Certains musiciens ne se remettront probablement jamais de l’abandon des bandes, tant et si bien que les fabricants d’effets passent une bonne partie de leur temps de R&D à reproduire leurs sympathiques bizarreries.
Et c’est au tour de Strymon, l’incontournable constructeur d’effets temporels comme en témoigne notre sondage sur les pédales de reverb numériques, de se prêter au jeu de la simulation adaptée aux six-cordistes.
Avec El Capistan et Brigadier, les américains avaient déjà convaincu leurs utilisateurs quant à la qualité de leur tape delays, et c’est une pédale « double » qu’ils proposent aujourd’hui, mêlant saturation et déphasages en tous genres.
Une belle DECO
La beauté cachée des laids delay se voit peut-être sans délai (delay), mais Strymon ne l’entend pas de cette oreille. En effet, avec sa finition plaquée nickel et ses gros boutons noirs, elle a une certaine classe pour ne pas dire une classe certaine, tandis que sous le capot, la même sensation de maîtrise règne autour de ce qu’il conviendrait d’appeler un ordinateur tant les deux cartes superposées relèvent du monde de l’informatique. Quant aux footswitchs, ils sont silencieux et répondent au quart de tour.
Une DECO branchée
Côté nord, on retrouve les mêmes E/S que sur les autres Strymon de même taille, à savoir l’entrée unique (acceptant les jacks TRS à l’aide d’un dip switch interne), les sorties gauche (ou mono) et droite ainsi qu’une prise jack pour pédale d’expression (non fournie) permettant de contrôler un potard (au choix !). Cette sortie peut également servir de tap tempo ou de rappel de préset avec un footswtich à bouton (en option). L’indispensable prise pour l’adaptateur secteur (fourni) est au format standard Boss (soit 9V continu avec le — au centre) et l’alimentation par pile est exclue, ce qui est triste, mais de toutes les façons, l’autonomie aurait sans doute été médiocre.
Triturer les bandes
Avec les lecteurs de bandes, on peut générer des effets temporels mais aussi de la saturation. Ainsi, la DECO est munie d’un gros potard de… saturation, avec un volume et un footswitch dédié, tandis que la partie droite de la pédale gère les modifications temporelles avec un potard de blend permettant de mixer le son des deux têtes de lecture virtuelles.
La seconde tête est activée à l’aide du footswitch de droite et pilotée par un bouton Lag Time qui règle le déphasage souhaité parmi le flange, le chorus, le slapback et l’écho. Celui-ci est couplé à un bouton nommé Wobble gérant le niveau de modulation des répétitions ainsi qu’à un switch central à trois positions. Ce dernier propose les réglages « Sum » pour additionner le son des bandes, « Invert » pour inverser la phase de la seconde bande et enfin « Bounce », le plus fun, qui propose d’ajouter une répétition supplémentaire sur le second lecteur virtuel et permet ainsi un effet ping pong lorsque la pédale est câblée en stéréo.
En guise de bonus, Strymon propose un auto-flange « à la volée » activable en laissant le footswitch de droite appuyé, qu’il suffira de relâcher pour y mettre fin.
Et ce n’est pas fini !
Vous pensiez avoir fait le tour de possibilités de la petite pédale brillante, mais la DECO est pourvue de fonctions dites « secondaires » que l’on peut activer en appuyant simultanément sur les deux footswitchs. Les potards de saturation et de volume se transforment alors respectivement en passe-bas et passe-haut, le blend en boost/cut avec une amplitude de 3 dB, le lag time en réglage d’auto-flange et le wooble en écarteur de stéréo.
Enfin, on peut choisir entre True bypass pour une transparence totale ou Buffered bypass pour ceux qui ont de longs câbles ou un chaînage d’effets complexe, et la conversion numérique s’effectue comme il se doit de nos jours en 24 bits / 96 kHz.
Avec toutes ces possibilités, la DECO se destine donc tout autant aux guitaristes « plug & play » qu’aux aficionados du petit tweak qui change tout. Point de manuel fourni pour gérer tout ce petit monde, mais un simple encart, assez explicite pour ceux qui parlent anglais. Le manuel complet (lui aussi en anglais) est disponible sur le site de la marque et son téléchargement est fortement conseillé si vous voulez tirer parti de l’ensemble des possibilités de la DECO.
On écoute la DECO
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La pédale simulant un ensemble de deux lecteurs de bandes, je l’ai branchée en stéréo dans un VOX AC30 et un Fender SuperSonic Twin et je vous propose un premier contact avec les deux effets enclenchés sur une Telecaster, en mode rockab’ qui tache.
On peut se propulser une cinquantaine d’années en arrière, et ce sans souffle (celui de l’extrait provient essentiellement de l’AC30).
Puisque la DECO n’est pas là que pour la déco (oui, je sais, ça ne vaut pas tripette, mais avouez que je suis resté relativement sage jusqu’alors !), poussons le gain à fond et tapons carrément dans le flange en mode « sum ».
Puis passons sur une Les Paul Classic 2015 (bientôt en test complet sur AF !) et poussons le Lag time presque à fond pour un Delay d’un peu moins de 500 ms, le maximum proposé par Strymon, avec le wide stereo à fond, bien entendu !
En mode bounce, les licks à la sauce David Gilmour ou The Edge peuvent prendre vie, tout comme ceux d’Andy Summers, en réduisant le lag à time à mi-course.
Enfin, pour clore dans un déluge de flanger déconseillé aux âmes sensibles (et surtout à ceux qui ont le mal de mer), j’utilise une Grestch 12 cordes en strumming et la saturation en dessous de midi où elle joue le rôle de compresseur. Je n’ai pas pu m’empêcher d’ajouter une petite touche reverb Church (D-verb, intégrée à Pro Tools) pour l’occasion.
Je n’ai pas pu tester l’engin avec une pédale d’expression, mais nul doute que la gestion de certains boutons au pied doit être bigrement sympathique, tout autant que le tap tempo malheureusement en option.
Investir dans la DECO ?
Tout comme on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, on peut douter de la pertinence d’une nouvelle pédale de simulation de bande ou se réjouir de retrouver une excellente compression/overdrive et un effet temporel complet dans un si petit format.
Dans tous les cas, Strymon ne déçoit pas et les sons sont tout simplement beaux, à l’image du look d’enfer de la pédale elle-même. Elle pourra séduire de nombreux guitaristes, y compris ceux qui n’ont que faire de sonner « Vintage Tape » et qui cherchent simplement une compression et/ou une overdrive neutre et efficace couplée à un effet temporel polyvalent et inspirant.