Vénérable institution de la simulation d’ampli logicielle, Amplitube nous revient dans une version 5 qui a toutes les allures d’une mise à jour majeure…
Avec ReValver et Guitar Rig, Amplitube compte parmi les plus anciens simulateur d’ampli logiciel du marché de sorte qu’il rassemble non seulement un nombre conséquent d’utilisateurs mais se voit aussi doté d’une grande richesse fonctionnelle accumulée au fil des versions. Dans la version Max que nous testons ici, on retrouve ainsi plus de 400 matériels émulés, ce qui comprend évidemment des amplis, des enceintes et des pédales, mais aussi des traitements de studio issu de T-Racks : bref, il y a de quoi faire !
La quantité n’est toutefois pas un gage de qualité et sur le plan de la modélisation comme des fonctionnalités, il ne fait aucun doute que les choses ont bien évolué depuis la sortie du premier Amplitube. Sans parler d’excellents freewares sortis au fils des dernières années, on a vu apparaître de nouveaux concurrents poussant toujours plus loin le réalisme de la modélisation et apportant des fonctionnalités innovantes. Softube, Brainworx, Scuffam, Kuassa, Nembrini, Positive Grid, Overloud ou encore NeuralDSP sont ainsi rentré dans le jeu donnant pour certain un vilain coup de vieux aux dinosaures du marché. Au delà de petites révolutions fonctionnelles (morphing d’ampli dans Overloud TH-U, clonage d’ampli à la Kemper et tweaking très avancé chez Positive Grid BIAS et Peavey ReValver), force est de constater que les modélisations ont grandement gagné en réalisme, au point de surprendre souvent les aficionados du bon vieux matériel : fini le Hi-Gain avec un son nid d’abeille dans le haut et aucun bas, et surtout boujour le respect de la dynamique avec des simulations qui réagissent réellement aux attaques plus ou moins fortes du guitariste, ce qui est manifeste dans les registres clean et crunch… Technologiquement, on a vu enfin apparaître un consensus autour de l’usage de convolution pour simuler le rendu des baffles de manière crédible.
Bref, Amplitube a dû et se doit encore de faire face à tout cela pour rester dans la course, comme il a dû moderniser son interface et son ergonomie au fil des versions, cette v5 marquant une transition majeure sur ce point…
Une refonte qui fait du bien
L’interface du logiciel a en effet été complètement repensée tant sur le plan technologique vu qu’elle est maintenant librement redimensionnable pour la version standalone (mais pas pour la version plug-in, du moins sous Studio One) et qu’elle gère les écrans Retina sans pour autant sacrifier au look photoréaliste qui a toujours été le parti pris d’IK.
Au-delà de ce détail, le développeur a surtout opéré une grosse réorganisation de l’ensemble avec un navigateur de composants sur la partie droite (amplis, pédales, enceintes, micros, etc.) tandis qu’à gauche on trouve en bas l’aperçu de la chaîne de traitement et en haut la visualisation du maillon en cours d’édition. L’usage de graphismes vectoriels réduit très nettement l’impression de fouillis qu’on avait sur Amplitube 4 : c’est une très bonne chose. Le navigateur de presets fait lui aussi peau neuve avec quelque chose de plus évolué que par le passé : recherche multicritère, filtres, catégories…
C’est là aussi un progrès à noter car Amplitube propose des milliers de presets, même si on est loin de la perfection : pas d’exclusion de tags, pas de possibilité de chercher par types d’effets (voir tous les presets utilisant un chorus ou tremolo par exemple) et surtout la désagréable surprise de voir que dès qu’on ferme la fenêtre du plug-in, les filtres sont réinitialisés.
Bref, il y a encore une marge de progrès sur ce point, même si l’on appréciera qu’il soit enfin possible de ne pas afficher les presets ou les matériels issus du Custom Shop et dont on ne possède pas la licence. Cela avait autrefois un côté vente forcée absolument insupportable… Soulignons-le à ce propos : l’espace de vente a fait lui aussi l’objet d’une refonte pour être plus pratique, plus ergonomique et que vous dépensiez mieux et plus vos sous…
Le design comme l’ergonomie sont donc en net progrès, mais pour faire face au concurrents, vous vous doutez bien qu’IK ne s’est pas arrêté à ce ravalement de façade. Et c’est bien au niveau des modélisations et des fonctionnalités que se passent les choses les plus intéressantes de cette version 5.
