Quand une marque aussi sérieuse que Audient sort un double préampli micro avec circuit simulateur de tubes, réglage de phase variable et sorties numériques à 750 € TTC, on se dit que ce genre de produit peut intéresser plus d’un home-studiste. Alors, déception ou révélation ?
Le Mico, puisque c’est le nom de l’engin, se présente dans un boîtier large d’un demi-rack assez profond et haut d’une unité. Un produit compact et léger qui prendra peu de place dans un home-studio à l’espace compté et s’emportera facilement avec une solution d’enregistrement nomade.
Évidemment, l’alimentation est externe, mais pas de transfo-prise ici, si incommode. C’est un câble avec prise deux broches qui vient rejoindre un petit boîtier lequel alimente le Mico par un fil de bonne longueur. On peut regretter que Audient n’ait pas jugé bon d’intégrer à sa façade des poignées, fussent-elle amovibles, pour préserver les contrôles lors de transports. Si ceux-ci sont fréquents, il faudra mieux offrir un écrin à son Mico. D’autant que celui-ci mérite des égards : son esthétique est particulièrement réussie avec un look pro sans l’austérité généralement de mise. Avec sa façade en métal brossé, ses potards chromés (en métal) et ses boutons poussoirs lumineux colorés, l’aspect du Mico est vraiment agréable, voire élégant, que ce soit en plein jour ou dans la pénombre du studio.
Connectique riche
À l’arrière, on trouve deux prises combo jack/XLR pour les entrées audio, deux prises XLR pour les sorties analogiques, une XLR pour la sortie numérique AES/EBU et les prises SPDIF coaxiales, Toslink et WordClock. Car le Mico comporte son propre convertisseur A/N et sort aussi bien du signal analogique que numérique. Sa fréquence d’échantillonnage qui se règle grâce à des DIP-Switchs sur l’arrière (pas la solution la plus pratique si l’appareil est en rack) peut être réglée à 44,1, 48 et 96 kHz ou en synchronisation esclave. Pour peu qu’on lui branche une horloge externe sur l’entrée WordClock, notre joujou peut alors monter jusqu’à 192 kHz. On le voit, le Mico offre beaucoup de souplesse et peut s’interfacer aisément. On note quand même l’absence de toute prise d’insert pour adjoindre un compresseur ou limiteur afin de sécuriser ses prises de risques de saturation.
On retrouve une autre prise en face avant : l’entrée DI en jack permettant de brancher un instrument comme une guitare ou une basse. Le branchement d’un jack sur cette prise bascule automatiquement l’entrée 1 en mode DI et coupe l’entrée arrière. Ensuite, les deux canaux se présentent de façon similaire. Ils ont en commun deux potards rotatifs chromés, dont celui de gauche qui concerne le gain. À gauche de celui-ci, on trouve le bouton pour l’alimentation fantôme 48 V et un Pad de –10dB (hélas inopérant en mode DI). Entre les deux potentiomètres, on a le Vumètre de niveau constitué de 3 diodes jaunes (-36, –12, –6 dB) et d’une diode rouge annonçant le clipping. C’est loin d’être aussi précis qu’un bon vieux Vumètre à aiguilles, mais ça s’avère suffisant à l’usage. Dessous, on trouve deux boutons permettant de régler le coupe-bas. Le bouton gauche coupe à 40 Hz, le droit à 80 et les deux en même temps coupent à 120 Hz. Signalons également un bouton d’inversion de phase et un dernier poussoir pour enclencher la fonction spéciale propre à chaque canal, fonction qui sera réglée par le potentiomètre rotatif droit.
Tout cela est très clair, très lisible et facile d’utilisation. L’illumination des boutons rend immédiatement visibles les réglages en cours. Comme c’est assez serré, il faut un peu de doigté pour tripoter tout cela. Rien de délicat, mais la concentration sur une si petite surface n’offre évidemment pas le même confort que sur un rack complet.
