Nous vous en parlons souvent sur Audiofanzine, le traitement acoustique de votre home studio est un élément essentiel à la réussite de vos enregistrements, mixages, ou mastering. Cependant, nous n’avons jamais réalisé le moindre test de matériel concernant ce sujet ô combien sensible. Partant de ce constat, la rédaction m’a donné son feu vert pour réaliser l’article que vous êtes en train de parcourir. Lorsqu’il m’a fallu déterminer l’objet de ce banc d’essai, mon choix s’est naturellement arrêté sur les Screen Panels de GIK Acoustics tant ces derniers semblent tout particulièrement adaptés aux conditions de travail du MAOiste moderne sur le papier. Voyons ce qu’il en est dans les faits…
Préfix
Avant d’entrer dans le vif du sujet, voici quelques mots pour vous exposer quelques-unes des raisons qui m’ont poussé à choisir ce produit en particulier.
Fondée à Atlanta en 2004 par Glenn Kuras, la société GIK Acoustics a rapidement su se faire un nom dans le milieu du traitement acoustique outre-Atlantique. Les témoignages élogieux, que l’on peut facilement trouver sur la toile, en regard de la qualité de leurs produits ont su capter mon attention dès 2006. Néanmoins, les coûts de transport vers le vieux continent n’étant pas négligeables, sans parler des taxes douanières, les tarifs pratiqués n’étaient pas des plus attractifs vus d’ici. Heureusement, fin-2008, GIK Acoustics a eu l’excellente idée d’ouvrir une nouvelle usine dans la ville de Bradford en Angleterre, rendant ainsi ses produits beaucoup plus compétitifs sur le marché européen. De plus, la marque a pris la peine de traduire la quasi-totalité de son site internet en allemand, mais surtout en français, chose suffisamment rare pour être saluée.
Un autre point intéressant selon moi réside dans l’engagement qu’a pris l’entreprise envers le respect de l’environnement pour la fabrication de ses produits. En toute honnêteté, je ne suis pas le citoyen le plus écoresponsable qui soit, mais j’avoue que les années passant, je suis de plus en plus sensible à ce genre d’arguments.
Enfin, lorsque l’on parle de traitement acoustique en Home Studio, il me semble important de prendre en considération la partie « Home » de la question. En effet, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir dédier une pièce entière à sa passion musicale. De plus, lorsque le logement est une location, la perspective de transformer les murs en gruyère pour fixer de multiples panneaux de traitements n’a rien d’enthousiasmant étant donné la douloureuse session de rebouchage que cela ne manquera pas d’impliquer lorsqu’il faudra rendre les clés. Or, les Screen Panels que nous passons sur le grill aujourd’hui semblent constituer une réponse élégante à cette problématique, comme nous allons le voir séance tenante.
Théorix
Divisé en deux moitiés reliées par une charnière, le Screen Panel est pour le moins imposant. Chaque moitié du panneau mesure 8 cm d’épaisseur pour 41 cm de large et 1,82 m de haut, ce qui offre un total de 1,5 m² de surface de traitement. Le Screen Panel est autoporté et peut se déplacer à l’envi. Toutefois, son joli poids de 19 kg complique parfois la manœuvre, mais cela n’est pas rédhibitoire pour autant. La longue charnière permet de moduler en toute simplicité l’angle des deux moitiés, jusqu’à entièrement replier la bestiole sur elle-même, ce qui facilitera son rangement lorsque vous ne vous en servez pas, sous un lit par exemple.
Niveau esthétique, GIK Acoustics vous laisse choisir entre 9 coloris de tissu sans surcoût : blanc brillant, noir, blanc cassé, rouge, bordeaux, toile de jute, etc. Mais si cela ne suffit pas pour adapter les panneaux à l’esthétique de votre intérieur, plus de 70 couleurs supplémentaires sont disponibles moyennant finances (de 5,50 € à 13 € HT). Une remarque à ce sujet, il faudra faire attention lors des placements/déplacements à soulever la bête plutôt qu’à la faire glisser sur le sol sous peine de voir le revêtement en tissu se détériorer à la longue.
