Adoré ou décrié, le Neumann U87ai est un standard dans le monde de l'audio pro. Chant, rap, pop, métal, doublage, voice-over, ce micro légendaire est omniprésent. Il méritait bien un petit test made in Audiofanzine.
Le Neumann U87 est l’un des grands classiques des microphones statiques à large membrane. Réputé depuis maintenant bientôt 60 ans pour l’enregistrement d’instruments, mais aussi de voix, le U87 se trouve dans quasiment tous les studios d’enregistrement, que cela soit pour de la musique, de la post production ou des podcasts. Pourquoi ce micro est-il devenu si emblématique ? Et pourquoi tant de musiciens le réclament-ils pour leurs enregistrements ?
La petite histoire
Dans le courant des années 1960, Neumann est une société déjà bien implantée dans le milieu de l’audio pro. Bien connue pour la fabrication de micros à lampes à large capsule (dont entre autres les fameux U47, M49, et U67) comme à petite capsule (KM 53, KM54, KM64…), la marque allemande voulut développer une nouvelle gamme de produits basée sur une technologie bien différente : les microphones à semi-conducteurs. Ces nouveaux micros statiques proposent en particulier deux gros avantages par rapport à leurs prédécesseurs :
- leur électronique ne comprenant plus d’étage à lampes, les statiques offrent des qualités techniques plus « stables », plus constantes dans le temps (la durée de vie des lampes est assez variable et leur déclin au fil du temps peut avoir une incidence très importante sur le rendu sonore). L’absence de lampes les rend également moins enclins à saturer.
- une simple alimentation fantôme suffit à les alimenter, qu’importe le microphone statique utilisé. Au revoir les grosses alimentations externes couteuses, bienvenue à la standardisation des alimentations.
Ainsi naquit en 1967 le U87, premier microphone statique à large membrane, censé être une version FET du célèbre U67. La capsule du U87 reprit le design de celle du U67 (la K67) et fut retravaillée sous le nom de K87. Le circuit d’amplification à tube, lui, fût logiquement remplacé par un à transformateur.
Quelques années plus tard, le U87 fut à son tour légèrement modifié par Neumann avec le retour de la capsule K67 et l’ajout d’un convertisseur de tension DC/DC ayant pour incidence une baisse du bruit de fond et un gain de sortie 10 dB plus élevé. De son côté, la prise Teuchel fit place à une prise XLR devenue alors plus standard. Et voilà le U87ai !
U87 vs U87AI
Avec la naissance du U87ai, une polémique débuta dans le milieu audio pro : quelle version du U87 était donc la meilleure ? Valait-il mieux en privilégier une sur l’autre ou pouvait-on considérer ces micros comme identiques — ou du moins comme très proches ? Le gain de sortie du U87ai est effectivement plus fort et il semble mettre un peu plus en avant les fréquences médiums/hauts médiums (souvent qualifiées d’un peu dures) que la version originale. Mais sachant que l’« original » n’est plus construit et que chaque U87 vintage sonne toujours légèrement différemment d’un autre, il est bien difficile de trancher de façon claire et nette. Le débat est toujours ouvert et souvent source de désaccords. Si différences il y a, les deux micros restent pourtant bien dans la même famille sonore et tous deux ont maintes fois prouvé mériter leur statut de micros iconiques.
La Batterie
Prise de semi-proximité et prise d’ambiance
Attaquons avec une prise batterie, placé en overhead, position pour laquelle le U87ai est très souvent utilisé. Dès la première écoute, l’équilibre général semble parfait. Le son est ouvert et plein. Tous les éléments de la batterie sont présents et bien dissociables. Les aigus ne sont pas trop agressifs, la dynamique de l’instrument très bien retranscrite, le résultat est très bon. En comparaison avec un Coles 4038, le Neumann ne démérite pas : nous sommes plus sur une histoire de couleur que de qualité. Bien que le Neumann ait moins de corpulence et de gras, son équilibre est aussi bon et sa gamme de fréquences plus ouverte le rend d’autant plus polyvalent. Seul manque au général un peu de grosse caisse pour rendre la prise totalement efficace. Cependant, cela est principalement dû à la position plus qu’au micro lui-même (la même remarque peut d’ailleurs également s’appliquer au Coles) et l’ajout d’un simple micro d’appoint résoudrait cela.
