Il y a un peu plus d’un an maintenant, le jeune développeur américain Kush Audio présentait un nouveau plug-in indépendamment de ses créations matérielles. Pusher — c’est son nom — a depuis fait un peu de chemin, mais de manière assez discrète… Nous avons décidé de lever le voile sur ce plug-in fort singulier.
Si Kush Audio ne vous disait rien il y a 5 ans, c’est tout à fait normal. Mais si aujourd’hui la marque ne vous dit toujours rien, c’est que vous êtes certainement passé à côté de quelque chose ! En effet, celle-ci s’était fait remarquer après avoir réalisé à « grande échelle » une version modifiée du fameux Fatso d’Empirical Labs — l’UBK Fatso. Ce produit n’est hélas plus disponible, la société Wave Distro aux États-Unis ayant repris sa commercialisation, mais ceci est une autre histoire…
Nous avions déjà abordé le cas du Clariphonic, égaliseur parallèle aux fonctions très intéressantes. Depuis, ce dernier a été décliné en plug-in, puis plus récemment dans une nouvelle mouture, appelée MKII. À ce propos, l’idée était de faire un brin de test sur cette seconde version du plug-in Clariphonic, mais, après réflexion, nous avons préféré nous pencher sur un autre plug-in du développeur, sorti il y a un peu plus longtemps : Pusher. Pourquoi tester ce plug-in plutôt qu’une version logicielle actualisée du Clariphonic ? Parce qu’il nous semble que Pusher présente des fonctions et des sonorités qui, sur le papier, semblent quelque peu originales, du moins dans la démarche.
Néanmoins, nous avons voulu faire un petit aparté (en fin de test) concernant le Clariphonic MKII, histoire de rester dans l’actualité de la marque et montrer les possibilités du plug-in, en reprenant des éléments de tests utilisés alors pour le Clariphonic hardware.
Peu chère… Pusher !
Revenons un peu à nos moutons. Le Pusher, kézako ? Et bien, difficile à dire de prime abord ! Sur le site de la marque, Gregory Scott, la tête pensante de Kush Audio offre un descriptif assez flou, et en même temps assez juste. Il souhaitait proposer un plug-in ne répondant à aucune fonction spécifique, mais ayant la possibilité de créer de nouvelles « textures » via la génération d’harmoniques… Le Pusher, un processeur de distorsion ? En effet. Mais pas seulement.
Disponible aux formats AU, VST et AAX Natif, compatible avec les plateformes 32 et 64 bits, le Pusher a besoin d’une iLok 1 ou 2 pour activer sa licence et être utilisé sur votre DAW favorite. Si jamais vous voulez vous faire une idée par vous-même, Kush Audio propose — comme pratiquement tous les développeurs de plug-ins aujourd’hui — une version de démo. L’installation est très simple, rapide et se fait sans encombre. Tout va bien.
Au premier coup d’œil, soyons francs : il est très difficile d’y comprendre quelque chose. Même si les petits pictogrammes nous « guident » quant à la structure de l’interface utilisateur, on est loin d’une approche conventionnelle. Tout d’abord, sous sa robe « tribale » aux accents camouflage type « tempête du désert », Pusher tente de reprendre en quelque sorte la charte graphique de Kush Audio. Quelques potentiomètres, un VU-mètre, des pictogrammes aussi explicites que mystérieux (aimants, éclairs, ondes sinusoïdales, double flèches…), pas facile de s’y retrouver… et de comprendre ce que l’on va pouvoir faire avec. En même temps, cette intrigue laissera la place à l’intuition… Heureusement, pour ceux qui sont réfractaires à une approche tâtonnante, un « Cheat Mode » permet d’afficher les différentes fonctions à côté des différents potentiomètres et faders. Ouf ! On va pouvoir s’y mettre !
