Le fabricant de microphones autrichien Lewitt a sorti, l’année dernière, un microphone à simple capsule, permettant de réaliser des prises son stéréophoniques… Forcément, ça ne pouvait qu’attiser notre curiosité !
Nouveau venu dans le monde des microphones, la marque Lewitt commence progressivement à faire parler d’elle. En effet, si ses positions marketing restent encore assez discrètes (du moins, dans notre pays), le fabricant autrichien commence à gagner du terrain en proposant une gamme de microphones — pour le studio comme pour la scène — toujours plus étoffée.
Il y a plus d’un an, au salon du Musikmesse, j’avais eu la chance d’écouter — c’est un bien grand mot… — le microphone le plus « prestigieux » de la gamme, le LCT 940, dont le transformateur de sortie (lampes ou transistor FET) peut être choisi sur l’alimentation du micro. Comme il est très difficile de se faire une idée sur un salon, j’étais quelque peu frustré de ne pouvoir aller plus loin dans l’essai de ce microphone. Malgré tout, je me souviens d’avoir été assez séduit par le réalisme et la chaleur de ce micro. Ainsi, quand j’ai vu que Lewitt proposait de nouveaux éléments dans sa gamme, à des tarifs plus abordables, j’ai décidé d’en savoir un peu plus sur la qualité des produits de ce fabricant, en place seulement depuis 2010.
In the box
Le Lewitt LCT 640 TS est le nouveau venu dans la gamme de microphones de studio. C’est un produit un peu particulier auquel nous avons affaire, car il nous est vendu comme un microphone à condensateur possédant une simple capsule avec laquelle on peut effectuer des prises de son stéréo. En réalité, les deux diaphragmes de la même capsule possèdent chacun leur propre sortie (physique) et nous permettent — en théorie — de traiter les deux signaux différemment. Intéressant… Mais à tester.
Prenons d’abord le temps d’étudier le packaging de notre micro. Tout d’abord, il faut savoir que le LCT 640 TS est livré dans une petite mallette robuste et étanche, solidement renforcée de mousse.
Le micro est livré avec tout un panel d’accessoires très utiles. On retrouve logiquement la suspension, très commode dans ce cas de figure. Avec elle est également livrée une bonnette, pour des applications en extérieur ou nécessitant une isolation bien plus sévère qu’avec un simple filtre anti-pop. À ce sujet, la marque pense à tout, puisqu’elle propose de série un filtre conçu pour être utilisé directement sur le LCT 640 TS, et bien évidemment adapté à ses dimensions.
Qui dit deux sorties physiques dit forcément deux connectiques XLR… Mais si on regarde de plus près, on ne voit qu’une simple connectique XLR femelle standard à l’embase du microphone, comme n’importe quel autre… Que nenni ! Chez Lewitt on fait les choses de manière élégante et c’est en enlevant un petit capuchon situé sur le côté gauche du micro (quand il est face à nous) que l’on peut voir la fameuse seconde connectique, au format mini-XLR femelle. Évidemment, le LCT 640 TS est livré avec un (petit) câble adaptateur mini-XLR mâle vers XLR standard femelle… Et le tour est joué !
Commandes frontales
Le LCT 640 TS est un bel objet, agréable à la prise en main et solide dans sa fabrication. Dans son esthétique noire et verte fluo propre à la marque, je le trouve plutôt moderne, mais avec une forme et une conception qui, au fond, voudraient se faire l’écho des standards vintage si chers à nos oreilles… Si on regarde de plus près, on voit que le LCT 640 TS offre un panel de réglages plutôt bien fourni. En effet, l’implémentation des paramètres via un micro-contrôleur rappelle certains autres microphones statiques bien connus (type AKG 414 XLII) sauf qu’ici, tout est regroupé sur le devant du microphone. À l’usage, on finira par trouver cela pratique : plus besoin de regarder devant ET derrière le micro pour le régler à notre guise…
On peut donc, via ces commandes frontales, régler tout d’abord la polarité du microphone. À l’aide du bouton central, en bas, on peut choisir entre une directivité omnidirectionnelle, cardioïde « large » (d’après le fabricant, subcardioïde pour d’autres), cardioïde évidemment, hypercardioïde, et bidirectionnelle.
