Innovants dans l’univers du microphone, Lewitt nous propose une paire stéréo bon marché, et deux sons distincts pour un même modèle. Les LCT 140 Air, micros à condensateurs, sont-ils une option intéressante pour les petits budgets ? Éléments de réponse…
Lewitt, très jeune marque puisque fondée en 2009, se distingue par un positionnement sur l’innovation technologique dans le monde des micros. C’est un sujet dont on entend souvent parler, le manque d’audace dans l’offre microphone, le fait que les constructeurs se réfèrent encore la plupart du temps à des modèles vieux d’un demi-siècle ou plus. Et comme nous aussi, on aime nos vieux classiques, on est plutôt sensible à cette démarche conservatrice, on rechigne un peu à aller voir du côté de la nouveauté. Ce test est donc une bonne occasion de nous y confronter et de nous intéresser de plus près à la démarche de Lewitt. La marque d’origine autrichienne (l’Autriche est une terre de micros, décidément) est spécialisée dans le microphone, mais ratisse large dans ce domaine : de nombreux modèles à destination des studios d’enregistrement, de la scène, des radios-télévisions ou encore conférences… Leur crédo, c’est de « faire évoluer le statu quo en matière de conceptions de microphones ».
Légers comme l’air
Les LCT 140 Air sont des micros à condensateurs, petites membranes à directivité cardioïde. Ils sont destinés à de multiples usages, soit en paire stéréo, soit à l’unité, mais le constructeur nous les recommande particulièrement pour les batteries en overhead et pour les guitares acoustiques. La série LCT à laquelle appartient ce modèle, qui propose un large choix de micros à condensateurs, pour une gamme de prix tout aussi large, va de 040 à 1040. La paire de 140 nous est livrée avec quelques accessoires : évidemment des pinces, qui nous semblent plutôt solides et bien faites, des bonnettes anti-vent et une petite housse de transport. La première chose qui nous frappe, c’est que les micros sont hyperlégers ! 66 grammes chacun. Les pinces, pourtant pas très impressionnantes, sont nettement plus lourdes que les microphones, pour vous donner une idée. Pour un usage d’overhead ou ambiances sur une perche, c’est plutôt pratique et cela permettra d’étendre une perche — même sur un pied de piètre qualité — sans s’inquiéter pour la stabilité ou la solidité de l’ensemble. La marque nous précise que ce poids est dû à des boîtiers en aluminium, qui restent très résistants. On ne les a pas utilisés assez longtemps pour pouvoir en témoigner, mais si la légèreté n’est pas synonyme de fragilité, on valide assurément. Le LCT 140 Air est assez classique dans son allure, de type micro cigare, même si le logo Lewitt vert un peu flashy se distingue.
Surtout, on remarque trois interrupteurs : le PAD qui permet d’atténuer de 12 dB, le Filtre qui est un coupe-bas à 80 Hz (atténuation de 12 dB par octave), et surtout le « Sound ». On touche ici à ce qui fait une des grandes spécificités de ce micro, et qui lui donne son nom « Air », car cet interrupteur nous permet de choisir entre une réponse en fréquence linéaire « Flat » et ce son « aéré » qui consiste en une bosse très franche dans les fréquences aiguës. C’est une caractéristique — ou un argument de vente — que l’on retrouve dans d’autres produits sortis récemment, cette volonté des marques de proposer deux usages, ici deux signatures sonores, pour un seul produit. De notre point de vue, c’est évidemment intéressant, et on va se faire un plaisir de tester ces deux sons et de les comparer, les confronter à d’autres modèles qu’on connaît bien. Pour compléter le tableau, il est important de préciser que c’est une paire particulièrement bon marché : 299 € directement sur le site de la marque, encore moins cher chez certaines boutiques en ligne.
Overheads Air Max
On se lance donc dans un test grandeur nature. Quoi de mieux pour tester des overheads que de faire des petites prises de batterie. On a notre kit Asba qui est déjà équipé en micros et on place notre paire de Lewitt à un mètre cinquante au-dessus de la grosse caisse, en formant un couple XY (le placement de celui-ci a été corrigé après les photos). Comme d’habitude, et pour mieux se rendre compte du son des micros, on décide de n’appliquer aucune correction ni processeur de dynamique sur nos pistes. Une batterie en neuf lignes qui rentrent toutes dans notre console Amek, et dont on va juste corriger les phases, et donner un peu de latéralisation et d’ouverture dans la stéréo.
