Il fallait s’y attendre : après plusieurs approches des banques de cordes, Native Instruments se devait d’attaquer le reste de l’orchestre. En association avec Soundiron, l’éditeur propose ainsi les Symphony Series - Brass Ensemble et Symphony Series - Brass Solo. Le marché étant déjà très occupé, quels sont les atouts de ces deux bibliothèques ?
Cela fait quelque temps que l’éditeur Native Instruments s’intéresse à l’orchestre virtuel, et notamment au haut de gamme du genre. D’abord, les possesseurs de Kontakt (depuis la version 2) n’auront pas manqué de remarquer la provenance des sons orchestraux : il s’agit de versions adaptées des instruments de la Vienna Symphonic Library, première bibliothèque à offrir autant de contenu avec autant d’exigence technique et artistique (lancée en 2003 après une occupation marketing de presque un an, l’Orchestral Cube et le Performance Set offrait 94 Go d’échantillons sur 14 DVD, pour Gigastudio puis exs24 mkII, en attendant la Pro Edition puis le Symphonic Cube).
Ensuite, et sans compter les produits créés par les éditeurs utilisant la plateforme Kontakt (et ils sont légion), Native s’est associé avec différents créateurs de bibliothèques afin de produire des solutions mettant l’accent sur les phrases ou les figures plus ou moins rythmiques (ostinatos et autres), comme Action Strings, ou Emotive Strings, toutes deux résultant de la collaboration avec Sonuscore, ou encore Session Strings Pro, dont l’orientation est plus celle d’une banque classique (avec diverses articulations plutôt que des phrases), même si l’Animator lui donnait des possibilités d’ostinato (que l’on peut, rappelons-le, produire en utilisant les scripts d’usine Arpegiator et Humanizer), banque cette fois développée avec e-instruments (aussi responsable pour Native des Session Horns et Session Horns Pro).
Il semblait naturel que les autres parties de l’orchestre suivent. Ou bien initient une nouvelle collection ? Car aucune des précédentes banques de l’éditeur ne s’appelle Symphony Series. On peut donc supposer que ces deux premières livraisons ne sont que le début d’un orchestre virtuel signé Native. Enfin presque, car l’éditeur s’est une fois de plus associé à un autre éditeur, et cette fois-ci pas des moindres (non par la taille, mais par la qualité des produits), puisqu’il s’agit de Soundiron (voir tests sur AF ici), l’une des deux sociétés créées après la scission de Tonehammer (voir tests ici), la deuxième étant 8DIO (voir tests ici). Soundiron, donc, la société dirigée par Mike Peaslee, a travaillé deux ans avec Native, et passé plus de 50 heures d’enregistrement dans son église préférée (Saint Paul, à San Francisco, dont on retrouve l’acoustique dans de nombreux produits de l’éditeur, soit lors d’enregistrement, soit sous forme de réponses impulsionnelles pour réverbes à convolution) afin de produire une banque d’ensembles et une d’instruments solistes, pour obtenir une section de cuivres comprenant 37 instruments en quatre pupitres de huit joueurs plus cinq solistes. On décortique tout ça…
Introducing Native Instruments Symphony Series – Brass Ensemble et Symphony Series – Brass Solo
On peut acquérir les banques séparément (399 euros pour l’Ensemble, 299 pour la Solo) ou en bundle (499 euros), chez Native Instruments ou chez Soundiron (à noter qu’à l’heure de la rédaction de ce test, l’achat revient moins cher chez Soundiron, mais les taux de change évoluent rapidement dans tous les sens…). On téléchargera les fichiers grâce à deux gestionnaires de téléchargement individuels, en s’armant de patience, l’Ensemble annonçant un poids de 27,1 Go, le Solo de 17,6 Go et en choisissant un téléchargement simple (la solution si on installe les bibliothèques sur un autre ordi) ou un téléchargement plus installation. La banque une fois installée pèse plus de 47 Go, Native utilisant son format compressé .nkw, cela correspond, selon l’éditeur, à un peu plus de 70 Go d’échantillons non compressés.
Machine de test MacPro Xeon 3,2 GHz |
La procédure d’autorisation fait toujours appel au Service Center de l’éditeur, directement, ou en passant par le bouton Activate de l’interface de Kontakt, dans l’onglet Libraries (puisque les deux banques s’installent en tant que telles). Les banques peuvent être utilisées ave la version complète de Kontakt et le Kontakt Player (tous deux à partir de la version 5.5).
Les moyens mis en œuvre pour l’enregistrement des bibliothèques sont détaillés sur cette page pour l’Ensemble et celle-ci pour le Solo (nombre d’instrumentistes par pupitre, etc.).