Et là, le plug-in nous dévoile toutes ses capacités. Pusher est en réalité un plug-in divisé en deux étages de traitement. À gauche d’abord, la partie « générateur » d’harmoniques. Au vu de la terminologie et des pictogrammes utilisés (les petits aimants…), on a bien affaire à une simulation de distorsion inspirée par l’utilisation de transformateurs.
L’un des deux gros potentiomètres du plug-in, Flux Drive, est en réalité l’élément de contrôle principal de la distorsion harmonique. Faisant référence à l’utilisation de transformateurs (d’où les aimants…), il agit un peu comme une sorte de niveau d’entrée pour l’étage de génération d’harmonique, et cet étage-là uniquement. En revanche, seule, son utilisation ne vaut pas grand-chose. En effet, le potentiomètre de « Flux Drive » n’a d’effet que lorsqu’il est utilisé conjointement aux autres potentiomètres présents à sa droite. Et c’est là que les choses se compliquent un peu…
La distorsion harmonique est déterminée par quatre « types » d’aimant : Nickel, Iron, Cobalt, et Steel. Chaque « aimant » est censé donner une « couleur » particulière à la distorsion. Plus on tourne le potentiomètre vers la droite, plus la distorsion prend la direction du type d’aimant concerné. Évidemment, on peut mélanger plusieurs « couleurs » de distorsion et créer ainsi quelque chose d’assez original.
L’autre réglage important de cette distorsion harmonique est le Bias. Faisant référence au courant de polarisation de l’aimant, ce potentiomètre permet d’agir sur le comportement de la distorsion en accentuant celle-ci, en fonction bien sûr du niveau d’entrée et du type d’aimant choisi. Enfin, un petit slider permet de doser la quantité de signal traité avec le signal d’origine.
Le deuxième étage de traitement du Pusher est un compresseur/limiteur qui, d’après le fabricant, serait inspiré du Neve 2254. Et là, c’est tout de suite un peu plus clair. Si l’étage de distorsion est un peu délicat à appréhender de prime abord, la simulation de limiteur à diode est légèrement plus « commune ». On retrouve les réglages habituels : Threshold, Attack (Fast, Medium et Slow, on ne s’embête pas avec les détails !) et Release (de 50 à 1200 ms). On a même droit à un petit filtre de Sidechain, allant de 20 à 300 Hz. Le tout — comme pour l’étage de distorsion — peut être dosé avec le signal en sortie de celui-ci (traité ou non suivant les réglages). En théorie, on peut tout à fait utiliser le Pusher comme un limiteur « classique » si on le souhaite.
Un joli VU-mètre aux allures vintage est censé afficher le niveau de réduction de gain. Enfin, un réglage de niveau de sortie détermine… le niveau général en sortie du plug-in.
Faut pas Pusher !
Au vu de ces fonctionnalités prometteuses, voici quelques extraits sonores démontrant la puissance (enfin, une partie du moins !) de ce plug-in. Tout d’abord, commençons avec des batteries et écoutons un peu l’effet sonore en fonction des types d’aimants choisis (pour des réglages de Flux Drive et Bias similaires) :
- 1 1 DRUMS Dry 00:31
- 1 2 DRUMS Nickel 00:31
- 1 3 DRUMS Iron 00:31
- 1 4 DRUMS Cobalt 00:31
- 1 5 DRUMS Steel 00:31
Ensuite, écoutons l’effet du compresseur, avec un peu plus de distorsion :
Voici un extrait où l’on peut apprécier (ou pas !) les joies de la distorsion poussée dans ses derniers retranchements :
Voici d’autres extraits avec une basse :
- 2 1 BASS Dry 00:31
- 2 2 BASS Drive and Comp 00:31
- 2 3 BASS Further 00:31
De même avec les claviers :
- 3 1 KEYS loop Dry 00:31
- 3 2 KEYS loop Pusher 00:31
Et enfin avec la voix :
- 4 1 LEAD Dry 00:31
- 4 2 LEAD Comp 00:31
- 4 3 LEAD Comp and Drive 00:31
- 4 4 LEAD Super Drive 00:31
En termes de réglages, les possibilités de Pusher sont assez vastes. La plage d’action de la distorsion est très large ; en effet, couplée à un savant réglage de Blend Dry/Wet, elle peut aller d’un effet très subtil à une transformation carrément extrême. Cependant, on reste toujours dans un registre qui rappelle le domaine analogique ; ici, pas d’effet numérique type bit crusher…
