Aujourd’hui nous allons nous pencher sur la deuxième mouture d’EAReverb. Hasard du calendrier, il s’agit du troisième plug-in de réverbération que je passe sur le grill en quelques semaines. D’ordinaire, la chose aurait pu me faire traîner des pieds. Pourtant, c’est très loin d’être le cas. En effet, les qualités sonores des produits signés eaReckon ont toujours su caresser mon oreille dans le sens du poil. Cette nouvelle cuvée d’EAReverb sera-t-elle à la hauteur de ses aînés ? C’est ce que nous allons voir…
Nature & Découvertes
EAReverb 2 est donc un plug-in de réverbération. Niveau compatibilité, nous avons droit aux formats VST 2.4, VST 3, AU et AAX pour Mac et PC en 32 et 64 bits. L’installation et l’autorisation (jusqu’à 4 ordinateurs) ne sont qu’une simple formalité. La bonne nouvelle, c’est que l’éditeur habite notre bel hexagone et qu’il a pris la peine de nous pondre un manuel au format PDF en français ! Mais si vous n’êtes pas à votre aise avec la langue de Molière, ne vous en faites pas, une version anglo-saxonne est bien entendu également disponible. Pour en finir avec le côté technique, sachez qu’une instance de ce plug-in consomme environ 0.30 % sur ma machine (Mac Pro fin 2013 Hexacœurs Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3), ce qui est plus que raisonnable, et induit malheureusement une compensation de latence égale à la taille du buffer audio.
Bien, faisons maintenant connaissance avec cet EAReverb deuxième du nom. Le manuel en français étant librement téléchargeable via la page produit sur le site de l’éditeur, il me semble inutile de décrire chaque paramètre par le menu. Intéressons-nous donc plutôt aux spécificités de ce plug-in. L’interface graphique non redimensionnable est suffisamment claire pour ne pas souffrir de cet état de fait. Cette dernière offre trois vues différentes : PRO, SE et POS. Afin de découvrir ce joujou, commençons par la plus simple d’entre elles : la vue SE.
Lors de sa sortie fin 2010, l’interface de la réverbération algorithmique EAReverb a pu effrayer certaines personnes tant les réglages étaient nombreux. Du coup, eaReckon a jugé bon de sortir en 2014 une version simplifiée disposant de moins de paramètres, mais conservant les mêmes algorithmes, j’ai nommé EAReverb SE. Avec ce nouveau millésime, l’éditeur enterre cette fragmentation en proposant directement une vue simplifiée au sein du plug-in. Cette page SE regroupe les réglages « de bases » ainsi que certains « métacontrôles » affectant simultanément plusieurs paramètres du mode PRO afin d’agir rapidement sur le rendu sonore. Simple et efficace, cette vue sera certainement la plus utilisée au jour le jour. D’autre part, si d’aventure vous deviez affiner certains réglages et donc basculer sur la page PRO, l’éditeur a tout prévu pour vous simplifier la tâche. En effet, un code couleur autour des rotatifs permet de facilement retrouver ses petits entre les deux vues. De plus, une petite LED virtuelle rouge s’illuminera à côté des « métacontrôles » de la vue SE lorsqu’il n’y a plus de correspondance entre les deux modes. Notez que ces LEDs s’allumeront également lors du chargement de certains présets brisant la correspondance. À l’usage, c’est on ne peut plus pratique. Seuls bémols niveau ergonomie de cette page : il n’y a aucune fonction « Cadenas » verrouillant certains paramètres comme la balance Dry/Wet lors du passage d’un préset à un autre. C’est d’autant plus curieux que des « cadenas » existent dans les autres vues et que leur activation est respectée même lorsque l’on bascule la vue en SE… De plus, le Pré-Delay n’est pas synchronisable au tempo alors que cela est possible sur la page PRO.
