Quand un des plus fameux éditeurs de bibliothèques orchestrales s’attaque à la réverbération avec la MIR Pro 24, ceci après avoir produit un des instruments virtuels dédiés parmi les plus performants, on est en droit d’attendre une approche originale. Non ?
On ne compte plus les approches dites originales dans le domaine de la synthèse virtuelle, chaque éditeur mettant en avant à la sortie d’un nouveau produit telle ou telle fonctionnalité inédite, conception révolutionnaire, implémentation unique, changement de paradigme et autres arguments censés rendre leurs produits inévitables et à posséder à tout prix sous peine de ne pas avoir LE son. Même chose du côté des concepteurs d’effets, et les innombrables EQ (tiens, je vais mettre un bruit rose à la place du bruit blanc, comme ça mon paramétrique sonnera plus « analogique »…), compresseurs et traitements du signal n’en finissent plus de fleurir, de vider les portefeuilles et remplir les dossiers VST, VST3, AU, RTAS et récemment AAX (un peu moins, pour cause de nouveau format, tiens, d’ailleurs, pourquoi des nouveaux formats ?).
|
Bien sûr, parmi tout ça, il existe d’authentiques pépites, il ne s’agit pas de tout rejeter en bloc et les différents tests sur Audiofanzine les présentent régulièrement. Mais dans cette production pléthorique, combien d’approches réellement différentes, originales, changeant le principe d’utilisation, la démarche créative et parfois les deux à la fois ? Pas tant que ça. Dans le domaine de la réverbération, par exemple, on connait les réverbes algorithmiques dites aussi synthétiques, calculant les espaces grâce à des algorithmes (ben oui…) simulant les caractéristiques réelles d’un espace réverbérant, les réverbes à convolution, qui appliquent l’empreinte sonore d’un lieu véritable sur l’audio. Plus original, et plus puissant, on a parfois vu un mélange des deux (feu l’excellente WizooVerb W2, par exemple). Mais l’approche plug en insert ou sur un Bus, réverbe stéréo ou True Stereo voire surround reste la plus commune. Et voilà qu’arrive la MIR PRO 24, cadette de la MIR PRO, montrant si ce n’est une technologie entièrement nouvelle, du moins une approche fondamentalement différente. Revue de détails.
Introducing Vienna MIR PRO 24
On trouvera le logiciel sur le site de son éditeur, disponible en téléchargement ou physiquement, avec livraison sur clé USB. La réverbe est relativement chère (395 euros, plus dix en version USB), mais on est là clairement dans du haut de gamme, son aînée, MIR PRO, atteignant elle 795 euros. Par rapport aux précédentes versions, on bénéficie maintenant d’un plug-in dédié (on y reviendra, le concept de plug-in est ici différent de ce que l’on entend habituellement), et les compatibilités sont assurées pour quasi tous les formats, sur les deux plateformes Mac et PC, 32 et 64 bits, c’est-à-dire VST, AU, RTAS et AAX. On télécharge le logiciel, sans oublier sa banque de réponses impulsionnelles d’origine (Vienna KonzertHaus Roompack) via l’habituel Vienna Download Manager, l’autorisation s’effectuant comme pour tous les produits VSL sur une clé USB e-Licenser. On peut acquérir deux banques de réponses additionnelles, les RoomPack 2 – Studios & Sound Stages (offrant le mythique studio Teldex à Berlin et trois studios de l’ORF Funkhaus à Vienne, 245 euros) et RoomPack 3 – Mystic Spaces (deux églises autrichiennes, 175 euros).
Dans toutes les directions
La réverbe utilise un principe de réponses impulsionnelles multiples pour une même salle (MIR, pour Multiple Impulse Response), permettant de placer sources et « auditeur » dans différents endroits de l’espace. Ainsi pour le pack de base, les quatre salles et le foyer du Konzerthaus totalisent 11 000 réponses impulsionnelles, enregistrées via un mode opératoire quatre canaux Ambisonics (on trouvera plus de détails sur les pages dédiées de l’éditeur, ainsi que sur un PDF dédié). Ce principe de réponses multiples permettra, pour placer l’instrument dans un des points de la salle, d’effectuer dans un premier temps jusqu’à huit convolutions, six horizontalement (de 0° à 300° par pas de 60°) et deux verticalement (haut et bas, cet ensemble de huit IR pouvant être accompagné d’autres ensembles), et ceci après que les caractéristiques spectrales et le volume de l’instrument aient été calculés en fonction de sa position.
