Pour ce dernier épisode consacré à l'enregistrement du piano droit, nous allons brièvement évoquer l'épineuse question de la captation impliquant l'utilisation de plusieurs techniques en simultané…
Double mixte
Comme nous l’avons vu au cours de ces dernières semaines, toutes les techniques de prise de son ont leurs avantages et leurs inconvénients. Ainsi, il est donc naturel de vouloir les combiner afin de tirer le meilleur parti de chacune d’entre elles… Sauf que ce n’est bien entendu pas aussi simple que ça, puisque des problèmes liés à la corrélation de phase entre les différents signaux vont inévitablement venir mettre leur grain de sel dans toute cette histoire. Si vous ne savez absolument pas de quoi il retourne, je vous invite à lire au préalable cette série d’articles qui devrait vous permettre d’y voir un peu plus clair.
Bien, maintenant que nous sommes tous « aware », évacuons rapidement le cas de figure le plus simple : la combinaison de prises monophoniques. Imaginons, par exemple, que vous ayez disposé un premier micro au-dessus de votre piano avec la capsule légèrement à l’intérieur du cadre de façon à capter des attaques franches. Puis, vous rendant compte que le son obtenu manque un tantinet d’ampleur, supposons que vous ayez opté pour un deuxième micro placé derrière votre joujou à une distance suffisante pour laisser le temps aux notes de bien se développer. Eh bien dans un cas tel que celui-ci, il vous suffit d’appliquer les recommandations du chapitre de ce guide consacré à l’enregistrement de la basse et vous devriez parvenir à vous sortir de la panade sans trop de mal.
Est-il aussi simple de combiner des prises stéréo, comme par exemple un couple A/B et un couple XY ? Malheureusement, non. Pour faire court, le mélange de telles captations s’avère la plupart du temps problématique car chaque paire présente une image stéréo différente. Du coup, elles se parasitent entre elles pour un résultat sonore global passablement brouillon. Il est évidemment possible de s’en sortir, mais cela demande un sacré métier, ce qui dépasse largement le cadre de ce guide. En plus, je n’ai personnellement jamais vraiment trouvé ce genre d’exercice probant. Bref, permettez-moi donc de botter en touche pour cette fois afin de pouvoir vous présenter une méthode beaucoup plus abordable et dont les possibilités de rendu me semblent autrement plus intéressantes.
De quoi s’agit-il ? Eh bien tout simplement du mélange entre une prise stéréo (A/B ou XY) et une prise mono. Ici, rien de bien sorcier puisque les problèmes de phase se gèrent aussi « simplement » que lors du mélange entre deux prises mono. Et mine de rien, il y a déjà de quoi faire ! À titre d’exemple, voici des extraits sonores réalisés comme suit :
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Modèle de piano droit U4 dans Pianoteq ;
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Couple A/B formé par une paire de C414 virtuels en mode omnidirectionnel écartés de 70 centimètres et placés devant le piano sous le clavier ;
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Un unique C414 virtuel en mode omnidirectionnel au-dessus du piano avec la capsule légèrement à l’intérieur du cadre.
- 01_Music_AB_FaceLow_414_E70_D3001:23
- 02_Music_414_MonoUp_H-501:23
- 03_Phase_Out01:23
- 04_Phase_OK01:23
- 05_MAP 101:23
- 06_MAP 201:23
Comme vous devez vous en douter, le couple est là pour créer l’image stéréo avec un placement permettant d’obtenir une certaine rondeur dans le bas du spectre, alors que la prise mono devrait garantir une meilleure compatibilité mono avec un placement privilégiant le mordant des attaques.
Sur le troisième extrait, le mélange des prises fait fi des problèmes de phase ; d’où un rendu somme toute décevant. Tout rentre dans l’ordre après un alignement pour le quatrième exemple. Il ne reste plus qu’à régler le mélange à son goût, chose faite sur le cinquième extrait.
Pour finir, je me suis amusé en bricolant une dernière mise à plat avec pour seule arme l’automation du volume de chacune des prises. Dans un premier temps, seule la prise mono est présente. Puis, lorsque le jeu se fait plus nerveux, le couple A/B entre en scène avec un mix le poussant en avant par rapport à la prise mono de façon à accentuer la « dramaturgie » de cette petite musique. Enfin, le morceau se termine sur un mélange 80/20 en faveur de la prise mono, histoire de revenir tranquillement à quelque chose de plus calme tout en conservant une certaine sensation d’espace. Intéressant ce que l’on peut faire sans même avoir à dégainer le moindre traitement, n’est-ce pas ?
Sur ce, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un premier épisode consacré à l’enregistrement du piano à queue.