Quand Universal Audio sort de nouveaux produits, cela fait forcément beaucoup de bruit! Ayant racheté Bock Audio, la marque californienne agrandit encore son parc de microphones avec un statique large membrane: le Universal Audio Bock 187.
Avouons-le tout de go, la nouvelle n’est en fait pas vraiment de première fraicheur. Le microphone Universal Audio Bock 187 ne vient pas « juste » de sortir. Cela fait maintenant plusieurs mois que la marque californienne a développé une nouvelle gamme de microphones large membrane : la série « Universal Audio Bock ».
Mais pourquoi Bock ?
David Bock est un ancien ingénieur du son et de maintenance ayant travaillé pour plusieurs studios de renom (Hit Factory ou Ocean Way entre autres). Dans le courant des années 2000, il décida de créer sa propre marque de microphones sous le nom de Bock Audio et dont les produits étaient plus ou moins inspirés par les micros les plus réputés du milieu (U47, U67, Elam 251…). Quelques années plus tard, Universal Audio racheta sa société. D’infimes modifications furent apportées, esthétiques, mais aussi relatives à certains composants que la marque californienne se devait de trouver en plus grande quantité pour une plus grande pérennité du produit. Tout ceci fut effectué en partenariat avec David Bock en personne afin de valider la qualité finale de l’ensemble. Ainsi, trois de ses principaux microphones revinrent au goût du jour : le UA Bock 167 (inspiré du Neumann U67), le UA Bock 251 (inspiré du Telefunken Elam 251) et celui qui nous intéresse tout particulièrement aujourd’hui, le UA Bock 187 (inspiré, vous l’aurez deviné, du Neumann U87).
Présentation
Les fans de la marque le savent bien : Universal Audio aime à soigner le packaging de ces produits. Et le UA Bock 187 ne dévie aucunement de cette tradition. Le micro arrive lové dans une belle boite en bois solide, elle-même protégée par une seconde boite en carton épais (rappelant quelque peu les boites des grandes marques de whisky).
Le 187 est librement inspiré du Neumann U87, mais en aucun cas il n’en est un clone parfait et son aspect général le confirme au premier regard. De forme cylindrique (de corps comme de grille), le UA Bock est légèrement plus petit que le U87 et rappelle un peu plus la silhouette d’un U47 « short body ». Les concepteurs ont opté pour un effet laqué et une couleur vert-kaki un peu rétro, sans doute pour affirmer un aspect plus vintage et se démarquer des autres séries micros de la marque (dont la série « Standard », en blanc cassé et la série « Sphere », en noir).
Le microphone est assez lourd pour sa taille (environ 725 g), ce qui inspire plutôt confiance quant aux matériaux utilisés. Il comprend d’ailleurs un transformateur Cinemag en sortie et est entièrement assemblé à la main dans les locaux CustomShop de la marque en Californie. Une seule directivité cardioïde est disponible là où le U87 en propose deux autres — omnidirectionnel et bidirectionnel — mais ce choix est assez évident afin de rester sur un coût général moindre (un peu moins du tiers d’un Neumann) et il ne faut pas se mentir, elle est, de nos jours, celle utilisée dans 90 % des cas (ce qui est un peu dommage, tant les autres apportent une autre couleur et une autre réactivité du microphone, mais il s’agit d’un tout autre débat…).
À l’arrière du microphone se trouvent trois options contrôlables via de petits switches :
- un pad, qui atténue le signal de –10 dB
- un coupe-bas, fixé à 120 Hz
- et un sélecteur de mode à deux positions : « normal » et « fat ». Dixit le manuel, le mode normal offre une réponse fréquentielle droite avec une légère hausse dans les hautes fréquences. Le mode fat, lui, supprime cette petite hausse tout en gonflant les basses fréquences entre 10 Hz et 400 Hz.
Étonnamment, le manuel ne fournit aucune courbe de fréquences du microphone. Impossible donc d’avoir plus d’informations quant à la pente de coupure du coupe-bas, ni aux fréquences accentuées par chacun des deux modes. Mais passons outre ces questions purement techniques et faisons pour une fois confiance à nos oreilles !
Installation
Le UA Bock 187 est vendu avec une suspension rappelant celle d’un TLM103. On peut regretter l’absence d’une belle suspension-araignée, mais pour un tel prix, il faut bien accepter quelques compromis. Et justement, pour sa taille, la suspension est de très bonne facture et parfaitement adaptée au poids du microphone. Sa solidité ne fait aucun doute et la présence d’une petite feutrine sur son socle est parfaite pour atténuer les bruits solidiens. L’installation du micro se fait très rapidement et la suspension se révèle, finalement, très bonne.