Concernant les algorithmes disponibles, ils se sélectionnent via le gigantesque potentiomètre central. La première version d’EAReverb était réputée pour sa capacité à créer des réverbérations « naturelles et organiques ». Bien entendu, le passage en v2 conserve cette qualité avec les algorithmes allant de la taille XXS à XTREM. Cependant, dans un contexte musical, nous ne sommes pas toujours à la recherche d’une sensation d’espace réaliste. L’éditeur l’a bien compris et a du coup incorporé de nouveaux algorithmes afin de répondre à ce type d’attente. Il y a d’abord « Bright », « Alu Box » et « Auditorium » qui sont directement dérivés de l’algorithme historique et peuvent être réglés avec un temps de Decay infini. Le premier est plus brillant et mobile que nature alors que le second sonne plus sourd et métallique. Quant au dernier, il est décrit comme une version étendue de la réverbe originale. Ces trois algorithmes élargissent grandement le champ d’application du plug-in en offrant des réverbes moins discrètes que son aïeul. Il sera ainsi possible de les utiliser pour mettre en avant un instrument en le détachant du reste, voire de partir dans un trip sound-design avec le Decay infini et les possibilités de modulation.
Ensuite, eaReckon nous gratifie de son interprétation de la célèbre réverbe Plate. Notez qu’il ne s’agit pas ici de reproduire une réverbération à plaque 100 % réaliste, le but est plutôt d’en proposer une interprétation proche de l’esprit des présets Plate présents dans les réverbérations numériques des 80's.
Enfin, EAReverb propose un algorithme « Reverse ». Est-il utile de vous préciser de quoi il retourne ? Je ne pense pas.
Comme vous le découvrirez plus tard au travers des exemples sonores, le rendu de l’ensemble est extrêmement convaincant. Le seul petit point noir, c’est que pour quelqu’un ayant l’habitude des familles de réverbération « classiques » (Room, Hall, Chamber, etc.), il faudra nécessairement un certain temps d’adaptation afin de cerner les applications possibles pour ces algorithmes. Mais cela ne semble pas cher payé étant donné la qualité du résultat.
Grandeur Nature
Passons maintenant à l’imposante page PRO. Impossible de passer au crible l’ensemble des paramètres ici présents. C’est on ne peut plus exhaustif et le découpage en quatre zones distinctes suffisamment explicite pour qu’on ne s’y perde pas. Les trois zones inférieures sont :
- Mix : pour le dosage de la réverbe, les niveaux d’entrée et de sortie, mais également le panoramique et la largeur stéréo de la source ;
- Early Reflections : pour la gestion des premières réflexions ;
- Late Reverb : pour la queue de réverbe. Notez qu’il est ici possible de synchroniser le Pre-Delay au tempo de l’hôte.
Chacune de ces zones dispose de la fonction « Cadenas » dont je vous parlais plus haut. Pratique et efficace, l’ensemble se manipule plus facilement qu’il n’y paraît de prime abord.
Mais le véritable joyau de ce mode PRO réside à mon sens au cœur du bandeau supérieur de l’interface. Trois modules sont accessibles via ce dernier. Le premier permet de régler finement chacune des réflexions primaires et d’ainsi totalement plier ces dernières à vos quatre volontés. Difficile de vous décrire la chose en seulement quelques mots, mais j’invite les plus curieux d’entre vous à se jeter sur le manuel pour découvrir la puissance de cette section, car c’est vraiment assez impressionnant. Évidemment, ce n’est pas le genre de chose que l’on trafique tous les jours, tant s’en faut. Mais c’est tout de même agréable de savoir que c’est faisable. Seul regret, il n’est pas possible de synchroniser au tempo le delay séparant le signal source de la toute première réflexion ou les multiples premières réflexions entre elles.
Deuxième module manipulable via ce bandeau, le module Multi-Bande (MB pour les intimes) qui propose un affichage de la réponse en fréquence des réflexions primaires (rouge), de la queue de réverbe (bleu), des deux combinés (violet), et deux modes de traitement de la réverbération. En mode « Post », il est ici possible de gérer la largeur stéréo et le volume de quatre plages de fréquences librement définissables. Diablement pratique pour, par exemple, éviter que le bas du spectre bave en largeur, ou encore pour taper dans un effet plus exotique qu’une réverbe traditionnelle. En mode « Pre », le signal entrant est découpé en quatre bandes, toujours librement définissables, et vous pouvez alors choisir quelle proportion de chaque bande sera traitée par la réverbe ainsi que la quantité de signal source qui sera réinjectée en sortie, toujours par bande. L’utilité de la chose ? Eh bien au choix, maîtriser la sensation d’éloignement en fonction des fréquences, maintenir la stature monolithique du bas du spectre, donner dans l’espace improbable, etc.
