La marque russo-américaine fait à nouveau parler d’elle et dévoile un nouveau micro: le Soyuz 1973. Mais que se cache donc derrière un si petit microphone (pourtant large membrane) au prix si attractif?

Atypique donc que cette union entre deux pays si éloignés l’un de l’autre, géographiquement et politiquement. Mais atypique également par le parti pris : se présenter comme une société à taille humaine où la rigueur, l’excellence et l’humain prime sur la rentabilité. Tous leurs produits sont construits sur place et assemblés à la main, offrant une qualité exceptionnelle.
Cette rigueur impose de facto un tarif plus élevé qu’un « simple » micro industrialisé en Asie. Et après avoir développé différents microphones à large ou petite membrane au tarif quelque peu rédhibitoire pour le commun des ingénieurs du son, Soyuz a cherché les meilleurs compromis possibles afin de proposer un nouveau microphone statique pour un prix bien plus avenant. Mesdames, messieurs, voici le Soyuz 1973 !
Si votre ramage se rapporte à votre plumage…
Hormis le micro en lui-même et sa suspension, se trouve à l’intérieur une enveloppe en papier kraft (ou comment faire vintage et joli avec une idée toute simple). Dedans sont comprises une courbe de réponse – personnalisée au numéro de série du micro – ainsi que des cartes de contrôle de qualité, signées et datées par les différents techniciens ayant travaillé sur votre exemplaire du 1973. « Ah ben super, mais ça sert à quoi ? » Et bien justement. Prenant le contre-pied des micros industriels et sans âme produits à tour de bras de façon générique, ces informations personnalisent d’autant plus votre microphone et prouvent tout le sérieux et la qualité induite dans le travail des ingénieurs de Soyuz. À l’instar d’un produit Fearn ou Schoeps, cela ne fait que confirmer que vous venez d’acheter un produit d’exception, fait main, avec la recherche de perfection la plus grande possible. « C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi cela veut dire beaucoup ».
Bon d’accord ? Mais le micro ?
Afin de garder un tarif assez avantageux, les concepteurs ont fait le choix d’une directivité fixe : le Soyuz est en conséquence un microphone cardioïde, la polarité la plus usitée et la plus polyvalente pour les petits budgets.
Enfin, parlons de la suspension du microphone. Sur le même principe que celle du TLM103, la suspension vient donc se fixer sur la base du micro. Elle permet d’installer le micro de façon rapide et dans à peu près toutes les positions possibles, mais j’ai trouvé qu’elle conduisait un peu trop les vibrations à mon goût. S’il fallait noter un point négatif, cela serait donc à ce sujet. Et s’il est compréhensible que des économies de fabrication soient gagnées sur ce point, je trouve tout de même dommage que Soyuz n’ait pas pensé à une seconde suspension en option, plus conséquente, plus costaude et, in fine, plus efficace. Évidemment, la petitesse du micro ne facilite aucunement l’affaire… mais une suspension avec des élastiques aurait été plus que bienvenue.
Sur une voix masculine
Pour un premier essai sur une voix masculine, nous l’avons comparé à un Neumann U87ai. En aucune façon l’idée première fut de comparer les deux micros, le Neumann coûtant 3 fois le prix du Soyuz. L’idée était plutôt d’avoir avec le U87, un son référent, classique, qui puisse parler à tout le monde. Et dès les premières secondes, toutes les personnes présentes dans la régie comme le chanteur furent étonnées des prouesses du Soyuz…
Étonné par cette claque sonore, un second coup d’œil à la courbe de fréquences explique beaucoup de choses : comme pour le reste, il est évident que Soyuz assume ses caractéristiques et la courbe est bien loin d’être plane. Loin de là ! Deux pics vers 2,5 kHz et 4,5 kHz avant une descente en escalier à partir de 5 kHz expliquent ces médiums en avant et cette onctuosité dans les aigus. Non, le micro n’est pas uniforme, et c’est très bien !
Et donc ? Cette comparaison avec le 87 ?
