Près d’un an après la sortie du plug-in freeware Little MicroShift, SoundToys commercialise enfin son grand frère. Au programme, espace et profondeur avec en prime un premier pas de la part de l’éditeur vers les allergiques aux dongles USB…
Dongle Jungle
Dans le petit monde du plug-in audio, SoundToys est un vieux de la vieille. Cet éditeur basé en pleine campagne nord-américaine, dans le Vermont pour être précis, s’est tout d’abord spécialisé dans les plug-ins TDM pour Pro Tools. Si leurs produits étaient d’excellentes qualités (cf. le magnifique delay EchoBoy), les tarifs élevés et le format exclusif les réservaient à une « élite ». Mais dans les domaines touchant de près ou de loin à l’informatique, les choses évoluent vite. Heureusement pour nous, SoundToys a toujours su s’adapter à ces changements. Pour preuve, la sortie de versions natives pour Pro Tools LE en 2006, la compatibilité AudioUnits en 2007, puis VST en 2008, le tout à des prix plus démocratiques.
Cependant, il restait encore aux plug-ins de la marque un sacré fil à la patte nommé iLok. Le fameux système de protection à base de dongle USB est à ce jour toujours obligatoire pour tous les produits SoundToys… Tous ? Non ! Car MicroShift est le premier de leur « jouets sonores » à pouvoir être installé et autorisé sans la moindre intervention d’un quelconque dongle physique ! En effet, l’autorisation peut être associée directement à un ordinateur. La manœuvre nécessite tout de même d’avoir un compte utilisateur iLok pour gérer la licence via le logiciel iLok Manager, mais tout cela est gratuit et s’effectue en un clin d’œil. Il est bien entendu toujours possible de passer par une clé iLok, mais l’utilisateur a le choix. Belle preuve d’évolution, n’est-ce pas ?
Entendons-nous bien, nous ne sommes pas contre les systèmes d’autorisation à la sauce iLok qui ont leurs avantages, par exemple la possibilité de passer un plug-in d’un ordinateur à un autre en un tournemain alors qu’avec le système associant le plug à la bécane il faudra d’abord dissocier ces derniers pour ensuite refaire la procédure d’autorisation sur la nouvelle machine, mais les dongles physiques peuvent aussi être un frein suivant l’usage que vous avez de votre station de travail. Offrir le choix à sa clientèle nous semble être une très bonne chose. D’ailleurs, plusieurs éditeurs s’y sont mis dernièrement, ce qui est une excellente nouvelle. Pour en revenir à SoundToys, si l’expérience avec MicroShift s’avère être un franc succès, il est fort à parier que l’ensemble de leur catalogue proposera ce choix sous peu.
Refermons maintenant cette parenthèse pour entrer dans le vif du sujet…
Toy Story
Disponible aux formats VST, AU, RTAS et AAX 32 et 64-bit pour Mac OS X et Windows, MicroShift est un plug-in permettant d’appliquer facilement à vos prises une astuce bien connue des ingénieurs du son professionnels afin de gagner en espace et en profondeur. Le principe de cette recette « miracle » se résume ainsi : d’infimes variations du pitch et/ou de delay envoyées à droite et à gauche du champ stéréo. Dans les années 80, vous pouviez trouver des machines hardware capables, entre autres choses, d’exécuter ce petit subterfuge dans la majorité des studios pros. Les plus prisées étant l’Eventide H3000 et l’AMS DMX 15–80, il n’est donc pas étonnant que SoundToys se soit basé sur ces derniers pour concocter ce plug-in. D’ailleurs, la chose tombe d’autant plus sous le sens lorsque l’on sait que l’équipe derrière SoundToys a réellement travaillé chez Eventide à l’élaboration du H3000.
