’inconsciemment ça joue. » « Au tout début, quand je suis retournée en free, j’avais presque honte de m’amuser, glisse Katell Simon, qui a fait huit ans de théâtre avec Steve et a découvert à ses côtés la musique techno dans le garage d’une amie. Même si je ne me suis pas arrêtée de vivre, son souvenir surgit régulièrement. En fête, on se dit : “Tiens, il aurait aimé telle musique.” »
La jeune femme de 20 ans, qui boucle une formation en alternance dans le transport et la prestation logistique, tient à souligner : « On voit parfois de beaux spécimens en free party, mais Steve, ce n’était absolument pas le genre de personne à venir pour se mettre une mine, comme on dit. La vérité, c’est que c’était un amoureux de la musique et des bons moments entre amis, point. » Amélie Héligon entend bien repartir en free, après la parenthèse imposée par le confinement : « C’est ce que Steve aurait voulu », affirme-t-elle sans hésitation. « Si je perds la teuf, alors je ne vois pas pourquoi je continue à vivre, énonce K-ro. C’est mon seul moment de liberté. Même si, à présent, je cherche toujours un couillon qui fait des bonds dans la foule. J’apprends à voir Steve dans ma tête. Je sais que ça ne lui plairait pas si je ne profitais pas de ces moments qu’il aimait par-dessus tout. »
Amélie Héligon, une amie de Steve.
Amélie Héligon, une amie de Steve. BENOÎT ARRIDIAUX POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Jérémy Bécue refuse aussi de voir sa vie « s’arrêter » mais a tout de même le sentiment de souffrir du « syndrome du survivant. Inévitablement, je repense à cette soirée. Et je me dis que ça aurait pu être moi ». Le technicien aspire à amasser « un petit pécule » afin de s’acheter, d’ici à quelques années, un camion à aménager. Ensuite, dit-il, il aimerait « tailler la route à l’étranger et travailler comme saisonnier ». Aliyah Masy, qui se verrait bien monitrice-éducatrice, rêve de changer d’air du côté de Rennes, et confie : « On est beaucoup à avoir envie de partir. La mort de Steve a mis notre vie en stand-by. » Un soupir, et puis la voix se noue pour expliquer : « Elle a touché tout le monde, cette histoire, bien au-delà du groupe. Le drame est inscrit partout dans la ville, c’est difficilement vivable. » « On m’a enlevé mon meilleur ami, lâche Amélie Héligon. Je garde l’espoir d’aller mieux un jour parce que c’est juste inconcevable de rester aussi triste toute une vie. »
Un sentiment nouveau de défiance
Unanimement décrit comme une personne détestant « les conflits et les embrouilles », Steve Maia Caniço aurait dû fêter son vingt-cinquième anniversaire le 26 mai. Ce jour-là, sa famille a réuni une partie de ses amis dans un bois. « On a mis la musique techno que Steve aimait et à 23 h 10, heure de sa naissance, on a lancé des lanternes dans le ciel », relate sa sœur Johanna. Bien qu’à mille lieues de l’univers de la free party, la jeune vendeuse de 22 ans porte au poignet le bracelet du festival de musique électronique néerlandais Defqon.1, auquel son frère devait assister le week-end suivant sa disparition. « Avant, j’étais peace and love, dans le monde des Bisounours. Le drame a changé la façon dont je vois la vie et dont j’appréhende la police, avoue-t-elle froidement de sa voix douce. Au point qu’il m’arrive de me demander si j’appellerai à l’aide s’il m’arrive un jour quelque chose. Comment compter sur des gens que je tiens pour responsables de la mort de mon frère ? »
Lire aussi: A Nantes, « une génération entière est touchée » par la mort de Steve Maia Caniço
« Avant la mort de Steve, je respectais le métier de policier, je me disais qu’ils faisaient leur travail, constate Dorine Perez. Mais je ne pensais pas que l’on pouvait traiter les gens de cette façon. On a l’impression que la police n’est pas là pour nous protéger mais pour nous mener à la baguette. Bien sûr qu’il faut une autorité, mais il faut aussi avoir un cœur. Or, il y a de moins en moins de cœur dans notre société. » Excepté la marche blanche en hommage à Steve, Katell Simon n’a « pas remis les pieds dans une manif depuis la loi travail. Par peur, assure-t-elle, et là, forcément, ça n’a fait qu’empirer. J’ai vu comment la réponse des policiers était violente, je n’ai pas envie de perdre un œil, un bras ou la vie ».