Enfin, dernier module de ce puissant bandeau supérieur, le module Gate. Celui-ci est directement dérivé d’un autre plug-in de l’éditeur, le SD-GATE 87. Pas grand-chose à dire à son sujet, si ce n’est que l’exhaustivité des réglages est une fois de plus encore de mise, ce qui rend ce Gate beaucoup plus puissant que la majorité des équivalents présents chez la concurrence. Notez que la détection se fait au choix en fonction du niveau d’entrée, ou selon une détection des transitoires, ce qui sera particulièrement utile sur des éléments percussifs.
Voilà qui clôture notre rapide tour d’horizon de cette vue PRO. Bien qu’extrêmement dense, son usage n’en reste pas moins aisé ; et s’il est vrai que dans la majorité des cas il ne sera pas nécessaire d’aller farfouiller dans cette abondance de réglages, il convient de saluer la flexibilité de la bête. J’ai tout de même une dernière critique à formuler… Si vous me faites l’honneur de suivre un tant soit peu mes bancs d’essai, vous devez à présent savoir à quel point j’affectionne la fonction de comparaison A/B. Vous ne serez donc pas surpris de me voir déplorer une fois de plus son absence. C’est vraiment dommage, car avec un produit aussi touffu que celui-ci, l’utilité d’une telle fonction me parait tout bonnement indiscutable.
Plus vrai que nature
La troisième et dernière vue est une nouveauté de cette version 2 des plus intéressantes. Baptisée POS, cette interface a pour but de vous aider à placer dynamiquement la source sonore au sein de l’espace simulé. Pour ce faire, il suffit de déplacer à la souris le point situé dans le panneau central.
L’image de fond dudit panneau peut être changée, cela n’influence aucunement le rendu sonore, mais constitue une aide pour un placement précis. Pour que l’effet soit le plus saisissant possible, il convient de placer EAReverb en insert de la piste à traiter. Si plusieurs instances sont réparties sur différentes pistes, l’ensemble des points de positionnement apparaîtra dans le panneau POS de chaque instance. Malheureusement, il est impossible de manipuler tous les points depuis un seul plug-in maître. Notez d’autre part que les changements de paramètres d’une instance ne seront pas répercutés sur les autres, dommage…
De chaque côté du panneau central, une série de réglages permet de définir des bornes à la variation induite par le déplacement du point sur certains paramètres comme la diffusion des réflexions primaires, le filtrage, etc.
À l’usage, cette page POS est vraiment efficace d’un point de vue sonore. Pour de la post-prod, ce sera un outil d’une aide précieuse. Dans un contexte musical, la chose peut également avoir son intérêt même si le placement réaliste des objets sonores n’est pas forcément une prérogative dans les productions modernes. Cependant, il me semble que la bête aurait pu aller encore plus loin. En effet, les mouvements du point ne sont pas automatisables en soi. Il est bien sûr possible d’enregistrer l’automation des mouvements du point effectués via la souris, mais cela génère des courbes d’automations pour de multiples paramètres dont l’édition a posteriori peut être fastidieuse. Il aurait été plus intéressant d’avoir seulement un paramètre pour l’axe des abscisses et un autre pour l’axe des ordonnées, me semble-t-il. Cela aurait même permis de piloter le mouvement via un contrôleur de type pad X/Y. Il doit certainement y avoir une raison technique cachée derrière cette histoire, mais c’est tout de même regrettable.
Pour vous donner une idée de ce qu’il est possible de faire au travers de cette vue POS, voici un rapide travail sur des bruits de pas :
- 01 Footsteps dry 00:41
- 02 Footsteps Pos 1 00:41
- 03 Footsteps Pos 2 00:41
Le premier extrait se résume à la source dans son plus simple appareil. Pour le deuxième, j’ai simulé un déplacement dans l’espace en enregistrant les mouvements du point effectués via la souris. Enfin, j’ai affiné les réglages des bornes de certains paramètres sur le troisième afin d’obtenir quelque chose qui me semble encore plus réaliste. Intéressant, non ?