Tout cela peut sembler bien complexe, ça l’est (sans parler de la puissance de calcul nécessaire pour obtenir un effet en temps réel), mais heureusement pour l’utilisateur, l’utilisation de cette puissance de traitement et de restitution sonore a été grandement simplifiée. Le principe retenu pour l’utilisation de toute cette puissance est l’association de plug-ins qui routeront les signaux à traiter de la DAW vers l’application autonome MIR PRO, qui s’ouvre en tâche de fond (on peut aussi utiliser Vienna Ensemble et/ou Vienna Ensemble Pro). Avec MIR PRO, le nombre de plug-ins/canaux (correspondant à un instrument isolé ou un Bus en regroupant plusieurs) est illimité (enfin, suivant les possibilités de l’ordinateur hôte), sur la MIR PRO 24, on ne peut ouvrir que 24 plug-ins. Ce qui est déjà pas mal, si l’on pense son mixage en fonction de cette limite, d’autant que l’on est rarement confronté à une réflexion de cet ordre lorsque l’on mixe avec des réverbes stéréo ou multicanal. Et les personnes travaillant sur des VSL Farms (un ensemble d’ordis en réseau hébergeant différentes parties de l’orchestre virtuel) pourront aussi se contenter de MIR PRO 24 sur les ordis secondaires et prendre une MIR PRO sur le principal (on parle là d’investissements qui ne concernent que les professionnels, les sommes totales impliquant des moyens normalement hors du cadre amateur). Je dis VSL Farms, mais bien entendu, l’utilisation de MIR PRO (24 ou complète) n’est pas limitée à la Vienna, bien au contraire.
Entrée en action
On ouvre donc une session dans sa DAW préférée et l’on insère un plug MIR PRO 24 sur un canal ou un Bus. Les contrôles y sont relativement peu nombreux et consacrés à l’essentiel : Volume, balance Dry/Wet, Mute, Solo, nom et assignation couleur de l’instrument (important, quand on en utilisera plusieurs), Hide (qui rend invisible l’icône dans l’application MP24), bypass, mise au premier plan de l’application et localisation de l’instrument dans la MP24, et pour finir activation du Room Tone (qui est le bruit propre de la pièce…). L’interface offre aussi un crêtemètre, s’adaptant au format audio, de mono à multicanal.
Ensuite tout se passe dans l’application proprement dite. Il faudra d’abord choisir le type de salle dans le navigateur. D’origine, MP24 est livrée avec le Vienna KonzertHaus Roompack, largement suffisante dans un premier temps grâce à ses cinq espaces très différents. Mais on gagnera indéniablement à diversifier les possibilités grâce aux autres Roompacks (non reçus, donc non testés, donc ce qui suit sous réserves) : ayant eu la chance « d’entendre » les studios Teldex dans la réalité, en particulier le superbe Recording Hall de plus de 450 m2, si l’éditeur n’a pas raté sa prise d’IR multiples, les programmes pour MP24 doivent être… superbes. Seul reproche, corollaire des techniques retenues, on ne peut utiliser MP24 qu’avec les IR fournies par l’éditeur, qui représentent un sacré investissement, et qui ne sont pas si nombreuses que ça (voir la politique de gratuité, la diversité et le nombre d’IR fournies par Audioease pour leur Altiverb, par exemple).
|
Retour au choix : l’onglet Venue ouvre une fenêtre donnant accès aux IR disponibles. Le choix peut être fait par type de salle, temps de réverbération et Location (différentes salles dans un même endroit). On y trouve les représentations graphiques, plusieurs photos en diaporama et des informations sur la salle, un réglage de temps de réverbération ainsi que la sélection d’une des positions de l’auditeur/ensemble de micros (micro principal pour suivre) dans la salle. Par exemple, le Konzerthaus – Grosser Saal Stage offre la possibilité de situer l’auditeur à la place du chef d’orchestre, aux septième ou quinzième rangs, ou au balcon. Un bouton Preview permet d’entendre le son de la réverbe avant son chargement, pratique. Une fois la sélection validée, on passe à la fenêtre principale, dans laquelle la représentation graphique de la salle apparaît, ainsi que les instruments/bus chargés dans la DAW dotés d’un plug MP24 (voir encadré) et le micro principal. On peut zoomer et se déplacer dans la salle, pratique pour visualiser correctement le nom des instruments dès qu’on commence à les cumuler et les déplacer ; à ce propos, l’éditeur appelle Hotspots les endroits de la salle qui permettront d’entendre les réverbérations (en dehors de ces endroits matérialisés en jaune brillant, on n’entendra pas de son du tout).
Réglages à gogo
On dispose ensuite de deux séries de réglages, l’une pour l’instrument sélectionné, l’autre pour ce que l’éditeur appelle sa sortie (Output). Dans les premiers, un menu donne accès aux profils d’instrument (menu aussi accessible via clic droit sur l’icône instrumentale), ce qui chargera des préréglages incluant de nombreux paramètres (notamment de directivité du signal, et de son comportement, du volume naturel, etc.) correspondants aux instruments de la VSL, mais qui pourront tout aussi bien servir à ceux d’autres bibliothèques. On accède ainsi aux paramètres de direction, de largeur, de balance Dry/Wet, Hide, Mute, Solo, Bypass, au Volume.