À un mètre de distance, face à la batterie, le U87ai délivre alors une couleur bien moins mate et bien plus « roomy », encore plus ouverte. Cette fois l’équilibre des futs est bien meilleur, surtout le rapport kick/snare. Vous remarquerez par contre que le timbre de la caisse claire est plus accentué et les cymbales bien plus nerveuses, plus dures.
Une fois le micro plus éloigné, en position room, la directivité est commutée en omnidirectionnelle (une directivité bidirectionnelle est également possible). Le U87ai conserve toujours cet équilibre et cette définition qui lui est propre. Sur cette position, le Neumann approfondit l’espace de l’instrument, le son est plus rond et un peu plus doux, Parfait pour rajouter un peu d’air ou pour donner un son plus vivant à votre instrument et un compresseur bien nerveux est l’unique pièce manquante pour avoir une belle prise d’ambiance.
Chacune de ses trois positions amène une couleur très personnelle et le U87ai n’y est jamais mis en défaut, bien au contraire. En prise lointaine comme en semi-proximité, il prouve toutes ses qualités et fait montre d’excellence.
Histoire de donner un challenger au Neumann, les mêmes prises d’ambiance furent effectuées avec un AKG 414 XLS, autre grand classique des statiques à large membrane. Les mêmes directivités lui furent appliquées selon les prises. Face au son assez droit de l’AKG, saute alors aux oreilles cette couleur si typique des micros Neumann avec des médiums bien affirmés, pas agressifs, mais assez prédominants.
- 01a U87 OH00:17
- 01b Coles OH00:17
- 02b Drums Front 41400:20
- 03a Drums Room U8700:20
- 03b Drums Room 41400:20
Prise de proximité
Tant que la pression acoustique et la dynamique de l’instrument ne sont pas trop élevées, le U87ai se comporte à merveille. Malheureusement, en proximité, sur des attaques rapides et puissantes comme les toms ou la caisse claire, le Neumann montre très rapidement ses limites.
Impossible de l’installer devant les futs sans que la capsule ne sature et n’écrête le signal.. Même une fois le pad –10 dB enclenché. Un U87 vintage le supporterait-il ? Possible… toujours est-il que si le Neumann pouvait se révéler magnifique sur les toms, je ne saurais vous conseiller de le faire pour des styles de jeu assez doux (voire même aux balais). Quant à la caisse claire, est-il vraiment nécessaire d’y mettre un micro à ce prix ? Il prend beaucoup de place et risque de se prendre un malencontreux coup de baguette… nous n’avons de plus jamais trouvé une position pour laquelle il ne saturait pas… Voilà pourquoi il semblait un peu superflu de vous mettre des extraits audios des prises de futs en proximité…
Sur la grosse caisse, placé légèrement en biais et un peu en retrait afin de ne pas trop stresser la cellule, le micro s’en sort un peu mieux, mais la capsule est vraiment à l’extrême limite de la saturation… N’est pas un U47 FET qui veut… Dès lors, adjoint au Coles en overhead, la prise fonctionne plutôt bien malgré la diaphonie du Neumann qui change tout de même profondément le son de la caisse claire et des toms.
Sur le charley, la cellule n’a plus aucun problème de saturation et le son est bien défini. La couleur générale est plutôt agréable. Préparez-vous tout de même à une diaphonie assez forte (même si aucune sensation de déphasage désagréable ne se fait sentir). Le micro reprend beaucoup les autres futs et, comme pour le kick, cela pourrait vite devenir ennuyeux lors du mix. Cette position ne sera donc vraiment pertinente qu’en fonction principalement du jeu et du son de votre batteur.
