L’éditeur EastWest oublie momentanément l’échantillon et franchit le cap du plug d’effet dédié avec Spaces, réverbe voulue haut de gamme, que l’on passe ici en revue.
Dès la création de Play, son moteur audio dédié à la lecture des échantillons maison, l’éditeur EastWest, en compagnie de Nick Phoenix (quand il y a Quantum Leap, il y a Nick Phoenix), a inclus une réverbération à convolution, en augmentant au fur et à mesure des mises à jour ou des nouveaux instruments le nombre de réponses impulsionnelles incluses.
La qualité de ladite réverbe ne fait aucun doute, en tout cas celle de ses impulsions ; il suffit pour s’en rendre compte de la désactiver sur certains presets d’instruments reprenant plus ou moins des échantillons réalisés il y a plusieurs années (l’éditeur n’est jamais très clair sur le sujet, réutilisation tels quels, ou nouveau downsampling, etc.).
La logique appelait une version indépendante de cette réverbe, puisque les réponses impulsionnelles (IR) présentées étaient exclusives aux instruments maison, et encapsulées dans un format propriétaire rendant impossible leur utilisation dans des plug-ins de convolution externes (sauf à bidouiller de façon un peu sauvage de l’audio, avec des pertes de qualité manifestes).
C’est chose faite avec Spaces, réverbe présentée comme haut de gamme, à la fois dans son principe de fonctionnement, et dans celui de la création et de la destination de ses IR. Explications et commentaires.
Introducing Spaces
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Disponible sous la classique forme boîte (de sérieuses économies de papier et carton pourraient être effectuées sur tous les produits EW en adaptant la taille des boîtes à celle des DVD…) mais aussi, et c’est une nouveauté chez l’éditeur, en téléchargement sur son site, Spaces inclut une version autonome, et les déclinaisons en plug-ins AU, VST et RTAS, pour Mac et PC, en versions 32 et 64 bits.
Le contenu affiche un petit Go au téléchargement, et les IR une fois installées (libre choix laissé à l’utilisateur) à peine 750 Mo. Le format est propriétaire, doté d’une extension .ierd, les IR étant regroupées dans des containers protégés.
On note la présence d’IR (dont celles de la L300) signées Acousticas, éditeur ayant hélas cessé ses activités, dont la qualité était cependant quasi unanimement reconnue, ainsi que d’autres dotées du préfixe HDIR, qui devrait rappeler quelques souvenirs aux utilisateurs de la WizooVerb, dont on ne regrettera jamais assez l’abandon. Il s’agit bien des mêmes IR, signées Ralph Kessler, youpi ! Elles ne sont pas toutes présentes, moins youpi.
L’interface est sobre, mais présente immédiatement un premier très gros défaut : sa taille ! Sur un laptop, il ne doit pas rester beaucoup de place pour apercevoir la fenêtre d’arrangement derrière l’immense façade façon alu brossé champagne. Les réglages et paramètres offrent écran de renseignements, deux grands Led-mètres stéréo, niveau d’entrée, de sortie Dry et Wet, de pré-délai, boutons d’affichage, d’activation des filtres et de basculement en mode Mono. On finit par un switch qui n’en est pas un, à savoir que l’on ne peut modifier le statut d’une IR de stéréo à True Stereo (on y reviendra). Quelques paramètres sont accessibles via la version standalone. Et la sélection des presets se fait via un navigateur qui, s’il est très bien conçu en termes de classement, de lisibilité et d’arborescence, gagnerait amplement à être complété par un système d’incrémentation (boutons ±, flèches, etc.).
L’éditeur semble réagir rapidement, puisque la toute première version ne disposait pas de mode de détection de fonctionnement en bus (il fallait remettre le bouton Dry à zéro à chaque chargement…) ce qui pouvait laisser sous-entendre une conception comme effet d’insert, ni de filtres, qui sont maintenant présents. Rudimentaires, passe-haut, passe-bas sans réglages de pente, mais présents. Espérons donc rapidement une navigation plus rapide.