Le menu Character offre plusieurs types de sonorités conçus pour les Vienna Instruments de Pure à Subtle, en passant par Air, Bite, Warm, etc., jouant apparemment sur des EQ et compression subtiles (on peut les essayer sur d’autres bibliothèques). Deux réglages importants si l’on est un peu perdu (ou pas…), Natural Volume et Dry Directivity qui forceront l’instrument et sa réverbe à leur comportement naturel dans la salle donnée.
Dernier groupe de réglages, Output concerne évidemment la façon dont le son est « capté » et donc la façon dont l’auditeur entend le traitement de réverbération appliqué à tous les instruments.
|
Premier élément, le microphone principal : un menu offre un nombre assez important de types de configuration de microphones, de la stéréo (il y a même Mono) au 5.1., en X-Y, ORTF, M-S, Blumlein, etc. Si cela ne suffit pas, on peut créer ses propres configurations en appuyant sur le bouton E(dit) qui ouvre l’Output Editor, dans lequel les options ne manquent pas. Saluons la pédagogie de l’éditeur qui prend soin d’expliquer les configurations et réglages autant qu’il le faut, dans les différentes fenêtres comme dans les nombreux manuels et PDF, malheureusement en anglais seulement. Cette fenêtre permet aussi de choisir ou régler le deuxième microphone, ainsi que la matrice de routage, important quand on travaille en multicanal. Ce deuxième microphone (là encore, un ensemble de micros) peut être placé à différents endroits et son volume ajusté selon les besoins.
Enfin on trouve les réglages d’offset du volume sec global, le temps de réverbération (dépendant de celui de l’IR), d’un offset Dry/Wet, de deux boutons activant les solos Dry et Wet, du curseur Room Tone et d’un EQ paramétrique multimode cinq bandes pour peaufiner le son de la pièce.
Bilan
Avant de conclure, écoutons quelques exemples des possibilités offertes. D’abord, une phrase de clarinette basse sans réverbe.
Ensuite, dans la grande salle, proche du chef d’orchestre (programme Stereo – MIR PRO – Default). Pour tous les exemples de clarinette suivant, la balance Dry/Wet sera à 66 % (côté Wet).
Puis tout au fond à sa gauche, l’émission dirigée vers le chef d’orchestre puis à son opposé.
Maintenant, retournons la clarinette dans la bonne direction, mais plaçons le micro principal au 15e rang, puis remettons la clarinette dans l’autre sens.
Et un accord « Maman » pour finir, d’abord arpégé puis en accord suivant diverses positions du micro principal et du secondaire, dans différentes salles.
Tout est bien entendu réalisé à l’intérieur de MP24, taux de réverbe, placement en profondeur, volume, panoramisation, etc. (les Pan de Logic de chaque voix sont tous au centre).
Indéniablement, MP24 est un outil surpuissant. Ce qui lui donne autant de qualités que de potentiels problèmes. Ses qualités sont bien entendu la réussite du concept (enfin du nouveau…), sa mise en œuvre et la qualité sonore du logiciel. Les IR fournies d’origine sont très belles, et le comportement de l’ensemble en fonction du placement, de la distance, de la profondeur et de la largeur est assez étonnant, et d’une grande simplicité de mise en œuvre. L’inclusion d’une réverbe algorithmique, MIRacle, est aussi la bienvenue avec ses présets permettant de « lisser » certains sons ou sections. Et l’utilisation des VI Pro et de MIR PRO 24 dans Vienna Ensemble Pro 5 un véritable plaisir, loin des prises de tête de certaines configurations dans nos DAW chéries… Le risque étant de se perdre facilement dans tout ça, de favoriser les détails de chacun au détriment du point de vue d’ensemble nécessaire.
Les tarifs pratiqués mettent ces logiciels relativement hors de portée de l’amateur, même si l’on a droit pour ce prix à une réverbe à convolution et une réverbe algorithmique pouvant travailler toutes deux en multicanal ; et il faut de toute façon une certaine maîtrise du mixage (dont la première étape est l’écriture, ne l’oublions pas) pour en tirer tout le potentiel (attention aux phases, par exemple). Il serait dommage qu’une telle puissance soit mal utilisée, comme les excès du multimike ont pu faire perdre à certains le son de base d’un instrument (combien de micros sur un kit de batterie là où deux, trois micros dans une bonne pièce suffisent ?) ou d’un orchestre (est-ce que la multiprise par sections a ajouté quelque chose aux enregistrements d’anthologie effectués dans une salle de concert avec des techniques depuis longtemps éprouvées ?). Sans compter l’oreille de moins en moins habituée au son véritable d’un orchestre en salle de concert, pour cause de musiques de film complètement trafiquées, qu’elles soient à base d’orchestres réels ou virtuels… Mais ne boudons pas notre plaisir, MIR PRO 24 est un outil étonnant, loin d’être limité à l’orchestre et disposant de très nombreux atouts. La puissance créative restant bien sûr l’apanage de son utilisateur.
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)