Après le simulateur d’ampli (et d’ampli seulement) BIAS Amp 2, Positive Grid nous propose fort logiquement la seconde version de sa simulation d’ampli avec effet, BIAS FX 2, et en profite pour corriger nombre de petites choses qui nous avaient gênés dans sa première mouture.
Pas facile de faire son trou dans le domaine des simulations d’amplis guitare logicielles : en marge des leaders de marché historiques (Amplitube, Guitar Rig, ReValver, Overloud TH, etc.), il existe en effet un nombre assez conséquent de plug-ins couvrant à peu près tous les besoins pour à peu près tous les budgets, y compris un paquet de freewares tout à fait excellents (LePou, etc.). En passant par la petite porte des applis iOS, Positive Grid est toutefois parvenu à convaincre nombre d’utilisateurs, en combinant des modélisations relativement abouties avec quelques idées neuves intéressantes, fussent-elles inspirées de ce qui se passait dans le monde du matériel où Kemper et Fractal Audio sont venus concurrencer Line 6, longtemps resté leader du domaine (Positive Grid s’est d’ailleurs lancé dans le monde du hardware avec BIAS Head). C’est ainsi que BIAS Amp fut un des premiers logiciels à permettre le clonage d’ampli, tandis que la qualité globale des modélisations, les possibilité de tweaking façon ReValver et enfin la possibilité d’échanger des presets avec la communauté d’utilisateurs (avec pré-écoute en ligne, s’il vous plait) figuraient au nombre des qualités de BIAS Amp. Ne manquait en définitive à ce dernier que les effets, ce que Positive Grid ne tarda pas à ajouter… en sortant BIAS FX.
Tandis que certains concurrents comme Blue Cat ou Overloud proposent généralement un seul et unique plug-in pour tout faire (amplis, effets, simulation diverses, clonage), Positive Grid a ainsi choisi d’étaler sa gamme à l’excès avec BIAS Amp d’un côté (pour la simulation d’ampli pointue, mais dépourvue de tout effet) et BIAS FX de l’autre (reprenant les mêmes modélisations d’ampli mais troquant les fonctions avancées de BIAS Amp pour une section d’effet). Les deux logiciels phares sont ensuite déclinés en trois versions (Standard, Pro, Elite) et complété par divers packs de presets ou d’effets, ce qui donne lieu à divers bundles dont il est bien difficile de comprendre la cohérence. De fait, vous aurez beau acheter la version Elite de BIAS FX à 300 $, vous ne disposerez pas pour autant d’un logiciel avec toutes les options activées, ce qui s’avère d’une part décevant à l’achat, mais surtout particulièrement agaçant lorsqu’on se rend compte que l’offre de l’éditeur est relativement imbitable. Si la copie du côté du marketing est donc à revoir, voyons ce qu’il en est du logiciel lui-même que nous testons ici dans sa version Elite et qui inclut donc le logiciel BIAS Pedal (Car oui, il y a aussi un BIAS Pedal…).
Vous pouvez découvrir cela avec nous en vidéo ou dans le texte qui suit :
Retrouvailles
Disponible en plug-in aux formats VST/AU/AAX ou en version autonome, BIAS FX 2 reprend le même système de protection en ligne que son prédécesseur, ce qui implique l’usage d’une connexion Internet et occasionne un temps d’attente au lancement du plug-in. La chose n’a rien de rédhibitoire mais on se passerait bien des quelques secondes que le logiciel prend avant d’être opérationnel. Passé ce petit laps, l’interface qui nous accueille s’avère assez plaisante dans la mesure où elle est une amélioration de celle du premier BIAS FX qui était plutôt réussie. Il n’y a toutefois rien de très original là-dedans, son organisation reprenant l’ergonomie classique de pas mal de simulateurs d’ampli : les deux tiers supérieurs de la fenêtre sont occupés par un aperçu photoréaliste de votre chaîne d’effets, tandis que le bas est dévolu à l’édition de l’élement que vous avez sélectionné dans le rig virtuel. Il n’y a rien à reprocher à tout cela en termes de graphismes comme d’ergonomie, vu qu’on active, désactive, déplace et remplace aussi facilement les éléments qu’on les édite. On sera en outre ravi de voir que Positive Grid semble avoir retravaillé son gestionnaire de presets, un des grands points faibles de BIAS FX 1.