Let’s move
Spaces revendique une qualité 24 bits, et un mode de fonctionnement en True Stereo (selon les IR). Ce type de comportement fait appel à deux IR stéréo, un par canal (droit et gauche). Ce qui permet de placer la source n’importe où dans la pièce simulée (ici “convoluée”) et de faire réagir la réverbe de façon réaliste, par exemple une source placée à droite fera réagir la réverbe principalement à droite et aussi à gauche (comme dans la réalité). Avec une réverbe simplement stéréo (deux IR mono), la source sera placée uniquement au centre de la pièce ou pannée sur l’un des côtés, la réverbe réagissant en conséquence, respectivement en faisant résonner la réverbe à droite et gauche, ou seulement sur l’un des côtés.
L’exemple suivant illustre mieux qu’un long discours : au départ, une guitare envoyée dans un bus sur lequel est insérée Spaces chargée d’une IR stéréo, au centre puis pannée à gauche, suivie du même principe avec cette fois une IR True Stereo :
On imagine alors très facilement les possibilités offertes par le positionnement virtuel des instruments ainsi offert, sachant que l’éditeur a prévu quelques surprises pour profiter de cette finesse de traitement.
L’avantage principal est bien entendu la véracité de réaction. Ainsi, la source (ici notre guitare) se déplace dans la pièce, c’est elle seule qui se déplace, la pièce continuant à résonner en réaction, alors qu’avec une réverbe seulement stéréo, on peut avoir l’impression que la pièce se “déplace” avec l’instrument, puisqu’un seul canal sera stimulé, voir l’exemple ci-après (stéréo d’abord, True Stereo ensuite) :
Ce qui est tout aussi intéressant avec la technologie et la topologie retenues, c’est la possibilité d’offrir des IR bénéficiant de “pré-réglages” de positionnement. C’est-à-dire que lors de la réalisation de ces empreintes, peuvent être mises en œuvre différentes positions de micros dans une pièce, ainsi que de diffuseurs (la plupart du temps, la prise d’IR est faite via diffusion par HP d’un bruit blanc, d’un sweep ou d’une transitoire de type coup de feu ou ballon crevé). N’oublions pas que le “sous-titre” du plug est Source Specific Vintage Analog Convolution Reverb (ouch…).
L’éditeur ne cache pas avoir utilisé du matériel haut de gamme, ni une réverbe hardware pour effectuer ses enregistrements (une Sony DRE-S77). La liste est impressionnante, mais il faut aussi en déduire que la recherche d’une coloration particulière est le but. Sinon, on utilise les moniteurs, les micros et préamplis les plus neutres possible. Bon, il y a quand même du Meitner en fin de chaîne… Et le but est clairement de reproduire la diffusion d’un instrument donné dans un espace donné, y compris au sein d’un pupitre ou d’un orchestre (ce qui en soi n’est pas une nouveauté, contrairement à ce qui voudrait être sous-entendu, pour rappel les presets Orchestral Positioning Track Inserts de l’Altiverb). On trouvera une partie des explications voulues sur le site de l’éditeur, puisque, hélas, aucun manuel n’est fourni, ni document détaillant le contenu et le fonctionnement de la réverbe, ce qui est un peu dommage vu son principe à base de presets.
Classified Files…
Revenons au classement proposé par l’éditeur. Six dossiers permettent d’accéder à des églises (sept différentes, du temple à la cathédrale, notamment la Hamburg Cathedral, en provenance de la WizooVerb), à des salles de concert (neuf, dont le So. Cal. Orchestra Hall, sur lequel on reviendra), des espaces extérieurs ou décalés (11, de la piscine à la forêt), des réverbes Plates et numériques (cinq dont les Plates des studios EW, ex-Cello) ainsi que des pièces et studios (sept dont deux des studios EW et deux grands studios pour enregistrement d’orchestre). On dispose quasiment à chaque fois de programmes stéréo (M-S, mono to stereo, un fichier mono pour chaque canal) et True Stereo (S-S, stereo to stereo, un fichier stéréo pour chaque canal). De plus, le nom du programme inclut la mention ST ou TS, ainsi que FR ou RR pour Front et Rear, puisque les enregistrements ont été effectués selon plusieurs points d’écoute. L’écran donne de toute façon tous les renseignements quant au matériel utilisé, au placement des micros, jusqu’au nom de l’ingénieur.