Les articulations, c’est up !
L’organisation des banques est la même pour les deux produits, quatre dossiers, Trumpets, Horns, Trombones et Tubas (et donc au singulier), plus un programme à part, Brass Ensemble (dans… Ensemble) et Brass Quartet (dans Solo). Les programmes .nki sont eux aussi quasi semblables d’une bibliothèque à l’autre, du moins par leur hiérarchie et leurs noms. Tous les dossiers comportent un programme global au nom de l’instrument, puis des articulations séparées, Effects, Expression, Legato, Staccato et Sustain, elles-mêmes incluant des variations (crescendo, decrescendo, flutter tongue, Mute, etc.). Seul le dossier Horns de la banque Solo comprend le double (à l’exception des Effects), puisque l’éditeur a prévu deux cors différents. Après, le contenu de chaque programme change en fonction de l’instrument. On trouvera le détail de toutes les articulations sur cette page pour l’Ensemble, sur celle-ci pour le Solo.
Saluons pour commencer la qualité de l’interface graphique, très réussie, et celle de son ergonomie, qui parle immédiatement à l’utilisateur sans demander à passer des heures dans un mode d’emploi touffu. Bien sûr, ce dernier est souvent nécessaire, mais il pourrait être accessoire si certains développeurs ne rendaient plus complexe que de raison la présentation de leurs outils (sans compter que ledit mode d’emploi n’est pas forcément traduit en français).
On dispose donc pour chaque programme d’un master Stereo, et de prises Close, Mid et Far, que l’on peut activer, désactiver et mixer selon ses envies et besoins. L’interface est organisée en plusieurs onglets, Performance et Mixer (les programmes Brass Ensemble et Quartet offrent un onglet supplémentaire, Ensemble dans lequel on définira la tessiture avec superposition ou non, et le volume global de chaque instrument). Performance présente d’abord un gros rotatif qui permet de gérer la dynamique via la molette de modulation (par défaut, mais on peut assigner ce que l’on veut).
Voici un exemple de crescendo effectué via ce réglage sur les Horns Sustain en ensemble, puis en Flutter Tongue (tous les exemples audio, sauf précision contraire, utilisent le prémix Stereo).
La progression est régulière entre les couches d’échantillons (selon les instruments, p, mp, mf, f et ff), l’échantillon de relâchement est déclenché à la bonne vélocité. Le Flutter par contre n’utilise qu’une seule couche d’échantillon, et est de fait moins réussi.
Trois réglages permettent ensuite de modifier l’enveloppe dynamique de volume, via les paramètres Attack, Release (permettant de diminuer grandement la résonance naturelle du lieu d’enregistrement, parfois trop présente sur les enregistrements Close, comme on l’entendra dans l’exemple suivant), Tightness (pour décaler le point de lecture de l’échantillon). Le quatrième, Motion (ou Vibrato selon les programmes), apporte vibrato et tremolo (simulés) au son.
Voici quelques exemples autour du paramètre Release sur la Trumpet Sustain Solo, avec vibrato sur la tenue. La prise de son choisie est Close.
Ensuite, on sélectionnera et programmera les articulations que l’on choisit via KeySwitches (ou via contrôleur MIDI). Car la bonne nouvelle est que l’on peut programmer son propre Set d’articulations, à choisir grâce à l’Articulation Slot Setup. Non seulement on définit l’ordre pour les huit slots fournis, mais on peut aussi pré-régler les volumes via un rotatif individuel, ainsi que la plage de réponse à la vélocité, afin de garantir l’homogénéité dynamique en passant de l’une à l’autre. Ne reste plus qu’à sauvegarder le programme sous le nom désiré. Bien vu.
Des réglages à tous les étages
Parmi les réglages proposés, on trouve les options du legato (intervalles réellement enregistrés, et donc legato non simulé). Response permet d’accélérer ou ralentir la transition entre les notes, Solo ne permettra de jouer qu’une note à la fois, mais si Duet est disponible, on pourra alors avoir deux voix legato à condition que l’intervalle entre les notes des voix distinctes soit de six demi-tons. Certains programmes offrent un bouton Flip (le legato entendu est celui de l’intervalle joué, effet assez peu marqué dans la bibliothèque, à ne pas confondre avec un glissando), qui bascule en mode Slur (le legato est un effet de chromatisme identique pour chaque intervalle, par exemple quatre demi-tons, procédé utilisant apparemment un déclenchement via ficher MIDI sauf pour les Trumpets et Trombones). Sur les Horns, la différence entre les deux modes :
Autre réjouissance, les répétitions (souvenir du Performance Tool de la VSL…) ; selon les instruments, on pourra sélectionner le nombre de répétitions (le mode Run permet une répétition tant que la note est maintenue), la vitesse (en division rythmique) et parfois une accentuation (sur la première ou la dernière répétition).