Tout cela est bien beau, mais à quoi diable ce Screen Panel peut-il donc servir ? Eh bien, du fait de sa nature amovible, sa palette d’utilisation est beaucoup plus large que la majorité des panneaux acoustiques du marché. Jugez plutôt…
Pratix
Le premier usage du Screen Panel se résume à l’isolation lors de la phase d’enregistrement. Quel type d’isolation ? Pour commencer, il y a l’atténuation des réflexions du son provenant des murs de la pièce d’enregistrement. Mine de rien, ce genre de pollution sonore peut vraiment ruiner une captation. Avec le Screen Panel, ce problème peut être diminué et/ou canalisé moyennant un placement judicieux.
Illustrer ce type d’utilisation avec des exemples sonores convaincants m’a demandé un peu de réflexion (ah ah !). Au départ, j’ai essayé de faire des prises de chant et de guitare acoustique avec et sans ces joujoux. Si les résultats me semblaient probants en regard de ma connaissance du lieu d’enregistrement — à savoir mon salon — ainsi que de ma voix et de mon jeu de guitare, j’ai eu de sérieux doutes quant à l’interprétation qu’un quidam aurait pu en faire. Du coup, j’ai bricolé une méthode pseudo-scientifique beaucoup moins agréable à l’oreille, mais certainement plus parlante. J’ai donc diffusé des samples d’une boîte à rythmes LinnDrum au travers d’un petit ampli guitare (Vox AC4TV) afin « d’exciter » la pièce de façon constante, et j’ai enregistré les résultats via un micro électrostatique AKG C414 situé à une distance du HP rigoureusement constante elle aussi, une quarantaine de centimètres environ. Bien entendu, j’ai testé différentes positions pour les Screen Panels, mais j’ai également profité des directivités cardioïde, bidirectionnelle et omnidirectionnelle que propose le C414. Voici les fichiers audio obtenus que je vous conseille d’écouter au casque pour une meilleure interprétation :
- 01 Source 00:10
- 02 ScreenLess Cardio 00:10
- 03 Screen 1 Cardio 00:10
- 04 Screen 2 Cardio 00:10
- 05 Screen 3 Cardio 00:10
- 06 ScreenLess Bi 00:10
- 07 Screen 1 Bi 00:10
- 08 Screen 2 Bi 00:10
- 09 Screen 3 Bi 00:10
- 10 ScreenLess Omni 00:10
- 11 Screen 1 Omni 00:10
- 12 Screen 2 Omni 00:10
- 13 Screen 3 Omni 00:10
Le premier extrait se résume aux samples sources de la LinnDrum et ne sert pas réellement à grand-chose, il n’est présenté ici qu’à titre informatif. Le deuxième est, comme son nom l’indique, le résultat de la manœuvre décrite précédemment en mode cardioïde et sans aucun panneau… Le moins que l’on puisse dire, c’est que mon salon est bien réverbérant ! Au passage, notez que je n’ai pas cherché à supprimer le bruit de fond de l’ampli guitare pour que rien de vienne fausser les rendus.
Les trois extraits suivants illustrent trois positions distinctes pour ma paire de Screen Panels : d’abord derrière l’ampli en « U », puis un de chaque côté de l’ensemble ampli/micro en « V », et enfin un derrière l’ampli et un derrière le micro, encore en « V ». Les autres extraits, quant à eux, reproduisent la même expérience avec les autres directivités.
À l’issue de cette séance d’écoute, vous conviendrez que ces Screen Panels sont relativement efficaces, pour peu que l’on prenne la peine d’adapter le positionnement à la situation (directivité du micro, type de prise, etc.). Bien sûr, l’utilisation de ces panneaux ne supprime pas totalement la réverbération de mon salon, et ce n’est pas plus mal ! En effet, si le Graal en matière d’enregistrement audio se résumait à un signal absolument « sec », tous les studios posséderaient une chambre anéchoïque. Le but du jeu est bien plus complexe que ça, il consiste à capter en même temps que le signal audio utile une légère portion de réverbération maîtrisée afin de préserver la sensation d’air, de vie de l’instrument sans pour autant rendre le mixage cauchemardesque. Et c’est justement ce que proposent ces Screen Panels, à une échelle home studio évidemment.
Remarquez que pour réaliser ces enregistrements, j’ai systématiquement utilisé deux Screen Panels. C’est peut-être là l’un des seuls véritables points noirs de ce produit. Vendu à l’unité, il me semble pourtant qu’une paire est un minimum indispensable afin de pouvoir observer les premiers bienfaits de la bête.