Grâce au bouton de gauche, on peut également appliquer un filtre coupe-bas, à 40, 80 Hz (à 12 dB/octave) ou 160 Hz (à 6dB/octave), pour une correction dans les fréquences basses plus ou moins sévère. Enfin, grâce au bouton de droite, on peut également appliquer une atténuation quant à la sensibilité du micro, de –6, –12 ou –18dB.
Le logo Lewitt présent sur l’avant du microphone n’est pas seulement là pour nous rappeler la marque du microphone. En effet, quand celui-ci est allumé de manière continue, en blanc, cela signifie que l’on utilise le microphone de manière « conventionnelle », c’est-à-dire en mode Multi-Pattern (avec la directivité, le filtrage et la sensibilité réglables comme on vient de le voir). Mais lorsque le logo se met à clignoter en rouge, c’est qu’on a fait clipper le microphone dès l’entrée, ce qui est dû à une source sonore trop forte. Avec une puissance admissible de 133,8 dB (A), on devrait néanmoins avoir un peu de marge…
Toutefois, si on le souhaite, on peut visualiser sur le micro si il y a eu une surcharge à l’entrée. Pour le voir, il suffit de rester appuyé 2 secondes sur le bouton de droite : si le logo clignote en blanc/vert, alors aucun clipping n’est intervenu. En revanche, si le logo se met à clignoter en rouge, alors le micro a saturé en entrée.
Enfin le Lewitt LCT 640 TS permet également, après un appui long de 2 secondes sur le bouton de gauche, de verrouiller les réglages que l’on aura effectués, afin que personne ne vienne commettre d’impair pendant l’enregistrement…
D’un point de vue technique, le LCT 640 TS se situe clairement dans la lignée des microphones à condensateur d’aujourd’hui. Utilisant un transducteur à gradient de pression, avec un diaphragme de 3 microns en Mylar et or évaporé, il affiche une sensibilité de 30,1 mV/Pa (en mode cardioïde), pour une pression acoustique maximale admissible de 133,8 dB (A) et un rapport signal/bruit de 83,5 dB.
Le mode multi-pattern
Écoutons d’abord ce que le LCT 640 TS a à nous dire dans sa version la plus « simple », c’est-à-dire en mode Multi-Pattern. J’ai décidé d’opter pour une directivité cardioïde et de le placer en face de différentes sources, aux côtés d’un Neumann U87 Ai. Je sais, vous me direz, le match n’est pas équilibré, puisqu’on n’est clairement pas dans la même gamme de prix ni de « standard ». Oui, mais, qu’on l’aime ou non, le U87 reste une référence que beaucoup de gens connaissent et c’est un point de départ pour se rendre compte de la réponse en fréquences et dynamique d’un microphone comme le LCT 640 TS.
Voici donc quelques extraits :
- 1 ACC U87 00:35
- 2 ACC LEWITT 00:35
- 3 MONO DRUM U87 00:32
- 4 MONO DRUM LEWITT 00:32
- 5 SPOKEN VOICE U87 00:24
- 6 SPOKEN VOICE LEWITT 00:24
Avec les réglages les plus simples, on se rend compte aisément que le signal délivré par le LCT 640 TS est clair et chaleureux à la fois, lui conférant un équilibre précision/douceur vraiment agréable. Sur la guitare acoustique, on récupère un bas précis, mais suffisamment présent, ainsi qu’une clarté dans l’aigu pas du tout désagréable.
Sur la batterie on perd un peu l’intérêt du bas, mais on récupère de la clarté sur les cymbales et le timbre de la caisse claire. Sur la voix, on obtient encore quelque chose de précis et malgré tout chaleureux.
Je ne pensais pas que le LCT 640 TS pourrait autant concurrencer un U87, que j’ai pourtant appris à aimer en de maintes occasions. Tout est affaire de goût, mais je trouve que, suivant les sources et le son désiré, le Lewitt se démarque vraiment bien et arrive à rivaliser sans problème avec le célèbre microphone allemand.