- 05b U87 Kick + Oh00:17
- 05c Kick OH Solo00:17
- 06a U87 HH00:19
- 06b U87 HH + OH00:19
- 06c Coles OH Solo00:19
- 05a U87 Kick00:17
La Basse et Les Guitares
Basse
Testons maintenant devant un bon vieil Ampeg B15 !
De suite, le U87ai apporte un bel équilibre et un claquant très intéressant. Pas de saturation cette fois. Au contraire : un son clair et distinct. Le bas, les aigus, tout y est, rien n’entache la prise. La basse prend toute son ampleur et la piste ne réclame aucun ajustement. Sur le son clair, les similitudes avec le Re20 sont très fines. Les deux sont très proches et tout aussi qualitatifs. Le U87ai semble tout de même descendre moins bas, être légèrement moins rond tout en étant par contre plus précis et plus ouvert dans les aigus. La seule façon de les départager est purement subjective, et donc simplement une question de goût.
Sur les basses Fuzz, les différences se font plus nettes. On retrouve bien le côté « médiums en avant » du son Neumann. Le rendu est plus nasal et moins tenu que le Re20, mais peut être bien avantageux pour passer dans le mix. Une fois de plus, la qualité est là !
- Bass U8700:27
- Bass Re2000:27
- Bass U87 B00:23
- Bass Re20 B00:23
- Bass U87 Fuzz00:27
- Bass Re20 Fuzz00:27
- Bass U87 B Fuzz00:26
- Bass Re20 B Fuzz00:26
Les Guitares électriques
Comme avec l’ampli basse, le U87ai se porte très bien devant un ampli guitare. Le son est profond, le bas ne bave pas, et aucun sub inconvenant ne se fait sentir. Toujours cet agréable médium Neumann-esque qui engendre une belle présence, bien utile pour des guitares électriques. Les coups de médiator n’en ressortent que mieux (surtout sur la guitare palm-mute). Sur la guitare fuzz, le Neumann produit un son bien mordant. Il est certes moins « méchant » que le SM 57, mais suffit amplement pour faire sortir la guitare du mix sans devenir trop fatiguant à l’écoute. Il est également plus droit et plus généreux dans le bas du spectre, laissant pourtant une place parfaite pour la basse.
Qu’importe le style de jeu, le U87ai restitue parfaitement les différentes couleurs et dynamiques de la guitare électrique et nous retrouvons très vite un son facilement identifiable et entendu sur nombre d’albums. Encore une réussite !
- Gtr Elec U87 Surf00:20
- Gtr Elec Sm57 Surf00:20
- Gtr Elec U87 Arpege00:27
- Gtr Elec Sm57 Arpege00:27
- Gtr Elec U87 PalmMute00:24
- Gtr Elec Sm57 PalmMute00:24
- Gtr Elec U87 Fuzz00:25
- Gtr Elec Sm57 Fuzz00:25
Les guitares acoustiques
Au tour de la guitare acoustique avec le micro placé juste devant la rosace.
Tel quel, le Neumann procure une très belle rondeur. Le jeu de médiator est bien valorisé et la guitare garde une belle corpulence. Sur la prise d’arpège aux doigts, la couleur du U87ai est superbe. Bien boisée et chaleureuse. La définition du micro contribue à amplifier avec précision le jeu des doigts et des cordes pincées.
Sur la prise avec le coupe-bas, le corps de la guitare disparaît un peu et le son semble un peu sabré. Néanmoins, la définition est toujours aussi belle et la prise aura l’avantage de mieux s’insérer avec les autres instruments. Le coupe-bas prend vraiment son sens sur le jeu aux doigts. Il enlève alors tout le bas-médium, splendide pour un guitare-voix, mais pas forcément indispensable dans le contexte d’une musique très « produite » et plus chargée.
