La marque russo-américaine fait à nouveau parler d’elle et dévoile un nouveau micro: le Soyuz 1973. Mais que se cache donc derrière un si petit microphone (pourtant large membrane) au prix si attractif?
Créée en 2013, Soyuz est une marque dont on ne cesse d’entendre parler. Basée sur une union (« soyuz » en russe) atypique entre un musicien américain et un businessman russe, la marque promeut des produits haut de gamme et hautement appréciés dans le monde de l’enregistrement. Et si ces produits sont conçus et vendus via les États-Unis, c’est dans la ville de Tula, en Russie que les micros sont entièrement manufacturés.
Atypique donc que cette union entre deux pays si éloignés l’un de l’autre, géographiquement et politiquement. Mais atypique également par le parti pris : se présenter comme une société à taille humaine où la rigueur, l’excellence et l’humain prime sur la rentabilité. Tous leurs produits sont construits sur place et assemblés à la main, offrant une qualité exceptionnelle.
Cette rigueur impose de facto un tarif plus élevé qu’un « simple » micro industrialisé en Asie. Et après avoir développé différents microphones à large ou petite membrane au tarif quelque peu rédhibitoire pour le commun des ingénieurs du son, Soyuz a cherché les meilleurs compromis possibles afin de proposer un nouveau microphone statique pour un prix bien plus avenant. Mesdames, messieurs, voici le Soyuz 1973 !
Si votre ramage se rapporte à votre plumage…
Rarement la réception d’un microphone n’a procuré tel sourire : le packaging est tout bonnement parfait. Le micro arrive dans une petite et bien belle boîte en carton. Sa taille comme son aspect un peu vieilli aux couleurs légèrement passées détonnent par rapport au packaging moderne, flashy, et souvent impersonnel prôné par de nombreuses marques modernes. Mais justement, l’intention de la marque est d’emblée on ne peut plus explicite : se démarquer totalement de ses concurrents et afficher une originalité propre, une personnalité assumée.
Hormis le micro en lui-même et sa suspension, se trouve à l’intérieur une enveloppe en papier kraft (ou comment faire vintage et joli avec une idée toute simple). Dedans sont comprises une courbe de réponse – personnalisée au numéro de série du micro – ainsi que des cartes de contrôle de qualité, signées et datées par les différents techniciens ayant travaillé sur votre exemplaire du 1973. « Ah ben super, mais ça sert à quoi ? » Et bien justement. Prenant le contre-pied des micros industriels et sans âme produits à tour de bras de façon générique, ces informations personnalisent d’autant plus votre microphone et prouvent tout le sérieux et la qualité induite dans le travail des ingénieurs de Soyuz. À l’instar d’un produit Fearn ou Schoeps, cela ne fait que confirmer que vous venez d’acheter un produit d’exception, fait main, avec la recherche de perfection la plus grande possible. « C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi cela veut dire beaucoup ».
Bon d’accord ? Mais le micro ?
Soyuz est habitué à produire des micros au look vintage et assez original (comme le Soyuz 017 par exemple). Est-ce pour des histoires de coût ou pour marquer une différence avec ces produits plus haut de gamme ? Toujours est-il que le 1973 présente un format un peu plus classique et ce n’est que par sa taille réduite que le Soyuz 1973 fait montre d’originalité. Car pour un micro à large membrane, le 1973 est extrêmement petit : à peine 100 mm de haut, soit encore moins grand qu’un Tlm103. Avec une telle taille, difficile d’intégrer à son corps plusieurs filtres ou autres options. Seul un pad (-10 dB ou –20 dB) est caché sous le microphone, à proximité de la prise XLR. Au vu du diamètre du 1973, on comprend que l’accès à ce switch soit assez réduit, mais j’avoue avoir trouvé sa lisibilité comme son activation un peu délicate et je trouve dommage qu’il n’ait pas été un poil plus grand.
Afin de garder un tarif assez avantageux, les concepteurs ont fait le choix d’une directivité fixe : le Soyuz est en conséquence un microphone cardioïde, la polarité la plus usitée et la plus polyvalente pour les petits budgets.
Enfin, parlons de la suspension du microphone. Sur le même principe que celle du TLM103, la suspension vient donc se fixer sur la base du micro. Elle permet d’installer le micro de façon rapide et dans à peu près toutes les positions possibles, mais j’ai trouvé qu’elle conduisait un peu trop les vibrations à mon goût. S’il fallait noter un point négatif, cela serait donc à ce sujet. Et s’il est compréhensible que des économies de fabrication soient gagnées sur ce point, je trouve tout de même dommage que Soyuz n’ait pas pensé à une seconde suspension en option, plus conséquente, plus costaude et, in fine, plus efficace. Évidemment, la petitesse du micro ne facilite aucunement l’affaire… mais une suspension avec des élastiques aurait été plus que bienvenue.