Dès la première écoute, on est assez séduit par ce qu’on entend, il y a du bas, de l’impact, un joli spectre harmonique et une belle définition dans le haut du spectre. On prend alors le parti de les comparer avec trois autres paires de micros statiques récents et non à nos vieux Neumann, parce que la marque insiste sur le fait qu’ils se caractérisent par leur innovation et leur modernité. On choisit les Rode NT5, parce que c’est exactement la même gamme de prix, et que c’est un petit diaphragme, les Oktava MK 012, à peine plus chers et petites membranes également, et une référence un peu plus onéreuse en la présence des AKG C414 XLS, qui sont eux à larges membranes, mais se caractérisent par un son moderne et plutôt brillant. Pour le test batterie, on décide de laisser le bas du spectre vivre et de ne pas enclencher le filtre coupe bas. Le résultat est très intéressant, le son du couple en solo est plein et équilibré, très percussif, et les transitoires sont particulièrement précises sans pour autant être agressives ni sonner artificielles. On se dit alors qu’en partant de cette base très équilibrée, il nous manque juste un peu de substance dans le bas des fûts pour avoir un son complet et prêt à être mixé.
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Quand on les intègre au reste de la prise en ouvrant les micros de proximité, notre première impression se confirme. L’image sonore est bien nerveuse comme on les aime et la stéréo est parfaitement représentée, notamment grâce à une très belle couleur dans le haut des médiums qui va donner un côté rebondissant aux attaques de la batterie. Notre paire de Lewitt s’intègre parfaitement en donnant la juste dose de distance, de brillance, d’ouverture tant spatiale qu’harmonique, et surtout des transitoires saillants et pleins de caractère. Le spectre de fréquence est en revanche très dégagé d’un bas médium et d’un grave qui pourraient être intéressants. Mais ces mêmes fréquences peuvent aussi interférer avec les micros de proximité et accentuer certains phénomènes de phase, à l’image du conflit qu’on pourra avoir avec les C414 qui sont beaucoup plus chargés dans ces fréquences du fait de leur large diaphragme.
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On veut tout de suite essayer le mode Air de nos LCT 140, que la marque met particulièrement en avant. La configuration de la batterie est la même, rien ne change hormis ce petit commutateur qui, comme le montre le graphique fourni par Lewitt, confère une grosse augmentation de plus ou moins 5 dB sur une bande de fréquence située entre 5 et 15 kHz. On est d’ailleurs un peu étonnés que leur air ne soit pas constitué d’aigus plus hauts et notamment de 15 à 20 kHz, qui est souvent la bande de fréquence qu’on va augmenter quand on veut donner de l’air au mixage. Mais nous n’en sommes pas là, il s’agit pour l’instant d’enregistrement.
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En solo, on se dit qu’ils y sont allés un peu fort sur l’effet recherché, cinq décibels sur une plage si large, c’est tout de même assez important comme changement. Mais comme ce n’est pas un étage qui ouvrirait tout le haut du spectre, mais uniquement une plage définie de hautes fréquences, les plus aiguës ne sont pas beaucoup augmentées et ne nous dérangent pas, alors que les fréquences concernées rapportent encore un supplément de nervosité, et révèlent certains détails de cymbales ou de charleston. On trouve tout de même que la bosse est un peu excessive entre 10 et 15 kHz. Elle nous révèle quelques artefacts et composantes de l’enveloppe qui ne sont pas totalement nécessaires à nos oreilles (mais ça reste une question de goût).
À gauche le graphique représente l’analyse du spectre d’un overhead en mode Flat, et à droite en mode Air.
On est clairement à l’opposé des Oktava MK012 qui sont vraiment très pauvres dans cette bande de fréquence, mais paradoxalement très chargés en grave et en bas médium. Quand on l’intègre au reste des sources, l’impression s’atténue et on retrouve quelque chose de plus nerveux, mais aussi encore plus moderne que la position Flat. On se rapproche finalement plus de la couleur des Rhodes NT5, mais avec un haut médium et des aigus beaucoup plus contrôlés et musicaux, et des transitoires éminemment plus subtiles et naturelles.
