Avec le « Prime P2 », la marque Mooer met à jour son multieffet au format de poche avec des nouveautés loin d'être anecdotiques. Si l’appareil est minuscule, ses fonctionnalités, comme nous allons le découvrir dans ce test, sont nombreuses.
Le tour du petit propriétaire
Le « Prime P2 » de Mooer est le successeur du modèle P1 sorti il y a un peu plus d’un an. Au déballage, on retrouve un appareil aux dimensions de 120 mm x 64 mm x 19 mm pour environ 150 grammes. Autrement dit, il rentre dans la poche plus facilement que certains smartphones. Le châssis est intégralement en plastique noir (il existe aussi en blanc) avec, malheureusement, une finition de type « glossy ». Cette finition est très mal choisie étant donné qu’en quelques minutes l’appareil se retrouve recouvert de traces de doigts. Un plastique mat ou un châssis en aluminium auraient été plus adaptés pour un objet destiné à être régulièrement manipulé.
La connectique est sommaire avec un bouton ON/OFF, une prise USB-C, une autre de type TRS destinée au protocole MIDI et trois entrées Jack 6,35 mm (IN/OUT) et 3,5 mm (TRRS – casque/micro). Par ailleurs, l’appareil est capable de sortir un signal stéréo avec l’utilisation d’un Jack TRS, ce qui est une évolution loin d’être anecdotique par rapport à la génération précédente. Le Prime P2 est équipé d’une batterie de 3000 mA qui demande environ 3 heures pour une charge complète avec une autonomie mesurée pendant le test d’environ 5 à 6 heures. La bonne nouvelle c’est qu’il est possible d’utiliser le multieffet en le laissant branché. Heureusement, car fatalement la batterie perdra de sa capacité après quelques années de service.
L’une des principales nouveautés par rapport à la première génération concerne la présence d’un écran tactile de 1,3 pouce. Celui-ci permet de notifier du niveau de la batterie ainsi que du fonctionnement du Bluetooth. On pourra également régler le volume de sortie et activer l’accordeur. D’ailleurs, ce dernier s’est montré excellent lors du test : précis et ultra réactif malgré un accordage bas et une septième corde. L’écran affiche également la référence du préset utilisé. À noter que l’on dispose de 4 présets par banque et qu’il y a 20 banques au total. S’il est possible de naviguer à travers les banques en glissant sur les côtés, il est impossible de modifier quoique ce soit au niveau des présets et leurs effets. Il est même impossible de connaitre les éléments qui composent la chaîne du son. En réalité, l’écran tactile, s’il est le bienvenu et évite d’avoir une machine « aveugle », reste très limité dans ses fonctions. De plus, si l’éclairage et les couleurs sont corrects, la fluidité est surprenamment mauvaise pour un appareil produit en 2023. Les déplacements sont saccadés, un peu à la manière des premiers lecteurs mp3 tactiles. C’est pourquoi, pour réellement pouvoir contrôler l’engin, il faudra utiliser l’application « Prime » pour smartphones et tablettes. On notera également la présence d’une LED en forme de ligne sous l’écran. Cette dernière permet d’indiquer le niveau d’entrée, réglable dans l’application (ceci peut être pertinent pour des micros à très haut niveau de sortie).
Le Prime P2 propose par défaut 52 références d’amplificateurs, 25 simulations d’enceintes et 57 pédales. Ce catalogue permet de couvrir sans problème les usages les plus courants. Cependant, il sera tout à fait possible d’importer des références supplémentaires grâce au cloud de Mooer. En effet, l’application met à disposition deux bases de données : officielle et communautaire. Le P2 dispose de 10 emplacements supplémentaires pour les amplificateurs et 10 autres pour les enceintes (dont les IRs externes). On peut également s’attendre à ce que Mooer mette à disposition des mises à jour avec des références supplémentaires.
Parmi les fonctionnalités annexes, on notera la présence d’une batterie virtuelle proposant une bonne cinquantaine de patterns couvrant de nombreux styles et quatre types de métronome. On a également accès à un looper (80 minutes réparties sur 10 emplacements), simple à utiliser, et synchronisable avec la batterie virtuelle : le P2 lance un décompte avant l’enregistrement de la première boucle. On bénéficie aussi de la possibilité d’utiliser son smartphone par le réseau Bluetooth pour lancer de la musique et jouer par-dessus. Bref, tout le nécessaire pour une pratique nomade est présent.
