Entre ceux qui considèrent que le La se situe à 435 Hz, les métalleux en drop C, les bassistes qui ne veulent plus jouer qu’en Si depuis qu’ils ont 5 cordes et les chanteurs dont les chakras ne sont pleinement ouverts qu’en Fa#, il est fréquent qu’un guitariste soit contraint de se torturer le cerveau pour transposer ses grilles.
Un dilemme cornélien
Si le cas du chanteur nécessitant une dilatation des orifices spirituels peut être rapidement réglé à l’aide d’un capodastre à la 2e case (ou de deux baffes dans sa mouille, selon l’humeur), le problème reste entier pour l’incontournable reprise de Raining Blood prévue en Do dièse au prochain concert à l’EHPAD de Vieux-le-métal. L’amour dictant d’emmener deux guitares accordées différemment pour l’occasion et la raison prescrivant de virer le chanteur ou de se désaccorder d’un ton et demi à l’arrache entre les deux morceaux (ou l’inverse), la situation peut paraître définitivement bloquée entre des choix aussi pénibles que radicaux. C’est là que Digitech intervient et propose de descendre instantanément votre guitare d’un ou plusieurs demi-tons, et ce jusqu’à l’octave si le cœur (et/ou la raison) vous en dit.
Une boite rouge
Quand notre rédacteur en chef adulé m’a tendu la pédale dans sa boite, j’ai pris peur face à cet énorme parallélépipède rectangle. Digitech auraient-ils fait chemin inverse face à la miniaturisation rampante ? Que nenni ! Il suffit d’ouvrir le carton pour se rassurer et constater que la pédale ne remplit que la moitié de la boite, le double fond étant réservé à l’adaptateur secteur (9V au standard Boss) fourni ! On remercie d’ailleurs Digitech pour le geste, sachant que ce n’est pas forcement la politique de la maison : la nouvelle Polara par exemple en est dépourvue.
La Drop, qui porte fièrement les couleurs du best-seller de la marque, j’ai nommé la Whammy, possède donc des mensurations raisonnables (12 × 7,5 × 4,5 cm) et pourra s’intégrer dans la majorité des pedalboards, avec son entrée jack à droite et sa sortie à gauche, la prise ronde pour le transfo se trouvant à l’avant. Enfin, avec ou sans pedalboard, une prise de courant sera dans tous les cas nécessaire, car l’alimentation par pile est exclue.
Un bouton noir
Un seul bouton suffit pour contrôler la Drop et le niveau de pitch choisi est indiqué grâce à un bandeau de LEDs. Tournez d’un cran vers la droite et vous baissez d’un demi-ton, la même chose en sens inverse augmentera la hauteur d’autant : c’est aussi simple que cela. Au moins en apparence, car sous le capot, un convertisseur numérique 24 bits/44,1 kHz turbine pour transformer le signal de manière aussi transparente que possible.
Un petit switch gris
Mais la Drop nous réserve tout de même deux sympathiques surprises. En effet, le dernier mode permet d’ajouter le son dry à l’octave à l’aide du même bouton et un petit switch caché au haut à droite et nommé « momentary » permet d’appliquer l’effet uniquement lors qu’on active le footswitch de manière continue. Cela permet par exemple de jouer un riff ou une partie de solo et de le transposer à la volée de deux tons par exemple, puis de revenir à la tonalité originale, tout cela sans bouger la main.
Des demi-tons
Restons donc sous le signe de la simplicité et écoutons ce qu’un riff en son clair donne avec la LED numéro 3, soit trois demi-tons en dessous des normales saisonnières.
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Les accords passent sans problème, bien qu’un léger effet passe-bas retire un peu de brillance à la Telecaster. La Drop est donc utilisable en accords en son clair, si le volume sonore est suffisant (jouer en Do# en entendant la guitare à vide en Mi n’est pas des plus agréable) et si on accepte une petite latence, que je ne saurais vous exprimer en ms, mais qui est suffisante pour rebuter les plus exigeants.
À la recherche de sons graves et crunchy, je place une Tube Screamer en amont d’un ampli basse et tente des accords plus riches avec une Stratocaster deux tons en dessous, suivie d’une ligne de basse à l’octave.
- Drop strat 4 00:39
- Drop Strat octave 00:25
On peut donc transformer une Strat en Bass VI ou baryton en un coup de pied, voire même, avec un peu d’effets, en basse tout court.
Laissons le V-Type et revenons au Triamp avec une Ibanez RG et l’option octave+dry.
Rien de nouveau à l’horizon, mais le job est fait, et il est bien fait.
Un match
Enfin, à titre de comparaison pour les amateurs de gros riffs très graves, je vous propose un match 6–7–8 cordes versus Drop.
On est donc en Si pour le premier extrait joué à la six-cordes, en Si puis en Fa# pour le second joué à la sept-cordes et en Fa# pour celui joué à la huit-cordes. Les réglages du Triamp sont identiques pour ces trois extraits.
- Drop RG 5 00:42
- Drop Universe 5 01:13
- Drop RG8 5 00:42
Le résultat est très convaincant, le Si se payant même le luxe d’être plus consistant avec la RG droppée qu’avec la Universe. Et c’est encore plus net avec les extraits en Fa# où la « petite » 8-cordes montre ses limites en termes de définition face à la Universe droppée.
Essai transformé ?
C’est terriblement pratique de pouvoir changer de clef en tournant un bouton. Fini le temps où l’on devait nécessairement emmener deux guitares sur scène pour avoir deux accordages standards, fini également le temps où on se refusait une reprise sous prétexte d’un accordage trop bas, bref, fini le temps où la transposition vers le grave était un problème. Mais cela ne s’avère vrai qu’en répète ou en live, lorsque le son de l’ampli est suffisamment fort pour recouvrir totalement le son naturel de l’instrument qui « frotte » à l’oreille lors de chaque coup de plectre. De plus, la latence induite n’aide pas à se sentir à l’aise lors de la prise en main.
Ceci dit, sa polyphonie, son octave entièrement recouverte par demi-tons et ses aptitudes en hi-gain en font une pédale de premier choix pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se payer une baryton ou une sept-cordes, mais également ceux qui souhaitent conserver le confort de leur guitare bien réglée.
Prix de vente conseillé : 184 €