Aux abords de la Loire, à Nantes.
Aux abords de la Loire, à Nantes. BENOÎT ARRIDIAUX POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Se déclarant anarchiste communiste, Jérémy Bécue préfère lui aussi « se tenir éloigné des cortèges », expliquant, dans un clin d’œil à l’actualité : « Je suis d’accord avec la chanteuse Camélia Jordana qui a dit qu’elle ne se sentait pas sereine en face d’un flic. » La mort de George Floyd a rouvert les plaies. « Je ne dis pas que les policiers ou les gendarmes sont tous pareils, mais le souci, c’est qu’ils suivent des ordres et les ordres donnés ne sont pas toujours les bons, affirme Katell Simon. Je ne pensais pas que l’on pouvait être aspergé de gaz lacrymogène en France au motif que l’on ne respecte pas un pseudo-horaire. »
Le drame a balayé pour l’heure toute projection d’avenir heureux. « Les policiers n’auraient pas levé le petit doigt si, sur le quai Wilson, ils avaient trouvé un ballet de danse, un concert de musique classique ou un rassemblement de gens buvant du champagne, assène Aliyah Masy. Cette forme de répression s’orchestre toujours contre les musiques alternatives. On se sent tout le temps exclus, cela soulève une espèce de rage de tous les côtés. »
Justice en cours
Une information judiciaire contre X pour « homicide involontaire » a été ouverte le 30 juillet 2019. Etant donné la forte émotion suscitée localement et l’implication de la police, l’enquête est dépaysée au tribunal judiciaire de Rennes et confiée au juge David Benichou. Lequel est chargé d’instruire, depuis la fin du mois de mars, deux autres informations judiciaires contre X relatives à l’intervention policière : l’une vise des qualifications de « blessures involontaires, non-assistance à personne en danger, mise en danger de la vie d’autrui et violences volontaires sans ITT par personne dépositaire de l’autorité publique » et concerne les plaintes déposées par 89 participants à la fête, parmi lesquels figurent Jérémy Bécue et Dorine Perez ; l’autre a trait aux faits de violence dénoncés par les fonctionnaires de police.
L’heure de vérité approche, espère la famille de Steve Maia Caniço, dont les intérêts sont défendus par l’avocate nantaise Cécile de Oliveira. Des expertises techniques sont diligentées afin « de faire parler » le téléphone portable du défunt, remis en état de marche, confie Johanna Maia Caniço. « L’objectif, c’est d’obtenir une géolocalisation précise de la position de Steve au moment du drame, précise-t-elle. S’il est établi qu’au moment des tirs de grenades lacrymogènes mon frère se trouvait tout près du fleuve, alors il sera difficile de contester l’existence d’un lien de causalité entre l’intervention policière et la mort de Steve après sa chute dans la Loire. »
« ON N’A PAS TENU COMPTE DE LA CONFIGURATION DU LIEU. IL AURAIT PU Y AVOIR D’AUTRES MORTS. » PHILIPPE BOUSSION, SECRÉTAIRE RÉGIONAL DU SYNDICAT UNITÉ SGP POLICE FO
Le rapport de l’IGA a pointé « un manque de discernement dans la conduite de l’intervention de police » menée par le commissaire Grégoire Chassaing, officiellement muté sur ordre de M. Castaner. Si M. Schneider et Mme Puccinelli, au nom de l’IGA, indiquent que les forces de l’ordre ont agi « dans le cadre de la légitime défense » et attribuent à la relance de la musique « la cause première des violences de la nuit », les inspecteurs notent que l’opportunité de l’opération « peut être mise en doute ». Et ce, d’autant que la mairie de Nantes et la préfecture de Loire-Atlantique affirment ne pas avoir fixé d’horaire limite de fête à 4 heures du matin.