Poussée dans ses retranchements, la « couleur » de chaque aimant devient assez prononcée. Steel et Nickel me semblent assez proches dans leur direction, avec une sensation plus chaleureuse et « généreuse » dans le bas du spectre pour Nickel. Ces types de distorsion ne sont pas sans rappeler les distorsions harmoniques « à lampes ». De même, Cobalt et Iron semblent un peu proches également, avec une agressivité un peu plus importante pour Iron. Là encore, tout dépend des réglages effectués et il est vrai que pour des valeurs de Flux Drive et Bias assez basses, l’effet peut être très, très subtil…
Ça n’est d’ailleurs que lorsque l’on augmente la valeur de Bias (qui en réalité multiplie le nombre d’harmoniques) que l’on entend franchement la nature de la distorsion. Évidemment, son action joue également sur le comportement des transitoires et vient « dénaturer » le signal d’origine. C’est à ce moment que les contrôles de Blend Wet/Dry deviennent utiles : ils permettent d’équilibrer la texture apportée au signal d’origine et ainsi effectuer un compromis intéressant.
En ce qui concerne le compresseur, on reste dans un registre un peu plus « classique », tout du moins connu. Après s’être frotté à l’étage de distorsion harmonique, l’effet de surprise est quelque peu relatif. Cela ne veut cependant pas dire qu’il est inintéressant, bien au contraire : on aurait presque envie de l’utiliser tel quel, seul, sans la fonction de distorsion harmonique. Néanmoins, les deux vont très bien ensemble ! Là encore, les réglages sont très nombreux, et le Blend Wet/Dry y est là aussi pour quelque chose. Le filtre de Sidechain donne encore plus de possibilités sonores à la gestion de la dynamique ; la section de compression aurait été optimale si elle avait eu un External Sidechain en plus.
En ce qui concerne le VU-mètre, avouons que ceux qui recherchent une précision dans l’affichage des valeurs seront un peu déçus : il s’agit là plus d’un bon témoin de l’action du compresseur et de son comportement temporel. Pour ceux qui ont besoin de repères, Pusher embarque une bonne liste de présets — classés par type de source audio — qui permettent de tester différentes configurations du plug-in et se faire rapidement une idée de ses possibilités.
En termes de ressources, le Pusher est performant pour un plug-in de cette trempe, mais quand même un peu gourmand. Charger une session avec 48 pistes stéréo contenant chacune un Pusher en Insert n’a pas plu à ma configuration ; il va donc falloir utiliser ce plug-in avec parcimonie !
Au final, Pusher est un outil un peu à part, offrant des possibilités sonores pas forcément inédites, mais implantées dans un plug-in de manière vraiment originale. Certes, sa maîtrise demande un certain temps d’adaptation, car la palette de « textures sonores » qu’il offre, dans le domaine de la distorsion harmonique, est assez intéressant. Néanmoins la subtilité de son action fait qu’il peut devenir très utile dans bien des situations. Couplée à un excellent compresseur/limiteur, la distorsion harmonique de Pusher permet en outre un vrai travail sur la dynamique, apportant un réel second souffle à la source audio traitée.
Conclusion
Gregory Scott prouve une fois de plus qu’il ne sait pas faire comme tout le monde avec Kush Audio. Suivant la traditionnelle lignée de ses équipements hardware, Pusher se démarque en proposant une interface utilisateur plutôt originale pour des résultats sonores à la hauteur de nos espérances. Le plug-in offre des possibilités de réglages bien larges dont la subtilité dépendra de vos besoins. Proposé sur le site de Kush Audio pour un tarif de 149 $, il se pourrait que ce petit plug-in jusqu’ici assez discret puisse devenir une botte secrète incontournable.