Quelques exemples :
On dispose aussi du Round Robin, qui offre entre deux et huit échantillons afin d’éviter l’effet mitraillette, particulièrement utile pour les articulations courtes. Ici sur les Trombones Staccato (quatre groupes d’échantillons différents par plage de vélocité).
Autre paramètre, disponible notamment pour les trilles, Playback, avec Natural (lecture à la vitesse d’origine), Sync (dépendant du tempo de l’hôte, avec time stretch) et Varispeed (réglage manuel) à associer avec Speed.
Le Progress Indicator permet de visualiser la progression des articulations Expression (représentation des sforzandos, pfp, etc.).
L’onglet Performance permet l’activation des différentes prises de son, de Stereo, un prémix, à Close (micros placés à 1,5 m), Mid (à 8 m) et Far (à 23 m), chacune dotée de son fader de volume et offrant une largeur stéréo de plus en plus grande en fonction de l’éloignement. Excellente idée, on peut sauvegarder le mix d’un instrument, pour le charger dans un autre ensemble afin de rester cohérent, via un clic dans le menu dédié.
Sont ensuite intégrés l’EQ trois bandes (deux semi, un paramétrique, même si on peut régler le facteur Q en rentrant en mode édition dans Kontakt), la réverbe à convolution, un filtre résonant (un deux pôles, que l’on peut remplacer aisément si on le souhaite) et un compresseur (le Solid Bus), tous dotés d’un bouton d’activation.
Voici un exemple d’ensemble selon les trois perspectives sonores, puis en n’utilisant que le prémix Stereo (les volumes sont ceux d’origine).
Bilan
On retrouve à la fois le savoir-faire de Soundiron et celui de Native dans ces deux bibliothèques. La qualité du son, celle de la programmation (montage, édition, bouclages, crossfades, keyswitches, etc.) sont de très bonne qualité, et les deux produits offrent une solution intéressante, surtout si on achète l’ensemble d’un coup. Évidemment, la concurrence est rude : sur les ensembles, Symphony Brass joue à jeu égal avec la plupart des solutions d’autres éditeurs comme EastWest ou VSL, sans atteindre la richesse et le détail de la série BML de Spitfire Audio (qui, certes, n’est pas du tout au même tarif…) et sous réserve d’arrivée du Bravura d’Impact SoundWorks et des Berlin Brass qui doivent être dans les tuyaux d’Orchestral Tools. Les Solo de leur côté sont à peu près à égalité avec la plupart des éditeurs déjà cités, mais la référence reste toujours les instruments produits par SampleModeling, uniques en leur genre et conçus pour être joués de façon très directe, avec un minimum de programmation.
L’un des principaux défauts de la bibliothèque dans son ensemble est l’absence de divisi : huit instrumentistes, ça sonne, mais dès que vous voulez deux voix, ça se transforme en seize instrumentistes (voir la grosseur peu naturelle de l’exemple en ensemble). Car quasi aucun orchestre n’est composé d’autant de musiciens par pupitre : si l’on peut parfois compter jusqu’à huit cors (chez Mahler, par exemple), trompettes et trombones sont généralement au nombre de quatre, plus un trombone basse, et un voire deux tubas… Peut se poser alors un sérieux problème de masse orchestrale, qu’il sera difficile d’éviter puisque l’éditeur n’offre pas de solution, sauf à utiliser les solistes, mais surviennent alors les habituels problèmes de phase.
L’autre problème à noter est la production plus ou moins aléatoire d’artefacts sonores lors d’utilisation du time stretch pour la synchro au tempo. Il vaudra alors mieux faire un bounce à la vitesse d’origine, puis utiliser un logiciel performant, en interne ou en externe à la STAN. Et si l’acoustique de Saint Paul est belle, on peut lui reprocher d’être trop présente dans les prises de son Close. Enfin, il manque parfois de brillance et de pêche dans la dynamique la plus forte des instruments, on s’attendrait à plus de cuivré.
Mais il ne faut pas bouder non plus son plaisir, et les produits sont plutôt agréables à utiliser, même s’ils ne sont pas la panacée en la matière, ce qu’ils ne prétendent pas être non plus. On produira très facilement de belles tenues ou évolutions dynamiques. Les phrasés très rythmés seront en revanche un peu plus difficiles à recréer. Les démos audio sur le site de l’éditeur montrent les possibilités des banques, avec leurs qualités. Et leurs défauts.
Téléchargez les fichiers sonores (format AIFF)