Jusqu'ici, nous avons enregistré notre ligne de basse de deux façons différentes : en direct et en sortie d'ampli via différents micros placés de plusieurs manières. Comme vous avez pu le constater, chacune de ces prises possède une personnalité sonore qui lui est propre, tant du point de vue spectral que du point de vue dynamique. Bref, il y a déjà de quoi faire…
Mais parfois, un seul de ces enregistrements n’est pas suffisant pour retranscrire fidèlement le son que vous aviez en tête pour la composition sur laquelle vous travaillez. Heureusement, il est évidemment possible de combiner deux prises, voire plus, afin de cumuler les points forts de chacune d’entre elles et d’ainsi obtenir « Ze Son »… Encore faut-il prêter attention à un détail de taille : la corrélation de phase entre ces prises.
Phase & Furious
En tant que lecteur assidu des nombreux dossiers proposés par Audiofanzine, vous n’êtes pas sans savoir que le mélange de signaux provenant de plusieurs micros captant la même source sonore engendre des problèmes au regard de la relation de phase entre chacun d’eux. Si ce phénomène peut être exploité de façon créative pour certains instruments, il convient en revanche de s’en prémunir le plus possible dans le cas de la captation d’une ligne de basse. En effet, la basse est un élément clef du groove, une sorte de colonne vertébrale sans laquelle le corps musical s’effondre purement et simplement dans la plupart des cas. Par conséquent, il me semble primordial d’obtenir un son de basse « solide » dès l’étape d’enregistrement. Jugez plutôt :
- 01 Phase Off 00:23
- 02 Phase less Off 00:23
- 03 Phase lesser Off 00:23
- 04 Phase OK 00:23
Ces extraits proviennent du mélange de deux prises réalisées la semaine dernière : l’une via un SM57 collé à la grille de l’ampli basse en plein dans l’axe du HP, l’autre grâce à un C414 placé à environ 20 cm de la grille et pointant vers la bordure externe du baffle. Le premier exemple est clairement inutilisable tant la relation de phase entre les deux signaux détruit le corps du son. Sur le deuxième, ce n’est toujours pas la joie… Le troisième va un peu plus dans la bonne direction, mais le rendu a toujours quelque chose de « faiblard », certaines notes paraissent « vaciller », à défaut d’autre terme. Le dernier sample est, quant à lui, clairement plus « solide », le rendu est « plein » avec quasiment pas d’artefacts. Et plus important encore, il correspond mieux à la réalité du son effectivement entendu lors de la prise, autrement dit, le son que je souhaitais capter à la base. Par conséquent, c’est bien entendu vers ce genre de résultat qu’il faut tendre.
Notez au passage deux choses :
- Premièrement, il est totalement illusoire d’espérer obtenir quelque chose de parfait. Sans rentrer dans des détails techniques, sachez qu’en mixant ne serait-ce que deux sources différentes d’un même instrument, vous aurez forcément quelques artefacts. Cependant, si ces parasites s’entendent plus ou moins facilement lors d’une écoute isolée, ce sera certainement beaucoup moins évident à l’issue du mixage complet de votre titre, si vous faites bien votre travail bien sûr ! Bref, il faudra vous contenter d’aller vers le meilleur, la perfection n’étant pas de ce monde…
- Deuxièmement, je tiens à vous signaler que pour le confort d’écoute de ces extraits, j’ai ajusté le volume de chacun d’eux. Or, en réalité, les problèmes de phase entrainent des variations du volume sonore perçu, ce qui en rend l’identification beaucoup plus facile la plupart du temps.
Bien, maintenant que le problème est clairement posé, penchons-nous sur les solutions.
Comme nous l’avons déjà vu lors d’un précédent article de cette série consacrée à l’enregistrement, la technique du 3:1 est une bonne base de départ. Sauf qu’en ce qui concerne les prises de basse, l’équation ne comprend pas que des micros, il y a aussi l’enregistrement en direct que l’on peut considérer comme étant situé à une distance nulle de la source sonore. Et trois fois zéro, ça fait zéro… Dans ce cas, il est toujours possible de déplacer au petit bonheur la chance le ou les micros que l’on souhaite mélanger à la captation DI jusqu’à tomber sur un placement adéquat… Ce qui peut s’avérer long et fastidieux. Heureusement, il existe des solutions plus efficaces !
Pour commencer, il existe du matériel spécialement conçu pour régler ce type de problème comme par exemple l’IBP de Little Labs, ou bien encore le Phazer de Radial Engineering. En casant l’un de ces joujoux sur le chemin du signal, il est possible d’ajuster la phase de celui-ci de façon continue, voire de cibler la zone du spectre affectée. Ainsi, vous pouvez régler la question dès la prise. Si vous êtes amené à faire fréquemment des enregistrements mêlant prise en direct et captation acoustique d’un même instrument, je vous assure que l’investissement vaut le coup.
Les moins fortunés d’entre vous pourront toujours se contenter de résoudre les questions de phase lors d’une séance ultérieure d’édition audio en recalant les formes d’onde « à la main ». Pour ma part, je trouve cela plutôt hasardeux de remettre la chose à plus tard, c’est pourquoi je vous proposerai une dernière « solution du pauvre » beaucoup plus satisfaisante la semaine prochaine !
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