En mode stéréo et le plug-in Polarizer
Mais Lewitt ne s’arrête pas là. Comme je l’ai dit plus haut, le LCT 640 TS offre la possibilité, avec une seule capsule, d’enregistrer les deux faces des diaphragmes et ainsi, changer la directivité des capsules APRÈS enregistrement ! Mais comment diable est-ce possible ?
En réalité, c’est maintenant que la seconde connectique de sortie XLR du micro va nous servir. Mais pour ce faire, le microphone doit rentrer dans le Mode Dual Output, accessible grâce au panneau de commandes de la face avant. En effet, si vous vous souvenez bien, le logo de la marque LEWITT sur le devant du micro n’est pas qu’un simple témoin de présence d’alimentation fantôme à l’entrée du micro. En effet, si l’on appuie pendant 2 secondes sur le bouton central des commandes frontales, on accède au mode Dual Output qui nous permet de gérer indépendamment les deux sorties proposées par le LCT 640 TS. C’est pas amazing ça ?! Wow !
D’ailleurs, dans son manuel (bien rédigé, en anglais…) Lewitt nous rappelle quelques notions quant à la directivité des microphones et leur incidence sur les niveaux des diaphragmes avant/arrière.
Bien évidemment, dans ce mode Dual Output, on perd la possibilité de régler la directivité du microphone à l’avant de celui-ci (cela va sans dire…) puisqu’on va la régler… après, grâce au plug-in Polarizer ! Ce plug-in, disponible sur les plateformes PC et MAC, aux formats VST, AU et AAX est très facile à installer… et à utiliser.
En effet, outre les témoins de niveaux d’entrée et de sortie, il nous permet de régler la directivité du signal provenant des deux faces de la capsule. On peut ainsi jouer avec l’effet de proximité, l’angle d’admission, la réjection… Plutôt utile quand on enregistre plusieurs instruments dans une même pièce par exemple !
Voici le son « brut » des deux capsules, sans le plug-in Polarizer, hard pan gauche/droite. Petite précision quant aux différents extraits : le micro était placé pour réaliser la prise de son M/S, c’est-à-dire que le LCT 640 TS ne « regarde » pas le piano. En effet, les capsules « regardent » plutôt les côtés.
D’ailleurs — et c’est bien dommage ! – la suspension du micro ne permet pas de le faire tourner autour de son axe Y. Il faut donc tourner le pied de micro, pour que les côtés du LCT 640 TS « regardent » la source…
Voici maintenant les différentes directivités. Ne soyez donc pas étonnés si les résultats liés aux différentes directivités semblent un peu « étranges » : le micro (en cardio, sub-cardio et hypercardio) ne « regarde » pas le piano… Néanmoins, je trouvais intéressant de partager avec vous l’incidence sonore provoquée par les changements de directivité.
- 12 PNO LEWITT Omni 1 00:42
- 13 PNO LEWITT Sub Cardio 1 00:42
- 14 PNO LEWITT Cardio 1 00:42
- 15 PNO LEWITT Hyper Cardio 1 00:42
- 16 PNO LEWITT BiDirectionnel 00:42
- 17 PNO LEWITT Hypercardio 2 00:42
- 18 PNO LEWITT Cardio 2 00:42
- 19 PNO LEWITT Sub Cardio 2 00:42
- 20 PNO LEWITT Omni 2 00:42
Pour pousser le bouchon vraiment loin, il aurait peut-être fallu enregistrer le signal provenant d’une source que le LCT 640 TS « regarde » avec une directivité, puis la même source, enregistrée avec les deux capsules, passées dans le plug-in Polarizer et comparer… Évidemment, l’incidence des deux préamplis (contre un seul en mode Multi-Pattern) doit être non négligeable. Un test pas si simple à réaliser.