Avec son look désuet, l’interface du MicroShift est simple et efficace. Nous trouvons, en partant de la gauche :
- un potard « Mix » pour doser le mélange entre le signal source et le signal traité
- un autre potentiomètre baptisé « Focus » allant de 20 Hz à 10 kHz qui permet de ne pas traiter le signal en dessous de la fréquence sélectionnée
- trois boutons pour basculer entre les différents modèles simulés (presets #231 et #519 du H3000, ainsi qu’un réglage de l’AMS DMX 15–80)
- un rotatif « Detune » gérant la quantité de variation du pitch (de 50 à 200 %)
- un dernier potard « Delay » servant à doser les variations du… delay ! (de 50 à 200 %)
S’ajoutent à cela, en haut de l’interface, des éléments communs à toute la gamme de l’éditeur : un gestionnaire de presets plutôt agréable ainsi qu’un bouton « Compare » qui s’illuminera lors de la modification d’un preset et vous permettra d’alterner l’écoute entre le preset original et le nouveau réglage. Premier regret, l’absence d’un switch de bypass… Il vous faudra impérativement passer par celui de votre séquenceur. C’est bête, mais ça manque. Hormis ce détail, ce plug-in se révèle hyper intuitif à l’usage. Il suffit de le glisser sur une piste, de farfouiller dans la quinzaine de presets ou de titiller vite fait les paramètres et ça sonne directement ! C’est spacieux, c’est profond, bref l’engin tient ses promesses avec en prime une légère coloration fort agréable. Car oui, SoundToys a également modélisé la saturation analogique propre à l’Eventide et à l’AMS et cela s’entend. Ce qui est encore plus beau, c’est que ce plug-in ne consomme quasiment rien en ressources CPU, à peine 0,80 % sur notre Intel Core i7 cadencé à 2 GHz, une broutille quoi !
Avant de passer à l’écoute des exemples sonores, une petite remarque. Certes, ce genre de traitement se règle essentiellement à « l’instinct auditif » et le petit nombre de paramètres disponibles n’obligent pas à une lecture approfondie d’un manuel d’utilisation sans fin. Cependant, il est tout de même utile de se pencher un instant sur la notice, ne serait-ce que pour appréhender le gestionnaire de presets ou pour apprendre comment faire apparaître l’affichage chiffré des potards si vous êtes obsédés par la précision. Or, le PDF du manuel, qui est copié sur votre disque dur lors de l’installation, est une véritable plaie à retrouver ! Impossible d’y accéder directement depuis le plug-in, introuvable sur le site web de l’éditeur, et le chemin vers le dossier le contenant est donné… dans le manuel. Joli paradoxe, non ? Sachez donc que sous Windows, vous le trouverez dans le dossier Program FilesSoundToys ; sous Mac OS X, il se situe dans Applications:SoundToys.
Micro Maousse Costaud
Vous ne le savez peut-être pas, mais vous êtes déjà familier avec le son type du MicroShift. Nombre d’artistes et/ou producteurs en ont usé et abusé depuis les 80's. Citons pêle-mêle Brian Eno (et donc U2), Sting, Prince, ou bien encore David Bowie. La plupart du temps utilisé pour donner plus d’ampleur aux voix leads ou aux chœurs, ce type d’effet est parfois exploité sur d’autres sources avec plus ou moins de bonheur, des guitares aux claviers, en passant par la basse. Mais commençons par le commencement avec une voix lead.
- 01 Voix Dry 00:38
- 02 Voix Light 00:38
- 03 Voix Hard 00:38
L’exemple « 02-Voix-Light » est un cas d’école. Il s’agit de l’algorithme AMS (III) avec de très légères variations de pitch (Detune à 50 %), un Delay à 200 %, mais un dosage modéré entre signal source et signal traité (Mix à 25,5 %). Le résultat sonne plus large et apporte une certaine profondeur sans trop dénaturer la source. Nous pouvons bien entendu aller beaucoup plus loin comme illustré avec le sample « 03-Voix-Hard ». Dans ce cas, nous avons utilisé l’un des algorithmes Eventide H3000 (I) avec un peu plus de Detune (65,9 %), toujours un Delay à 200 %, mais un Mix 100 % traité. Nous gagnons encore en largeur, mais c’est sans doute un peu « too much » pour une voix lead, sans parler de la compatibilité mono qui risque d’en prendre un coup.
Voyons voir ce que les différents algorithmes de MicroShift peuvent donner sur des chœurs.