Sur une voix masculine
Pour un premier essai sur une voix masculine, nous l’avons comparé à un Neumann U87ai. En aucune façon l’idée première fut de comparer les deux micros, le Neumann coûtant 3 fois le prix du Soyuz. L’idée était plutôt d’avoir avec le U87, un son référent, classique, qui puisse parler à tout le monde. Et dès les premières secondes, toutes les personnes présentes dans la régie comme le chanteur furent étonnées des prouesses du Soyuz…
Quelle découverte ! Quel plaisir ! Et le principal mot qui me vint à l’esprit fut « Enfin ! ». Car oui ! Enfin ! Enfin un micro qui ne cherche pas à copier telle ou telle marque ou à ressusciter un son ou une couleur du siècle passé. Le Soyuz possède SON propre son et toutes les remarques sur le côté atypique de la marque ne furent que confirmées lors de ce test : le 1973 est typé et possède sa propre personnalité, totalement assumée. Il en fait même son avantage premier ! Enfin un constructeur qui cherche à développer un nouveau son ! Le résultat est chaleureux, doux, presque moelleux. Le rendu dans le bas du spectre est très bien géré, chose assez incroyable pour un si petit microphone. Les médiums sont bien présents, mais sans aucune dureté et les aigus… Ah, les aigus… Ouverts, mais d’une douceur folle. S’il fallait absolument comparer, on pourrait être tenté de penser à un U67 pour cette présence dans les médiums et cette chaleur dans les aigus. Également pour cette polyvalence qui semble d’emblée l’une des grandes caractéristiques de ce micro. Mais ce n’est pas seulement cela. Primo, car le Soyuz n’est pas un micro à lampes et garde donc toute la dynamique d’un micro statique. Secundo, car le bas est un plus généreux qu’avec un U67 sans toutefois atteindre l’épaisseur d’un U47. Et tertio, car le Soyuz ne concourt évidemment pas dans la même gamme qu’un gros micro à lampes ! En somme, le Soyuz possède la couleur Soyuz ! Moderne et vintage à la fois.
Étonné par cette claque sonore, un second coup d’œil à la courbe de fréquences explique beaucoup de choses : comme pour le reste, il est évident que Soyuz assume ses caractéristiques et la courbe est bien loin d’être plane. Loin de là ! Deux pics vers 2,5 kHz et 4,5 kHz avant une descente en escalier à partir de 5 kHz expliquent ces médiums en avant et cette onctuosité dans les aigus. Non, le micro n’est pas uniforme, et c’est très bien !
Et donc ? Cette comparaison avec le 87 ?
Le U87 et le Soyuz 1973 apportent tous les deux une reproduction très réaliste et très équilibrée de la voix du chanteur. Les deux micros amènent une couleur rapidement identifiable et pour chacun, le résultat aurait entièrement pu convenir comme prise de voix définitive.
En écoutant un peu plus précisément, le Neumann propose un son un peu plus pincé avec un « graillon » un peu plus présent là où le Soyuz parait plus mat, plus doux. Cette présence très « neumannesque » est adorée ou décriée selon les goûts, mais elle se trouve justement complètement gommée avec le Soyuz 1973 qui, lui aussi, présente des médiums bien en avant, mais sur une gamme de fréquences plus basse que sur le U87.
Sur la reprise de Brassens, avec une voix plus douce, le bas apporté par le Soyuz est un poil trop véhément et la prise aurait pu réclamer une petite retouche à l’égalisation. Le son est toujours aussi moelleux, mais peut-être un poil trop. Il faut avouer que le U87, toujours un peu plus pincé et ouvert, peut sans doute paraître alors plus facile à intégrer dans un mix complexe.
Quoiqu’il en soit, le résultat obtenu avec chaque micro est très agréable et le Soyuz ne démérite aucunement face au Neumann. Mieux que cela : il offre une tout autre couleur sonore et il ne tient vraiment qu’à chacun d’y trouver sa préférence.
Et face à un TLM103 ?
Un second test fut effectué face à un Neumann TLM 103 qui est, comme le 1973 pour la marque Soyuz, le micro à large membrane d’entrée de gamme de chez Neumann. Grosso modo, même gamme de prix donc et surtout même gamme de taille et de qualité pour ces deux micros.