Les IR de demain
Comme dit plus haut, il y a aujourd’hui un véritable consensus autour de l’usage de réponses impulsionnelles et de processeurs à convolution pour simuler le rendu des enceintes. Et comme Amplitube était à la traîne dans ce domaine, c’est sur ce point précis qu’IK a déjà porté ses efforts. Cela passe par une techno propriétaire répondant au doux nom de VIR™ pour Réponse Impulsionnelle Volumétrique.
Derrière ce nom se cache en fait une technique bien bourrine qui n’est pas dans rappeler la démarche exhaustive de Two Notes avec son Torpedo. IK a en effet multiplié les réponses impulsionnelles pour vous donner toute lattitude dans le placement. De la sorte, on dispose de 600 IR par haut-parleur, soit 2400 pour un 4×12 ! Cela est d’autant plus impressionnant que c’est combiné à un nombre conséquent de micros, ce qui a poussé l’éditeur à construire un robot pour réaliser ses mesures. Et tout cela a été réalisé sur 100 enceintes, atteignant le nombre vertigineux de 143 000 IR réalisées… Bien évidemment, si vous ne trouvez pas votre bonheur dans tout cela, vous pouvez enfin importer vos propres IR et c’est tant mieux car il n’est toujours pas possible de placer un micro derrière l’enceinte par exemple…
Autres grande avancée fonctionnelle : la chaîne de votre rig est désormais beaucoup plus flexible avec des dispositions en série ou en parallèle (jusqu’à trois chaînes), la possibilité de prélever le signal direct, et tout cela en quelques clics. On n’est certes pas au niveau des possibilités de split offertes par un Guitar Rig, mais il y a vraiment de quoi faire pour se bricoler un gros son ou un son bien complexe en jouant sur tout cela.
Reste enfin à évoquer le nerf de la guerre pour IK, à savoir les nouveaux composants qui sont au nombre de 29 en plus des 100 enceintes dont nous parlions : 2 pédales (Tech 21 SansAmp, MXR Distortion+), 6 amplis (PRS Archon 50, Friedman Pink Taco PT-20, Aguilar DB750, Aguilar DB410, Bogner XTC 3534, Diezel VH4) et 19 racks d’effets issus de T-RackS (Black 76, White 2A, Plate Reverb, Hall Reverb, Inverse Reverb, Room Reverb, Shimmer Reverb, EQ 81, EQ PA, Saturator-X, Model 670, Vintage EQ-1A, EQ PG, Auto Pan, Tape Cassette, AM Modulator, FM Modulator, Filter Formant, Filter Phaser) auxquels s’ajoutent deux nouvelles pièces (salle de bain et métro).
Mais l’éditeur en a aussi profité pour faire évoluer tous les anciens amplis d’Amplitube, sur le plan graphique évidemment, mais aussi et surtout sur le plan du son avec une structure de gain interne optimisée et une meilleure interaction entre ampli de puissance et haut-parleur supérieure. C’est en tout cas ce qu’on nous promet. Reste à voir tout cela sur le terrain !
Le son du tube
Les nouvelles simulations de cette V5 comptent évidemment parmi les plus abouties et Amplitube n’a pas à rougir face à ses concurrents sur ce point, d’autant que la simulation de pièce comme la technologiqe VIR rendent vraiment bien.
- Amplitube 5 Pop Punk00:15
- Amplitube 5 Tele & Strat00:58
Quant à ce qui est de la mise à jour des anciens amplis, il est assez dur de se prononcer vu que le nouveau système d’IR fait parfois une grosse différence à presets équivalents, et parfois s’avère moins déterminant. Voyez ce que ça donne avec un preset de la vielle collection Jimi Hendrix en V4 puis V5 qui propose quelque chose de nettement plus roomy et grave, et un autre preset de la London Collection apparue en V4 et qui, comme vous le voyez, change peu en V5…
- HendrixAMPLITUBE400:27
- HendrixAMPLITUBE500:27
- LondonAMPLITUBE400:27
- LondonAMPLITUBE500:27
Venons-en à la phase plus critique de ce test, car si cet Amplitube ne manque pas de qualités et qu’il est une excellente mise à jour de la V4, il n’est reste pas moins critiquable sur plus d’un point.