En écoutant un peu plus précisément, le Neumann propose un son un peu plus pincé avec un « graillon » un peu plus présent là où le Soyuz parait plus mat, plus doux. Cette présence très « neumannesque » est adorée ou décriée selon les goûts, mais elle se trouve justement complètement gommée avec le Soyuz 1973 qui, lui aussi, présente des médiums bien en avant, mais sur une gamme de fréquences plus basse que sur le U87.
Sur la reprise de Brassens, avec une voix plus douce, le bas apporté par le Soyuz est un poil trop véhément et la prise aurait pu réclamer une petite retouche à l’égalisation. Le son est toujours aussi moelleux, mais peut-être un poil trop. Il faut avouer que le U87, toujours un peu plus pincé et ouvert, peut sans doute paraître alors plus facile à intégrer dans un mix complexe.
Quoiqu’il en soit, le résultat obtenu avec chaque micro est très agréable et le Soyuz ne démérite aucunement face au Neumann. Mieux que cela : il offre une tout autre couleur sonore et il ne tient vraiment qu’à chacun d’y trouver sa préférence.
Et face à un TLM103 ?
Sur la reprise de Bowie, avec cette voix plus poussée, le TLM 103 offre bien cette couleur Neumann dans les médiums, mais de façon encore plus pincée que le U87, plus restreinte, voire presque nasale. A contrario le Soyuz atténue la dureté de la voix par un son assez ample et des attaques beaucoup plus douces (cf. la phrase « boys, toys… »). Lors d’un autre essai sur un morceau bien plus doux (Beatles), le Soyuz prouve une fois de plus son efficacité et sublime la voix soufflée. La douceur de la prise de voix et son moelleux évoquent légèrement les gros micros à lampes et la couleur obtenue sur le souffle de la voix me rappelle (toutes proportions gardées, bien entendu) la douceur d’un disque de Chet Baker.
Et sur une voix féminine ?
Le dernier extrait sonore démontre une fois de plus la qualité du micro, cette fois-ci sur la gestion de la dynamique. Si le son du Soyuz est peut-être un peu trop ouvert sur le passage pianissimo et aurait pu réclamer l’usage d’un petit déesseur, la couleur des deux micros se rejoint étonnamment sur les passages fortissimos et les deux microphones encaissent parfaitement la puissance acoustique sans l’ajout du pad ni besoin que l’artiste se recule. Comme lors des tests précédents, j’avoue avoir toujours une légère préférence pour le Soyuz et son moelleux incomparable qui atténue très naturellement les attaques des passages plus poussés, améliorant l’homogénéité globale de l’enregistrement.

- E1 Sinatra Soyuz 197300:42
- E2 Sinatra Akg 414xls00:42
- F1 ForNonBlondes Soyuz 197300:59
- F2 ForNonBlondes Akg 414xls00:59
Soyuz et Guitare
Sur un jeu en aller-retour, le TLM103 semble manquer un peu de corps et de bas médium tout en offrant un son plus incisif. La prise sera sans aucun doute plus facile à insérer dans un morceau chargé, mais apportera bien moins de chaleur globale au morceau qu’avec le Soyuz et sa rondeur, sa douceur toujours si bluffantes.
Une fois de plus, les deux micros montrent leur(s) talent(s) réciproque(s), mais dans les deux cas la qualité est au rendez-vous et s’il ne fallait en choisir qu’un, cela ne serait qu’un choix subjectif et/ou purement artistique.
Conclusion
Soyuz est, à mon avis, une grande marque en devenir. Avoir l’intelligence de développer un look atypique comme sa propre couleur sonore, ouverte et chaleureuse, moderne et vintage à la fois est une vraie gageure et la marque d’une identité très marquée et remarquable. La polyvalence du micro est plus que manifeste et l’utiliser pour des prises batteries, de piano ou de guitares électriques ne me poserait aucun problème tant sa restitution est agréable et hautement qualitative. À vous de voir si la couleur Soyuz vous plaira, mais il ne fait aucun doute qu’il appartient à la même ligue que les AKG 414, Neumann TLM103 et consorts. Le 1973 est un merveilleux microphone. Un futur classique ?