Téléchargez les extraits sonores du Pusher (format WAV)
Et le Clariphonic DSP MKII ?
Comme je l’ai dit plus haut, à l’origine le test devait porter sur le Clariphonic DSP MKII. Souvenez-vous, peu après sa sortie, nous avions testé le Clariphonic hardware, test que vous pouvez retrouver ici. Après avoir sorti une première version plug-in de ce formidable égaliseur, Kush Audio a décidé d’apporter quelques améliorations en proposant le Clariphonic DSP MKII, qui reprend en tout point les contrôles de l’équipement matériel, à 2 détails près.
Outre le fait que les principaux paramètres de l’EQ aient été repris, le plug-in Clariphonic DSP initial ne possédait qu’une série de réglages, obligeant ainsi l’utilisateur à effectuer des réglages similaires sur les canaux gauche et droit pour une source stéréo. Le Clariphonic MKII, lui, permet désormais de travailler en Dual Mono avec des réglages différents sur les canaux gauche et droit. De plus, Kush Audio a introduit la possibilité d’utiliser l’EQ en Mid/Side, chose qui n’existe pas sur le hardware. Dernier petit « plus », et pas des moindres, le Clariphonic MKII intègre une banque de plusieurs présets, permettant de traiter rapidement certaines sources et de sauvegarder vos réglages favoris.
J’ai volontairement repris les extraits audio utilisés pour le test du Clariphonic hardware avec des réglages similaires sur le plug-in, histoire de se faire une idée du traitement obtenu :
- 1 1 ACC Clariphonic Dry 00:15
- 1 2 ACC LiftDiffuse 00:15
- 1 3 ACC LiftTight 00:15
- 1 4 ACC OpenDiffuse 00:15
- 1 5 ACC OpenTight 00:15
- 1 6 ACC Presence 00:15
- 1 7 ACC Sheen 00:15
- 1 8 ACC Shimmer 00:15
- 1 9 ACC Silk 00:15
- 2 1 Drums Dry 00:19
- 2 2 Drums 1 00:19
- 2 3 Drums 2 00:19
- 2 4 Drums MS 00:19
- 3 1 Rough Mix Dry 00:27
- 3 2 Rough Clariphonic 00:27
J’étais très surpris d’apprendre que cette version était en théorie une version quelque plus « douce » dans la plage d’action que le Clariphonic d’origine. Il est évidemment très difficile de rester objectif quant à la comparaison d’extraits audio qui n’ont pas été réalisés dans les mêmes conditions (matériel Vs. logiciel), cependant je voulais m’assurer que « l’esprit « du Kush Audio Clariphonic soit bien conservé. Et c’est le cas. Mais le fabricant a raison : cette deuxième mouture logicielle de l’EQ me semble plus douce dans sa plage d’action et plus « droite » dans le bas. On retrouve bien la « couleur » qu’apporte le Clariphonic, mais on doit rentrer un peu plus dans les réglages si on veut obtenir une EQ qui agisse réellement — comparativement à la version matérielle.
Pour ma part, je vois le Clariphonic MKII comme un outil supplémentaire, ayant un esprit très proche de la version matérielle, mais offrant une plage d’action plus large et une approche plus douce que le hardware. Un très bon outil qui permet pas mal de choses — dans son champ d’action bien sûr — et qui peut redonner un peu de brillant à vos sources audio.
En revanche, et c’est là son principal défaut à mon sens, son prix ne le rend pas vraiment attractif. Annoncé à $199 — le plus cher de la marque — il se place dans une catégorie de plug-ins s’adressant à des utilisateurs dont les besoins bien définis nécessitent un traitement de ce type.
Téléchargez les extraits sonores du Clariphonic DSP mkII (format FLAC)