- Gtr Ac U8700:13
- Gtr Ac U87 LoCut00:13
- Gtr Ac Arpege U8700:14
- Gtr Ac Arpege U87 LoCut00:16
Les Clochettes et la Voix
Les clochettes
Les prises de percussions comme des clochettes permettent de tester un microphone sur sa gestion de la dynamique et des hautes fréquences. Autant le U87ai n’était pas au mieux de sa forme face à des futs bien gras et puissants, autant il excelle sur cet exercice. La restitution des aigus est admirable (présents, mais sans aucune dureté), tout comme celle du timbre de l’instrument et de ses harmoniques. La dynamique est très bien restituée et garde cette attaque fine, perçante, si typique des clochettes. Le Neumann s’en sort haut la main.
La voix
Le U87ai est l’un des microphones les plus demandés pour les enregistrements de voix et l’un des micros les plus « sécurisants » : votre prise ne sera jamais mauvaise et facilement « mixable ». Il est donc facile de comprendre pourquoi il s’agit souvent d’un des premiers choix des ingénieurs.
Écoutez comme le micro apporte toujours un beau médium, idéalement mis en valeur pour que la voix surnage bien dans un mix. La petite bosse dans les aigus (cf. la courbe de fréquences) aide à l’intelligibilité et à la clarté de la voix. Notez, à propos, sa gestion des sifflantes : définies et très bien contrôlées. La restitution globale est vraiment agréable.
Une fois le coupe-bas activé : on observe une chute de gain. Enlever du bas retire forcément quelques décibels au gain général et je soupçonne aussi le chanteur de ne pas avoir placé exactement sa voix de la même façon entre les deux prises. Le coupe-bas fait son travail, mais le résultat perd à mon goût un peu trop de présence. L’équilibre semblait si bon que la voix paraît alors amputée d’une partie de son spectre. Remis dans le contexte d’un mix bien fourni, le coupe-bas met plus en relief la précision des médiums et la voix tranchera à nouveau plus facilement dans la musique.
Sur la prise parlée, nous retrouvons un beau bas médium assez prédominant et l’on remarque qu’il sera aisé, en jouant avec l’effet de proximité, de faire de grosses voix façon bande-annonce de film. Le coupe-bas se fait alors plus pertinent et atténue les effets de proximité trop excessifs (cf. les plosives sur les fichiers audio) tout en gardant une belle présence.
Sur du parlé comme sur du chanté, la captation de la voix est très bien gérée et ne fait que confirmer tout le bien que l’on pouvait penser de ce microphone.
- Bells U8700:20
- Vx U8700:12
- Vx U87 LoCut00:13
- Spoken U8700:10
- Spoken U87 LoCut00:09
Conclusion
Ce n’est pas pour rien que le U87ai est quasi indispensable dans un studio d’enregistrement. Il fonctionne sur quasiment toutes les sources sonores et fait partie des grands classiques pour les prises d’instruments électriques et acoustiques, percussifs ou mélodiques, ou en proximité comme en ambiance. Ultra polyvalent, sa seule petite faiblesse semble être en proximité d’éléments percussifs et puissants. En fonction de la source, le Neumann ne sera peut-être pas non plus toujours le microphone le plus adéquat ni le plus ultime, néanmoins, il ne sonnera jamais vraiment mal et délivrera toujours un son satisfaisant.
Si le prix paraît un peu exagéré, pour ne pas dire exorbitant (et je ne vous parle pas du prix de la suspension…), la qualité est belle et bien là et l’on paie également un nom, un renom. Suffisamment réputé pour rassurer clients, artistes et producteurs.
Pour de la musique, de la postproduction, du podcast ou autre, ne le négligez pas ! Car à moins que vous ne soyez totalement réfractaire au son Neumann, le U87ai est un très bel outil qui ne vous fera jamais défaut !