Un bémol : les potentiomètres sont un un peu légers et leurs cabochons ne sont pas à tête ronde, mais aplatie. Ce qui amène à les régler par une rotation de la main. Or, les doigts vont ainsi facilement toucher les autres potentiomètres et les dérégler. Ceci est particulièrement marqué pour les potards de gain, surtout si l’on règle la tranche de la main gauche. On aurait préféré des potards plus fermes qui risquent moins de se dérégler. À défaut, il faudra manipuler les réglages avec précaution.
Le son
Avant d’évoquer les fonctions spéciales, voyons comment le Mico sonne ‘de base’. Réponse : Vraiment bien. Le son est clair, limpide sans être excessivement froid. Tout au plus peut-on lui reprocher un léger manque de caractère, mais est-ce un reproche ? Le son m’a un peu rappelé l’esprit des préamplis RME en un plus chaleureux, peut-être. Ajoutons à cela un rapport signal/bruit vraiment excellent.
Et si l’on veut augmenter un peu l’ampleur et la chaleur, le HMX est là pour ça.
HMX : tube or not tube ?
Le HMX est un circuit ajoutant au signal entrant des harmoniques pour l’enrichir et le colorer un peu comme le ferait un circuit à tubes avec le gain poussé. C’est diablement efficace! Dès qu’on enclenche le HMX, même avec le potard à zéro, on sent le son prendre de l’ampleur et une belle coloration. En poussant le potard, pour peu que l’on ait un niveau d’entrée fort, on va vers une saturation. Je n’ai pas trouvé cependant une si grande palette de colorations sonores, car en poussant trop le réglage du HMX, on tombe assez vite à mon goût dans un résultat salissant trop le son et rendant celui-ci mou, avec une perte de définition. Chose qu’on pourra éventuellement utiliser en effet spécial, mais qui ne passera pas forcément sur toutes les sources. L’excès n’est jamais bon.
Mais le HMX réglé au minimum nécessaire pour apporter une coloration donne un très beau résultat gagnant de façon flagrante en ampleur et richesse tout en restant propre et clair. À noter que le HMX influe uniquement sur le son du premier canal.
Exemples sonores
Toutes les prises de son ont été réalisées en 44100 kHz avec le Mico entrant en SPDIF optique dans une RME Multiface. À part la conversion pour les mp3, aucun traitement (pas même une normalisation) n’a été réalisé.
L’exemple 1 concerne la prise stéréo d’un bouzouki de luthier avec un AKG C414 et un Shoeps CMC5 capsule MK4 avec une variation de phase progressive sur 180 degrés pendant tout l’extrait.
exemple1_bouzouki_variphase_mp3 est une combinaison en mono des deux pistes qui vous permet d’entendre directement l’effet.
Les deux wav exemple1_bouzouki_droit_AKGC414 et exemple1_bouzouki_gauche_ShoepsCMC5_mk4 sont les pistes mono séparées qui vous permettent de reconstituer la stéréo de votre choix.
L’exemple 2 concerne la prise du bouzouki en DI pour une piste et pris avec le C414 pour la seconde. Le fichier exemple2_bouzouki_DI&mic_stereo_mp3 permet une écoute rapide du résultat en stéréo.
Pour la chanson MacAlpine’s Fusiliers, la voix a été prise avec un C414. Le HMX est déclenché au début du second couplet (sur le mot « stripped ») au niveau mini, puis est augmenté progressivement.
Le SM58_HMX a évidemment été enregistré avec un SM58 et permet d’entendre l’effet du HMX, d’abord à niveau raisonnable, puis plus poussé.
chant et bouzouki : Georghe Frederico Loriolescu
Variphase : faites tourner !
La seconde fonction spéciale nommée Variphase est associée au deuxième canal. Elle permet de faire varier sur 180° la phase du signal sur ce canal. C’est la même fonction que celle qu’on trouvait sur l’IBP de Little Labs testée sur AudioFanzine. Je vous invite à lire ou relire le début de ce test pour voir comment cela fonctionne.
