Cette semaine, je vous propose de tergiverser sur l'importance de l'accordage des instruments dans le cadre d'un enregistrement.
Accords et désaccords
Cela peut paraître anecdotique comme sujet et pourtant, il arrive fréquemment que je reçoive des titres à mixer comportant certaines prises d’instruments passablement faux… Et je ne parle pas de fausses notes, mais bel et bien d’un défaut d’accordage. Bien sûr, les technologies disponibles de nos jours permettent généralement de rattraper le coup en limitant la casse, comme par exemple avec le fameux logiciel Melodyne de Celemony. Mais bon, ce n’est pas parce que la médecine moderne permet la réduction d’une fracture que nous allons forcément faire du vélo sans les mains en faisant fi du risque de nous casser un bras, n’est-ce pas ? Gardez toujours à l’esprit ce vieil adage : « mieux vaut prévenir que guérir ». Ainsi, je vous conseille donc vivement de surveiller de près l’accordage de tous les instruments que vous souhaitez enregistrer, et ce avant chaque séance, voire en cours de session à l’occasion d’une pause, en guise de piqûre de rappel. Et j’ai bien dit tous les instruments. En effet, si l’on pense de suite aux basses ou aux guitares lorsqu’il est question de s’accorder, on oublie bien souvent le reste. Or, qu’il s’agisse d’une batterie, d’un violon, d’un piano, d’un ukulélé, d’une clarinette, ou d’une boîte de sardines, tout s’accorde et doit donc impérativement l’être (*).
Alors je sais, une guitare ne peut jamais être totalement juste, et puis ça fait rock 'n’ roll, et un bon musicien est capable de jouer juste même avec un instrument faux, etc. Mais bon, si le côté rock d’un accordage bancal peut passer sur scène, notamment grâce à l’énergie de la performance, c’est essentiellement parce que c’est justement du live. Il s’agit d’une représentation éphémère et le spectateur comme le musicien sont dans l’instant, il n’y a pas de retour en arrière. Alors que pour un enregistrement, l’auditeur pourra réécouter le morceau à l’envi, ce qui rend les imperfections beaucoup plus frappantes. D’autre part, je suis sûr que si l’on demandait à l’un de ces fameux musiciens capables de jouer juste en toute circonstance, celui-ci préférerait tout de même jouer sur un instrument accordé à la base.
Il y a aussi la question de l’enregistrement d’un morceau ne comportant qu’un seul instrument. Dans ce cas-là, nous pourrions croire qu’un accordage relatif est suffisant – comme par exemple avec une guitare dont les 6 cordes peuvent être justes entre elles mais fausses dans l’absolu en regard du sacro-saint La 440 Hz. Cependant, il faut savoir que les personnes souffrant de la malédiction de l’oreille absolue subiront un véritable calvaire à l’écoute de votre chef-d’oeuvre. De plus, imaginez un instant que vous ayez à enregistrer à nouveau une petite portion de ce titre à cause d’un problème quelconque. En l’absence d’une référence fixe telle que notre La, il vous serait alors bien difficile de retrouver exactement le même accordage. Du coup, le petit rafistolage ne pourrait passer inaperçu, surtout avec un morceau pour un seul instrument. Vous seriez donc certainement obligé de refaire la captation dans son intégralité. Plutôt balot, non ?
Autre point que j’aimerais soulever, le mariage entre instruments acoustiques et instruments électroniques. Ces derniers sont, a priori, toujours justes. D’où la nécessité d’être encore une fois accordé pour les instruments acoustiques. Ceci est d’autant plus vrai avec les instruments virtuels. Et comme les VSTi sont de plus en plus fréquents au sein des productions issues des home studios, la conclusion est toujours la même : accordez-vous !
Enfin, sachez que si j’insiste lourdement sur ce point, c’est également parce que des instruments bien accordés sont toujours plus faciles à manier lors du mixage. Autant se faciliter la vie dès le début de la production, ne croyez-vous pas ?
(*) Avant que quiconque ne se dresse tel un justicier devant cette phrase autoritaire, permettez-moi de signaler qu’il est ici question du cas le plus fréquemment constaté. Bien sûr, il y a des exceptions, et pas uniquement dans des styles musicaux « exotiques » ou « savants », j’en veux pour preuve le son de piano « honky-tonk » que l’on peut entendre dans des productions de musiques actuelles. Mais vous comprenez bien que ce n’est pas l’objet de la discussion du jour.