Une contrainte apparaît cependant au moment de régler les différentes options : la lisibilité des trois switches n’est pas très aisée, surtout dans un studio aux lumières souvent assez tamisées. L’utilisation de la lumière d’un téléphone est quasi indispensable pour s’assurer du bon réglage sélectionné. De même, les switches étant intriqués dans le corps du microphone, il vous faudra impérativement vous munir d’un petit tournevis ou d’un critérium pour les enclencher. Ce qui nous amène à une seconde déconvenue : quand le 187 est positionné tête-bêche, la suspension empêche d’atteindre facilement le mode « norm/fat », vous obligeant à de belles contorsions ou à bouger à nouveau votre microphone pour y accéder. Pas très pratique pour modifier rapidement vos réglages entre deux prises… surtout si votre micro était déjà placé… Enfin, j’avoue m’être également questionné sur la solidité de ces switches sur le long terme, mais le manque de visibilité a sûrement dû beaucoup jouer sur cette sensation.
Voix parlée, chantée et guitare
Évidemment, la tentation étant trop grande, c’est face à un U87ai que sera testé le UA Bock 187 et une fois n’est pas coutume, attaquons directement les essais sur une prise de voix parlée.
Sur du Speak avec un préampli à transistors (Neve 1073 DPA)
D’emblée, le Bock 187 délivre un son assez rond, très homogène et surtout très bien défini. La petite ouverture dans les aigus apporte un résultat très agréable et la prise paraît déjà presque finalisée. Les sifflantes sont présentes, mais jamais trop invasives et surtout assez musicales. Face au U87ai, le Universal Audio a une couleur plus moderne là où le Neumann penche vers un son plus médium, aux aigus plus doux et qui pourrait réclamer une mini égalisation pour éclaircir la voix. Il est indéniable que la couleur sonore du UA Bock, bien que proche de celle du Neumann, n’est définitivement pas celle d’un « simple » clone. Le microphone possède sa propre identité et pourrait presque être vu comme une « mise à jour » plus actuelle de son concurrent. Au final, les deux micros sont tout aussi qualitatifs et chacun pourrait totalement convenir en fonction du timbre de voix du comédien.
L’activation du coupe-bas induit une petite perte de gain vite réajustable au préampli. À propos, le niveau de sortie du Universal Audio est d’environ 10 dB moins fort que celui du Neumann U87ai, soit à peu de choses près le même qu’un U87 vintage, ce qui le rend compatible avec quasiment tous les styles de préamplis sans problème de souffle aucun. Avec le coupe-bas donc, les aigus du UA Bock prennent alors un peu plus le devant de la scène et les sifflantes paraissent de facto plus présentes. La fréquence de coupure, pourtant assez élevée (120 Hz) enlève de façon très naturelle juste ce qu’il faut de bas pour révéler toute la clarté de la voix. C’est parfait sur du parlé et n’enlève aucune corpulence au son de la comédienne.
Avec le mode « Fat », nous obtenons une tout autre couleur, que le coupe-bas soit enclenché ou non. Les aigus s’adoucissent, le bas médium se fait plus chaleureux et est alors bien mieux mis en valeur. Dès lors, le son moderne fait place à un son légèrement plus étoffé, plus soyeux et justement, plus proche de celui du Neumann. La voix prend de la carrure, peut-être même à la limite du trop, en particulier sur ce timbre de voix. Mais il apparaît évident que cette option est un très bon outil pour venir gonfler les voix plus fluettes ou plus fébriles. Il sera parfait aussi pour développer une seconde couleur plus vintage si le projet le réclame. Vous remarquerez d’ailleurs que le U87 avec coupe-bas paraît bien plus étriqué que le 187 avec fat et coupe-bas enclenchés, alors que la fréquence de coupure du U87 est bien moins élevée (75 Hz).
- 1a Speak UA Bock 18700:24
- 1b Speak U8700:24
- 2a Speak UA Bock 187 LoCut00:20
- 2b Speak U87 LoCut00:20
- 3a Speak UA Bock 187 Fat00:21
- 3b Speak U8700:21
- 4a Speak UA Bock 187 LoCut+Fat00:23
- 4b Speak U87 LoCut00:23
Sur du chant avec un préampli à lampes (Fearn VT2)
Le UA Bock réagit à la perfection avec un préampli à lampes. Immédiatement, le jeu des lampes se fait sentir en égalisant davantage les couleurs des deux micros et en les mettant un peu plus sur le même plan sonore. Les différences sont toujours bien audibles, mais de façon moins drastique.
Avec le chant, nous retrouvons toutes les remarques précédentes si ce n’est la musicalité du microphone qui n’en est que plus affirmée. Tout comme l’amplitude des différentes couleurs qu’il est capable d’engendrer. J’avoue avoir particulièrement apprécié le mode fat couplé au coupe-bas qui convient parfaitement à cette reprise des Beatles. Qui plus est, comme avec la voix parlée, l’ouverture du mode normal parait bien plus intéressante pour des musiques ou des sonorités plus « modernes », comme la musique urbaine, le métal ou l’électro. Et pouvoir passer de l’un à l’autre sans changer de microphone est un réel plaisir.
Notez que sur tous les prochains extraits audio, il nous a semblé plus judicieux de laisser le U87 droit (et donc sans coupe-bas) face aux prises pour lesquelles le mode fat ET le coupe-bas du Universal Audio étaient enclenchés. La comparaison ayant alors plus de sens et permettant de mieux comprendre les similitudes/différences entre les deux microphones.