Voici une proposition de « faux » M/S du coup. Je dis « faux » puisque le M/S se fait à partir d’une directivité cardioïde et bidirectionnelle. En l’occurrence, pour avoir la directivité cardioïde, il faudrait que le micro « regarde » la source. J’ai donc ajouté un peu de signal Omni à la prise des deux capsules :
Écoutons maintenant ce que cela donne sur la batterie
- 22 DRUMS LEWITT Omni 00:39
- 23 DRUMS LEWITT Both Capsules 00:39
- 24 DRUMS LEWITT Fake MS 00:39
La prise à « deux capsules » se suffit presque à elle seule dans bien des cas, mais il est vrai qu’en rajoutant un peu de source Omni, on récupère un peu le centre… très absent de la prise avec les deux capsules seules. Pour être assez franc avec vous, je suis toujours assez sceptique quant aux fonctionnalités et autres petits « extras » que l’on peut proposer sur ce genre de produits. J’ai mis pas mal de temps avant de comprendre la raison d’être d’une telle fonction et j’ai essayé de me représenter dans quelles situations — réellement — je pourrais trouver une utilité à ce « changement de directivité » a posteriori.
La réponse, dans mon cas, est assez cruelle : pratiquement jamais. Pour la simple et bonne raison que je ne remets que très rarement les décisions techniques à plus tard et que, moins j’ai de pistes à gérer, mieux je me porte ! En revanche, d’un point de vue technologique, je dois reconnaître que le système a été bien pensé ; il est vrai que parfois, on pourrait avoir besoin de modifier la directivité d’un microphone après l’enregistrement pour optimiser le timbre, la réponse en fréquences, les reprises d’une source dans un micro, etc. C’est d’autant plus vrai à mon sens lorsqu’on enregistre une formation de plusieurs musiciens (ou interprètes) dans une même pièce et que l’ont a besoin d’optimiser les relations sources/distances pour chacun. Mais attention, qui dit deux signaux dit… deux préamplis identiques.
D’un point de vue utilisateur, il faut le dire : le plug-in Polarizer est très simple d’utilisation. Huit directivités possibles, visualisation des Input/Output sur le plug-in, petit diagramme polaire et basta ! En revanche — et c’est un peu l’argument commercial de Lewitt au sujet de ce microphone — j’aurais aimé que la marque autrichienne nous facilite le travail quant à la prise de son M/S. Je m’explique.
L’inconvénient, d’un point de vue technologique, c’est que l’on est obligé d’avoir recours à deux préamplis similaires, réglés de la même façon, sur les deux faces de la capsule, pour que le mode Dual Output soit vraiment optimum. Mais une fois dans notre STAN, il faut du coup dupliquer la piste (enfin les deux pistes, face 1 et 2 de la capsule) pour obtenir premièrement la directivité omni et la directivité bidirectionnelle de la capsule… Quatre pistes au moins sont nécessaires pour réaliser une prise de son MS (et encore, pas avec une directivité cardioïde au centre…).
Ma question est donc : pourquoi Lewitt ne propose-t-il pas, directement dans son plug-in Polarizer, un mode M/S nous permettant d’encoder/décoder simplement les deux signaux provenant des deux faces de la capsule ? Je sais, je fais la fine bouche — évidemment — mais nous savons tous à quel point nous manquons toujours de temps en studio et que, quitte à nous proposer encore plus de possibilités (et de complications !), autant nous proposer les solutions complètes qui vont avec !
Conclusion
La marque autrichienne Lewitt fait preuve d’innovation avec ce microphone à simple capsule dont la directivité peut être modifiée après enregistrement. Si le concept de la double capsule au sein d’un même microphone n’est pas nouveau, celui de la simple capsule dont les deux faces peuvent être enregistrées séparément est assez singulier. Dans sa version « usuelle », le Lewitt LCT 640 TS délivre un son chaud et précis à la fois, très agréable à l’oreille, le plaçant directement dans la position de challenger très sérieux face à des concurrents établis aux tarifs bien plus élevés. Dans sa version Dual Output, il offre des possibilités de directivités assez inédites et permet même de réaliser des prises de son faussement M/S via le plug-in Polarizer livré avec le microphone, le tout pour un tarif de 899 € TTC (prix public conseillé). Et si ces fonctionnalités vous paraissent inutiles, sachez qu’il existe une version « simplifiée » du micro, le LCT 640, annoncé au tarif de 799 € TTC. Avec autant d’avantages, le Lewitt LCT 640 TS ne devrait pas tarder de se faire remarquer…
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