Nous avons noté précédemment qu’il était possible de joindre au Prime P2 un pédalier sans fil Mooer (GWF4). Celui-ci sera en réalité indispensable si vous comptez utiliser régulièrement le looper. Par ailleurs, il servira à naviguer entre les banques et les présets. La mise en route est très facile et le pédalier est par défaut configuré pour fonctionner avec le Prime P2 sans que l’on ait besoin de modifier quoique ce soit. Cependant, ce nouveau multieffet permet d’aller un peu plus loin grâce à sa prise MIDI (pour laquelle le câble est fourni). J’ai ainsi pu connecter mon contrôleur Blackstar Live Logic sans rencontrer le moindre problème. L’application du Prime P2 permet par la suite d’assigner les différents switches aux diverses fonctions. Mooer a eu la bonne idée d’intégrer une fonction « learn » afin d’éviter de s’embêter à rechercher le bon canal/paramètre MIDI. C’est d’autant plus pertinent si votre contrôleur est déjà programmé et sert à piloter d’autres équipements. En revanche, s’il est possible de naviguer entre les présets grâce au contrôleur MIDI, il est impossible d’activer ou de désactiver un ou des effets au sein même d’un préset et c’est vraiment dommage.
Le Prime P2 peut également fonctionner comme une interface audio. Néanmoins, en le connectant à un PC (Windows) il faudra y joindre des pilotes ASIO du type ASIO4ALL, car Mooer ne semble pas proposer de pilotes ASIO dédiés. Cette dernière considération est à prendre avec beaucoup de réserve, car au moment du test de l’appareil et de la rédaction de ces lignes, le Prime P2 n’est pas encore référencé sur le site de la marque. En revanche, en connectant le multieffet en USB-C à son smartphone, il est possible d’enregistrer dans une application dédiée. C’est excellent pour noter rapidement une idée lors d’un déplacement ou pour enregistrer du contenu destiné aux réseaux sociaux uniquement avec son téléphone.
Enfin, notons que le Prime P2 est fabriqué en Chine et est proposé à environ 300 euros au moment de la rédaction de ce test. La qualité de fabrication est moyenne. L’appareil ne va pas se casser sous nos doigts, mais le plastique brillant est un mauvais choix et la réactivité perfectible de l’écran tactile participent à donner l’impression d’avoir entre les mains un appareil loin des standards premium. Cependant, on pourra considérer que ces défauts sont acceptables pour un appareil destiné à être posé sur un bureau ou scotché à côté d’un contrôleur MIDI sans que l’on ait besoin d’appuyer dessus avec des Doc Martens. Il faudra dans tous les cas en prendre soin.
Et le son ?
Nous l’avons vu, le Prime P2 est un multieffet qui embarque énormément de références. Parmi ces dernières on retrouve les grands classiques disponibles sur pratiquement toutes les machines numériques (Fender, Marshall, Mesa/Boogie etc.). Avant tout, je vous propose d’écouter quelques enregistrements :
- 1 – Flex Boost + Fender Blues Deluxe + Blues 112 + Rev Hall00:50
- 2 – Fender Blues Deluxe + Blues 112 + Rev hall00:45
- 3 – Fender 65 Deluxe Reverb + DLX112 + Rev Mod01:08
- 4 – Gold Clon + Fender 65 Deluxe Reverb + DLX112 + Rev Mod00:46
- 5 – Vox AC30 + UK21200:30
- 6 – Vox AC30 + UK212 + Dly Analog + Rev Plate00:35
- 7 – Marshall JCM 800 + 1960 41200:22
- 8 – Marshall JCM 800 + 1960 412 + Dly PingPong00:52
- 9 – Mesa_Boogie Mark V + UK 212 + Rev Shimmer00:52
- 10 – Gold Clon + Mesa_Boogie Mark V + 1960 412 + Auto Wah00:24
- 11 – 808 + Orange Rockverb + Mark 112 + Rev Hall00:22
- 12 – Mesa_Boogie Triple Rectifier + Rec 412 + Rev Hall00:21
- 13 – 808 + ENGL E645 + Eagle P41200:39
- 14 – EVH 5150 + EV 5050 41200:17
- 15 – 808 +EVH 5150 + EV 5050 41200:23
- 16 – Bogner XTC + HT 412 + Pitch Shift00:20
- 17 – Barber Direct Drive + Diezel Hagen + HT 412 + Tri Chorus + Dly Digital + Rev Hall00:41