Comme sur l’IBP, cet ajustement de la phase se fait par un système de filtre permettant d’effectuer un décalage temporel en fonction de la fréquence. La documentation du Mico (en anglais) rappelle que la priorité reste à un bon placement des micros, l’alignement ‘manuel’ de phases ne devant servir qu’à peaufiner le résultat. Cela marche très bien, comme le montrent les extraits sonores. La modification de phase avec le bouton Variphase permet vraiment de sculpter le son avec un résultat rappelant celui obtenu avec l’excellente IBP. Peut-être même l’effet est-il plus marqué. Comme pour cette dernière, par contre, l’utilisation en home-studio dans une pièce unique pourra être délicate : si la source n’est pas isolée dans une pièce différente des écoutes, il est difficile de faire le réglage à cause du son direct de la source si celle-ci est puissante. Il faudra alors procéder à de multiples essais d’enregistrements qu’on réécoutera avant de trouver le réglage adéquat.
Puisqu’on évoque l’IBP, signalons que même si les deux produits disposent de cette même fonction de Variphase, ils sont très différents. L’IBP est d’abord et avant tout une DI utilisable aussi dans un circuit niveau ligne et ne dispose pas de préampli micro. Inversement, le Mico, s’il dispose d’une entrée DI, ne permet pas de ré-amping et ne dispose pas de sortie ‘buffered’ permettant d’attaquer un ampli ou une ligne d’effets guitare ou basse. Le Mico est donc essentiellement pensé pour l’enregistrement de micros alors que l’IBP est vraiment dédiée aux instruments électriques type guitare ou basse.
Évidemment, on peut enregistrer une basse ou une guitare électrique avec le Mico. Il suffit de la brancher dans l’entrée DI et on dispose du second canal pour reprendre un éventuel ampli avec un micro. Mais cela nécessite l’ajout d’une boîte Y en amont pour pouvoir entrer dans le Mico ET dans l’ampli. Et pour ma part, je préfère le son plus analogique de l’IBP pour cette utilisation spécifique.
Le Mico s’avère par contre très pratique et adapté pour enregistrer un instrument électro-acoustique dont on souhaite utiliser le micro piezo. La sortie de l’instrument est branchée dans l’entrée DI tandis que l’on utilise le second canal pour un micro. Le résultat est alors excellent, d’autant que le réglage de Variphase permet vraiment de sculpter le son.
Conclusion
Le Mico n’est pas parfait et on lui trouve des petits points critiquables. Un des plus importants est l’absence d’inserts. On a évoqué la légèreté des potentiomètres, on peut aussi parler du réglage de gain précis sur presque toute la course, mais devenant assez violent sur la fin. À manipuler avec délicatesse s’il faut chercher du haut gain. De même, on peut regretter que chaque enclenchement de bouton (HMX, Variphase, coupe-bas) génère un petit bruit. Ce n’est pas bien grave, mais interdit tout changement de réglage en cours de prise.
Malgré ces détails, le Mico est un achat qui mérite largement d’être étudié. Quelqu’un déjà bien équipé, obtient ainsi pour 750€ TTC deux préamplis de qualité avec des fonctions réellement utiles, d’autant que le Variphase est utilisable sur une source ligne. Pour celui qui cherche un premier bon préampli, il me semble un choix encore plus pertinent, apportant, pour un tarif raisonnable, qualité sonore, transportabilité et fonctions permettant d’élargir la palette sonore. D’autant que le fait qu’il dispose d’une sortie numérique de qualité permet d’éviter ou retarder un éventuel changement de carte son. Les quelques sacrifices réalisés pour faire du Mico un produit compact et au tarif raisonnable ne doivent pas faire oublier qu’on a affaire à un véritable produit pro tant dans sa finition, sa qualité sonore que ses multiples possibilités. Bref, une petite bête diablement séduisante.