La joie concernant cet aspect est toutefois de courte durée car si l’éditeur a ajouté des options de tri basique (par date, auteur, etc.) et un moteur de recherche qui manquaient à BIAS FX, force est de constater qu’on est encore loin d’un navigateur vraiment efficace. En l’absence d’un système de tags ou d’attributs, le moteur de recherche qui ne gère pas l’Instant Search (il faut presser Entrée pour valider la recherche) ne remontera ainsi que trois presets sur le mot-clé ‘Clean’ : ceux qui contiennent le mot ‘clean’ dans leur nom et seulement ceux-là. Et comme on nous propose des catégories par genre musical mais pas par type de son, nous voilà bien embêté lorsqu’on cherche un simple son crunch. Bref, il y a encore du chemin à faire de ce côté et il est rageant de voir l’éditeur peiner sur un détail aussi simple quand il propose depuis toujours un système de partage de presets réellement abouti : en cliquant sur le petit nuage du coin supérieur gauche, on accède en effet à des myriades de patches réalisés par les utilisateurs avec la possibilité d’une pré-écoute en temps réel sans même devoir charger le patch : c’est très agréable.
L’examen attentif du reste de l’interface est l’occasion de découvrir plusieurs nouveautés, à commencer par l’ajout d’un looper permettant de boucler jusqu’à 16 mesures de son ou de fonctionner sans limite de temps. L’ajout est d’autant plus appréciable que l’outil est simple à utiliser avec son tap tempo, ses fonctions d’overdub et la possibilité de prélever le signal avant ou après traitement.
Seul vrai hic à l’heure où nous écrivons ces lignes : le pilotage MIDI du logiciel n’est toujours pas intégré, ce qui nuit partiellement à ce module (un système de décompte permet de palier cette lacune) comme au reste du soft d’ailleurs. Il s’agira d’ailleurs de voir si la mise à jour promise par l’éditeur apporte des progrès par rapport à BIAS FX 1 qui n’était pas irréprochable sur ce plan vu que son mode MIDI Learn était l’un des plus laborieux du marché, ce qui ne simplifiait ni le contrôle en live ni les automations.
Passons sur ces détails pour nous intéresser à ce qui compte le plus : la partie simulation.
À vos rangs FX !
Sur ce point, BIAS FX se limite toujours, comme la plupart de ses concurrents, à ne gérer au mieux que deux chaînes d’effets. Cela contentera la plupart des guitaristes, même si l’on regrette de ne pas disposer des possibilité infinies de split qu’on trouve dans le vieux Guitar Rig, autrement plus intéressant pour faire du sound design sophistiqué. On notera toutefois l’introduction d’une nouvelle fonction Scene qui, en marge des Quick Snap qui permettaient déjà de stocker jusqu’à huit rigs différents pour un même preset, servent à stocker quatre différents états de ce dernier que l’on peut nommer et dans lesquels on peut activer ou désactiver les différents éléments de la chaîne (mais pas leur routing ni le choix des élements, ce qui reste le privilège du mode Quick Snap). L’idée n’est pas mauvaise même s’il n’était peut-être pas utile de déployer deux outils pour des fonctions assez proches en définitive, ce qui tend à compliquer l’interface pour pas grand chose.
On ne s’attardera pas toutefois sur ces petits détails pour évoquer l’une des fonctionnalités phare de cette nouvelle version : le Guitar Match. La promesse de ce dernier est en définitive la même que celle des Variax de Line 6 : il ne s’agit pas seulement, comme avec le Re-Guitar de Blue Cat, de simuler des micros mais d’émuler intégralement le son de guitares. De fait, à partir d’une Strat, vous pouvez a priori simuler une Les Paul, une Tele ou une 335.
La chose passe par un assistant qui vous guidera dans le calibrage de chacun des micros des guitares sources. C’est plutôt bien pensé ergonomiquement, même s’il faut l’avouer : la promesse n’est pas pleinement tenue à l’arrivée.