- 18 – Yellow Comp + Fender 59 Bassman + US Bass 41000:19
- 19 – Batterie virtuelle00:45
Lors de ces enregistrements, j’ai utilisé des combinaisons amplificateur/enceinte assez communes. Surprenamment, le Prime P2, malgré sa taille ridiculement petite est capable, dans certaines situations, de fournir des sonorités tout à fait correctes. Bien entendu, il ne s’agit pas de le comparer à un Axe FX ou un Kemper, car non, il ne fait pas le poids. Les sonorités claires sont les mieux maitrisées. En y joignant quelques effets de spatialisation, on obtient un rendu agréable à jouer et tout à fait exploitable sur une sono. J’ai par ailleurs apprécié l’éventail de pédales d’overdrive/boost disponibles. La réaction d’une 808 est par exemple tout à fait fidèle à ce que l’on pourrait obtenir avec une vraie pédale. De manière générale, les sensations de jeu sont convaincantes et le Prime P2 respecte bien la dynamique de l’instrument branché. Là où il pourra se montrer moins bon, c’est sur certaines saturations généreuses. Typiquement, la simulation du Triple Rectifier de Mesa/Boogie est plus que moyenne. On pourrait, comme souvent, améliorer les choses en testant des IRs externes, mais en l’état, c’est plutôt caricatural. J’ai en revanche obtenu des résultats plus concluants sur des têtes ENGL et EVH avec un son un peu plus « ouvert » (exemples 13, 14 et 15). J’ai également noté que certains amplificateurs soufflent énormément… pour pas grand-chose. Par exemple, j’ai dû coupler la simulation du Marshall JCM 800 avec une pédale de noise gate malgré un gain tout à fait raisonnable et une guitare « silencieuse ».
Le Prime P2 possède une collection tout à fait satisfaisante de réverbes (room, hall, plate, spring, mod et shimmer) et de delays (digital, analog, tape, mod, ping pong…) en plus d’une variété de compresseurs, de filtres et d’effets de modulation (chorus, flanger, phaser etc.). Notons également que l’utilisation d’un pédalier MIDI donne accès à la fonction TAP Tempo, ce qui est une excellente chose. Globalement les effets sont corrects. Il ne s’agit pas forcément d’en attendre quelque chose de renversant, mais ils répondent tout à fait à l’aspect fonctionnel du multieffet. J’ai par ailleurs réussi à utiliser 13 blocs d’effets simultanément (amplificateur et enceinte y compris) avant que le dernier bloc ne me propose des listes totalement grisées. C’est assez impressionnant pour être souligné dans ce test.
L’application Prime
L’application qui sert à contrôler le Prime P2 s’est montrée agréable à utiliser avec une interface claire. On notera la présence d’un onglet « Library » dans laquelle Mooer met à disposition une série de présets classés par style. C’est le dernier onglet « Mixer » qui se montre le plus intéressant. En effet, on accède à une petite mixette permettant de doser les niveaux. On pourra ainsi y équilibrer le volume d’une piste d’accompagnement avec celui de la guitare. Enfin, j’ai eu quelques déconnections lors de l’utilisation (smartphone Android récent), rien de rédhibitoire pour autant.
Pour conclure
Le multieffet Prime P2 de Mooer est une évolution intéressante du P1. L’écran tactile, malgré ses fonctionnalités et sa qualité limitées, offre un retour visuel pratique. La connectique MIDI est également un bon point même si l’on souhaiterait que Mooer propose une mise à jour permettant de piloter les effets d’un préset. On apprécie la sortie stéréo et les outils permettant de travailler son instrument (batterie virtuelle, looper, métronome, accordeur et streaming Bluetooth). On regrettera cependant une qualité de fabrication un peu moyenne pour le prix. La qualité sonore est globalement satisfaisante, suffisamment pour travailler son répertoire lorsqu’il est impossible d’emporter son matériel.