On se doutait bien qu’avec le rachat récent d’Exponential Audio, Izotope allait nous sortir une réverbe. Pas de surprise donc en voyant débarquer Neoverb, ce qui n’empêche pas le plug-in d’être surprenant à plus d’un titre.
Des traitements dynamiques, des EQ, des distos, des simulateurs de bande et 1001 algos de restauration audio : c’est peu dire que l’arsenal de traitements et d’effets dont dispose Izotope force le respect. Et pourtant, l’éditeur ne s’était jamais fendu d’une vraie réverbe (comme d’un vrai delay d’ailleurs). Il faut dire que développer ce genre d’effet est une spécialité en soi, ce qui a dû pousser l’éditeur à racheter Exponential Audio, société montée par un ancien ingénieur de Lexicon, extrêmement doué pour simuler des espaces mais beaucoup moins pour faire de jolies interfaces. Heureusement pour nous, Izotope a repris les choses en main, comme on s’en aperçoit dès qu’on lance le plug-in.
Neo look
Force est de constater en effet, rien qu’à voir l’interface, que si ce sont les excellents algos d’Exponential Audio qui sont au coeur de Neoverb, les ergonomes et graphistes d’Izotope sont passés par là pour nous proposer un outil autrement plus pratique et agréable visuellement qu’une Phoenix Verb. On quitte non seulement la grisaille geek des plugs Exponential au profit d’un look classe et épuré résolument Izotopien, mais on sent en outre que les développeurs ont fait un effort pour ne pas nous noyer sous les contrôles et proposer une interface inspirante et intuitive. Sur fond sombre, un vaste pad XY coloré en bleu, fuchsia et rouge occupe l’essentiel de la fenêtre tandis qu’on trouve quelques réglages essentiels à gauche et à droite de ce dernier, et un simple EQ au bas de l’interface : un dénuement qui fait plaisir à voir.
L’examen du pad XY suffit à comprendre la première originalité de Neoverb : il ne s’agit pas de choisir un unique type de réverbe pour s’en servir puisque trois algorithmes sont simultanément sollicités et que le pad sert à morpher entre ces derniers. En haut du triangle, on a ainsi l’algo responsable des réflexions précoces, tandis qu’en bas à gauche, on pourra au choix charger une plate, une room ou une Medium chamber, et qu’en bas à droite, on pourra charger un programme Hall ou Large Chamber. Pas de Spring, de Shimmer ou encore de Reverse Reverb : on sent que le propos n’est pas de faire un outil pour le Sound Design mais pour le mixage, ce qui explique aussi l’importance donnée au double EQ qui occupe tout le bas de l’interface.
Mais nous reviendrons sur ce dernier pour nous intéresser à la fonction propre à tous les logiciels Izotope ou presque : Neoverb propose un Assistant.
Laissez-vous faire…
À la manière d’Ozone, Nectar ou Neutron, un bouton Reverb Assistant jouxte le gestionnaire de presets : on ne vas pas se priver pour voir de quoi il retourne. Dès qu’on clique sur ce dernier, une fenêtre apparaît pour demander ce que l’on cherche à obtenir : une réverbe plutôt réaliste ou artificielle (appelée ici Dramatic), une simulation d’espace plus ou moins grand, et une tonalité à choisir parmi quatre : Clean, Dark, Bright ou Airy. Sitôt ces choix faits, Neoverb mouline en écoutant le son que vous lui soumettez et se charge de trouver un preset s’adaptant à votre signal ainsi qu’une égalisation qui évite à la réverbe de rajouter encore du brouhaha sur les fréquences trop encombrées.
Et c’est sur ce premier point qu’Izotope fait fort car Neoverb se charge en effet de paramétrer les deux EQ qu’il intègre : le premier se chargeant d’adapter le signal à la tonalité que vous désirez en amont du traitement, tandis que le deuxième Post-Reverb a pour tâche d’éviter les problèmes de masquage avec vos pistes, pour s’assurer que la réverbe n’englue pas le mix. Pour ce faire toutefois, il faut préalablement insérer le plug-in Relay sur chaque piste à prendre en compte, ce qui permettra à l’Assistant de voir s’il y des recouvrements trop marqués sur certaines fréquences et d’appliquer une égalisation en fonction.
Après avoir inséré les fameux Relay sur chaque piste du projet, on relance donc l’Assistant et on se retrouve avec des EQ préconfigurés et la possibilité de prononcer ou pas leur action via un slider. C’est très bien vu et plutôt efficace, de sorte que les pièces simulées n’envahissent jamais le son, même quand on pousse le programme Hall. L’idée du pad XY est en outre un excellent moyen de trouver un compromis qui sied au morceau comme de faire évoluer la réverbe via une automation.
Tempérons cette enthousiasme toutefois : comme les assistants d’Ozone, Nectar ou Neutron, l’assitant de Neoverb n’a rien de foncièrement « intelligent » au sens IA du terme, car s’il adapte des courbes des EQ aux signaux renvoyés par les plug-ins Relay, il ne s’adapte en rien à l’instrument qu’il traite, contrairement à la smart:reverb de Sonible ou Adaptiverb de Zynaptiq. Comprenons donc la portée de cet assistant qui demeure un moyen ingénieux d’accéder à un réglage de base à tweaker ensuite. Rien de moins, mais rien de plus.