Sur la reprise de Bowie, avec cette voix plus poussée, le TLM 103 offre bien cette couleur Neumann dans les médiums, mais de façon encore plus pincée que le U87, plus restreinte, voire presque nasale. A contrario le Soyuz atténue la dureté de la voix par un son assez ample et des attaques beaucoup plus douces (cf. la phrase « boys, toys… »). Lors d’un autre essai sur un morceau bien plus doux (Beatles), le Soyuz prouve une fois de plus son efficacité et sublime la voix soufflée. La douceur de la prise de voix et son moelleux évoquent légèrement les gros micros à lampes et la couleur obtenue sur le souffle de la voix me rappelle (toutes proportions gardées, bien entendu) la douceur d’un disque de Chet Baker.
Et sur une voix féminine ?
Pour un test sur une voix féminine, nous avons décidé de le comparer à un AKG 414 XLS, micro situé également dans la même gamme de prix. Sur la reprise de « Fly Me To The Moon », le Soyuz restitue parfaitement la voix de la chanteuse. Et comme avec le morceau des Beatles, le son est d’une belle rondeur, rappelant une fois de plus ce côté « Chet Baker ». Évidemment, cela s’entend particulièrement sur le souffle de la chanteuse, restitué de façon très agréable. Le 414 apporte un son très droit, mais un peu plus cloisonné avec une fréquence un tout petit peu dérangeante dans le haut médium. La chanteuse lui trouva un rendu un peu compressé et moins naturel que le Soyuz. Il faut dire que l’ouverture du 1973 est vraiment optimale et peut de nouveau faire penser à un U67 : ouvert, mais sans agressivité. L’impression immédiate d’écouter une piste traitée et finalisée, ce qui est bien souvent l’apanage des micros d’exception.
Le dernier extrait sonore démontre une fois de plus la qualité du micro, cette fois-ci sur la gestion de la dynamique. Si le son du Soyuz est peut-être un peu trop ouvert sur le passage pianissimo et aurait pu réclamer l’usage d’un petit déesseur, la couleur des deux micros se rejoint étonnamment sur les passages fortissimos et les deux microphones encaissent parfaitement la puissance acoustique sans l’ajout du pad ni besoin que l’artiste se recule. Comme lors des tests précédents, j’avoue avoir toujours une légère préférence pour le Soyuz et son moelleux incomparable qui atténue très naturellement les attaques des passages plus poussés, améliorant l’homogénéité globale de l’enregistrement.
- E1 Sinatra Soyuz 197300:42
- E2 Sinatra Akg 414xls00:42
- F1 ForNonBlondes Soyuz 197300:59
- F2 ForNonBlondes Akg 414xls00:59
Soyuz et Guitare
Enfin, le 1973 étant un micro pouvant convenir à tout type de prises de son, un dernier essai fut tenté sur une guitare acoustique. Comme l’on pouvait s’y attendre, le résultat est splendide : le son est très chaleureux, boisé et corpulent. Sur un arpège, les notes basses ressortent bien plus facilement et de façon bien moins aigrelette qu’avec le Tlm103. À nouveau, une petite fréquence me dérange légèrement avec le Neumann là où le Soyuz est très agréable sur tout le spectre : le bas ne bave pas et les aigus sont bien doux. Peut-être un léger besoin d’éclaircir un peu plus la prise pourrait se manifester lors du mixage, mais quel rendu ?
Sur un jeu en aller-retour, le TLM103 semble manquer un peu de corps et de bas médium tout en offrant un son plus incisif. La prise sera sans aucun doute plus facile à insérer dans un morceau chargé, mais apportera bien moins de chaleur globale au morceau qu’avec le Soyuz et sa rondeur, sa douceur toujours si bluffantes.
Une fois de plus, les deux micros montrent leur(s) talent(s) réciproque(s), mais dans les deux cas la qualité est au rendez-vous et s’il ne fallait en choisir qu’un, cela ne serait qu’un choix subjectif et/ou purement artistique.
Conclusion
Soyuz est, à mon avis, une grande marque en devenir. Avoir l’intelligence de développer un look atypique comme sa propre couleur sonore, ouverte et chaleureuse, moderne et vintage à la fois est une vraie gageure et la marque d’une identité très marquée et remarquable. La polyvalence du micro est plus que manifeste et l’utiliser pour des prises batteries, de piano ou de guitares électriques ne me poserait aucun problème tant sa restitution est agréable et hautement qualitative. À vous de voir si la couleur Soyuz vous plaira, mais il ne fait aucun doute qu’il appartient à la même ligue que les AKG 414, Neumann TLM103 et consorts. Le 1973 est un merveilleux microphone. Un futur classique ?