- 04 Choeur Dry 00:37
- 05 Choeur 1 00:37
- 06 Choeur 2 00:37
- 07 Choeur 3 00:37
Les samples 05 à 07 correspondent à un Mix à 100 % avec un Detune à 69,3 % et un Delay de 200 %. La seule différence réside dans le choix de l’algorithme, à savoir dans l’ordre les presets #231 et #519 du H3000 (I et II), puis l’AMS DMX 15–80 (III). Première constatation, le gain en profondeur et en cohésion est tout simplement magnifique quel que soit l’algorithme. Avec un tel réglage, les chœurs prendront naturellement une place en fond de mixage pour enrober d’une très belle façon le reste de l’instrumentation. En ce qui concerne la différence entre les algorithmes, elle est somme toute extrêmement subtile. Entre les deux issus de l’Eventide, il nous semble que la réponse en fréquence est légèrement différente, mais il n’y a pas de quoi fouetter un chat. L’AMS DMX 15–80, quant à lui, présente tout de même une personnalité plus distinctive. Il semble plus « coloré » et sonne plus « British » que « US » à nos oreilles. Enfin, cela reste très subjectif.
Sortons de l’utilisation classique sur les voix pour écouter ce que peut donner le joujou de SoundToys sur une guitare acoustique.
- 08 Gtr Acc Dry 00:43
- 09 Gtr Acc FocusLess 00:43
- 10 Gtr Acc Focus 00:43
- 11 Gtr Acc Wider 00:43
- 12 Gtr Acc Wider Mono 00:43
Sur l’exemple estampillé « FocusLess », nous utilisons l’algorithme III à 100 % avec un Detune à 74,6 % et 89,8 % de Delay. Le Focus est à sa valeur de base, à savoir 20 Hz, donc l’ensemble du spectre de la guitare est traité. L’espace et la profondeur sont au rendez-vous, mais un effet « brouillon » vient ternir l’image. En réglant le Focus à 200 Hz dans l’exemple suivant, nous réglons le problème en sortant les fréquences graves du traitement. Ainsi, le bas de la guitare reste précis alors que le reste du spectre entre en mouvement.
Le sample 11 illustre un élargissement extrême de cette guitare, à tel point qu’il semble presque s’agir de deux prises différentes. L’effet obtenu est bien joli, mais gare à la compatibilité mono comme le démontre l’extrait n° 12…
Passons maintenant à une utilisation moins courante de ce type d’effet avec une prise de basse.
- 13 Bass Dry 00:11
- 14 Bass FocusLess 00:11
- 15 Bass Focus 00:11
Les réglages appliqués sur l’exemple 14 sont les suivants : algorithme III avec Mix à 41,5 %, Focus à 20 Hz, Detune à 116,5 % et Delay à 50 %. La ligne de basse prend une certaine dimension avec un parfum assez daté 80's. L’inconvénient majeur est bien entendu une grande perte en précision. Heureusement, en réglant le paramètre Focus à 120 Hz (sample 15), nous épargnons le corps de la basse, ce qui lui permet de garder une certaine assise tout en conservant l’esprit 80's.
Pour finir, essayons de voir ce que MicroShift peut apporter à une nappe synthétique.
- 16 Synth 00:19
- 17 Synth Wide 00:19
Le rendu sonore parle de lui-même. Notre synthé gagne non seulement en espace, mais également en vie grâce aux micro-variations de pitch et delay induisant une jolie sensation de mouvement.
Conclusion
SoundToys signe avec MicroShift un plug-in à la hauteur des autres produits de la marque, avec en prime une ouverture vers les utilisateurs anti-dongles. Certains pourront argumenter que le tarif de 129 $ est un poil élevé pour un plug-in qui ne sait faire qu’une seule chose. Ce n’est pas faux, mais ce qu’il fait, il le fait diablement bien. D’autant qu’un tel effet a beaucoup plus de cordes à son arc qu’il n’y paraît à première vue. Outre l’application sur les voix, guitares ou claviers, il pourra sans doute être bien utile pour donner du mouvement à un charley un peu mou par exemple, ou bien encore rendre plus vivante une réverbération à convolution au demeurant statique. Bref, votre imagination est la seule limite… sans oublier la compatibilité mono. Comme d’habitude, nous vous invitons grandement à écouter les exemples sonores dans de bonnes conditions, ainsi qu’à télécharger la version d’évaluation disponible sur le site de l’éditeur afin de vous forger votre propre opinion.
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)