- 5a Chant UA Bock 18700:18
- 5b Chant Neumann U8700:18
- 6a Chant UA Bock 187 LoCut00:16
- 6b Chant Neumann U87 LoCut00:16
- 7a Chant UA Bock 187 Fat00:17
- 7b Chant Neumann U8700:17
- 8a Chant UA Bock 187 Fat + LoCut00:17
- 8b Chant Neumann U87 No LoCut00:17
Guitare acoustique
Devant une guitare acoustique, les résultats sont toujours aussi probants. La seule chose en plus qui saute alors aux oreilles est cette faculté, avec le jeu du mode norm/fat et du coupe-bas, de produire quatre couleurs sonores bien distinctes. Une fois de plus je trouve le mode fat + coupe-bas le setup le plus chaleureux pour de la musique, gras et rond, mais sans effet « boomy », accentuant merveilleusement bien le côté boisé de la guitare. A contrario, le mode normal est parfait pour ouvrir les instruments trop mats et l’adjonction du coupe-bas permet à l’instrument de se faufiler encore plus facilement dans un mix chargé. La preuve, s’il en fallait encore une, d’une belle polyvalence.
- 9a Gtr Ac UA Bock 18700:24
- 9b Gtr Ac Neumann U8700:24
- 10a Gtr Ac UA Bock 187 LoCut00:23
- 10b Gtr Ac Neumann U87 LoCut00:23
- 11a Gtr Ac UA Bock 187 Fat00:24
- 11b Gtr Ac Neumann U8700:24
- 12a Gtr Ac Neumann U8700:24
- 12b Gtr Ac UA Bock 187 Fat + LoCut00:24
Devant de puissantes sources sonores
Amplis basse et guitare
Testons maintenant face à de fortes pressions acoustiques et enclenchons l’atténuateur (-10 dB). Le 187 ne bronche toujours pas, que cela soit sur un ampli basse ou guitare. Sa gestion est toujours aussi bonne.
Par le jeu des amplis, les différences entre les modes normal et fat s’atténuent un peu plus. Toutefois les différents modes sont toujours aussi efficaces pour modeler le son selon ses envies et/ou ses besoins.
Le mode Fat est toujours parfait pour arrondir la basse ou adoucir la stridence d’une guitare surf. Le mode normal devient indispensable pour accentuer le jeu du médiator ou des cordes mutées (sur la basse comme sur la guitare). Enfin, le coupe-bas est toujours aussi musical et, tout en nettoyant le bas du spectre potentiellement gênant au mix, ne dénature jamais l’essence même de l’instrument.
Face au U87, le UA Bock se fait bien plus rond, plus ouvert et plus creusé dans les médiums. Le Neumann, lui, se distingue par un son plus tranchant, plus resserré. Une fois de plus, les deux ont leurs qualités et l’un ne sera meilleur sur l’autre qu’en fonction de la couleur recherchée et de votre son de basse/guitare.
- Bass 1a UA Bock 18700:15
- Bass 1b UA Bock 187 Fat00:15
- Bass 1c UA Bock 187 Fat + LoCut00:15
- Bass 1d Neumann U8700:15
- Bass 2a UA Bock 18700:21
- Bass 2b UA Bock 187 Fat00:20
- Bass 2c UA Bock 187 Fat + LoCut00:21
- Bass 2d Neumann U8700:21
- Bass 3a UA Bock 18700:27
- Bass 3b UA Bock 187 Fat00:27
- Bass 3c UA Bock 187 Fat + LoCut00:27
- Bass 3d Neumann U8700:27
Batucada
Dernier test en éloignant le microphone de la source. En prenant de la distance, le UA Bock amène un peu d’air, mais on regrette l’absence d’une directivité omnidirectionnelle pour recueillir encore un peu plus de son de pièce. Cependant, on découvre tout le potentiel du mode fat pour gonfler la stature d’un micro d’ambiance/room. Pas forcément ultra indispensable sur cette caisse claire, il pourrait par contre devenir très pratique en ambiance sur des cordes, des vents, etc.
- Batucada UA Bock 187 Fat00:13
- Batucada Neumann U8700:13
- Batucada UA Bock 187 LoCut00:12
- Batucada Neumann U87 LoCut00:12
Conclusion
En conclusion, ne voyez surtout pas le UA Bock 187 comme une « simple » copie d’un Neumann U87 car il mérite bien plus que cela. Si la filiation est évidente, le mot « ré-interprétation » est sans doute plus juste. De par une identité quand même très personnelle et une polyvalence accrue (grâce à ses deux modes et au coupe-bas), il se doit d’être vu comme un microphone à part entière. Sans conteste, le Universal Audio Bock 187 est un très bon microphone. Pour un bien moindre prix, et si vous acceptez de lui pardonner son petit souci d’ergonomie au niveau des switches, il pourrait devenir un sérieux atout à votre parc de microphones.