Puisque nous venons d’attaquer l’écoute, ne nous arrêtons pas en si bon chemin et enchaînons avec une session de démonstration sonore.
S’évanouir dans la nature
Pour commencer, voici une guitare acoustique plongeant dans les algorithmes naturels :
- 04 Acc dry 00:43
- 05 Acc Close 00:43
- 06 Acc Room 00:43
- 07 Acc Concert 00:43
Poursuivons avec une guitare électrique agrémentée des nouveaux algorithmes Auditorium et Plate :
- 08 eGtr dry 00:26
- 09 eGtr Auditorium 00:26
- 10 eGtr Dark Plate 00:26
Pour la suite, j’ai utilisé une ligne de piano électrique avec les algorithmes Alu et Bright. J’ai ensuite essayé de brièvement présenter les possibilités du module MB, d’abord en Pre avec seulement la zone comprise entre 150 Hz et 1000 Hz traitée et juste le signal sec situé entre 1 kHz et 3 kHz, puis en Post avec une automation de la largeur stéréo sur la bande 300/1 000 Hz. Enfin, le dernier extrait utilise l’algorithme Reverse avec les modules MB et Gate afin d’obtenir une curiosité sonore.
- 11 ePiano dry 00:26
- 12 ePiano Alu 00:26
- 13 ePiano Bright 00:26
- 14 ePiano MB Pre wet 00:26
- 15 ePiano MB Post Auto wet 00:26
- 16 ePiano Reverse Design 00:26
L’extrait suivant utilise deux instances d’EAReverb avec une piste de piano. La première instance utilise un algo naturel intimiste pour les passages calmes alors que la seconde amplifie le côté « dramatique » du passage plus exalté au moyen d’une réverbe spacieuse.
- 17 Piano dry 01:22
- 18 Piano wet 01:22
Sur la nappe de synthé suivante, j’ai utilisé de longs temps de réverbération ainsi qu’une bonne dose de modulation sur le dernier extrait afin de donner un peu plus d’ampleur et de personnalité à l’ensemble.
- 19 Synth dry 00:20
- 20 Synth Black Hole 00:26
- 21 Synth Warm Dream 00:26
- 22 Synth Mod 00:27
Passons enfin à une batterie en commençant par la caisse claire. D’abord l’extrait sec, puis avec une Plate suivie de près par la même Plate accompagnée du Gate.
- 23 Snare dry 00:14
- 24 Snare Plate 00:14
- 25 Snare Plate Gate 00:14
Voyons ce que l’on peut obtenir sur une batterie complète. Le premier exemple se résume au signal source. Pour le deuxième, il y a la Plate « Gatée » sur la caisse claire ainsi qu’un préset façon « Room » sur l’ensemble. Une réverbe plus large a été ajouté aux overheads sur le troisième. Le quatrième utilise un préset censé simuler une ambiance « Night Club ». Enfin, le dernier emploie un préset au nom assez suggestif, « Behind the window ».
- 26 Drums dry 00:25
- 27 Drums Plate Room 00:25
- 28 Drums Plate Room OH Wider 00:25
- 29 Drums Night Club 00:25
- 30 Drums Behind Window 00:24
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Si ces exemples vous ont donné l’eau à la bouche, je vous invite à télécharger la version d’évaluation afin d’explorer plus avant les possibilités de la bête sur vos propres productions.
Gâté par la nature
Avec cette version 2, eaReckon rend son plug-in de réverbération encore plus attractif qu’il ne l’était déjà. EAReverb conserve bien entendu toutes les qualités sonores de la première mouture et apporte en sus de nouveaux algorithmes qui rendent l’ensemble beaucoup plus polyvalent. L’exhaustivité de la vue PRO satisfera les utilisateurs les plus exigeants tandis que la page SE ravira ceux qui souhaitent travailler rapidement sans pour autant sacrifier la qualité du rendu. Quant à la vue POS, même si elle est encore perfectible, le degré de facilité dans le placement spatial qu’elle apporte est un plus non négligeable. Bref, chapeau bas monsieur eaReckon !
Téléchargez les extraits sonores (format FLAC)