Et puisqu’on en parle, soulignons que la simplicité de Neoverb n’implique pas que le logiciel soit basique : non seulement parce qu’on dispose dans la partie droite de la fenêtre du paramétrage des modulations et de l’indispensable Pre-delay, lesquels sont communs aux trois algos, mais aussi parce qu’un clic sur une flèche à gauche de l’interface permet de déployer le panneau des réglages propres à chaque programme.
On se retrouve alors en terrain plus traditionnel avec des potards permettant de régler les réflexions précoces comme les queues et répondant aux noms de Time, Size, Diffusion, Attack, Damping, etc. De quoi aller plus loin donc, même si bien des utilisateurs se contenteront des excellents résultats obtenus en morphant sur le pad et en jouant sur le pre-delay réglable en millisecondes ou en valeur de note.
Voyez quelques exemples de ce qu’il est possible d’obtenir :
- VocalDRY00:14
- VocalCallBack00:14
- VocalSlap00:14
- VocalFatPLATE00:14
- VocalBACK00:14
- DrumDRY00:13
- DrumMutedPlate00:13
- DrumHall00:13
- WURLYdry00:14
- WURLYplatehall00:14
- WURLYdarkshort00:14
- WURLYhall00:14
- WURLYplate00:14
- WURLYshort00:14
Sachant que même si le sound design n’est pas le premier objectif de Neoverb, le predelay permet d’aborder des registres plus expérimentaux :
- DrumStutter00:13
- DrumPlate16th00:13
Qu’est-ce qui manque ?
Algos de grande qualité, interface bien foutue, fonctions « intelligentes » : tiendrait-on la réverbe de mix parfaite ? La question se pose ! Pour trouver des défauts au plug-in, on se tournera donc vers ce qu’il ne fait pas, à commencer par son côté bien sage qui décevra les sound designers : outre l’absence de spring, de shimmer ou reverse reverb comme nous l’avons dit, on pourra regretter le côté un peu basique de sa section de modulation comme l’absence de gate ou de processeur de saturation. Le reproche est un brin malhonnête vu que les expérimentations sonores ne sont pas le but premier de Neoverb, mais il convient de souligner qu’à cause de ces manques, le plug-in d’Izotope ne sera sans doute pas la seule réverbe dont vous ayez besoin au quotidien.
Et même sur le concept d’une réverbe « réaliste » pensée pour le mixage, on pourra regretter le fait qu’Izotope ne soit pas allé jusqu’au bout de son concept et des potentialités de ses outils. Quitte à devoir mettre des plug-in Relay sur toutes les pistes, on aurait aimé que chacune d’elle se matérialise par un point sur le pad XY pour pouvoir soumettre chaque instrument à une réverb plus ou moins longue. En l’absence d’une telle potentialité, on se retrouve à devoir utiliser plusieurs Neoverb pour mixer et on ne profite pas vraiment à plein du côté triple algo comme on l’aurait voulu.
Enfin, on pourra regretter deux choses : si l’assitant de Neoverb se charge d’écouter la source pour paramétrer les EQ, il ne semble pas du tout se soucier de savoir si c’est une batterie, un piano ou une voix qu’il doit traiter, et rien ne nous est d’ailleurs demandé sur ce sujet. Par ailleurs, sur les questions posées sur l’assistant, il n’est pas forcément évident d’avoir des réponses sans avoir pu essayer le résultat : qu’on nous demande si on veut une réverbe réaliste ou non, pourquoi pas, mais la taille de pièce comme la couleur de la réverbe sont souvent des choses que l’on déterminera après avoir essayé plusieurs possibilités. Et le problème alors, c’est qu’il faut à chaque fois relancer l’assistant pour accéder à ce questionnaire quand il aurait été plus simple de garder toutes les commandes de l’assistant dans l’interface principale…
Vous l’aurez compris : il y a donc des pistes pour faire évoluer Neoverb, sachant que ce qui nous est proposé pour l’heure est déjà extrêmement convaincant. Suffisamment en tout cas pour que le dernier-né d’Izotope devienne la « go-to » réverbe de plus d’un utilisateur pour peu qu’il se décide à dépenser les 250 euros réclamés. D’ailleurs, s’il n’y avait qu’un unique reproche à adresser à cette première version, ce serait celui de ne pas avoir encore de petite soeur dans la gamme Element…
Conclusion
Le concept de la réverb morphant entre trois algos de qualité est excellent, et il est complété par un excellente interface comme la possibilité de réduire automatiquement les problèmes de masquages. Da fait, Neoverb sonne bien et s’avère autrement plus facile à programmer que nombre de produits concurrents. Bien sûr, ce n’est pas la réverbe la plus exhaustive du marché en termes de réglages comme d’algos et les sound designers préféreront se tourner vers les choses plus barrées qu’on trouve chez Eventide ou 2c audio. Ce n’est pas non plus un concept aussi différent que ceux imaginés par Zynaptiq ou Sonible au rayon des réverbes « intelligentes » et Izotope aurait certainement pu pousser plus loin ses idées en utilisant pleinement les plug-ins Relay à l’intérieur de Neoverb. Reste que pour les tâches de mixage, on tient là un plug-in qui a le mérite de faire avancer le schmilblick en nous simplifiant la vie et dont il nous tarde de voir comment il évoluera au sein de l’écosystème Izotopien.