Le dernier dossier, Instrument Specific Tour, regroupe les IR selon leur destination, de Ambient Electric Guitar à Woodwinds, en passant par Epic Final Film Verb, Piano Large Venue ou encore Vocal Ambient. Et petite surprise, les IR du Hall utilisées pour l’enregistrement de l’EWQLSO, ce qui permettra de compléter les arrangements avec d’autres banques symphoniques, en les plaçant dans le même espace sonore.
Précisons tout de suite que le plug, s’il ne permet pas le partage de ses IR, n’autorise pas pour autant l’import d’IR externes, qu’elles soient maison ou créées par des éditeurs. Pourtant, cela doit être possible, puisque IR d’Acousticas et HDIR sont incluses… On peut le regretter, l’un des avantages de la convolution étant notamment la possibilité d’enregistrer des “raccords” sonores, très utiles quand on travaille en post-production. On ne pourra donc que naviguer parmi les presets fournis, en espérant que l’éditeur complétera la bibliothèque au fur et à mesure (et plutôt façon Altiverb, c’est-à-dire gratuitement…).
Naviguons donc. Dès les premiers essais, on ne peut que reconnaître que la réverbe (les IR) sonne monstrueusement bien.
Commençons par une batterie en multimic (merci BFD…). On ne va même pas jouer sur différents réglages d’envoi selon les instruments, mais envoyer le mix complet dans Spaces sur un Bus. On passera rapidement sur les Gated Drums, qui n’ont pas vraiment d’intérêt puisqu’on ne peut changer leur durée (une Gate pas synchro au tempo ne sert à rien…). En revanche, les Rock Drums Guitar (et autres réverbes piochées à droite, à gauche) font tout de suite décoller le son. On entendra d’abord la boucle dry, puis passant par divers réglages, y compris avec décalage via Pre-Delay (et puis, bon, une Gate pour finir, quand même…) :
Plusieurs programmes sont aussi consacrés au piano, allons-y de ce pas, d’abord des petits espaces, puis des plus grands (Large Venue), avec pour commencer un piano droit :
Puis le Steinway vu par Synthogy :
Passons vite fait par le côté nymanesque de certains presets.
Attardons-nous sur les réverbes spécifiques aux orchestres de différentes tailles. Ici un quatuor réduit en stéréo, passé dans des réverbes diverses :
Puis ce même quatuor, en version séparée par instrument, bénéficiant des réverbes Instrument Specific de So. Cal. Orchestra Hall (violons et deuxièmes violons, altos et violoncelles), suivi de l’IR du Hall d’origine du EWQLSO.
Tout de suite, le son prend une autre ampleur…
On continue avec une ligne vocale réalisée à partir des Voices Of Passion de l’éditeur (la version complète se trouve ICI). On l’écoute seule puis placée dans trois pièces regroupées sous l’appellation Vocal Natural.
Et l’on finit (même si l’on pourrait continuer longtemps…) par une guitare acoustique dans deux ambiances différentes :
Bilan
À l’écoute, il est évident que l’on dispose d’IR de très grande qualité, ce que tout un chacun peut vérifier, puisque l’éditeur propose une version de démo ICI.
Il faut néanmoins accepter le principe imposé par EW : des presets de réverbe de très bonne qualité, conçus pour une utilisation par instrument, mais sans grandes possibilités de réglages. Cela implique d’utiliser des fichiers audio ayant bénéficié d’une prise de son sans reproche, et en cas d’utilisation d’échantillons, de recherche de neutralité plutôt que de production flatteuse.
On peut espérer que l’éditeur offrira régulièrement de nouvelles IR, et qu’elles seront gratuites. Sans avoir la puissance et la souplesse d’Altiverb, de Space Designer ou de SIR2 pour n’en nommer que quelques-unes, sans compter l’impossibilité d’importer d’autres IR, Spaces offre toutefois parmi les meilleures IR actuellement sur le marché, avec une orientation clairement musicale, là où Altiverb par exemple, sera plus polyvalente, notamment dans le domaine de la post-prod’.
Mais à un prix annoncé aux alentours de 250 euros, on peut être tenté, malgré le manque de réglages. D’autant que l’éditeur propose régulièrement des opérations “Un acheté, un gratuit”. Commencez en tout cas par la version de démo…