Sur la guitare, des attaques qui vont Witt
Le constructeur mentionne un autre usage recommandé pour l’utilisation de ces micros, et c’est une autre de nos activités favorites au studio, en l’occurrence les prises de guitare acoustique. Cela va nous permettre d’essayer le micro tout seul, sorti de son utilisation en paire stéréo, ce qui révèle souvent un autre caractère. On reproduit le même mode opératoire, sauf que cette fois, on peut carrément le faire en une seule prise, avec les quatre micros bien alignés devant, à plus ou moins 30 cm de la guitare comme le préconise Lewitt. On va être obligés de tricher un petit peu parce que les MK 012 ont un gain plus faible que les autres, alors utilisera le trim de notre DAW pour remettre le signal d’aplomb.
La première chose qui nous plait, c’est que le son est assez naturellement débarrassé du côté un peu boueux que peuvent avoir les prises de guitare acoustique quand elles ne sont pas corrigées. L’effet de pompe dans le bas du spectre qui vient des coups de médiator de la rythmique est particulièrement représenté dans les prises du C414 et du MK012. On a l’impression que la piste du LCT 140 pourrait se placer naturellement dans un mix sans être « nettoyée » de ce surplus de grave. On adopte parfois une distance un peu plus importante entre la source et le micro pour palier à cet effet quand on enregistre des guitares acoustiques avec des micros statiques large membrane de haute-fidélité.
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Le deuxième point qui nous saute aux oreilles, ce sont les coups de médiator sur les cordes, le « strum » comme ils disent outre-Atlantique. En règle générale, il se situe dans le spectre harmonique entre 3.5 et 12 kHz, en fonction de la guitare, des cordes et du guitariste, mais il est souvent assez déséquilibré et on va avoir tendance à vouloir creuser certaines fréquences qui seraient trop présentes. En l’occurrence, on aurait tendance à aller nettoyer autour de 7 kHz dans la prise du Rode. Encore une fois, celle du Lewitt est très équilibrée et les hautes fréquences sont naturelles et douces, malgré leur réactivité et leur nervosité. Il y a une très belle densité entre 2 et 3 kHz, qui va situer le bas de l’attaque dans cette plage de fréquence, et ainsi donner une assise confortable et très agréable.
On a maintenant envie de tester les petites options, et on enclenche donc de nouveau le mode Air. Cela nous parait encore une fois un peu excessif dans le haut (très haut) du spectre, parce que ça vient relever les artefacts du jeu, et aussi placer la bande de fréquences que constituent les attaques et les bruits de doigts plus haut et renforcer ces composantes. C’est encore une fois une question de goûts, mais on préfère quand ces fréquences sont contenues et maitrisées, même si ça pourrait parfaitement convenir si on voulait doubler une rythmique de guitare électrique, pour rajouter surtout de l’attaque et venir enrichir le haut du spectre, mais c’est une histoire de production, à ce compte-là.
On finit par tester le filtre coupe-bas, qui est censé agir à 80 Hz, mais qui en fait remonte beaucoup plus haut et adopte une pente plutôt douce et musicale. On a alors considérablement allégé le bas du spectre, de telle sorte qu’on se retrouve avec un son plutôt médium et presque un peu aigre, mais qui reste pour autant très musical et chaleureux. Il pourrait sans trop de difficulté se combiner en doublage stéréo avec une autre guitare, sans apporter trop de pâte harmonique ni être envahissant. C’est exactement ce qu’on attend d’un filtre coupe-bas sur un micro, un résultat marqué, mais qui reste équilibré et musical.
Conclusion
Pour ce prix-là, les LCT 140 Air sont de sérieux concurrents ! Les aigus sont beaux, les transitoires rapides et naturelles, leur légèreté permet de les placer facilement. On manque peut-être un peu de bas et de bas médium pour qu’ils soient encore plus polyvalents, mais pour un budget aussi modeste, on ne peut pas trop en demander. Le son « Air » est un peu excessif à notre goût, mais certains le trouveront sans doute utile, et pour nous la qualité et l’équilibre du son en position « Flat » justifient amplement le choix de cette paire.