Deuxième type d’isolation possible en situation d’enregistrement : l’atténuation de la « repisse » lorsque la captation implique plusieurs musiciens jouant dans la même pièce. N’ayant que deux panneaux à disposition, et surtout ne possédant pas le don d’ubiquité, je n’ai pas pu tester cet usage. Toutefois, il me semble évident que l’intervention de plusieurs panneaux pour confiner les micros aux instruments qu’ils sont censés capter devrait donner des résultats probants.
Comme si cela ne suffisait pas, le Screen Panel peut également rendre de fiers services lors des étapes post-enregistrement…
Panneau à mix
Une fois que toutes les pistes sont dans la boîte, il est temps de passer au mixage. Or, le Screen Panel se propose à nouveau d’améliorer votre ordinaire en permettant de traiter l’acoustique de votre « lieu de travail » de trois façons différentes.
En plaçant une paire de Screen Panels de part et d’autre de votre point d’écoute, il est possible de réduire considérablement la réverbération provenant des murs latéraux et d’ainsi éviter une trop forte perturbation du signal utile issu de vos enceintes de monitoring. Après avoir testé la chose dans mon home studio personnel à l’acoustique discutable niveau réverbération parasite, je dois bien reconnaître que la différence est plus qu’appréciable. En effet, les réverbérations latérales avaient une fâcheuse tendance à flouter l’image stéréophonique à mon point d’écoute. Avec ces panneaux, j’ai pu regagner en précision, ce qui ne manquera pas de faciliter mon travail du point de vue spatial. Bien sûr, le résultat n’est pas aussi parfait que le magnifique espace 3D restitué dans les plus belles « control rooms » que j’ai eu la chance de fréquenter, mais tout de même, le rendu est fort plaisant.
Sur le site du constructeur, il est expliqué qu’une fois complètement replié, le Screen Panel se comporte comme le Bass Trap 244 de la marque. Mes enceintes de monitoring, une paire de Focal CMS 65, ne sont pas particulièrement généreuses dans le bas du spectre et sont, qui plus est, « idéalement » placées à bonne distance de toute paroi au cœur de mon — relativement grand — salon. Du coup, je n’ai pas de protubérance dans ce registre du spectre et la fonction Bass Trap n’a que peu d’intérêt dans mon cas.
En revanche, le dernier usage possible m’a paru beaucoup plus adapté à ma situation personnelle. Toujours selon le site du constructeur, il est possible de traiter les nœuds et ventres fréquentiels en disposant les panneaux pliés en « V » dans la pièce. Après une bonne après-midi passée à expérimenter divers placements, il me semblait avoir réussi à sensiblement « lisser » la réponse fréquentielle de mon salon. Pour en avoir le cœur net et arriver à un jugement plus objectif que celui de mes petites oreilles, j’ai effectué des mesures de la réponse spectrale de la pièce en utilisant le logiciel de correction d’acoustique ARC 2 d’IK Multimedia. Sur les images ci-après, vous pouvez comparer les courbes avant et après utilisation des Screen Panels pliés en « V » (courbes orange).
Bien que loin d’être parfait, le résultat n’est somme tout pas si mal. Les lacunes du registre grave sont minimisées, tout comme l’une des méchantes bosses du bas médium. Et curieusement, le déficit du haut du spectre s’en trouve également sensiblement gommé. Étant donné cette performance encourageante, j’aurais bien aimé pouvoir disposer de quelques Screen Panels supplémentaires histoire de voir, et surtout d’entendre, le rendu en essayant de lisser plus avant la réponse sonore de mon salon tout en tamisant les réverbérations latérales à mon point d’écoute. Ceci dit, je ne boude pas pour autant mon plaisir, car ces deux panneaux amélioreront déjà considérablement mon quotidien, à n’en pas douter !
Diagnostix
Avec un tarif unitaire de 345 € TTC hors frais de port, le Screen Panel n’est certes pas donné, d’autant qu’il me semble illusoire d’espérer obtenir des résultats probants avec un seul de ces joujoux. Cependant, la palette d’utilisations possibles en situation Home Studio justifie largement l’investissement à mon sens. Bien sûr, en additionnant le coût de plusieurs panneaux, vous arriverez vite à une somme qui vous permettra d’envisager l’acquisition d’un micro ou d’un préampli beaucoup plus « sexy » que ces Screen Panels. Mais l’impact réel sur la qualité de vos productions serait à coup sûr minime tant que l’acoustique de votre lieu d’exercice pêche. Et si ces panneaux ne rendent pas « parfaite » l’acoustique de votre environnement de travail, ils amélioreront tout de même grandement les choses. À bon entendeur…
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