« Ce soir-là, on était dans le cadre d’une mission de sécurisation de la Fête de la musique et non dans une opération de maintien de l’ordre. Il n’y avait donc aucune urgence à faire cesser le son », cingle Philippe Boussion, secrétaire régional du syndicat Unité SGP Police FO. Le responsable syndical fustige « un ordre stupide » ayant eu pour conséquence « de mettre en difficulté les collègues engagés sur le terrain » et remarque : « Est-ce qu’à l’origine on était face à une population hostile ? Non, il s’agissait de jeunes qui s’amusaient. Et on n’a pas tenu compte de la configuration du lieu. Il aurait pu y avoir d’autres morts. » La famille de Steve Maia Caniço, résume Johanna, s’accroche à l’espoir de voir « la responsabilité des donneurs d’ordre reconnue » et « cette affaire servir de leçon ». « La vérité, tonne Jérémy Bécue, c’est que, s’il n’y avait pas eu les forces de l’ordre, Steve ne serait pas mort. Sans intervention, il aurait fini sa nuit tranquillement. Il se serait réveillé et serait rentré chez lui. »
Par contre, je te fais grâce des bisous.
Mon thread sur le jazz, principalement bop et post bop:
Dr Pouet
52037
Membre d’honneur
Membre depuis 20 ans
1067 Posté le 17/06/2020 à 13:08:04
Citation de déhache :
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/06/14/un-an-apres-les-proches-de-steve-entre-raves-et-cauchemar_6042810_4500055.html
Celui qui poste l'article entier, je lui fait des bisoux.
Quelques extraits déjà (le début) :
Citation :
« L’opération de police, telle qu’elle a été menée, était de la folie » : un an après la mort de Steve, l’amertume de ses proches
En juin 2019, à Nantes, la Fête de la musique se terminait par une intervention de la police. Ce soir-là, Steve Maia Caniço disparaissait dans la Loire. Aujourd’hui, ses amis attendent que justice lui soit rendue. Entre douleur ravivée par le meurtre de George Floyd et envie de vivre.
Un poing tendu, une paire de lunettes ressemblant à la monture que portait Steve Maia Caniço, l’initiale « S » pour son prénom et une date encrée à tout jamais sur la peau : « 21/06/2019 ». Le tatouage ne bougera pas. Il court sur la cuisse gauche de Jérémy Bécue. Bonnet siglé « Alternate future » (« un autre avenir ») sur la tête, le jeune homme de 25 ans, opérateur dans le secteur de l’industrie chimique, ne surjoue pas la colère. La mort l’a frôlé le samedi 22 juin 2019, peu après 4 heures du matin, quai Wilson, à Nantes (Loire-Atlantique), où se tenait une soirée techno à l’occasion de la Fête de la musique.
Neuf sound systems étaient encore alignés le long du quai dépourvu de parapet quand une vingtaine de policiers sont venus signifier aux fêtards qu’il était l’heure de couper le son. Les DJ ont commencé à remballer platines, amplis, égaliseurs, tables de mixage et murs d’enceintes. Vers 4 h 25, un sound system, encouragé par la foule, a fait résonner dans la nuit une ultime chanson, hymne antifa au titre évocateur : Porcherie, du groupe Bérurier noir. « Il y a eu des insultes qui ont fusé à l’adresse des policiers, se souvient Jérémy Bécue. Logique : on coupait notre fête. Mais, franchement, sur ce qu’il m’a été donné de voir, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Surtout, en teuf, tout le monde connaît les codes : quand on balance un morceau qui n’a rien à voir avec la techno, ça signe la fin de la soirée. »
Cette fois, la prolongation a viré au cauchemar. Outre les quolibets, les policiers affirment avoir essuyé des jets de projectiles. En retour, ils ont déversé une pluie de grenades lacrymogènes dans la nuit nantaise. La riposte a semé la confusion et la panique dans les rangs des fêtards aveuglés. « L’opération de police, telle qu’elle a été menée, était de la folie, décoche Jérémy Bécue. Qu’est-ce que cela pouvait faire que l’on continue à danser jusqu’à 7 heures du mat’? C’était vendredi soir, la Fête de la musique, et il n’y a pas d’habitations autour de la zone. Qui on embêtait ? Je ne comprends pas qu’on ait pu donner l’ordre d’intervenir alors que la Loire, dont tout le monde connaît la dangerosité, se trouvait à cinq ou dix mètres des gens venus faire la fête. »
Au moins sept personnes tombées à l’eau
« Pour se dégager, se protéger et reconquérir le terrain, les policiers ont fait usage de trente-trois grenades lacrymogènes, dix grenades de désencerclement et de douze tirs de lanceur de balle de défense », ont dénombré Jacques Schneider et Amélie Puccinelli dans le rapport qu’ils ont remis, au nom de l’inspection générale de l’administration (IGA), au ministère de l’intérieur, en septembre 2019.
