Après s’être lancés dans le format 500 en 2015, les Californiens de Meris ont rapidement embrayé sur les pédales pour guitaristes avec dans un premier temps la réverbe Mercury7, pour ensuite sortir un délai (Polymoon) et un synthé (Enzo). Mais c’est leur dernier produit en date, un pitch shift avec délai intégré, qui nous intéresse aujourd’hui…
La première chose que l’on apprécie chez Meris, c’est la relative compacité de leurs pédales. À l’instar des autres produits de leur catalogue, nous sommes dans un format assez classique de boîtier à deux footswitchs, qui trouvera sans trop de mal une place sur votre pedalboard. La carrosserie, entièrement métallique, semble solide, et il en va de même pour les potards. À en juger par les choix de connectiques, Meris n’oublie pas ses premières amours et laisse la possibilité à ses utilisateurs de rentrer en stéréo (Jack TRS) au niveau ligne, ce qui ravira les fans de synthés, entre autres. On pourra bien évidemment brancher une guitare au niveau instrument et récupérer le son traité par la pédale en stéréo via les deux sorties en Jack 6,35 mm. Un dernier connecteur permettra de débloquer toutes les possibilités de la bête, via une pédale d’expression, des footswitchs ou encore un boîtier MIDI. Rien de tout ça n’étant fourni avec la pédale. Nous verrons par la suite que cette prise EXP/MIDI pourra rapidement devenir obligatoire pour qui voudra utiliser la Hedra à fond. On termine avec l’alimentation, qui se fait en 9 V centre négatif, du classique donc. De quoi s’intégrer sans problème à n’importe quel pedalboard, mais ça on l’a déjà dit, non ?
Meris l’es fou
Afin d’accéder aux réglages de l’effet, 6 potards sont disposés sur la partie supérieure de la pédale. Leur course est finie et ils ne sont pas crantés, même si beaucoup de paramètres restent ajustables par un nombre de paliers fini et restreint. C’est peut-être un détail au premier abord, mais cela peut parfois poser des problèmes de précision. Une touche lumineuse « Alt (Hold) » doublera les possibilités de chaque potard puisqu’elle permettra d’accéder à au moins un paramètre supplémentaire, chose qui n’est pas renseignée directement sur la pédale. Un petit tour par le manuel est donc obligatoire, même si vous voulez utiliser uniquement les fonctions basiques de l’Hedra. Un autre bouton situé à droite permettra de sélectionner le mode de fonctionnement de la pédale. En mode Series Delay + Pitch Feedback, les trois pitchs disposent de la même ligne de délai (520 ms max), et les répétitions sont réinjectées en entrée (feedback), repassant donc dans les trois pitchs. En mode Series Delay, il n’y a toujours qu’une ligne de délai, et le feedback alimente seulement la troisième ligne, juste après le pitch mais avant le délai. En mode Dual avec Cross-feedback, il y a deux lignes de délai égales (260 ms) les pitchs 1 et 3 sont réinjectés l’un dans l’autre, le pitch 2 étant réinjecté dans les deux. À noter que ce mode est stéréo. Enfin, le mode Dual Delay, stéréo aussi, est identique au précédent à la différence près que le feedback n’est pas croisé entre les pitchs 1 et 3. Le pitch 2 est toujours réinjecté dans les deux pitchs. Ça a l’air compliqué écrit comme ça, mais le manuel dispose de synoptiques assez clairs. Quand on vous dit que le manuel est obligatoire !
Lil’ Meris
Viennent ensuite les potards, avec en premier lieu la sélection de la gamme, diatonique ou chromatique. Il est à noter que les gammes mineures et majeures sont disponibles, mais aussi (en maintenant le bouton Alt appuyé) les mineures mélodiques et harmoniques, la double harmonique, la pentatonique lydien et la pentatonique mineure. De quoi gérer la grande majorité des situations.
Les trois potards de pitch fonctionnent de la même façon, vous pourrez choisir l’intervalle entre –2 et +2 octaves (ou désactiver le pitch) et, en maintenant le bouton Alt, choisir la division temporelle du délai affecté à ce pitch, allant de la noire (réglée via le tap tempo) à 10 divisions possibles (de ⅞ à ⅙). L’utilisateur pourra choisir, en bout de course, des délais encore plus courts (micro-divisions). Tout cela est très complet, mais le fait que le potard ne soit pas cranté et qu’il contrôle deux paramètres très importants à la fois rend son utilisation un peu hasardeuse. Entre le manque de précision et le fait que l’on ne sait pas toujours où on en est, on peut rapidement perdre le fil de ses réglages. Les positivistes adeptes de la sérendipité argueront que cela servira la créativité, ce qui n’est pas complètement faux, mais dans les faits, on oublie souvent les valeurs assignées au pitch et au délai sur les trois lignes disponibles et le tâtonnement est souvent de mise.