Les limites du concept
Le problème à l’usage, c’est déjà qu’on est face à une certaine hétérogénéité des presets comme des composants modélisés : parfois, ça sonne vraiment bien, et parfois beaucoup moins bien, parce que certaines émulations accusent leur grand âge : un tour dans le répertoire Legacy suffit à se rendre compte que bien des presets et des modélisations issus des anciens Amplitube sont dispensables… On se retrouve par ailleurs avec des niveaux de volume variant grandement d’un preset à l’autre : ici on a un son normal, là il est quasi-inaudible et il faut pousser à fond l’entrée du plug pour pouvoir l’utiliser. Enfin, on a trop souvent toute la difficulté du monde à trouver ce qu’on cherche en l’absence d’un navigateur mieux pensé. Nous proposer des filtres par configuration de micro sans penser à en proposer pour les types d’effets utilisés est assez déroutant vu que quantité d’utilisateurs n’ont qu’une seule guitare alors qu’ils seront sans doute plus intéressé d’un moyen de trouver vite fait bien fait un preset comprenant un delay, un tremolo ou encore une wah.
Au-delà de ça, s’il ne fait aucun doute que le jeu des variantes combinatoires fera plaisir aux dingos du pedalboard, à essayer laquelle de la douzaine de pédales wah wah sonne le mieux dans tel contexte, cette profusion pourrait en agacer d’autres. À l’heure où Neural DSP cartonne en proposant peu de choses dans chaque plug-in mais de qualité, simplifiant les choix du guitariste, IK nous place face à une multitude de matos dont on n’a pas forcément besoin, d’autant qu’on n’est pas face à quelque chose d’exhaustif non plus : pas de Klon ni de Bluesbreaker par exemple. On m’objectera que les versions basiques d’Amplitube sont là pour cela : certes, mais même dans ces dernières, on a déjà l’impression d’avoir trop de choses. Tout cela n’est évidemment pas répréhensible car c’est le concept même de ces simulateurs généralistes que de proposer beaucoup de chose et que le logiciel d’IK Multimedia fera malgré tout le bonheur de plus d’un utilisateur en produisant des pistes guitares parfaitement convaincantes une fois dans le mix, mais il faut juste le souligner : le parti pris du logiciel ne le destine pas à n’importe qui, surtout à plus de 700 euros qui en fait l’ampli virtuel généraliste le plus cher du marché et de loin. Cette somme est peut-être défendable en regard de la richesse d’Amplitube 5 MAX, mais tout le monde ne valorisera pas forcément cette orientation quantitative, d’autant que comme nous l’avons souligné, certaines choses ont vieilli.
Conclusion
Corrigeant certains défauts que l’on reprochait aux précédentes versions, progressant significativement sur les plans technologiques comme fonctionnels et améliorant le son de l’ensemble des amplis, cet Amplitube relance de belle manière IK Multimedia sur le marché des grosses Berthas de l’amplification où s’affrontent Guitar Rig, ReValver, BIAS et TH-U. Plus ergonomique que jamais, il a pour lui son énorme catalogue de pédales, d’amplis, de traitements et d’enceintes qui raviront tous les obsédés du rig et les collectionneurs virtuels. Cette qualité est aussi toutefois l’un de ses plus grands défauts : qui a besoin d’avoir 107 amplis et 107 pédales et 44 racks pour jouer de la guitare sinon un parfait candidat pour un diner du mercredi soir ? Et cette question se pose d’autant plus qu’en matière de modélisation, à conserver des choses très anciennes, Amplitube 5 alterne souvent le meilleur avec le beaucoup moins meilleur.
On rêverait presque d’un bon coup de plumeau sur tout cela pour que le logiciel gagne en densité : ne garder que le meilleur (soit le plus récent) et débarrasser par ailleurs le soft de fonctions relativement superflues qui en font une usine à gaz (la présence d’une STAN dans la version autonome demeure à ce titre très discutable). Cela profiterait notamment à la gestion des presets qui, en dépit d’indiscutables progrès, reste toujours perfectible : même avec le nouveau navigateur, on a trop souvent besoin de partir à la pêche en écoutant l’un après l’autre des presets de qualité ou de niveau hétérogènes…
Ces reproches mis à part, force est d’admettre qu’Amplitube 5 surpasse Amplitube 4 sur tous les plans et qu’il a repris des belles couleurs face aux jeunes loups, grâce notamment à son routing plus flexible et son nouveau système d’IR qui apporte un véritable plus au niveau du réalisme. Par rapport aux simulateurs plus épurés qui sont à la mode actuellement, force est d’admettre qu’Amplitube est en outre extrêmement polyvalent. Les fans de la V4 auront donc tout intérêt à s’offrir la mise à jour, tandis que les autres téléchargeront la démo pour se faire une idée. IK Multimedia a fait le taf en tout cas : bravo pour cela !