Jérémy Bécue se remémore la foule courant en tous sens : « J’ai voulu m’écarter sans paniquer, explique-t-il. J’avais les yeux brûlants, il faisait nuit, je ne voyais rien, et puis mon pied gauche s’est retrouvé dans le vide : je suis parti à la flotte sans me rendre compte de ce qui arrivait. » Le jeune homme a commencé « à nager à contresens, sans parvenir à avancer », avant de se retourner pour se « laisser porter par le courant ». Le naufragé a réussi à agripper une corde accrochée au quai. Une voix dans son dos a appelé à l’aide : celle d’un homme de 25 ans, à l’épaule luxée après sa chute, et qui s’est cru « foutu » avant que Jérémy Bécue ne le ramène par le col.
« Qu’on nous charge comme des bêtes alors que l’on était en plein instant de liberté, c’est insoutenable. » Dorine Perez
Au moins sept personnes sont tombées à l’eau lors de l’opération des forces de l’ordre. Dans le bateau des secours, Jérémy Bécue a entendu un rescapé crier aux sauveteurs qu’il avait vu une silhouette masculine se noyer. « D’emblée, on a reçu le signalement d’une personne ayant coulé, confirme un membre de la Société nautique Atlantique, mandatée par la ville de Nantes pour patrouiller sur la Loire jusqu’à 8 heures du matin. Des gens tentaient d’éclairer l’eau avec leurs téléphones, mais on n’y voyait rien. La confusion était à son comble. »
Une vie a été engloutie cette nuit-là : celle de Steve Maia Caniço, 24 ans, animateur périscolaire passionné de musique électronique. Le jeune homme, qui ne savait pas nager, a péri noyé. À 3 heures du matin, fatigué, il avait prévenu ses amis qu’il allait se reposer un peu à l’écart de l’agitation, sur le quai. Son corps a été retrouvé, le 29 juillet, immergé à proximité de la grue Titan jaune, l’un des symboles de la ville de Nantes.
(...)
[ Dernière édition du message le 17/06/2020 à 13:08:27 ]
Jackbrelle
10480
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 16 ans
1068 Posté le 17/06/2020 à 19:00:26
Après un échange d'idées, chacun peut repartir avec la sienne.
sublime gate
7680
Je poste, donc je suis
Membre depuis 4 ans
1069 Posté le 17/06/2020 à 20:21:32
j'ai vu Mélenchon et j'ai préféré bifurquer.
je suis ceinture blanche de judo
Anonyme
85
1070 Posté le 17/06/2020 à 21:21:04
Citation :
Ça fait des années qu'ils harcèlent les teufs et les Raves, avec a chaque fois des prétextes archis bidons.
Citation :
Par contre, je te fais grâce des bisous.
Citation :
Quelques extraits déjà.
Waaohhh ! vos réponses vont au delà de mes espérances.
Effectivement faire la teuf aujourd'hui,est encore plus dur qu'auparavant, c'est à dire avant la gentrification de nos villes ,la mise en action à la 6eme vitesse du bulldozer économique, la militarisation de la société, l'atomisation du corps social; très difficile de résister, et de se désaliéner de tout ça,aussi la répression laisse des traces sur les corps, dans les têtes pour longtemps. Difficile & pénible pour les frêles épaules de tous les poêtes, les bidouilleurs du son, artistes en tout genres, les ravis de la danse, etc.
Que faire ? j'ai pas les solutions tout seul derrière mon écran, va falloir se parler, beaucoup, avant d'envisager un Revival joyeux, exultatoire, libératoire et organiser.
Qui sait un jour ou une nuit.
Merci encore, les potes.
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