Le potard Micro Tune permettra, comme son nom l’indique, de légèrement désaccorder les trois voies de pitch (avec la même valeur), mais aussi de régler la correction de pitch et le glide (glissement entre les notes plus ou moins rapide) via la touche Alt. Nous n’avons donc pas accès à deux paramètres via ce potard, mais bien trois ! Les deux derniers se partagent de façon égale la course de l’encodeur, la première moitié affectant la correction de pitch (plus ou moins agressive), et la deuxième moitié le glide (plus ou moins rapide). Il faut avouer que d’un point de vue ergonomique, on a déjà vu mieux… Le potard mix ajuste la balance entre le signal non traité et l’effet, et le bouton Alt permet d’ajuster le feedback pour les modes Series delay (pitch 3) et Dual delay (pitch 1 et 3). On termine avec les deux footswitchs qui, en plus de leur fonction principale qui n’est plus à présenter (tap et bypass), permettront aussi, en appuyant sur le bouton Alt, de diminuer de moitié la vitesse du délai (pour le tap) et d’activer ou non les paliers d’intervalles sur les potards pitchs. Enfin, si vous laissez le footswitch tap enfoncé, vous enclencherez un swell automatique dont la vitesse dépendra de votre attaque au médiator. Très cool.
Avouez que vous commencez à voir trouble, et pourtant ce n’est pas terminé ! On peut en effet passer la pédale en mode « Global setting », afin de régler différents paramètres généraux via les potards disponibles, qui prennent alors encore une autre fonction… Sans faire une liste exhaustive, car je sens que vous fatiguez, vous pourrez choisir entre une entrée mono ou stéréo, un niveau instrument ou ligne, le mode de l’entrée expression (MIDI, tap, expression…), activer un tempo global ou par preset, et surtout de choisir le mode Trails & Glide. Avec le mode Trails activé, les répétitions continueront même si on met la pédale en bypass. Avec le glide, les répétitions resteront dans l’algorithme afin de passer de manière plus fluide d’un preset à un autre. Cette fonction permettra aussi d’assouplir la transition de tempo entre deux presets. Plutôt bien vu !
Tu pousses le bouton un peu trop loin, Meris
Comme vu dans le paragraphe précédent, la prise EXP/MIDI permet à l’utilisateur de brancher au choix, une pédale d’expression qui permettra de faire une transition en fondu entre deux états, sachant que tous les paramètres pourront être potentiellement affectés. Cela nous fait passer d’un à deux presets, incroyable, non ? Vous voulez 4 presets ? Branchez le mini-pédalier de Meris doté de 4 footswitchs (100 $). Vous voulez déporter le footswitch tap ? Branchez un simple footswitch. Vous avez l’âme d’un power user et vous voulez débloquer toutes les possibilités de l’Hedra ? Il va falloir alors passer par le MIDI et acheter un câble ou boitier spécial (89 $ chez Meris), la pédale étant dépourvue de prises DIN 5 broches. En revanche, une fois le boitier branché, c’est Byzance. Tous les paramètres de la pédale sont accessibles via MIDI CC, vous pourrez envoyer des Program Change (PC) et synchroniser le tempo. Bien sûr, vous pourrez assigner la pédale à un canal MIDI spécifique, ce qui est obligatoire si vous chainez plusieurs effets et que vous voulez tous les contrôler en MIDI. Meris a la bonté de fournir les numéros de CC pour chaque paramètre dans son manuel qui je vous le rappelle, est obligatoire pour votre santé mentale.
Il faut maintenant parler argent et placer la pédale dans le marché des délais pitch shifters. On retrouve peu de modèles en concurrence directe, ce qui est plutôt une bonne chose. La Hedra peut donc trouver sa place, même si de notre point de vue, la H9 d’Eventide doit être prise en considération. Son prix est certes plus élevé, même dans sa version la plus accessible (400 €), et sa philosophie est à l’opposé de celle de la Hedra, mais ce qu’elle peut offrir est sans équivalent en termes d’ergonomie et de possibilités sonores si l’on dispose d’un smartphone et qu’on est prêt à l’utiliser pour faire de la musique. Attention tout de même à inclure dans votre budget les algos qui vous intéressent…
Voilà, vous savez à peu près tout sur cette pédale, vous pouvez maintenant vous reposer et écouter les quelques exemples audio concoctés par votre serviteur, avec ses fidèles pédales, guitares et Kemper… Nous avons pu constater que le suivi de note était de bonne facture, y compris sur les bends, et avec assez peu de latence même si comme souvent avec ce genre d’effet, il faut s’appliquer à jouer propre sinon gare aux glitchs ! Il y a donc trois extraits, avec à chaque fois deux guitares et des traitements différents. Vous pourrez écouter l’extrait avec la batterie, et les guitares isolées.
- Hedra100:36
- Hedra1 – Piste 200:36
- Hedra1 – Piste 300:36
- Hedra200:45
- Hedra2 – Piste 200:31
- Hedra2 – Piste 300:31
- Hedra300:36
- Hedra3 – Piste 200:36
- Hedra3 – Piste 300:36
Conclusion
À la question « cette pédale a-t-elle été source d’inspiration pour vous ? », nous sommes obligés de répondre par l’affirmative. Les possibilités sont assez étendues, les fonctionnalités pas si communes et les résultats à la hauteur de nos attentes. Même les défauts d’ergonomie, laissant parfois l’utilisateur au milieu d’un labyrinthe sombre et sinueux, peuvent devenir des points forts et nous emmener vers des contrées inattendues. La lueur sérendipité au bout du tunnel des paramètres invisibles. Le prix de la pédale étant un peu élevé (350 €), l’absence totale de preset sans acheter de contrôleur supplémentaire pourra sembler un peu dure à avaler. La proposition de Meris reste malgré tout intéressante pour qui reste ouvert à ce genre d’effet.