Comprenez par là qu’à la manière d’un Re-Guitar dont le propos était plus humble (simuler des micros et des micros seulement), on entend bien ici que le logiciel modifie la courbe de fréquence du signal et son niveau, mais qu’à aucun moment on ne se rapproche du niveau d’un système Variax ou VG. Du coup, dans le meilleur des cas, une Tele pourra sonner plus fort, plus sourd et plus grave pour se rapprocher d’une Les Paul, mais ne parviendra jamais à faire vraiment illusion. Et le problème, c’est que le système a en outre une fâcheuse tendance à mettre le paquet dans les aigus et les haut médiums, ce qui ramène du bruit et des un son bien agressif. Le Noise Gate proposé par le logiciel a beau être efficace, on se retrouve donc à ne pas trop utiliser ce Guitar Match qui n’est pas la fonction phare qu’on attendait. Je vous laisse quelques exemples réalisés à partir de ma téle même si je vous invite à tester la chose par vous même via la version d’évaluation.
- telemanchesource(3)00:13
- jazzmastermanche00:13
- 335manche00:13
- stratmanche00:13
- lespaulsim00:13
En revanche, on appréciera l’ajout de quantité d’effets dans l’arsenal de pédales et de racks, qu’il s’agisse de la réverbe à ressort qui s’en sort correctement, du Binson Echorec qui permet de réaliser des textures plus bruitistes, ou de choses plus inédites encore dans BIAS FX : une simulation de Leslie, un wah-wah relativement complète et un harmonizer qui vous ouvre la porte à pas mal de choses, des simples transpositions à des séquences plus barrées. Complétant tout cela, on a en outre droit à un nouveau compresseur API, mais aussi un chouette Chorus : bref, il y a de quoi faire même si, comme nous l’avons précisé, nous ne somme pas face à une intégrale avec cette version Elite. On regrettera aussi que les effets ne disposent pas de leurs propres presets. Par ailleurs, si la facture de tout ce petit monde est bonne dans l’ensemble, soulignons que nous ne sommes pas au niveau de ce qu’on trouve de mieux dans des plug-ins dédiés (je pense à la Leslie ou au Chorus d’UVI, mais aussi aux réverb qu’on trouve chez des spécialistes, de Valhalla à PSP pour les réverb en passant par… Overloud pour l’Echorec).
Enfin, on appréciera grandement les progrès réalisés sur la partie Baffle puisqu’en plus du SM57 et du C414, on dispose désormais aussi des micros MD421 et d’un Royer à ruban, mais aussi et surtout parce qu’outre les réponses d’enceintes intégrées au logiciel, un module nous permet enfin de charger nos propres IR. Les progrès sont donc indéniables, même si cela ne suffit pas forcément à louer BIAS FX comme le produit parfait.
Conclusion
On ne change pas une formule qui marche et quatre ans après sa première mouture, BIAS FX 2 nous revient avec suffisamment de nouveautés pour que les possesseurs de la première version soient motivés à se payer la mise à jour. Ce ne sera pas tant pour Guitar Match qu’ils le feront, vu que ce dernier est loin de tenir ses fabuleuses promesses, mais plutôt pour mettre la main sur toujours plus d’effets, un looper et quelques petites évolutions ergonomiques et fonctionnelles intéressantes (Scenes, possibilité de charger des IR, etc.).
Quant à savoir si BIAS FX est le champion de sa catégorie, disons qu’il pourrait l’être en raison de la qualité des modélisations qu’il propose et de sa simplicité d’utilisation mais qu’un certain nombre de détails noircissent le tableau. Outre les bugs (petits mais suffisamment nombreux pour agacer), le fait que le MIDI ne soit pas encore implémenté (et s’il l’est comme dans BIAS FX 1, ce ne sera pas très intéressant), le navigateur de presets toujours très insuffisant sur le plan fonctionnel et les presets même qui n’ont rien de folichon, il y a déjà de quoi froncer les sourcils. Mais ce qui plombe le plus le logiciel tient à l’offre marketing de l’éditeur qui est non seulement relativement dure à comprendre (entre les packs, les bundles et les différentes déclinaisons des plug-ins, on s’y perd), mais repose aussi sur des prix qui nous semblent un brin surévalués en définitive. Pour tout avoir (BIAS Amp, FX, Pedal, les packs de presets… mais pas toutes les IR Celestion), il vous en coûtera la rondelette somme de 700 $, ce qui est plus de deux fois plus cher que la concurrence sans qu’on comprenne bien ce qui justifie ce tarif.
Bref, il y a suffisamment de bonnes et de mauvaises choses dans ce BIAS FX pour qu’on attende impatiemment la suite, en espérant que Positive Grid saura travailler sur ses lacunes et, qui sait, nous proposer un BIAS tout court à un prix mieux étudié.